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répandrai de mon Esprit sur toute chair[1]. »

24. Déjà alors on était donc aux derniers jours ; combien plus nous y sommes à présent, quand même il devrait y avoir encore, d’ici à la fin du monde, autant de temps ou même plus qu’il s’en est écoulé depuis l’ascension du Seigneur ! Cette fin du monde, nous ne la savons pas, parce que ce n’est pas à nous à savoir les temps ou les moments que le Père a mis en sa puissance ; mais nous savons que nous vivons comme les apôtres, dans les derniers temps, dans les derniers jours, dans la dernière heure. Ceux qui ont vécu après les apôtres et avant nous se trouvaient davantage dans ce qu’on appelle les derniers temps, et nous-mêmes nous y sommes plus encore ; ceux qui viendront après nous y seront beaucoup plus, jusqu’à ce qu’on arrive à ceux qui seront, si on peut ainsi dire, les derniers des derniers, et enfin jusqu’à ce jour, tout à fait le dernier, dont le Seigneur veut parler, quand il dit : « Et je le ressusciterai au dernier jour[2]. » Quelle distance nous sépare de ce jour-là ? c’est un secret impénétrable.

25. Les signes prédits dans l’Évangile, comme votre sainteté le rappelle, sont les mêmes selon saint Luc[3], saint Matthieu[4] et saint Marc[5]. Ces trois évangélistes rapportent ce que le Seigneur répondit à ses disciples, qui lui demandaient quand s’accompliraient ses prédictions sur la destruction du temple, et quel serait le signe de son avènement et de la consommation des siècles. Ils ne sont pas en désaccord quant aux choses, quoique l’un dise ce que l’autre passe sous silence, ou qu’il le raconte d’une autre manière ; au contraire, quand on les rapproche, ils se prêtent un mutuel appui, au grand avantage de celui qui lit. Mais en ce moment ce serait trop long de tout discuter. Le Seigneur répondant aux questions de ses disciples, leur fit connaître ce qui devait arriver depuis cette époque, soit sur la ruine de Jérusalem, qui avait été l’occasion de leur interrogation, soit sur son avènement dans son Église où il vient et où il ne cessera de venir jusqu’à la fin ; car on reconnaît qu’il y vient à mesure que de nouveaux membres lui naissent chaque jour : c’est de cet avènement que le Seigneur a dit : « Vous verrez alors le Fils de l’homme venant sur les et nuées[6] ; » et ces nuées sont celles dont le Prophète a dit : « J’ordonnerai à mes nuées de ne plus répandre leur pluie sur elle[7] ; » soit sur la fin du monde, quand il apparaîtra pour juger les vivants et les morts.

26. Il fait donc connaître les signes qui se rapportent à ces trois choses : la ruine de Jérusalem, l’avènement du Seigneur dans son corps qui est l’Église, et son avènement comme chef de l’Église. Mais il faut soigneusement distinguer à laquelle de ces trois choses se rapportent ces signes particuliers, pour n’entendre pas de la fin du monde ce qui regarde la destruction de Jérusalem, ni de la destruction de Jérusalem ce qui regarde la fin du monde enfin pour ne pas confondre l’avènement du Seigneur, dans son corps qui est l’Église, avec son dernier avènement comme chef de l’Église. Parmi tous ces signes, il en est quelques-uns de clairs, d’autres sont si obscurs qu’il est difficile de s’y reconnaître, et téméraire de se prononcer tant qu’on ne les a pas compris.

27. Voici évidemment qui concerne la ville : « Quand vous verrez Jérusalem environnée d’une armée, sachez que la désolation est proche[8]. » Et voici qui appartient bien clairement au dernier avènement du Seigneur « Quand vous verrez approcher ces choses, sachez que le royaume de Dieu est proche[9]. » On ne sait pas si on doit rapporter à la ruine de Jérusalem ou à la fin du monde les paroles suivantes : « Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que ces choses n’arrivent point en hiver ni un jour de Sabbat. Car il y aura alors une grande tribulation comme il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde et comme il n’y en aura pas[10]. » Car voici ce qu’on lit dans saint Marc : « Malheur aux femmes enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que ces choses n’arrivent pas en hiver. Car ce seront des jours de tribulation comme il n’y en a pas eu depuis le commencement de la création jusque maintenant, et comme il n’y en aura pas. Et si le Seigneur n’avait abrégé ces jours, personne n’eût été sauvé ; mais par ces élus qu’il a choisis il a abrégé ces jours. » Saint Matthieu ne s’exprime pas autrement. Saint Luc parle de manière à faire entendre que cela regarde la ruine de Jérusalem, car voici ce qu’il dit : « Malheur aux

  1. Act. II, 15, 16, 17.
  2. Jean, VI, 40.
  3. Luc, XXI, 7-33.
  4. Matth. XXIV, 1-45.
  5. Marc, XIII.
  6. Matth. XXVI, 64
  7. Is. V, 6.
  8. Luc, XXI, 20.
  9. Ibid. XXI, 31.
  10. Marc, I, 23, 24.