Ordonnances générales d’amour


Ordonnances generalles d’amour, envoyées au seigneur baron de Mirlingues, chevalier des isles Hyères.
Étienne Pasquier

1564



Ordonnances generalles d’amour, envoyées au seigneur baron de Mirlingues, chevalier des isles Hyères, pour faire estroitement garder par tous les secretaires, procureurs, postulans et advocats de la Samaritaine, tant en la dicte juridiction qu’au ressort de la Pierre au Laict et autres lieux endependant1 .
À Paris, par Jean Sara, devant les Escoles de decret. 1618.
In-8º.

Genius, par la grace de Dieu, archiprestre d’amour, vicaire et lieutenant general pour Sa Majesté en tous ses païs et contrées, à tous presents et advenir, salut.

Comme de toute memoire, mesme dès le commencement du monde, nous avons pris soubs nostre charge toutes les affaires de nostre grand et souverain prince d’amour, au maniement desquelles nous nous y sommes comportez comme tout bon et loyal vassal est tenu de faire envers son seigneur et patron, toutesfois n’y avons sceu tenir telle main que, par longue traicte de temps, les opinions de nos subjects ne se soient trouvées fluctuantes, pour l’incertitude qu’ils disoient avoir par faute de bonnes ordonnances, disans pour excuse generalle qu’à la verité ils estoient fondez en quelques longues coustumes qu’ils tenoient de père en fils, non toutesfois reduictes et redigées par escrit, au moyen de quoy ils estoient infiniment travaillez, par ce que, lorsqu’il se presentoit quelque different sur l’usage desdites coustumes, ils n’en pouvoient faire la verification par tourbes, d’autant que, selon leurs anciens statuts, ils ne pouvoient à la confection de leurs preuves y employer plus de deux temoins ; nous requerant, pour ceste cause, que leur voulussions bailler par escrit loix et constitutions certaines, afin de tranquilliter entre eux toutes choses, et qu’aucune ne se peut d’icy en avant masquer d’aucun pretexte d’ignorance : — Parquoy nous, enclinans à leurs supplications et prières, mesmement pour satisfaire, en tant qu’à nous est, à l’office et devoir auquel nous sommes appelez, après avoir le tout deliberé meurement avec les gens de nostre conseil estroit, avons, par leur advis, de nostre certaine science, pleine puissance et auctorité qui nous est octroyée par amour, statué et ordonné, statuons et ordonnons, pour loy et edict à jamais irrevocable, ce qui suit :

1. Premierement, pour autant que nostre intention generalle est de bannir et exterminer le vice le plus qu’il nous sera possible d’entre nos subjects, lequel, la pluspart du temps, prend ses racines de la loy mesme, parce que nous ne reconnoissons point le peché, sinon qu’il est prohibé par la loy ; pour ceste cause, declarons que là où ès autres lieux tous legislateurs se debordent en une infinité de prohibitions et defences, au contraire nous entendons estre fort sobres en icelles, et estendre nos ordonnances à toutes permissions honnestes et naturelles, aymans mieux, par telles permissions, recevoir obeissance de nos subjects que par multiplicité de loix prohibitoires les accoustumer à se rendre refractaires et desobeissans à nous par un insticct particulier de leurs natures.

2. Et, par ce que nous desirons establir de fond en comble nostre republique de telle façon qu’il n’y ait jamais à redire, et que ce ne soit qu’un corps composé de plusieurs membres, pour laquelle cause nostre opinion est d’insinuer entre nous sur toutes choses la charité et amour reciproque, voulons et nous plaist que ceste nostre republique sera desormais appellée le Convent de la Charité, dont les supposts seront dicts et nommez confrères, ausquels tous nous enjoignons sur toutes choses de vacquer au contentement des uns et des autres.

3. Ce neantmoins, sur les difficultez qui se sont presentées en ce premier establissement de police, les aucuns des confrères disans que, pour le contentement d’un chacun, il falloit que toutes choses fussent communes, et les autres, au contraire, approuvans seulement le mien et le tien, Nous, pour satisfaire aux uns et aux autres, et suyvre une moyenne voye, n’ostons en tout et par tout la communauté, aussi ne la permettons de tout poinct, mais y etablissons entre deux la compassion, qui sera une reigle à chacun pour sçavoir ce qui luy doit estre propre ou commun.

4. Pour extirper les abus qui ont par cy-devant eu vogue, par faute d’avoir presté par les curez residence actuelle sur les lieux de leurs benefices, il n’y aura autres beneficiers que commandataires et prieurs, dont ceux-là seront mariez et ceux-ci non, ausquels nous enjoignons de resider actuellement sur les benefices dont ils seront jouissans ; autrement se pourront pourvoir les plus diligens encontre eux par devolutz2, sur lesquels benefices ceux-là qui seront en quelque faculté graduez seront tenus d’insinuer leurs nominations en personne, et non par procureurs.

5. Et, toutesfois encore que tels beneficiez facent residence sur leurs benefices, si est-ce que là, et au cas que par maladie, ancien aage ou autrement, ils ne pourront bien et deuement vacquer au fait de leurs charges, ils seront tenus prendre coadjuteurs, vicaires et vicegerantz, ou viportants3 de qualitez requises, pour suppleer le deffaut de leurs impuissances.

6. Comme ainsi soit que le principal but de tout bon legislateur doive estre l’union et concorde de ses subjects en une mesme religion, en laquelle nous voyons pour le jourd’huy les meilleurs esprits bigarrez et partialisez4, n’entendons en rien remuer les anciens statuts qui nous ont esté prescripts et proposez par nos pères, ains, ensuyvant leurs bonnes et louables traces, approuvons les vœux, professions, offrandes, merites et confessions auriculaires, et encores que nous retenions les prières qui se font pour les morts et la veneration des images, si avons-nous en specialle recommandation les prières qui se font pour les vifs et celles qui s’adressent aux images vifves.

7. Et, au surplus, d’autant que nous avons depuis quelques revolutions d’années cognu par experience que plusieurs, abusans du mot de fidelité, l’avoient de religion tourné en partialité, nous, pour obvier à toutes seditions intestines qui nous pourroient estre par telles sortes de mots procurées, exterminons et rejetions5 de nostre convent tous fidelles.

8. Cognoissans que l’une des premières et principalles corruptions de toute republique est l’oysiveté, comme celle par laquelle non seulement tout peché prend sa source, mais aussi sa nourriture et accroissement ; desirant songneusement que ce vice ne provigne6 aucunement entre nous, nous prohibons et defendons toute oysiveté en nostre convent, en quoy entendons que chacun soit si estroit et religieux observateur de ceste loy, que ne voulons qu’il soit proferé aucune parolle oyseuse et sans effect.

9. Ce neantmoins, par ce que nous ne sçaurions du tout estranger les pauvres de nous, suyvant ce qui est escript : Pauperes semper vobiscum habebitis7, nous, pour ceste occasion, ne voulans en rien dementir l’Escripture, ne rejectons d’entre nous les pauvres et mendians, ores qu’ils fussent valides, lorsqu’il ne tient point à eux qu’il ne soient mis en besongne ; et singulièrement recommandons à toutes dames et demoiselles avoir pitié des pauvres honteux qui ne demandent l’aumosne publiquement aux portes, sur quoy nous chargeons leurs consciences. Aussi enjoignons auxdicts pauvres que, s’ils trouvent à estre mis en œuvre, ils s’y emploient fort et ferme ; surtout ordonnons que toutes aumosnes se feront par devotion, et non par police.

10. Pour l’abreviation des procez, nous ostons tous contredictz et reproches entre le mary et la femme.

11. Et pour autant que la malice des plaideurs a introduict plusieurs cavillations8 en practique, faisans, la pluspart d’entre eux, pour la multiplicité des appoinctemens9 qui s’y trouvent, une banque de tromperie ; à quoy nous, desirans couper toute broche10, voulons et nous plaist que doresnavant n’y ait plus qu’un appoinctement, qui sera que les parties se pourront appoincter en droict et joinct, et produire d’une part et d’autre tout ce que bon leur semblera.

12. S’entrecommuniqueront lesdites partyes leurs pièces respectivement, puis se vuydera le procès à huys clos, par compromis et amiable composition ; et à ce faire seront speciallement appellez les vidames11, auxquels nous commandons, et très rigoureusement enjoignons n’aller mollement, ains roidement et rondement en besongne, sur peine de suspension de leurs estats, pour la première fois, et de privation, pour la seconde.

13. Nous n’ostons cependant les consignations ; mais, au lieu qu’elles se payent ès autres endroicts dès l’entrée du procès, seront les partyes tenues de consigner en communiquant leurs pièces.

14. Pour la verification12 des procès, ne seront les espices ostées, mais bien seront reduictes à l’instar qu’elles estoient au temps passé, en dragées et confitures13, à la charge, comme dit est, que ceux qui visiteront les pièces seront tenus de bien et diligemment les feuilleter et approfonder, en sorte que tout se face à la conservation du droict des parties.

15. En toutes les dites matières y aura lieu de prevention.

16. Sur les vacations requises par les gens mariez, avons renvoyé leur requeste pour en deliberer plus amplement à nostre conseil. Toutefois, par provision, et jusques à ce qu’autrement en ait esté par nous ordonné, sera l’arrest des arreraiges requis par les femmes à l’encontre de leurs maris14 en tout et partout executé selon sa forme et teneur.

17. Defendons de faire le procès extraordinaire à quelque personne que ce soit, si ce n’est chez les accouchées15 ou autres bureaux solennels à ce expressement dediez ; ausquels lieux seront traictez et decidez tous affaires d’estat, et signamment ceux qui concernent les mariages inegaux, soit pour le regard de l’aage, des mœurs ou des biens, et pareillement les bons ou mauvais traictemens des maris à l’endroict de leurs femmes, et, au reciproque, des femmes envers leurs maris. Les entreprinses qui se font par unes et autres dames au pardessus de leurs puissances et dignitez, et, à peu dire, toutes telles matières qui regardent tant la police que le criminel. En quoy nous enjoignons et très expressement commandons à toutes dames, damoiselles et bourgeoises, de quelque estat et condition qu’elles soient, vuyder sommairement et de plein telles matières, sans aucun respect ou acception des personnes.

18. Defendons les injures verbales ; permettons toutesfois aux maris, pour la primauté et puissance qu’ils ont dessus leurs femmes, de se pouvoir rire et gausser d’elles en toutes compaignies, à la charge que leurs femmes s’en pourront revencher en derrière.

19. D’autant que la multitude et pluralité d’officiers n’apporte autre chose qu’une confusion en toutes republiques, et ny plus ny moins que la tourbe des medecins est la ruine de nos corps, à ceste cause, avons, par edict perpetuel et irrevocable, cassé, supprimé et annullé, cassons, supprimons et annullons tous estats de judicature, horsmis nostre Parlement et la basse marche des maistres des requestes ordinaires de nostre hostel ; et, au lieu des comtes, prevosts, baillifs et seneschaux, avons retenu les vicomtes, viguiers, vidames, erigeans en officiers nouveaux les vibaillifs et les viseneschaulx.

20. Aussi, recognoissans que la pluspart des procès s’immortalise de jour en autre par le moyen de nos chancelleries, qui furent autrement introduictes pour ayder aux affligez, et non pour couvrir et perpetuer la malice des chicaneurs, avons en cas semblable supprimé et annullé toutes nos dites chancelleries, et se pourvoiront les parties par devant les juges ordinaires des lieux. Interdisons toutefois toutes manières de reliefs16 aux hommes, de quelque aage qu’ils puissent estre, sinon qu’ils veuillent estre declarés niays17. Et quand aux femmes, leur permettons d’estre relevées après bonne et meure cognoissance de cause, c’est à sçavoir, après que leur cas aura esté expedié et depesché par nos vidames, vicomtes, viguiers, vibaillifs et viseneschaux, lesquels, pour le soulagement du public, nous voulons en cest endroit faire estat des maistres des requestes et des secretaires.

21. En continuant les anciens priviléges qui ont esté de tout temps et ancienneté octroyez aux clercs tonsurez et non mariez, les declarons francs et exempts de toutes aides, subsides, et n’y aura que les gens mariez qui seront desormais sujects, tout ainsi comme auparavant.

22. Entre gentilshommes et damoyselles, permettons la venerie, fors que nous leurs defendons et sur toutes choses inhibons de chasser aux grosses bestes.

23. Semblablement defendons, entre toutes les voleries, celle du faulcon.

24. Ne derogeons cependant aux priviléges des gentilshommes, ausquels permettons de fureter aux connils18 dans les garennes, et aux gens de condition roturière dans les clapiers ; et toutesfois n’empeschons aux nobles de chasser quelquefois aux clapiers, ny aux roturiers de chasser aux garennes, selon que les occasions se presenteront.

25. Jaçoit ce que cy-devant, pour les inconveniens et scandales qui sont survenus, nous ayons defendu le port d’armes entre nos confrères, toutesfois, voyant que la plupart d’iceux s’aneantissoient, ce qui pourroit au long aller tomber au grand detriment et dommage de nostre convent, advenant nouvelle guerre, sera à l’advenir permis à chacun de porter pistolets, batons de feu19 pour gibier ; et afin qu’il n’y ait aucun mescontentement, et que les dames et damoiselles ne se plaignent, comme si par nous estoit octroyé plus de prerogative aux hommes qu’aux femmes, voulons qu’elles en portent le rouet.

26. S’il se trouve quelque abbatie, nous l’adjugeons en forme d’espave à celuy qui en sera le premier occupant, sans qu’il soit tenu de la reveler ou communiquer aux gruyer et capitaine de nos forests.

27. Par ce que nous voyons les forests de nostre convent se depeupler de jour à autre par les degradations et mauvais mesnages de plusieurs nos predecesseurs, ce qui est venu en tel excès qu’il y a danger que les bois ne nous defaillent par cy-après ; d’ailleurs la plus grande partie de nos terres a esté employée en vignes, qui tourne au grand interest de tout le public ; nous, pour tenir le moyen à l’un et à l’autre point, defendons de coupper plus bois de haulte fustaye, jusques à ce qu’autrement en ait esté par nous et nostre conseil ordonné ; et au surplus, à l’imitation de quelques anciens empereurs, voulons que la troisiesme partie du vignoble soit arrachée et reduicte en terre labourable20 ; et, pendant cette surseance de coupper, les gentilshommes et damoiselles se chaufferont de serment, et les pauvres de paille ardant.

28. Tous arbres esquels croissent noix21 ou noisettes seront arrachez. Aussi ne seront semez en nos jardins souciz ny pensées.

29. Quant aux jeux et autres recreations d’esprit, nous permettons toutes sortes de jeux honnestes. Entre lesquels recommandons par especial le trou madame, le jeu du billart, tous jeux de dame souz le tablier22, ausquels gardans les severitez, il sera joué à tous jeux, mesme à dame touchée dame jouée ; ne sera joué à la renette23, sinon à qui fait l’un fait l’autre24 ; approuvons semblablement le jeu du fourby et de cubas25, aux cartes, excepté que des cartes françoises nous ostons les picques, tresfles et careaux, retenants seulement les cœurs, et des cartes d’Italie les espées, bastons et deniers, retenans seulement les couppes26, et sera doresnavant le jeu de cartes composé de cœurs, couppes, las d’amours et fleurs. Louons aussi grandement le jeu de paulme, auquel jouant à fleur de corde27, sçaura donner bas et roide dedans la belouse, tous lesquels jeux nous ne rejetons, et autres de mesme marque, moyennant que le tout se face sans opinion d’avarice ou argent, pour laquelle cause, entre tous les jeux, deffendons notamment le jeu de la pille28.

30. Recevons entre gentilshommes et gentilzfemmes les esbats qui leur sont destinez d’ordinaire : jeux de luitte, courre la bague, faire des combats plaisans, à la charge que, s’il se trouve gentilhomme qui refuse, ou d’entrer en la lice, ou de mettre la lance en l’arrest quand l’occasion se presentera, le declarons indigne de porter les armes, et le degradons du tiltre et qualité de noblesse, avecques sa postérité.

31. Et pour le regard des luittes, par ce que les femmes sont ordinairement plus foibles, et qu’il leur est de besoin destourner la force de leurs combatans par leurs subtilitez et engins, permettons seulement aux femmes de bailler le sault de Breton29. Pourront neantmoins les hommes leur donner roidement le crocq en jambe, selon que les necessitez leur apprendront.

32. Authorisons, entre les dances, tous branles, et par spécial les branles gay, et branle double30, branle de la touche31 ; et combien que ce soit chose de dangereuse consequence de permettre aux particuliers, en une republique, d’innover aucune chose, toutesfois nous, pour aucunes bonnes causes et considerations à ce nous mouvans, permettons à un chascun et chascune d’inventer telles diversitez de branle qu’il luy plaira. Aussi advoüons les basses dances et gaillardes ; et sur tout enjoignons à ceux qui pendant les dits branles ne pourront faire l’amour de la langue, le facent de la main et des yeux.

33. Pour ce qu’il n’est en nostre puissance eslongner les guerres de nous, lorsqu’il plaira à Dieu nous les envoyer, voire que le plus du temps elles nous sont suscitées par nostre propre et particulier instinct, n’y ayant celuy de nous lequel n’ait naturellement quelque inclination à conquerre, voire appetons amasser ambitieusement, affectionnez d’autre part d’estre dits vaillans combatans, voulons que ès assaux et batteries des villes il n’y ait aucun de nos soldats qui y ait le bras engourdi, ains face ses approches hardiment, sans rien toutesfois alterer de la discipline militaire. Puis, quand la brèche sera nette et raisonnable, y entrent gayment, et, comme l’on dit, de cul et de teste, sans reboncher, comme s’exposantz à un lict d’honneur. Et neantmoins, afin qu’ils soyent tousjours tenus en haleine, ordonnons que pendant qu’ils pousseront leur fortune dans la dicte brèche, l’artillerie jourra tousjours vigoureusement, vistement et vivement, jusques à ce que la ville soit totalement rendue, auquel cas sera seulement sonné la retraite ; et sur tout inhibons à tous coüarts de s’exposer à tels hazards, sur peine d’estre dicts niaiz.

34. Et par ce qu’il n’y a pas moindre peine et industrie à conserver qu’à conquerir, voire que l’on ne doibt faire aucun estat d’une conqueste, qui n’employe puis après son entendement et estude à la conservation du conquis, voulons que, la ville estant prise, elle soit bien deuëment et diligemment envitaillée.

35. Aussi qu’elle soit encourtinée de tous costez de fortes murailles, ramparts, scarpes et contrescarpes ; et y aura ordinairement gens exprès, lesquels, pour éviter les eschauguettes32 et embuches de l’ennemy, feront sentinelle jour et nuit. Au demeurant, enjoignons qu’il n’y ait si petite forteresse qui ne soit pour le moins flanquée de deux bastions, que les ingénieurs appellent ordinairement coüillons, qui se mireront l’un l’autre, sur lesquels sera l’artillerie braquée, preste à jouer, si le temps et la necessité le requièrent. Toutefois ne voulons plus qu’ès forteresses on y face des faulses braves ; et si le soldat a besoin de confort, le pourra aller chercher chez ses voisins.

36. Deffendons à tous marchans de n’apporter du poivre en nostre convent.

37. Exterminons d’iceluy tous saffranniers33, ensemble tous vendeurs de quinquaillerie34.

38. Sur les remonstrances qui nous ont esté faictes par les damoiselles et bourgeoises, au moyen de quelques drogueries que les marchants vont querir ès païs loingtains, et huilles non aucunement necessaires, espuisantz par ce moyen nos pays et contrées d’or et d’argent, combien que nous ayons les huilles à nos portes, deffendons à tous marchans d’aller achepter huilles ailleurs qu’en nostre bonne ville de Reins.

39. Toutes choses qui sont indifferentes, comme habits et vestemens, ne seront subjects à correction et mesdisance sinon par la bouche des sots, reservé que ceux ou celles qui en introduiront les premières coustumes pourront passer par le bureau et contre-rolle des accouchées, suyvant le privilége qui leur est de tout temps acquis.

40. Et neantmoins, sur les doleances qui nous ont esté faites par les dites damoiselles sur les gros haulx de chausses, disans qu’ils avoient esté expressement inventez pour empescher leur deduict et contentement, joinct que tels habillemens ne servent que d’ypocrisie et de masque, representans par l’exterieur chose grosse et grande, combien que le plus du temps il n’y ait rien ou bien peu dedans ; et au contraire se pleignent les gentilshommes des vasquines35, vertugales et grans devans que portent aujourd’huy les femmes36, nous pour ce sujet en avons osté et ostons la coustume, nous rapportans à la mode d’Italie.

41. Entre les viandes, nous deffendons, ainsi qu’en plusieurs autres païs, le porc, et en outre voulons que l’on s’abstienne du veau, oyson, becasse ; et des herons, defendons principalement la cuisse37.

42. Afin que chacun apprenne de demourer en cervelle et sache rendre raison de son faict, toutes bestes qui se trouveront en dommage seront rigoureusement chastiées, à la charge que, si elles sont surprises sur le fait, les dites choses seront tenües pour non advenües.

43. Et sur tout, deffendons de fascher aux champs les bestes cornües qui se trouveront ombrageuses.

44. Tout ainsi que nous bannissons de nostre couvent les medecins reubarbatifs, ne voulans que l’on en face un estat particulier et exprès, aussi, au contraire, nous ne rejettons pas les medecines, entre lesquels nous approuvons grandement les simples.

45. N’empeschons que, selon les occurences des maladies, de deux simples l’on ne puisse faire une mixtion et composition bonne et saine, moyennant qu’en toute composition l’on y mette toujours six ou sept doibts de casse, en corne et tuyau.

46. Nous approuvons les suppositions, ostons toutesfois toutes seignées, sinon celles qui se feront de la veine d’entre les deux gros orteils.

47. Seront et sont, dès à présent, tous vieux escus, ensemble les grands vieux doubles ducats, descriez, et auront seulement cours entre nous les desirez38, saluts et jocondalles, nobles et marionnettes39.

48. Pour oster toute occasion de rongner les pièces, ne vaudront chascunes pièces que leur poix. Toutes fois si aucun, par une negligence supine40 et prepostère41, est si temeraire d’en prendre sans les pezer, ils ne s’en pourront prendre à justice.

49. Voyant la plupart de nos confrères, par une malediction specialle, tenir conte par dessus tous autres peuples de diamants, rubis, emeraudes et autres sortes de baguenaudes, que la populasse appelle par un abus de langage pierres precieuses, comme si ce fussent reliques, en quoy mesmement nos dits confrères se desbordent de telle façon qu’ils estiment ès dictes pierres resider des effets miraculeux et qu’elles ayent puissance de faire tumber, tant sur le devant qu’en arrière, les personnes qui s’estiment les plus fortes et advisées, nous, pour deraciner tels abus, qui équipollent à une vraye idolatrie, et cognoissans que telles pierres ne vallent que ce que l’œil les estime, afin que d’icy en avant on ne se hazarde si hardiement à en achepter, permettons à un chacun de vendre indifferemment doublet42 et happelourdes43 avec le dit rubis et diamant, et ordonnons que, si aucun par fortune se charge d’une happelourde, il ne s’en pourra prendre qu’à soy-mesme.

50. Sur aultres plaintes et remonstrances qui sont venues par devers nous de la part des dames et damoyselles, exposans qu’il y avoit aujourd’huy une infinité de changeurs qui debitoyent pièces legères et de bas aloy, lesquels toutesfois, par une insolence très grande, ne vouloyent permettre aux vefves et femmes mariées, pendant l’absence de leurs maris, en recevoir de bonnes et de bon aloy, chose contrevenant à tout droict, parce que tant les femmes mariées que vefves doyvent jouyr du privilége de maris : Nous, en attendant autre disposition plus expresse de nous et de nostre conseil, et jusques à ce que autrement y ayons pourveu, cognoissans l’utilité qui provient du change, qui est nommement introduite pour l’entretenement du commun trafique et commerce, sans lequel prendroit bientost fin ceste humaine societé, permettons à un chacun de exercer l’estat de changeur, oultre celuy auquel il est particulièrement appelé ; voulons neantmoins, pour oster la confusion des estats, que chacun vaque à son mestier particulier ès lieux et boutiques publiques ; et, quant à celuy de changeur, en interdisons l’exercice fors ès cabinets, garde-robbes, chambres et salles domestiques et privées ; et aussi à la charge que ceux ou celles qui se voudront mesler de ce mestier seront si dextres et bien apprins, que les autres ausquels ils debiteront leurs pièces les estiment non legières, ains bonnes et loyalles ; autrement leur en deffendons le mestier comme à personnes inhabiles et insuffisantes à exercer iceluy. Si donnons en mandement aux gens tenans nostre cour de Parlement de la Basse-Marche, maistres des requestes ordinaires de nostre hostel, vicomtes, vidames, viguiers, vibaillifs, visenechaux, et à chascun deux en droict soy, et si comme à eux appartiendra, que nos presentes ordonnances ils entretiennent, gardent et observent, et facent inviolablement observer, lire, publier et enregistrer sans venir directement ou indirectement au contraire, sur peine de grandes amandes et punitions corporelles encontre les infracteurs d’icelles, car tel est nostre plaisir. Donné à nostre chasteau de Plaisance, près Beauté, au moys de may mil cinq cens soixante-quatre, et de nostre gouvernement le trentième. Ainsi signé :

Genius.

Et au dessous, par le vicaire et lieutenant general d’Amour, estant en son conseil estroict :

Clopinet.

Et scellé d’un grand scel de cire verde avec un las d’Amour.

Leues, publiées et enregistrées, ce requerant les gens d’Amour, au Parlement de la Basse-Marche, avec modifications contenues au registre de la dicte cour, qui sont telles que quand au cinquiesme article, qui veut que les beneficiez qui se trouveront par maladie, ancienneté ou autrement, ne pouvoir vacquer au deu de leurs charges, prendront coadjuteurs et vicaires ; la cour, en declarant le dict article, ordonne qu’ils ne seront tenus d’en prendre, mais s’ils s’en presentent aucuns pour estre coadjuteurs qui soyent agreables à ceux ou à celles qui y auront interest, en ce cas, et non autrement, ils pourront desservir comme vicaires avec les dicts beneficiers. Et quand au dixiesme article, qui oste les contredicts et reproches entre le mary et la femme, demeurera cest article en surseance jusques à ce que l’on ayt faict plus ample remonstrance au dict seigneur. Au regard du vingt-neufvième, qui veut que l’on joue à dame touchée dame jouée, n’aura ledict article lieu, sinon que du commencement il eust eté ainsi accordé entre ceux et celles qui joueront ; et quant à tous les autres articles, celuy qui usera le moins de ces presentes ordonnances sera estimé le plus sage et trompera son compagnon.

Fait en la ville de Congnac, aux grands arrests prononcez en robbe rouge44, la veille de la solemnité des Roys, l’an mil cinq cens soixante-quatre.

Signé : Pousse Motte45.




1. Ces ordonnances sont une des œuvres gaillardes d’Estienne Pasquier. Il faut les joindre à son recueil de vers sur la Puce de Magdelaine Des Roches (V. notre tome 1er, p. 364), à son Monophile et à ses Colloques d’amour. Elles n’ont jamais été comprises dans ses œuvres complètes. C’est un tort : les éditeurs n’auroient pas dû les renier plus que Pasquier ne les renie lui-même. Dans une Lettre à M. de Marillac, seigneur de Ferrières, conseiller du Roy et maistre ordinaire en sa chambre des comptes (Lettres, liv. 2, lettre 5), il s’avoue gaîment l’auteur de ces folles ordonnances, qu’il avoit faites à un jour des Roys. « Parceque, dit-il à M. de Marillac, pour le present, mettez toute vostre estude à bastir, je vous ai voulu imiter, mais d’une imitation si gaillarde que je me puis bien vanter vous passer de tout poinct : car, au lieu que materiellement dressez palais et chasteaux, pour estre receptacle de vous et de vos amis, j’ay voulu d’un plus haut dessein bastir une republique, et encore republique composée sur un modèle si spacieux qu’elle ne s’estendra point à un seul peuple, comme est l’ordinaire de toutes loix, ains generalement à tous, de quelque estat, qualité, region et religion qu’ils soient. Ce sont les ordonnances d’amour, que je vous envoie, les quelles, sous l’authorité de Genius, archiprestre d’amour, ont esté publiées aux grands arrests tenus la veille des Roys, en ma maison, en presence de nostre roy, en une bien grande assemblée, tant d’bommes que de damoyselles. Vous jugerez, par la lecture d’icelles, si je suis digne d’estre ou chancelier d’un grand monarque, ou grand escuyer des dames, ou l’un et l’autre ensemblement. Voilà de grandes et superbes propositions. Pour le regard de la première, je vous remet devant les yeux ces belles et magnifiques loix, loix que je peux dire, sous meilleurs gages que Ciceron en sa harangue pour Milon, non dictées, ains nées, les quelles nous avons apprises, prises, ou par longue étude acquises, ains qui de la mesme nature se tirent, s’inspirent, et de ses propres mamelles s’espuisent : de manière que je me vanteray que les autres ne sont que masques au regard de celles-cy. Partant, peut-on à bonne et juste raison dire, selon le vieux proverbe françois, que j’y ai bien planté mes seaux ; conséquemment que c’est à moy au quel appartient ce grand estat de chancelier. D’un aultre costé, si vous considerez le sujet et de quelle vivacité j’ay enfourné le faict des dames, il n’y a homme de jugement qui ne me declare digne d’estre leur grand escuyer. » Pasquier ajoute toutefois qu’il se pourra qu’on lui refuse ce dernier titre, « pour quelque impuissance, dit-il, que jugez assez mal à propos estre en moy, par un argument superficiel, c’est-à-dire d’un visage blesme, d’une delicatesse de membres, d’une calotte qui me faict bonne compagnie… Je me conformerai donc en cecy, non à vostre commandement, mais bien au privilége commun des roys et princes, lesquels, pour estre les premiers ordinateurs de leurs loix, se donnent loy de n’y obeyr. » La Croix du Maine (Biblioth. franç., au mot Est. Pasquier) n’oublie pas de mettre cette pièce gaillarde au nombre des ouvrages du grave magistrat. Il l’indique ainsi : « Les ordonnances d’amour, imprimées au Mans et en autres lieux, sous noms dissimulés, le 26e arrêt d’amour. » La Monnoye, dans une note sur ce passage (édit. de Rigoley de Juvigny, t. 1, 185–187), déclare ne pas savoir ce que La Croix du Maine entend par ce 26e arrêt d’amour. « Je ne puis même, dit-il, deviner ce que c’est, n’y ayant en cela nulle allusion aux anciens arrêts d’amour de Martial d’Auvergne, les quels excèdent de beaucoup le nombre de vingt-cinq. » Quant à l’édition du Mans dont parle l’auteur de la Bibliothèque françoise, ce doit être, d’après M. Brunet (Manuel du Libraire, 3, 644), et d’après M. Feugère (Essai sur la vie et les ouvrages d’Estienne Pasquier, p. 208), la même que celle dont voici le titre : Ordonnances generales d’amour, envoyées au seigneur baron de Myrlingues, chancelier des isles d’Hyères, pour faire etroitement garder par les vassaux du dit seigneur, en sa juridiction de la Pierre-au-Lait, imprimé à Vallezergues par l’autorité du prince d’Amour, 1564, petit in-8º de 12 feuillets. Un exemplaire en fut vendu 12 francs chez la Vallière. Selon La Monnoye (loc. cit.), une autre édition, donnée en 1574 « en Anvers, chez Pierre Urbert », porteroit une fausse indication de lieu et auroit été publiée au Mans comme la première. C’est cette seconde édition, dont le titre ne diffère de celui de l’autre que par la mention prétendue fausse citée tout à l’heure, qui a été reproduite par M. Techener dans la 7e livraison de ses Joyeusetez, etc., d’après un exemplaire qu’il avoit acheté dans une vente publique à Londres vers la fin de 1828, et qu’il ne possède plus depuis long-temps. Celle que nous reproduisons, avec son titre et sa date, n’est citée ni par La Monnoye, ni par M. Brunet. M. Feugère l’avoit connue par le Catalogue de la Bibliothèque impériale ; mais, faute de pouvoir s’en faire communiquer l’exemplaire inscrit, il avoit pensé et il avoit écrit : « La Bibliothèque, en réalité, ne possède ni cette édition, ni les précédentes. » Nous avons été plus heureux que M. Feugère : l’exemplaire de l’édition de J. Sara, 1618, a pu nous être communiqué, et nous l’avons fait transcrire avec le plus grand soin, en y joignant tout ce qu’on avoit retranché de l’édition de 1574, c’est-à-dire tout ce qui va de l’art. 48 jusqu’à la fin, et en marquant les variantes de texte d’après cette même édition. — Nous ferons d’abord remarquer les différences qui existent, pour le titre, entre cette édition de 1618 et les précédentes. Sur le titre de celles-ci, transcrit plus haut, il n’est pas question de la Samaritaine, qu’Estienne Pasquier put bien voir, puisqu’il ne mourut qu’en 1615, mais dont il ne pouvoit parler en 1564. Le ressort de la Pierre au let, qui y est indiqué, nous avoit fait penser d’abord qu’Estienne Pasquier habitoit dans les environs de la rue de ce nom, dans le quartier Saint-Merry ; mais, nous étant convaincu qu’il n’avoit demeuré que loin de là, sur la paroisse Saint-Severin et au quai de la Tournelle, nous avons cru voir dans cette indication une simple réminiscence d’un passage de Villon où la Pierre au let est ainsi nommée comme un lieu où toute ordonnance d’amour trouveroit qui régenter. La baronie de Mirlingues est un souvenir de Pantagruel, liv. 3, ch. 36.

2. Dévolu se disoit du droit acquis à un supérieur de conférer tout bénéfice, quand l’inférieur et collateur ordinaire négligeoit de le conférer, ou l’avoit conféré à une personne incapable.

3. Var. de l’édit. de 1574 : personnages.

4. Divisés en partis. Pasquier s’est servi ailleurs de cette expression : « Voyant son royaume partialisé en ligues pour la diversité des religions. » Recherches de la France, liv. 6, ch. 7.

5. Encore une expression favorite de Pasquier. Il a dit, en son Pourparler du prince : « Je serois d’advis de l’exterminer de ceste nostre compagnie. » Sur ce mot, pris dans le sens de chasser, pousser hors des limites (ex terminis), et dont Racine a fait tant de fois un éloquent usage, on peut lire une dissertation dans le Journal littéraire de Clément, t. 2, p. 58.

6. Mot emprunté à la langue des vignerons, qui appellent provin la branche de vigne d’où doivent sortir les nouvelles souches. Pasquier se sert ailleurs du mot provigneur, qui en vient aussi. Il parle, dans ses Recherches de la France (liv. 5, ch. 14), d’un tas « d’escoliers italiens que l’on appelle docteurs en droict, vrais provigneurs de procez. »

7. Var. : habetis.

8. Ruses, subtilités, du latin cavillatio, qui avoît le même sens. On en avoit fait l’adjectif cavilleux, que nous trouvons déjà dans la Chronique de Saint-Denis.

9. Arrangements, accommodements.

10. Couper broche à quelque chose se disoit par allusion au tonneau en perce, dont on ne peut plus tirer le vin quand la broche ou cheville a été coupée. (Dict. de Trévoux.)

11. Ce mot que l’on ne croiroit mis ici que pour les besoins de la gaillardise, se trouve en réalité fort bien à sa place dans une pièce publiée au Mans, ville où le vidame, avoué de l’évêque, jouissoit plus qu’ailleurs d’une grande puissance, et avoit une juridiction très étendue. V. Mémoires des intendants (Maine), art. Noblesse, et Denisart, Collection de jurisprudence, art. Chasse.

12. Var. : visitation.

13. « En France, du commencement, les juges ne prenoient aucun salaire des parties, au moins par forme de taxe, et contre leur volonté : car les espices estoient lors un présent volontaire que celui qui avoit gagné sa cause faisoit par courtoisie à son juge ou rapporteur, de quelques dragées, confitures ou autres espices… À succession de temps, les espices ou espiceries furent converties en or, et ce qui se bailloit par courtoisie et libéralité fut tourné en taxe et nécessité. » (Loiseau, Des offices, liv. 1er, ch. 8.) Estienne Pasquier (Recherches de la France, liv. 2, ch. 4 ) s’est expliqué lui-même sur ce changement du don volontaire en taxe et des espices en argent. « Le malheur du temps, dit-il, voulut tirer telles libéralités en conséquence… Le 17e jour de may 1402 fut ordonné que les espices qui se donneroient pour avoir visité les procez viendroient en taxe… Depuis, les espices furent eschangées en argent, aimant mieux les juges toucher deniers que des dragées. »

14. Nous trouvons dans l’Ancien Théâtre françois, t. 1, pag. 111–128 : Farce nouvelle, très bonne et fort joyeuse, des femmes qui demandent les arrerages de leurs maris, et les font obliger par nisi, etc.

15. M. Le Roux de Lincy, dans son Introduction à notre édition des Caquets de l’Accouchée, a cité ce passage.

16. Reliefs d’appel, c’est-à-dire, en terme de chancellerie, les lettres qu’on obtenoit pour relever un appel interjeté, et faire intimer pardevant le juge supérieur la partie qui avoit eu gain de cause par une première sentence.

17. Sot, dans le sens qu’on donnoit alors à ce mot quand il s’agissoit des maris. « Les frères, ou pour le moins les cousins germains de sot, dit Henry Estienne, sont niais, que le vieil françois disoit nice, fat, badaud. » Apologie pour Hérodote, La Haye, 1735, in-12, t. 1er, p. 28.

18. C’est le vieux mot qui signifioit lapin.

19. « Les mousquets, les fusils, les arquebuses, sont appelés des bâtons à feu. » Dict. de Trévoux.

20. Cet arrêt burlesque de Pasquier fut sérieusement formulé et mis en vigueur au commencement du XVIIIe siècle. « La passion du vin, dit Lemontey, étoit assez répandue ; déjà quelques parlements avoient ordonné qu’on arrachât les vignes plantées depuis 1700. » Histoire de la régence.

21. Pasquier joue ici sur la ressemblance des mots noix et noisettes avec noises (disputes).

22. Variétés du jeu de trictrac.

23. Jeu dont Nicot fait mention au mot Trictrac. Il est cité par Coquillard dans ses Droits nouveaux et par Des Accords. Rabelais le place parmi ceux de Gargantua, et son traducteur anglois nous donne à entendre ce qu’il étoit en l’expliquant par à dames doubles ou à doubler les dames.

24. Ce jeu se trouve aussi parmi ceux de Gargantua, de même que le fourby, qui vient après.

25. Sorte de jeu de cartes dont le règlement fut publié à la fin du XVIe siècle, avec approbation et privilége du roi, chez la veuve Savoye, rue S.-Jacques, à l’enseigne de l’Espérance. « Ce jeu, y est-il dit à la fin, est fort divertissant, et goûté en à part des gens d’épée, qui n’ont vergogne des mots quand il s’agit de gentes choses. »

26. Ces figures existent encore sur les tarots et sur les cartes d’Italie et d’Espagne.

27. On disoit qu’une balle avoit passé à fleur de corde quand il s’en étoit fallu de peu qu’elle n’eût été dehors ; de là l’expression demoiselles à fleur de corde pour désigner des filles prêtes à sortir du droit chemin. (Voir notre édition du Roman bourgeois, p. 30.)

28. Ici, dans l’édition de Jean Sara, se trouve une interversion de pages qui nous fait passer de la 11e à la 14e et du 29e au 38e article.

29. « C’est le saut, la chute d’un homme qu’on fait tomber par un certain tour de lutte. » Dict. de Trévoux.

30. Le branle gay se dansoit par deux mesures ternaires ; le branle double se répétoit deux fois.

31. Nous n’avons pas trouvé celui-ci parmi ceux que décrit l’Orchésographie de Toinot-Arbeau (Tabourot). Peut-être faut-il lire branle de la torche, qui étoit l’un des plus célèbres, et où l’on ne se faisoit pas faute de baisers.

32. Pour espionnages. L’échauguette étoit proprement la tourelle où étoit assise la guette, c’est-à-dire la personne chargée de faire le guet.

33. Pasquier entend par là soit les gens capables de faire banqueroute à l’amour, et dignes d’avoir, comme les autres banqueroutiers, leurs maisons teintes de couleur de safran, soit les amants transis dont Du Lorens a dit (satire 14) :

Tant d’hommes que l’on voit tendres et langoureux
De couleur de safran, sont tous ses amoureux.

34. C’est-à-dire s’amusant aux bagatelles et ne donnant pas marchandise qui dure. « Ce sera une denrée meslée telle que de ces marchands quincailliers, lesquels assortissent leurs boutiques de toutes sortes de marchandises pour en avoir le plus prompt débit. » Pasquier, Lettres, liv. 1er, lettre 1re.

35. Elles commençoient à ne plus être à la mode, au grand désespoir de plusieurs dames. En 1563, il avoit paru à Lyon, chez Benoist Rigaud, une pièce ayant pour titre : Blason des basquines et vertugalles, avec la belle remonstrance qu’ont fait quelques dames quand on leur a remonstré qu’il n’en falloit plus porter.

36. On lit dans l’édit. de 1574 : Remettons ceste matière à nostre conseil estroit pour en estre plus mûrement délibéré avec nos gens d’amour.

37. Le héron est proscrit ici comme étant le plus couard et le moins amoureux des oiseaux. On sait, d’ailleurs, que la cuisse héronnière est le type de la maigreur.

38. Nous ne savons quelle étoit cette monnoie, dont le nom fait du moins supposer la valeur. Le salut étoit une monnaie d’or avec une image de la vierge recevant la salutation angélique ; la jocondale, un dollar de la valeur de trois schellings, selon Cotgrave ; la marionnette, un petit ducat d’Allemagne, d’or de bas aloi.

39. L’édition de J. Sara, 1618, s’arrête ici. Après ce dernier mot on y lit : Car tel est nostre plaisir. Fin.

40. De supinus, qui veut dire couché sur le dos.

41. Contre nature. Montaigne parle des prépostères amours.

42. Fausse pierrerie faite de deux morceaux de cristal taillés et joints ensemble à l’aide d’un mastic coloré.

43. Faux diamant. La Fontaine a dit :

Tout est fin diamant aux mains d’un homme habile ;
Tout devient happelourde entre les mains d’un sot.

44. « Le parlement prononçoit en robe rouge les arrêts les plus importants, qui devenoient ensuite comme autant de règles pour notre jurisprudence. (V. l’Interprét. des Institutes, II, 84, 87 et passim.) On trouve dans les œuvres de du Vair un recueil d’arrêts prononcés en robe rouge. » (Note de M. Feugère.)

45. Ces ordonnances ont été très diversement jugées. Feller, dans son Dictionnaire historique, les traite fort mal. M. Feugère est plus indulgent (Essai sur… la vie d’Estienne Pasquier…, p. 208, note). « Quoi qu’on ait dit de cette pièce, écrit-il, ceux qui prendront la peine de la lire s’assureront qu’elle n’est que joviale. » L’appréciation de M. Sainte-Beuve, dans son remarquable travail sur Estienne Pasquier, me semble la plus juste. « Si l’on vouloit s’égayer, dit-il…, on n’oublieroit pas… ces fameuses Ordonnances d’amour, qui n’ont pas dû trouver place dans les œuvres complètes de Pasquier, et qui sont comme les saturnales extrêmes d’une gaillardise d’honnête homme au XVIe siècle. » — Ce ne fut pas, nous l’avons déjà dit, la seule licence que Pasquier se permit en ce genre ; depuis la publication de notre premier volume, nous avons découvert que l’une des pièces que nous y avons insérées, les Singeries des femmes de ce temps (V. pag. 55) a été inspirée, pour ce qu’elle contient de plus gaillard, par une lettre de Pasquier à M. de Beaurin (liv. 18, lettre 3).