Odes (Horace, Leconte de Lisle)/II/1

1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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L es troubles publics, depuis Métellus consul, les causes de la guerre, les désordres, les changements, le jeu de la Fortune, les funestes amitiés des chefs, les armes

Trempées de flots de sang non encore expiés, c’est ce dont tu traites dans une œuvre pleine de chances périlleuses ; et tu marches sur des feux couverts d’une cendre perfide.

Que la Muse de la sévère tragédie fasse un peu de temps défaut aux théâtres. Bientôt , ayant ordonné l’histoire des choses publiques, tu reprendras ta grande tâche, avec le cothurne Cécropien,

Pollio, illustre appui des tristes accusés, conseiller de la Curie, toi à qui le laurier a fait un honneur éternel par le triomphe Dalmatique !

Déjà tu saisis mes oreilles du menaçant murmure des trompes ; déjà les clairons sonnent ; déjà la splendeur des armes épouvante les chevaux qui fuient et les cavaliers.

Il me semble entendre les grands chefs souillés d’une poussière glorieuse, et tout est soumis sur la terre, hors l’âme farouche de Cato.

Juno et tous les Dieux trop amis des Africains, qui avaient délaissé, impuissants, cette terre non vengée, y ont ramené les descendants des victorieux en victimes funéraires à Jugurtha.

Quelle plaine, engraissée du sang Latin, n’atteste par des sépulcres les combats impies et le bruit de la chute de l’Hespéria, entendu des Mèdes ?

Quels abîmes, ou quels fleuves ont ignoré ces lugubres guerres ? Quelle mer n’a pas été rougie du carnage de la Daunia ? Quelle terre n’a pas bu notre sang ?

Mais, de peur, Muse téméraire, que, délaissant tes jeux, tu prennes pour tâche la chanson lugubre de Céos, cherche avec moi d’autres modes, sous l’antre Dionæen, à l’aide d’un plectre plus léger.