Observations sur les alphabets Zend et Pehlvi

Observations de M. le professeur Rask sur les Alphabets Zend et Pehlvi, communiquées à M. le baron Silvestre de Sacy par M. F. Münter, évêque de Sélande[1].

Le pehlvi a vingt-quatre lettres différentes ; mais comme parmi ces lettres il y en a qui ne sont distinguées de quelques-autres que par des points, ainsi que cela a lieu dans l’écriture arabe, et que ces points sont souvent omis, il semble que le nombre des lettres du pehlvi ne soit pas aussi considérable. Anquetil, par une méprise, en admet davantage. (V. Zend-Avesta, T. II ; Mémoires de l’Académie des Belles-lettres, T. XXXI ; Meninsky, Thesaurus, etc. 2e. édition, préface, pl. 2). La seconde figure du B est fausse : c’est le V ordinaire ou le double W (allemand) que M. Anquetil place sous les nos 18 et 26, et aussi l’O ou l’ou dont il fait le no 24. La première figure de son Kh (خ) se présente rarement, ou même ne se trouve jamais dans les manuscrits pehlvis : elle est prise du Zend-Avesta, ou bien c’est une manière erronée de lire la syllabe pehlvie ان ân, ou la syllabe هو hou, qui ont l’une et l’autre presque la même figure. Son premier D est faux ; ce n’est que le T ordinaire que les Perses d’aujourd’hui prononcent plus mollement à la fin des mots. Son second Z est pareillement faux ; c’est la même chose que ce qu’il présente plus loin sous le no 23, comme ayant la valeur de Zh ou du J français ; mais en cet endroit-là même la figure en est inexacte : il faut supprimer le premier trait, et cette lettre doit ressembler à l’E latin, minuscule. Sous le no 19, il place la lettre K comme une des formes de la lettre H, sans doute parce que dans le pehlvi, le K termine beaucoup de mots qui, dans le parsi, finissent par le H. Du reste, il y a effectivement une lettre qui répond à chacun des numéros de M. Anquetil, jusqu’au no 21. Mais après celui-ci vient le P, ce qui est une erreur : c’est la même chose que le F mis sous le no 12. Ainsi le Zh ou J français, avec la rectification précédemment indiquée dans sa figure, doit être le no 22. L’A long qui chez lui est le no 25, devient le no 23, et le no 24 doit être l’O long, qui a la forme par lui donnée à la dernière figure du no 26 de l’alphabet zend, mais qu’il a omis dans son alphabet pehlvi. Cette lettre se trouve, par exemple, au commencement du Boundéhesch, sur la planche gravée que M. Anquetil a donnée, comme un specimen de l’écriture pehlvie, dans le mot haò (ensuite), et dans d’autres mots. On pourrait la figurer en arabe par le aïn ع et alors il serait facile de se passer de tout l’alphabet pehlvi, et de le remplacer par l’alphabet arabe, en cette manière : ا l’alif surmonté d’un meddah ب ج ت le tcha persan ز ر د خ le je persan ز ح خ ش س ی ه و ن م ل ک. Il n’y a pas de voyelles dans le pehlvi.

Le zend a effectivement quarante-deux lettres, sans compter deux ou trois figures superflues. Voici quelles sont les rectifications à faire à l’alphabet zend qu’a donné M. Anquetil dans les ouvrages précédemment cités. Les deux figures mises sous le no 5 sont deux lettres différentes qui ne sont jamais confondues l’une avec l’autre dans les manuscrits. La première est le K, dur ou Q ; la seconde est la même lettre aspiré Qh, (le ع arabe). La queue, queue, si je puis me servir de cette expression, qui distingue ce Qh, est, dans ce genre de lettres, le signe ordinaire de l’aspiration. Sous le no 6 il y a trois lettres : la première figure est le D ordinaire ; la seconde est le D barré[2] ; les deux dernières sont indistinctement les formes ordinaires du Th. Le no 9 est une S, mais non l’S ordinaire : c’est une consonne qui correspond à la première des trois S samskrits, et qu’on ne peut pas mieux représenter que par le C, parce qu’en passant dans les idiomes de l’Europe, elle se change en Ç ou en K. Le no 10 renferme d’abord l’S ordinaire, ensuite le Sk qui, dans les meilleurs manuscrits, paraît évidemment composé de la figure de l’S et de celle du K, et enfin le Sh (en allemand Sch)[3]. Ainsi açpo est le samskrit açvah (cheval) ; paçous est le samskrit paçoah (bœuf), et le latin equus, pecus. Le no 14, outre le G ordinaire, contient une figure fausse qui n’existe point dans terminaison qu’on peut regarder comme identique avec aous. Au contraire j’ai des doutes sur le mot kshéhioh, roi, (qu’il faudrait écrire qsâhioh), parce que le génitif qsahiohaha est tout-à-fait barbare. Je ne me rappelle point avoir vu aucun mot en io. D’après les règles d’euphonie de la langue, cela devrait se changer en yo, et tous les masculins en yo prenant au cas possessif yėhé, ce qui me semble trop éloigné de la forme iohaha. En général, dans le zend, les inflexions ne s’ajoutent pas ainsi aux nominatifs, comme les postpositions du hongrois ; elles prennent la place de la terminaison des nominatifs, comme en grec et en latin, où, de κύριος et de dominus, on forme κυρίου et domini, et non pas κυρεόσου et dominusi. Voilà ce que j’avais à dire de l’écriture cunéiforme.

  1. Voyez ci-devant, p. 108.
  2. Je pense que, par cette figure, M. Rask veut indiquer un D plus fortement articulé. (S. de S.)
  3. C’est le Ch français, comme dans chose. (S. de S.)