Modèles de lettres sur différents sujets/Lettres de recommandation

Chez Pierre Bruyset Ponthus (p. 390-407).

LETTRES
DE RECOMMANDATION.



INSTRUCTION.



UNe Lettre de recommandation est une Lettre par laquelle nous réclamons en faveur d’un autre la protection dont un homme en place nous honore, ou la tendresse qu’un ami nous a vouée.

On y mêle communément l’éloge de la personne pour qui l’on s’intéresse. C’est justifier ses sentiments pour elle, afin de lui concilier ceux des autres. Ces Lettres ressemblent à bien des égards aux Lettres de demande ; on peut donc leur appliquer ce que j’ai dit de celles-là.

Je n’aimerois pas que la plaisanterie s’y fît trop appercevoir, sur-tout si elle tombe sur celui que l’on recommande. La plaisanterie imprime à tout ce qui a quelque rapport avec elle, un certain ridicule qui fait plus de tort qu’on ne pense. Louis XIV eut de la peine à s’intéresser pour la veuve de Scaron, parce qu’on avoit long-temps plaisanté devant lui, sur les ouvrages & sur la figure de son mari.

Lorsque vous confiez votre lettre à la personne même en faveur de qui vous écrivez, il est poli de la lui remettre avec un cachet volant, pour qu’elle puisse lire tout ce que vous dites d’avantageux sur son compte.

On ne manque guere de prendre des Lettres de recommandation quand on va dans une ville où l’on ne connoît personne : quelque mérite que l’on ait, jamais elles ne sont inutiles. Il y a peu de gens qui puissent répondre comme le Gascon, qui disoit en mettant la main sur son front : Il ne nous faut à nous autres d’autre recommandation que cela.


MODELES
DE LETTRES
DE RECOMMANDATION.



LETTRE de M. Boursault
à M. Quantéal, Docteur en Médecine.


Un Apothicaire qui se donne au diable qu’il est de mes parents, (je me donne au diable si je sais par où) ne jugeant pas les gens de sa patrie dignes de ses génuflexions, & ayant dessein de s’établir en votre ville, m’a prié de vous le recommander : & je vous le recommande. C’est un homme qui, charmé de sa profession, s’y est appliqué uniquement ; & de crainte d’être dissipé, n’a jamais voulu savoir autre chose. Sa physionomie suffit pour justifier qu’il n’a point de méchants desseins ; & que s’il lui arrive de donner de l’arsenic pour du sucre, ce sera de la meilleure foi du monde. Sur le portrait que je vous en fais, vous jugez bien que pour le faire passer pour habile homme, il faut que vous le soyiez extrêmement vous-même, & que voici une occasion à ne rien oublier de tout votre savoir-faire. Essayez pourtant de lui être utile, quelques difficultés que vous y trouviez : c’est moi qui vous en conjure ; & je ne sais point d’obstacle que je ne sois capable de surmonter quand il s’agira de vous assurer que je suis, Monsieur, &c.


LETTRE du même à M. de la Berchere,
Premier Président au Parlement de Grenoble.


Monsieur,

Vous m’avez jusqu’ici donné d’assez grands témoignages de vos bontés, pour m’autoriser à vous en demander de nouvelles marques. Un ami de qui les intérêts me sont chers, a un procès en votre Parlement pour raison d’un décret où l’on m’assure que la justice parle en sa faveur ; & comme il y a peu d’hommes qui la rendent avec tant de plaisir que vous, vous voulez bien, Monsieur, que je m’en fasse un d’offrir de la matiere à votre équité ; étant très-persuadé que l’ami pour qui je prends la liberté de vous écrire, a trop de probité & trop d’honneur pour chercher à gagner un procès qui lui sembleroit injuste. La confiance qu’il a en son bon droit, dont je sais, Monsieur, que vous vous déclarerez l’appui, est tout ce qui le porte à souhaiter la recommandation que je lui donne : & pour lui faire avoir un heureux présage de la justice qu’il attend de vous, je l’ai assuré que vous ne m’aviez jamais refusé celle de me croire avec beaucoup de passion & de respect, &c..


LETTRE de Madame de Sevigné
à M. le Comte de Grignan.
A Paris, ce 25 Juin 1670.


Si l’occasion vous vient de rendre quelque service à un Gentilhomme de votre pays qui s’appelle ***, je vous conjure de le faire ; vous ne me sauriez donner une marque plus agréable de votre amitié. Vous m’avez promis un Canonicat pour son frere : vous connoissez toute sa famille. Ce pauvre garçon étoit attaché à M. Fouquet ; il a été convaincu d’avoir servi à faire tenir à Mme. Fouquet une Lettre de son mari ; sur cela il a été condamné aux galeres pour cinq ans : c’est une chose un peu extraordinaire ; vous savez que c’est un des plus honnêtes garçons qu’on puisse voir, & propre aux galeres comme à prendre la lune avec les dents.


LETTRE de Madame la Comtesse de la Suze
à M. le Marquis de Crequi.


Je ne présume pas assez de mon crédit auprès de vous, Monsieur, pour vouloir vous demander des choses difficiles ; mais comme, par raison de sympathie, vous devez avoir bien de la facilité d’accorder votre protection à tous les gens de cœur, je me suis engagée de vous la demander pour le Gentilhomme qui vous rendra ma Lettre. Il a déjà l’honneur d’être connu de vous ; & cela étant, je vous crois tout persuadé qu’il n’est pas indigne des marques de votre bonté. Il répondra assurément par ses actions à l’honneur que vous lui ferez de lui donner part en vos bonnes graces ; & si vous voulez compter, Monsieur, la priere que je vous en fais pour quelque chose, je vous assure que je vous en serai tout-à-fait redevable, & que j’en aurai toute la reconnoissance que peut avoir une personne que beaucoup d’estime a déjà toute disposée d’être, Monsieur, votre, &c.


LETTRE de M.  Flechier à M. ***.


Un de nos bons Marchands de Nîmes, Monsieur, a une affaire devant vous, qu’il croit juste, & qui lui est de conséquence. Comme il sait l’amitié que vous avez pour moi, il croit que ma recommandation auprès de vous ne lui sera pas inutile. Je vous prie, Monsieur, de lui rendre la justice qu’il vous demande, & de lui faire les graces qui accompagnent le bon droit, s’il l’a ; je vous en serai très-obligé. Je suis, Monsieur, &c.


LETTRE de M. d’Ussé à Rousseau.
A Paris, le 27 Octobre 1728.


Le Sieur le Roux Durand m’écrit pour me prier de vous le recommander, Monsieur : il prétend que j’ai beaucoup de crédit sur vous ; je ne sais s’il ne se trompe pas. Quoi qu’il en soit, je sais ce qu’il souhaite de moi, & je vous prie de vouloir bien lui être favorable en ce qui peut lui être utile. Il a du génie & du talent pour plusieurs choses ; je l’ai expérimenté à Ussé, où il a été avec moi assez long-temps pour pouvoir en juger. Je vous serai obligé, Monsieur, de l’attention que vous voudrez bien avoir à lui procurer quelqu’emploi qui le mette plus à son aise qu’il n’y est : je suis persuadé qu’il s’acquittera bien des choses dont vous le chargerez.

Je suis avec toute la sincérité & tout l’attachement possibles, &c.


LETTRE de M. de Montesquieu
à M. l’Abbé Nicolini.
De Bordeaux, le 1 Décembre 1754.


Permettez, mon cher Abbé, que je me rappelle à votre amitié. Je vous recommande M. de la Condamine. Je ne vous dirai rien sinon qu’il est de mes amis. Sa grande célébrité vous dira d’autres choses ; & sa présence vous dira le reste. Mon cher Abbé, je vous aimerai jusqu’à la mort.


LETTRE du même à M. Cerati.
De Paris, ce 23 Octobre 1750.


Je vous supplie, Monseigneur, d’agréer que j’aie l’honneur de vous recommander M. Forthis, Professeur à l’université d’Edimbourg, qui est extrêmement recommandable par son savoir & ses beaux ouvrages, entre autres celui qu’il a donné sur l’éducation. M. le Professeur a beaucoup de bonté pour moi & m’honore de son amitié ; ainsi je vous prie d’agréer que je le recommande à la vôtre. Je vous prie de faire connoître cet habile homme à l’Abbé Nicolini que j’embrasse.

NB. Il y a aux Lettres de Demandes & Placets, page 179, la Lettre de M. de Bussy à Madame la Présidente d’Osembray, qui est aussi Lettre de Recommandation.



FRAGMENTS
DE LETTRES
DE RECOMMANDATION.

Lettre de Me. de Sevigné à sa fille.

Il y a un Chevalier de Sevigné à Toulon, qui est votre parent & mon filleul ; le Chevalier de Buous dit qu’il est fort brave. S’il va saluer M. de Grignan, je le prie de lui faire quelque honnêteté particulière à cause du nom. Il voudroit bien avoir un vaisseau : vous qui gouvernez M. de Seignelay, vous pourriez bien aisément obtenir de lui ce qu’il souhaite.

Lettre de Mlle. de L’Enclos
à M. de S. Evremont.

Voici un autre chapitre. Il regarde un joli garçon, qu’un desir de voir les honnêtes gens de toute sorte de pays a fait quitter une maison opulente sans congé : peut-être blâmerez-vous sa curiosité ; mais l’affaire est faite. Il sait beaucoup de choses. Il en ignore d’autres qu’il faut ignorer à son âge. Je l’ai cru digne de vous voir, pour lui faire commencer à sentir qu’il n’a pas perdu son temps d’aller en Angleterre. Traitez-le bien pour l’amour de moi.

Lettre de Mme. de Maintenon.

Les deux Gentilshommes que je vous ai recommandés, Madame, me donnent beaucoup de souci. J’aime à voir clair dans les choses dont je me mêle, & je ne l’ai pu jusqu’ici. Vous êtes expéditive, & vous allez au fait ; je vous conjure de m’aider. Je voudrois que vous vissiez ces Messieurs, qui nous promettent des emplois depuis si long-temps, ou douze cents francs attendant que nous les ayions. Croyez que je sens comme je dois les complaisances que vous avez pour moi ; je sais faire de vous, Madame, tout le cas que vous méritez.

Lettre de M. de Montesquieu.

J’ai l’honneur de vous présenter M. de la Condamine de l’Academie des Sciences de Paris. Vous connoissez sa célébrité. Il vaut mieux que vous connoissiez sa personne. Je vous le présente, parce que vous êtes toute l’Italie pour moi.

MODELES
DE RÉPONSES
A DES LETTRES
DE RECOMMANDATION.

REPONSE de Rousseau
à M. d’Ussé.
A Bruxelles, le 4 Novembre 1728.

Ne doutez point, Monsieur, ni de ce crédit qu’on vous a assure que vous avez sur moi, ni de mon attention pour tout ce qui me vient de votre part. Je m’estimerai trop heureux si je puis vous en donner une foible marque en la personne du Sieur le Roux Durand, que vous me recommandez, lorsqu’il se sera fait connoître à moi. Alors je ferai mon possible pour m’acquitter de ce que je dois à des ordres aussi précieux & aussi sacrés que me le sont les vôtres, pour l’exécution desquels l’occasion pourra me manquer, mais jamais le respect ni la volonté.

REPONSE de Racine à Boileau.

Je vous demande pardon si j’ai été si long-temps sans vous faire réponse : mais j’ai voulu avant toutes choses prendre un temps favorable pour recommander M. Manchon[1] à M. de Barbezieux. Je l’ai fait, & il m’a fort assuré qu’il feroit son possible pour me témoigner la considération qu’il avoit pour vous & pour moi… Je lui ai dit que M. l’Abbé de Louvois voudroit bien joindre ses prieres aux nôtres, & je crois qu’il n’y aura point de mal qu’il lui en écrive un mot.

REPONSE de Madame de Lambert.

Je n’ai vu qu’une fois le Gentilhomme que vous me recommandez : il a toujours été à Versailles, & moi malade ou à la campagne. Tout ce qu’il nous montre ici est trouvé extrêmement beau. Je lui rendrai tous les services qui dépendront de moi. Il me paroît un très-honnête homme.



  1. Beau-frere de Boileau.