Mes paradis/Les Îles d’or/Il en est aussi dont le sol


IV


Il en est aussi dont le sol
De marbre
Brûle, nu, sans le parasol
D’un arbre,

Où l’on ne trouve, l’animant,
Personne,
Où le pas solitairement
Résonne,

Où jamais, au silencieux
Espace,
Un oiseau réveillant les cieux
Ne passe,


Où l’air lui-même est haletant
De flamme,
Et de qui l’on garde pourtant
Dans l’âme,

Mieux encor que de la cité
Prospère,
Un souvenir de volupté
Sans paire.

On y descendit d’un radeau,
À l’heure
Que la dernière goutte d’eau
Y pleure.

On allait mourir, on râlait,
La gorge
Desséchée, ardente, en soufflet
De forge.

De l’eau ! De l’eau ! Rien qu’un peu d’eau !
Par grâce !
Et tu seras l’Eldorado,
La grasse,


L’impératrice du levant,
La douce,
Morne terre où rien de vivant
Ne pousse !

Ah ! fût-ce un lichen de rocher,
Dur, rêche !
J’aurais la bouche, à le mâcher,
Si fraîche !

Fût-ce un poison au lait baveux
Et blême
Qui vous glace le cœur, j’en veux,
Je l’aime !

Soudain, ô vision, ô choc,
Ô joie !
Quoi donc, dans le creux de ce roc,
Rougeoie ?

Aux feux du gouffre incandescent,
Sans ride,
Où le soleil sanglant descend,
Torride,


C’est, comme un vin dans un divin
Calice,
Et meilleur que le meilleur vin,
Délice,

Or, trésor, diamant sans prix,
Saint Chrême
Qui vous fait tout prendre en mépris
Suprême,

C’est, cadeau de salut, cadeau
De gloire,
Un peu d’eau de pluie, un peau d’eau
À boire !