Mécanique analytique/Partie 2/Section 6

Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIp. 369-444).
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Deuxième partie


SECTION SIXIÈME.

SUR LES OSCILLATIONS TRÈS PETITES D’UN SYSTÈME QUELCONQUE DE CORPS.


1. Les équations différentielles du mouvement d’un système quelconque de corps sont toujours intégrables dans le cas où les corps ne s’écartent que très peu de leurs points d’équilibre ; et l’on peut alors déterminer les lois des oscillations de tout le système. L’analyse générale de ce cas, qui est très étendu, et la solution de quelques-uns des principaux problèmes qui s’y rapportent sont l’objet de cette Section.

§ I. — Solution générale du problème des oscillations très petites d’un système de corps autour de leurs points d’équilibre.

1. Soient les valeurs des coordonnées rectangles de chaque corps du système proposé dans le lieu de son équilibre. Comme on suppose que le système, dans son mouvement, s’éloigne très peu de sa situation d’équilibre, on aura, en général,

les variables étant toujours très petites ; il suffira, par conséquent, d’avoir égard à la première dimension de ces quantités dans les équations différentielles du mouvement. La même chose aura lieu pour les autres quantités analogues, qu’on distingue par un, deux, …traits. relativement aux différents corps du même système.

Considérons d’abord les équations de condition qui doivent avoir lieu par la nature du système, et qu’on peut représenter par

étant des fonctions algébriques données des coordonnées Comme la position d’équilibre est une de celles que le système peut avoir, il s’ensuit que les mêmes équations devront subsister en supposant que deviennent d’où il est facile de conclure que ces équations ne sauraient renfermer le temps

Soient ce que deviennent lorsque deviennent il est clair qu’en substituant pour leurs valeurs on aura, à cause de la petitesse de

et ainsi de suite. Donc :

1o On aura

relativement à l’équilibre ;

2o On aura les équations

lesquelles donneront la relation qui doit subsister entre les variables

En négligeant d’abord les quantités très petites du second ordre et des ordres supérieurs, on aura des équations linéaires par lesquelles on déterminera les valeurs de quelques-unes de ces variables par les autres ; ensuite, par ces premières valeurs, on en trouvera de plus exactes en tenant compte des secondes puissances et des puissances plus hautes, comme on voudra. On aura ainsi les valeurs de quelques-unes des variables exprimées par des fonctions en série des autres variables ; et ces variables restantes seront alors absolument indépendantes entre elles.

On pourra aussi, dans la plupart des cas, en ayant égard aux conditions du problème, réduire les coordonnées, immédiatement par des substitutions, en fonctions rationnelles et entières d’autres variables indépendantes entre elles et très petites, dont la valeur soit nulle dans l’état d’équilibre.

Nous supposerons donc, en général, que l’on ait

et ainsi des autres coordonnées les quantités sont constantes, et les quantités sont variables, très petites, et nulles dans l’équilibre.

2. Il ne s’agira que de faire ces substitutions dans les valeurs de et de l’article 10 de la Section IV ; et il suffira de tenir compte des secondes dimensions pour avoir des équations différentielles linéaires. Et d’abord il est clair que la valeur de sera de cette forme

en supposant, pour abréger,

S
S
S
;
S
S
S
;
où le signe S dénote des intégrations ou sommations relatives à tous les différents corps du système, et en même temps indépendantes des variations ainsi que du temps

Ensuite, si l’on dénote par la fonction algébrique en y mettant à la place de il est clair que la valeur générale de sera représentée ainsi

où il suffit d’avoir égard aux secondes dimensions

Multipliant donc cette fonction par et intégrant avec le signe S, on aura, en général,

S
S
S
S
;
S
S
S
;
S
S
S
 

3. Ayant ainsi les valeurs de et exprimées en fonctions des variables indépendantes entre elles, on n’aura plus aucune équation de condition à employer ; et comme la quantité ne contient que les différentielles des variables, on aura sur-le-champ, pour le mouvement du système, les équations suivantes :

dont le nombre sera, comme l’on voit, égal à celui des variables.

Ces équations doivent avoir lieu aussi dans l’état d’équilibre, puisque le système, y étant une fois, resterait toujours de lui-même ; or, dans l’équilibre, on a constamment par l’hypothèse, donc

ainsi que

Donc les termes seront nuls, et les termes Par conséquent, on aura

Ce sont les conditions nécessaires pour que soient les valeurs de pour l’état d’équilibre, comme on le suppose.

En effet, il est visible que

S

exprime la somme des moments de toutes les forces appliquées à tous les corps du système et qui doivent se détruire mutuellement dans l’état d’équilibre ; donc, par la formule générale

donnée (Part. 1, sect. II), il faudra que l’on ait

par rapport à chacune des variables indépendantes ; par conséquent,

seront les conditions de l’équilibre, lequel étant supposé répondre à

on aura

de sorte que les premières dimensions des variables dans l’expression de disparaîtront toujours.

Substituant donc dans les équations générales les valeurs de et de et faisant nuls, on aura, pour le mouvement du système,

 

équations qui, étant sous une forme linéaire avec des coefficients constants, peuvent être intégrées rigoureusement et généralement par les méthodes connues.

4. On peut supposer d’abord que les variables, dans ces sortes d’équations, aient entre elles des rapports constants, c’est-à-dire que l’on ait

par ces substitutions, elles deviendront
 

lesquelles donnent

en faisant

Le nombre de ces équations est, comme l’on voit, égal à celui des inconnues, par conséquent, elles déterminent exactement ces inconnues ; et comme, en retenant pour premier membre le terme et le multipliant respectivement par le dénominateur du second, on a des équations linéaires en on pourra les éliminer par les méthodes connues, et il n’est pas difficile de voir, par les formules générales d’élimination, que la résultante en sera d’un degré égal à celui des équations, et, par conséquent, égal à celui des équations différentielles proposées ; de sorte que l’on aura pour un pareil nombre de différentesvaleurs, dont chacune, étant substituée dans les expressions de donnera les valeurs correspondantes de ces quantités.

Maintenant l’équation

donne par l’intégration

étant des constantes arbitraires ; ainsi, comme on a supposé on aura aussi les valeurs de

Cette solution n’est que particulière, mais elle est en même temps double, triple, etc., selon le nombre des valeurs de par conséquent, en les joignant ensemble, on aura la solution générale, puisque d’un côté la somme des valeurs particulières de satisfera également aux équations différentielles, à cause de leur forme linéaire, et que de l’autre cette somme contiendra deux fois autant de constantes arbitraires qu’il y a d’équations et, par conséquent, autant que les intégrales complètes peuvent en admettre.

Dénotant par les différentes valeurs de c’est-à-dire les racines de l’équation en et par les valeurs correspondantes de et prenant un pareil nombre de coefficients arbitraires et d’angles aussi arbitraires on aura ces valeurs complètes de

 

dans lesquelles les arbitraires dépendront des valeurs de lorsque est égal à et, par conséquent, de l’état initial du système.

En effet, si, dans les expressions trouvées de on fait et qu’on suppose données les valeurs de on aura des équations linéaires entre les inconnues par lesquelles on pourra déterminer chacune de ces inconnues. De même, si l’on fait dans les différentielles des mêmes expressions, et qu’on regarde aussi comme données les valeurs de on aura un second système d’équations linéaires entre lesquelles serviront à leur détermination. De là on tirera aisément les valeurs de ainsi que de et enfin celles des angles mêmes

Mais voici un moyen plus simple de déterminer ces inconnues directement et sans les embarras de l’élimination.

5. Je remarque qu’en ajoutant ensemble les équations différentielles de l’article 3, après avoir multiplié la deuxième par la troisième par et ainsi de suite, et faisant, pour abréger,

 

on a l’équation

Mais les équations de l’article 4 donnent

Donc l’équation précédente deviendra de la forme

dont l’intégrale est

et étant deux constantes arbitraires.

Cette équation doit avoir lieu également pour toutes les différentes valeurs de qui résultent des mêmes équations de condition et que nous avons dénotées par Ainsi, désignant de même par les valeurs correspondantes de et prenant différentes constantes arbitraires on aura les équations suivantes

Ces équations serviraientgénéralement à déterminer les valeurs de et il est clair que ces valeurs devraient coïncider avec celles qu’on a trouvées ci-dessus (art. 4), puisqu’elles résultent les unes et les autres des mêmes équations différentielles. Ainsi, en substituant les valeurs de l’article cité dans les équations précédentes, elles devront devenir entièrement identiques.

D’où il est facile de conclure que, pour la première équation, on aura

ensuite

que l’on aura de même, pour la seconde équation,

ensuite

et ainsi des autres.

Donc, substituant dans les équations ci-dessus, pour les valeurs qu’on vient de trouver, on aura celles-ci

qui sont les réciproques de celles de l’article 4.

Maintenant, la détermination des arbitraires n’a plus de difficulté ; car :

1o En supposant les premiers membres des équations précédentes deviennent et les seconds sont tous connus, en supposant les valeurs de données dans le premier instant ;

2o En différentiant les mêmes équations et supposant ensuite les premiers membres seront

et les seconds seront aussi tous connus, en regardant comme données les quantités lorsque Donc, etc.

6. La solution du problème est donc réduite uniquement à la détermination des quantités et nous avons vu dans l’article 4 que cette détermination dépend de la résolution des équations

en conservant les expressions de de l’article 5.

Or, si l’on représente par ce que devient la quantité en y changeant en et par ce que devient la partie de la quantité où les variables forment ensemble deux dimensions, en changeant de même ces variables en il est aisé de voir, et l’on pourrait même s’en convaincre a priori, que l’on aura

en faisant ensuite

Donc, en général, si l’on fait

les équations pour la détermination des inconnues seront

en supposant Ainsi, comme la quantité se forme immédiatement des quantités et on pourra aussi trouver directement les équations dont il s’agit, sans avoir besoin de les déduire des équations différentielles du mouvement du système.

Je remarque maintenant que, puisque est une fonction homogène de deux dimensions de on aura, par la propriété de ces sortes de fonctions démontrée (sect. IV, art. 15),

Donc on aura aussi

par conséquent, les inconnues doivent être telles que non seulement la quantité soit nulle, mais que chacune de ses différentielles relatives à ces inconnues le soit aussi ; d’où il s’ensuit que la quantité regardée comme une fonction de ces inconnues dépendante de l’équation devra être un maximum ou un minimum.

Si l’on fait d’abord et qu’on remplace par l’équation on aura, pour la détermination des inconnues les équations

Si donc on tire d’abord la valeur de de l’équation et qu’en la substituant dans on change cette équation en

il n’y aura qu’à faire ensuite

et substituer de même la valeur de tirée de cette dernière équation

dans alors, nommant

l’équation résultante, on fera de nouveau

et ainsi de suite. Par ce moyen, on parviendra à une équation finale qui ne contiendra plus les inconnues mais seulement la quantité et qui sera l’équation cherchée en dont les racines ont été nommées

On peut même réduire cette équation en une formule générale, en considérant que, puisque les quantités ne forment ensemble dans la valeur de que deux dimensions, la quantité sera nécessairement sans sa différentielle relative à étant et par conséquent nulle. De sorte qu’on pourra faire

et comme, dans cette quantité les inconnues restantes ne montent aussi qu’à la seconde dimension, on pourra faire de même

et ainsi de suite. La dernière des quantités étant égalée à zéro, sera l’équation cherchée en Il est vrai que cette équation pourra monter à un degré plus haut qu’il ne faut, à cause des facteurs étrangers introduits dans les équations mais si, en développant ces équations, on a soin de les débarrasser successivement de ces mêmes facteurs et de ne prendre ensuite pour les valeurs de que leurs premiers membres ainsi simplifiés, l’équation finale se trouvera rabaissée d’elle-même à la forme et au degré dont elle doit être.

Quant aux valeurs de on les déterminera ensuite par les équations

en commençant par la dernière, et remontant à la première par la substitution successive des valeurs trouvées.

7. Comme la solution précédente est fondée sur la supposition que les variables soient très petites, il faut, pour qu’elle soit légitime, que cette supposition ait lieu en effet ; ce qui demande que les racines soient toutes réelles, positives et inégales, afin que le temps qui croît à l’infini, soit toujours renfermé sous les signes de sinus ou cosinus. Si quelques-unes de ces racines devenaient négatives ou imaginaires, elles introduiraient dans les sinus ou cosinus correspondants des exponentielles réelles, et si elles devenaient simplement égales, elles y introduiraient des puissances algébriques de l’arc ; c’est de quoi on peut s’assurer, par les méthodes connues, en mettant dans le premier cas, à la place des sinus ou cosinus, leurs expressions exponentielles imaginaires, et en supposant, dans le second, que les racines égales diffèrent entre elles de quantités infiniment petites indéterminées ; mais, comme le développement de ces cas est inutile pour l’objet présent, nous ne nous y arrêterons point.

Si la condition de la réalité et de l’inégalité des coefficients de a lieu, il est visible que les plus grandes valeurs de seront moindres que les sommes des quantités en prenant toutes ces quantités positivement ; par conséquent, si ces différentes sommes sont fort petites, on sera assuré que les valeurs des variables le seront toujours aussi.

Mais, comme les coefficients sont arbitraires et dépendent uniquement du déplacement initial du système, il est possible que les variables restent fort petites, quand même, parmi les quantités il y en aurait d’imaginaires ou d’égales ; car il suffit pour cela que les quantités correspondantes soient nulles, ce qui fera disparaître les termes qui croîtraient avec le temps Alors la solution, sans être exacte en général, le sera néanmoins dans le cas particulier où la condition précédente aura lieu.

8. On a des méthodes pour reconnaître si une équation donnée, de quelque degré qu’elle soit, a toutes ses racines réelles ou non, et pour juger, dans le cas de la réalité, de leur signe et de leur inégalité ; mais, l’application de ces méthodes étant toujours un peu pénible, voici quelques caractères simples et généraux qui serviront à juger de la forme des racines dont il s’agit, dans un grand nombre de cas.

En prenant l’équation ou (art. 6), on a or il est facile de se convaincre que la quantité a toujours nécessairement une valeur positive, tant que sont des quantités réelles ; car la fonction d’où elle résulte en changeant en (art cité), est composée de la somme de plusieurs carrés multipliés par des coefficients nécessairement positifs. Donc, si la quantité est aussi toujours positive, ce qui a lieu lorsque la partie de la fonction où les variables forment ensemble deux dimensions est réductible à la même forme que la fonction parce que la quantité résulte aussi de cette partie de en changeant en on est assuré que les valeurs de c’est-à-dire les racines de l’équation en seront toujours positives toutes les fois qu’elles seront réelles.

Au contraire, si la quantité est toujours négative, ce qui arrivera quand elle sera composée de plusieurs carrés multipliés par des coefficients négatifs, les valeurs réelles de seront toutes négatives. Dans ce dernier cas, la solution ne pourra pas être bonne, parce que, les racines de l’équation en ne pouvant être qu’imaginaires ou réelles négatives, les expressions des variables contiendront nécessairement le temps hors des signes de sinus et cosinus.

Dans le premier cas où est positive, on voit seulement que, si les racines sont réelles, elles sont nécessairement positives ; et il serait peut-être difficile de démontrer directement qu’elles doivent être toutes réelles ; mais on peut se convaincre, d’une autre manière, que cela doit être ainsi.

Car le principe de la conservation des forces vives, que nous avons démontré dans le § V de la Section III, donne l’équation (sect. IV, art. 14), laquelle a toujours lieu puisque et sont fonctions sans (sect. V, art. 21). Or, si l’on désigne par la partie de qui contient les termes de deux dimensions, en sorte que

à cause de

on aura (art. 3)

en dénotant par et les valeurs de et au premier instant ; donc

Donc, puisque est, par sa forme, une quantité toujours positive, si l’est aussi, on aura nécessairement

de sorte que la valeur de et, conséquemment aussi, celles des variables seront renfermées dans des limites données et dépendantes uniquement de l’état initial. Ces variables ne pourront donc pas contenir le temps hors des signes de sinus et cosinus, parce qu’alors elles pourraient aller en croissant à l’infini. Or, lorsque la valeur de est constamment positive, celle de l’est aussi ; par conséquent, les racines de l’équation en seront nécessairement toutes réelles, positives et inégales (art. 7), et la solution sera toujours bonne.

Dans ce cas, l’état d’équilibre d’où le système a été déplacé sera stable, puisque le système y reviendra, ou tendra toujours à y revenir, par des oscillations très petites ; du moins il ne pourra jamais s’en écarter que très peu.

9. C’est de cette manière que nous avons démontré (Part. I, sect. III, art. 23 et suivants) que, lorsque la fonction II est un minimum dans l’état d’équilibre, cet état est stable ; car il est facile de voir que la fonction nommée dans l’article 21 de la Section citée, est la même que nous représentons ici par puisque l’une et l’autre est l’intégrale de la totalité des moments des forces agissantes sur les différents corps du système, totalité qui doit être nulle dans l’équilibre. Or, comme l’on a et que ne contient les variables qu’à la seconde dimension, il s’ensuit que sera un minimum ou un maximum, selon que la valeur de sera positive ou négative, en donnant à ces variables des valeurs quelconques. Donc l’équilibre sera nécessairement stable dans le cas du minimum de (art. 8).

Au contraire, dans le cas du maximum de la quantité étant toujours négative, la quantité le sera aussi, puisqu’en faisant

la valeur de devient (art. 6) ; et, par ce que nous avons démontré dans l’article précédent, les expressions des variables contiendront nécessairement des termes où sera hors des signes de sinus et cosinus l’équilibre ne pourra donc pas être stable, car le système, en étant tant soit peu déplacé, s’en éloignera toujours davantage. Cette seconde partie du théorème énoncé dans l’endroit cité de la Statique n’avait pu y être démontrée faute des principes nécessaires nous en avions remis la démonstration à la Dynamique, et celle que nous venons de donner ne laisse plus rien à désirer.

10. Au reste, entre ces deux états de stabilité et de non-stabilité absolue, dans lesquels l’équilibre, étant tant soit peu dérangé d’une manière quelconque, tend à se rétablir de lui-même ou à se déranger de plus en plus, il peut y avoir des états de stabilité conditionnelle et relative, dans lesquels le rétablissement de l’équilibre dépendra du déplacement initial du système. Car, si quelques-unes des valeurs de sont imaginaires, les termes correspondants dans les valeurs des variables contiendront des arcs de cercle, et l’équilibre ne sera pas stable en général mais, si les coefficients de ces termes deviennent nuls, ce qui dépend de l’état initial du système, les arcs de cercle disparaîtront, et l’équilibre pourra encore être regardé comme stable, du moins par rapport à cet état particulier.

11. Lorsque toutes les valeurs de sont réelles et inégales et que, par conséquent, l’équilibre est stable, les expressions de toutes les variables seront composées d’autant de termes de la forme

qu’il y a de variables.

Or ce terme représente les oscillations très petites et isochrones d’un pendule simple dont la longueur est en prenant pour la force de la gravité. Donc les oscillations des différents corps du système pourront être regardées comme composées d’oscillations simples analogues à celles des pendules dont les longueurs seraient

Mais, les coefficients étant arbitraires et dépendant uniquement de l’état initial du système, on peut toujours supposer cet état tel que tous ces coefficients, hors un quelconque, soient nuls ; alors tous les corps du système feront des oscillations simples, analogues à celles d’un même pendule ; et l’on voit qu’un même système est susceptible d’autant de différentes oscillations simples qu’il y a de corps mobiles[1]. Donc, en général, les oscillations quelconques d’un système ne seront composées que de toutes les oscillations simples qui pourront y avoir lieu par la nature du système.

Daniel Bernoulli avait remarqué cette composition d’oscillations simples et isochrones dans le mouvement d’une corde vibrante chargée de plusieurs petits poids, et il l’avait regardée comme une loi générale de tous les petits mouvements réciproques qui peuvent avoir lieu dans un système quelconque de corps. Un seul cas, comme celui des cordes vibrantes, ne suffisait pas pour établir une telle loi ; mais l’analyse que nous venons de donner établit cette loi d’une manière certaine et générale et fait voir que, quelque irrégulières que puissent paraître les petites oscillations qui s’observent dans la nature, elles peuvent toujours se réduire à des oscillations simples, dont le nombre sera égal à celui des corps oscillants dans le même système.

C’est une suite de la nature des équations linéaires auxquelles se réduisent les mouvements des corps qui composent un système quelconque, lorsque ces mouvements sont très petits.

12. Si les valeurs des quantités sont incommensurables, il est clair que les temps de ces oscillations seront aussi incommensurables et que, par conséquent, le système ne pourra jamais reprendre sa première position.

Mais, si ces quantités sont entre elles comme nombre à nombre et que leur plus grande commune mesure soit on verra facilement que le système reviendra toujours à la même position au bout d’un temps étant l’angle de Ainsi sera le temps de l’oscillation composée de tout le système.

13. La solution que nous venons de donner demande que les coordonnées puissent être exprimées par des fonctions en série de variables très petites, et qui soient nulles dans l’état d’équilibre, ainsi que nous l’avons supposé dans l’article 3.

Or c’est ce qui est toujours possible, comme nous l’avons vu, lorsque les équations de condition, réduites en série, contiennent les premières puissances des variables supposées très petites, parce que ces termes donnent d’abord des équations résolubles rationnellement, et qu’ensuite on peut toujours, par la méthode des séries, avoir des solutions rationnelles de plus en plus exactes.

Il peut néanmoins arriver que les termes de la première dimension manquent dans une ou plusieurs des équations de condition, ce qui aura lieu, par exemple, si, dans l’équation les valeurs des coordonnées pour l’équilibre sont telles, qu’elles rendent non seulement nulle, mais aussi chacune de ses différences premières ; car on aura alors

et l’équation ne contiendra que les secondes puissances et les puissances ultérieures de (art. 1). Dans ce cas, si l’on réduit les coordonnées en fonctions de variables indépendantes, ces fonctions ne pourront plus être rationnelles, et les équations différentielles ne seront ni linéaires, ni même rationnelles. Ainsi la supposition des mouvements très petits du système ne servira pas alors à simplifier la solution du problème, ou du moins ne la rendra pas susceptible de la méthode générale que nous avons exposée.

Pour résoudre ces sortes de questions de la manière la plus simple, on fera d’abord abstraction des équations de condition où les premières dimensions des variables ne se trouveraient pas ; on parviendra ainsi à des expressions de et de de la forme de celles de l’article 2. Ensuite on ajoutera à cette valeur de les premiers membres des équations de condition auxquelles on n’aura pas encore eu égard, multipliés chacun par un coefficient indéterminé et qu’on supposera constant dans les différentiations par et il suffira, dans ces termes dus aux équations de condition, de tenir compte des plus basses dimensions des variables très petites. De là on trouvera les équations différentiellesà l’ordinaire, et il s’agira d’en éliminer les coefficients indéterminés.

Si les équations de condition étaient du second degré et que les coefficients indéterminés pussent être supposés constants, la valeur de serait encore de la même forme que dans la solution générale ; par conséquent, on pourrait l’appliquer aussi à ce cas ; on déterminerait ensuite les coefficients, en sorte que les équations de condition fussent satisfaites. On pourra donc toujours commencer par adopter cette supposition, on verra ensuite si les valeurs qui en résultent pour les variables peuvent satisfaire aux équations de condition, auquel cas la supposition sera légitime et la solution exacte ; sinon il faudra chercher à intégrer les équations différentielles par des méthodes particulières.

§ II. — Des oscillations d’un système linéaire de corps.

14. Lorsque les corps qui composent le système proposé sont disposés, les uns par rapport aux autres, d’une manière uniforme et régulière, on peut simplifier le calcul et parvenir à des formules générales et symétriques, en employant la notation et l’algorithme des différences finies. Nous allons en donner un exemple, en examinant le cas où un nombre quelconque de corps, rangés sur une ligne droite ou courbe, oscillent en vertu de forces quelconques combinées avec leur action réciproque.

Soient les coordonnées rectangles d’un quelconque des corps du système, que nous dénoterons par en employant la lettre majuscule pour dénoter les différences finies (sect. IV, art. 17). On aura d’abord

S

la caractéristique S représentant les sommes relatives à tout le système.

La fonction doit contenir la somme S provenant des forces accélératrices qu’on suppose telles que l’on ait

Cette fonction doit contenir aussi la somme S en supposant que soit la force avec laquelle deux corps voisins qui sont à la distance l’un de l’autre s’attirent, et que cette force soit une fonction de la même distance en sorte que soit une quantité intégrable dont la différentielle par soit Cette force que nous supposons fonction de pourra varier d’un corps à l’autre et sera, par conséquent, aussi fonction du nombre ou de la quantité qui représente la place de chaque corps dans la série de tous les corps, et à laquelle se rapporte le signe sommatoire S. Si les corps, au lieu de s’attirer, se repoussaient, il faudrait prendre négativement.

On aura ainsi

SS

et, par conséquent

SS

Et il est bon de remarquer que cette expression de serait la même si les corps étaient liés entre eux de manière que leurs distances mutuelles fussent invariables ; car on aurait dans ce cas l’équation de condition laquelle donnerait dans l’expression de le terme S (article cité).

15. En exprimant l’élément par les différences finies de il est clair qu’on aura

donc, différentiant par

Substituant cette valeur, et faisant, pour abréger, fonction de on aura

SS

Comme les caractéristiques et sont indépendantes entre elles, on peut changer en et l’on aura

SS

On peut aussi faire disparaître le avant le par l’intégration par parties appliquée aux différences finies.

16. En effet, on a, en général,

en dénotant par le terme qui suit dans la série des termes consécutifs Donc, en passant des différences aux sommes, on aura

SS

On trouverait de la même manière

SS

et ainsi de suite, étant les termes qui se suivent dans la même série.

Pour compléter ces sommations, il faudra rapporter les termes hors du signe S au dernier point de l’intégrale finie S et en retrancher les mêmes termes rapportés au premier point. Ainsi, en marquant par un zéro et par un placés au bas des lettres les termes qui se rapportent au premier et au dernier point, on aura ces sommations complètes

SS
SS
 

Lorsque la caractéristique S indique des sommes totales d’un nombre de termes donné, il est clair qu’on peut, à la place des termes sous le signe S prendre les termes précédents, que nous dénoterons par en marquant d’un trait, de deux, …, placés à gauche, les termes qui précèdent dans la série indéfinie

17. Cela posé, mettons dans les formules précédentes à la place de et à la place de on aura ces transformations

SS
et, de même,


SS
SS

et l’on fera ces substitutions dans l’expression de

Si le premier corps et le dernier sont supposés fixes, les variations et qui s’y rapportent, seront nulles. Nous adopterons d’abord cette hypothèse, qui simplifie les formules, et nous aurons, en conséquence,

SSSS

En général, comme il faut que les variations disparaissent toujours, si le premier ou le dernier corps, ou tous les deux, n’étaient pas fixes, il faudrait supposer la valeur de ulle au commencement ou à la fin. On aurait ainsi, à cause de la condition à remplir ou si le premier ou le dernier corps est supposé mobile ; et si tous les deux étaient mobiles, on aurait les deux conditions et

18. La variation étant réduite à cette forme simple, les équations générales de la Section IV (art. 10), étant rapportées aux variables de chacun des corps du système, donneront pour ces variables les trois équations suivantes, dans lesquelles je remets au lieu de

Ces équations sont rigoureuses, quel que soit le mouvement des corps ; mais, lorsque ces mouvements sont très petits, les équations se simplifient et deviennent linéaires, comme nous l’avons vu plus haut (§ I).

19. Supposons que, dans l’état d’équilibre du système, les coordonnées deviennent et qu’elles soient, dans le mouvement les quantités étant très-petites. La fonction deviendra Ainsi, en regardant dorénavant comme une simple fonction de les trois différences partielles pourront s’exprimer ainsi :

Par les mêmes substitutions de au lieu de les différences deviendront

À l’égard de la quantité qui est supposée fonction de si l’on fait, pour abréger,

on aura d’abord

ensuite, si l’on nomme ce que devient la fonction lorsqu’on y change en et qu’on fasse on aura, par le développement,

et, par conséquent,

20. On fera ces substitutions dans les trois équations trouvées ci-dessus, et comme, dans l’état d’équilibre, les variables sont supposées nulles, il faudra que ces équations se vérifient dans cette hypothèse. Ainsi les termes constants devront se détruire, ce qui donnera d’abord les trois équations de condition

Ces équations donneront les valeurs que les coordonnées doivent avoir dans la situation de l’équilibre ; et il est facile de voir qu’elles représentent d’une manière générale celles que nous avons trouvées dans la Section V de la Ire Partie, pour l’équilibre de plusieurs corps liés par un fil extensible ou non.

21. On aura ensuite, en faisant, pour abréger,

les trois équations suivantes entre les variables et  :

Ce sont ces équations qui serviront à déterminer les oscillations du

système supposées très petites ; elles sont du genre de celles qu’on nomme à différences finies et infiniment petites, et comme elles sont à coefficients constants, elles sont susceptibles de la méthode générale exposée dans le paragraphe précédent.

22. Les équations de l’article 20, qui renferment les conditions de l’équilibre, donnent, en passant des différences aux sommes,

S
S
S

étant trois constantes arbitraires ; d’où l’on tire tout de suite

Lorsque la quantité est une fonction donnée de ce qui a lieu quand on suppose que les corps s’attirent ou se repoussent par une force fonction de leurs distances la valeur précédente de donnera la valeur de qui doit avoir lieu dans l’état d’équilibre.

Mais, lorsque les distances sont supposées données et invariables, alors la quantité qui tient lieu du multiplicateur (art. 14), est inconnue et doit se déterminer par la formule précédente ; mais, dans ce cas, on a

et, par conséquent (art. 19),

ce qui simplifie les équations de l’article précédent.

23. L’esprit de la méthode de l’article 4 consiste à supposer que chaque variable soit exprimée par une même fonction de multipliée par une quantité différente pour chaque variable.

Si l’on désigne par cette fonction, on fera

et, après avoir substitué ces valeurs dans les équations de l’article 21, on verra aisément que, pour vérifier ces équations, il est nécessaire que la variable soit déterminée par une équation de la forme

car alors, en mettant pour sa valeur et divisant tous les termes par on aura ces trois équations aux différences finies

24. L’équation en s’intègre facilement ; elle donne

et étant deux constantes arbitraires.

À l’égard des équations en elles ne sont, en général, intégrables en termes finis, par les méthodes connues, que lorsqu’elles sont à coefficients constants ; mais, si l’on développe les différences finies marquées par elles deviennent de la forme (art. 16)

les coefficients sont constants ou variables, mais indépendants de et la quantité n’entre que dans les valeurs de et seulement à la première dimension.

Si maintenant on désigne par les valeurs consécutives de en commençant par la première, qui répond au premier corps du système, et de même par les valeurs consécutives correspondantes de et et qu’on substitue successivement ces valeurs dans les trois équations, réduites à la forme précédente, il est aisé de voir que les trois premières donneront les valeurs de en fonctions linéaires de que les trois suivantes donneront en fonctions linéaires de lesquelles, par la substitution des valeurs de deviendront aussi des fonctions linéaires de et ainsi de suite.

Donc, en général, les valeurs de seront de la forme

et il est facile de s’assurer, par le calcul, que les quantités seront des fonctions rationnelles et entières de de la dimension et que les quantités sont de pareilles fonctions de la dimension

Nous avons supposé (art. 17) que le premier et le dernier corps du système étaient fixes ; le premier corps appartient à l’indice et si l’on désigne par le nombre des corps mobiles, le dernier corps, qui doit être fixe, appartiendra à l’indice Il faudra donc que l’on ait

ce qui donnera entre trois équations linéaires de la forme dans lesquelles les coefficients seront des fonctions rationnelles et entières de de la dimension

En éliminant les quantités on aura une équation en du degré nombre des inconnues et qui aura, par conséquent, racines.

Les mêmes équations donneront les rapports entre les trois quantités de sorte qu’on pourra prendre à volonté la valeur d’une de ces quantités. Comme ces rapports se trouveront exprimés par des fonctions rationnelles de on pourra exprimer les valeurs des trois quantités par des fonctions rationnelles et entières de et, par ce moyen, les inconnues seront aussi exprimées, en général, par des fonctions connues, rationnelles et entières de

25. Nous dénoterons par les différentes racines de l’équation en dont la résolution doit être supposée connue ; et nous dénoterons pareillement par les valeurs correspondantes des quantités qui résultent de la substitution de ces différentes racines à la place de

Donc, puisqu’on a trouvé (art. 23 et 24)

en substituant successivement les différentes valeurs de et en prenant différentes constantes arbitraires et on aura autant de valeurs particulières de dont la somme donnera les valeurs complètes de ces variables, par la nature des équations linéaires.

Ces valeurs particulières de sont analogues à celles qui représentent les petites oscillations d’un pendule dont la longueur serait (art. 11), pourvu que soit une quantité réelle et positive ; et le mouvement de chaque corps sera composé d’autant de pareilles oscillations qu’il y aura de valeurs différentes de de sorte que, si toutes ces valeurs sont incommensurables entre elles, il sera impossible que le système reprenne jamais sa première position, à moins que les valeurs de ne se réduisent aux valeurs particulières qui répondent à une seule des racines Dans ce cas, en faisant dans les formules précédentes, on aura pour les valeurs de et pour celles de Ainsi, pour que ce cas puisse avoir lieu, il faudra que les déplacements primitifs ainsi que les vitesses initiales soient proportionnels à et il y aura autant de manières de satisfaire à ces conditions qu’il y a de valeurs différentes de

26. Si l’on désigne, par des traits supérieurs, des constantes arbitraires différentes, on aura

pour les valeurs complètes des variables qui représentent les oscillations de chacun des corps du système donné, quel que soit leur état initial.

On peut représenter ces valeurs d’une manière plus simple, en employant le signe pour exprimer la somme de toutes les valeurs correspondantes aux différentes valeurs de on aura ainsi

et l’on aura les expressions particulières des variables pour chacun des corps du système, en changeant, dans les précédentes, en et prenant pour et différentes constantes arbitraires qui dépendent de l’état initial du système.

27. Pour déterminer ces constantes de la manière la plus simple, je reprends les équations en de l’article 21, et je les ajoute ensemble, après avoir multiplié la première par la seconde par et la troisième par je prends ensuite la somme de toutes ces équations ainsi composées, relativement à tous les corps du système, et je dénote cette somme par la caractéristique S ; si l’on fait attention que cette caractéristique est indépendante de la caractéristique des différentielles relatives à on aura l’équation

S
S
S
S
S
S
S

Dans cette équation, les termes qui contiennent des différences marquées par sous le signe sommatoire S sont susceptibles de réductions analogues à celles des intégrations par parties, et dont nous avons donné le type dans l’article 16. Pour cela, considérons en général un terme quelconque de la forme S nous aurons, par les réductions de l’article cité, en faisant attention que les quantités et sont nulles au commencement et à la fin des intégrations marquées par (art. 24),

SSS

Or S est la même chose que S en prenant à la place du terme celui qui le précède.

Donc, en général, on aura

SS

et il en sera de même des termes semblables. Ainsi l’équation précédente deviendra de la forme

SS

dans laquelle les quantités désignées par contiendront les mêmes termes qui composent les seconds membres des équations de l’article 23, de manière que ces équations donneront

d’où il suit que l’équation ci-dessus deviendra

SS

laquelle donne tout de suite, par l’intégration,

S

et étant deux constantes arbitraires.

28. Il est facile de voir, par la nature du calcul, que, si l’on substitue dans cette équation pour une des racines de l’équation en que nous avons dénotées par (art. 25), on devra avoir un résultat identique avec les expressions de de l’article 26, de sorte qu’en substituant ces mêmes expressions dans l’équation précédente, elle devra devenir absolument identique pour toutes les valeurs de

On aura donc ainsi l’équation identique

S
pour chacune des valeurs de et comme cette identité doit avoir lieu indépendamment de la valeur de il ne sera pas difficile de se convaincre que tous les termes qui contiendront le même arc devront être identiques dans le premier et dans le second membre de l’équation ; d’où il suit d’abord qu’on aura nécessairement pour toutes les valeurs de et de

Ensuite, si l’on fait attention à la valeur des signes sommatoires et et dont le premier représente la somme des quantités sous le signe qui appartiennent à tous les corps du système, et que nous avons dénotées par des nombres placés en forme d’indices au bas des lettres (art. 24), et dont le second représente la somme des quantités semblables qui répondent à toutes les racines et que nous dénotons par des traits supérieurs (art. 25), on trouvera, par la comparaison des termes affectés des mêmes sinus, l’équation

Donc on aura, en général,

et, par conséquent, par l’article 27,

équation qui aura lieu pour toutes les valeurs de

29. Soient maintenant, lorsque

et

ces six quantités seront données par l’état initial du système si donc

on les introduit dans l’équation précédente et dans sa différentielle relative à en y faisant on aura les valeurs suivantes des constantes arbitraires :

Donc enfin, si l’on substitue ces valeurs dans les expressions de de l’article 26, on aura

Ces formules, remarquables par leur généralité autant que par leur simplicité, renferment la solution de plusieurs problèmes dont l’analyse serait fort difficile par d’autres méthodes. Nous allons en faire l’application à deux problèmes déjà résolus dans différents Ouvrages, mais d’une manière plus ou moins complète.

§ III. — Où l’on applique les formules précédentes aux vibrations d’une corde tendue et chargée de plusieurs corps, et aux oscillations d’un fil inextensible, chargé d’un nombre quelconque de poids et suspendu par ses deux bouts ou par un seulement.

30. Les expressions des variables que nous venons de trouver se simplifient beaucoup lorsque, dans les équations différentielles de l’article 21, les variables dont il s’agit se trouvent séparées. Alors les variables se trouvent aussi séparées dans les équations aux différences finies de l’article et chacune de ces équations donne, par le procédé de l’article 24, une équation particulière en du degré Si l’on dénote par les valeurs des qui répondent aux quantités données par ces trois équations, et que l’on conserve les dénominations de l’article précédent, les expressions de se réduiront, dans le cas précédent, à celles-ci :

31. Ce cas a lieu premièrement lorsque les corps sont supposés placés en ligne droite dans l’état d’équilibre ; car, si l’on prend cette ligne pour l’axe des les ordonnées et deviennent nulles ainsi que leurs différences et les équations de condition de l’article 0 exigent que l’on ait

c’est-à-dire que les forces perpendiculaires à l’axe soient nulles. On aura donc aussi

et les équations de l’article 21 deviendront, à cause de et de

par conséquent, les équations de l’article 23 se réduiront à celles-ci :

dans lesquelles on voit que les variables sont séparées, de manière qu’on peut les déterminer chacune en particulier.

La constante indéterminée pourra donc être différente dans ces trois équations, et chacune d’elles donnera une équation du nième degré pour la détermination de cette constante. On aura ainsi les formules de l’article précédent.

32. Puisqu’on a, dans le cas dont il s’agit, on aura (art. 19), et les équations de l’équilibre (art. 22) donneront

S

Mais, pour avoir la valeur de la quantité (art. 19), il faudra connaître la valeur de en fonction de ou et l’on déduira, par la différentiation, la valeur de en fonction de

Si, par exemple, on suppose on aura et, de là,

Dans le cas où l’on ferait abstraction de toute force étrangère, on aurait ce qui donne et, par conséquent, constante pour tous les corps. Mais la valeur de pourra varier d’un corps à l’autre, à moins que l’intervalle entre les corps consécutifs ne soit aussi le même pour tous les corps. Dans ce dernier cas, les quantités et seront deux constantes qu’on pourra déterminer a posteriori, sans connaître la loi de la fonction

Ce cas est celui d’un fil ou corde tendue, dont les deux extrémités sont fixes, et qui est chargée d’un nombre quelconque de corps placés à distances égales entre eux ; la quantité exprime alors la tension de la corde ou le poids qui peut la produire ; mais, pour la quantité on ne peut la déduire de sans connaître la loi de l’élasticité de la corde.

Ce problème, qui est connu sous le nom de problème des cordes vibrantes, mérite un examen particulier, tant parce qu’il est susceptible d’une solution générale, que parce qu’il est intimement lié avec le fameux problème des vibrations des cordes sonores.

33. Nous supposerons que tous les corps dont le fil est chargé soient égaux entre eux et sans pesanteur, et que les intervalles ou qui les séparent dans l’état d’équilibre soient aussi tous égaux.

Comme est le nombre des corps mobiles, si l’on désigne par la masse entière ou la somme de toutes les masses en y comprenant la dernière, qui est supposée fixe, et par la longueur de la corde dans l’état d’équilibre, il est clair qu’on aura

et les trois équations en de l’article 31 deviendront

lesquelles étant semblables entre elles, il suffira de résoudre la première, et il n’y aura plus qu’à changer en pour avoir aussi la résolution des deux autres.

34. Soit l’exposant ou l’indice du rang qu’un terme quelconque tient dans la série des nous désignerons en général ce terme par et le terme précédent sera ainsi la première équation sera

Supposons, pour résoudre cette équation,

et étant deux constantes arbitraires ; on aura, par les formules connues de la multiplication des angles,

et ces valeurs étant substituées dans l’équation précédente, elle deviendra, après la division par

laquelle donne

Or on a (art. 24) les deux conditions à remplir

la première donne la seconde donne d’où l’on tire étant l’angle de et un nombre quelconque entier. Donc on aura par conséquent, en faisant, ce qui est permis, on aura, en général,

Et l’on aura la même expression pour et pour qu’on substituera à la place de dans les expressions de de l’article 30.

La même valeur de étant substituée dans l’expression de trouvée ci-dessus, donne

où l’on peut mettre pour tous les nombres entiers depuis jusqu’à inclusivement ; car donne nuls, et, au-dessus de les sinus de reviennent les mêmes.

Ainsi l’on aura autant de valeurs différentes de qu’il y a de corps mobiles ; ce seront les racines de l’équation en

En changeant en on aura les valeurs des racines et des deux autres équations en

On fera donc ces substitutions dans les formules générales de l’article 30, et l’on observera que la caractéristique sommatoire S doit se rapporter uniquement aux exposants ou indices de rang depuis jusqu’à et que la caractéristique sommatoire doit se rapporter aux indices des différentes racines depuis jusqu’à

À l’égard de la valeur de SS on aura, à cause de la sommation suivante :


S
On aura de même
SS

35. Comme les valeurs de sont incommensurables entre elles, la corde ne pourra jamais reprendre sa première position, à moins que les expressions de ne se réduisent à un seul terme (art. 25). Dans ce cas, en mettant dans les formules de l’article cité, pour et les valeurs qu’on vient de trouver, et faisant, pour abréger,

on aura ces expressions, dans lesquelles j’ai conservé l’angle à la place de sa valeur

mais il faudra que les valeurs initiales qui répondent à soient proportionnelles à C’est la solution connue, dans laquelle on suppose que les corps ne font que des oscillations simples et isochrones.

36. Pour avoir des expériences générales applicables à un état initial quelconque, il faut employer les formules de l’article 30, en y substituant les valeurs trouvées ci-dessus (art. 34). Nous appliquerons, pour plus de clarté, aux variables l’exposant ou indice placé au bas de ces lettres, pour marquer le rang du corps auquel elles se rapportent, et à l’égard des quantités et qui sont sous le signe sommatoire S, nous emploierons l’exposant au lieu de parce que cet exposant est uniquement relatif au signe S lequel indique qu’il faut prendre la somme de tous les termes qui répondent aux valeurs de depuis jusqu’à

On aura ainsi cette formule générale

et pour avoir les expressions de et il n’y aura qu’à changer en et en et en

Les variables représentent les excursions longitudinales des corps dans la ligne droite ou axe qui passe par les deux extrémités fixes de la corde, et les variables représentent leurs excursions transversales ou latérales dans la direction perpendiculaire à l’axe, les seules qu’on ait considérées jusqu’ici dans la solution du problème des cordes vibrantes.

À l’égard du signe on se souviendra qu’il exprime la somme de toutes les quantités, sous ce signe, qui répondent à d’où l’on voit que les excursions de chaque corps, tant longitudinales que transversales, seront composées en général d’autant d’excursions particulières, analogues à celles de différents pendules dont les longueurs seraient

qu’il y a de corps mobiles, étant la force de la gravité.

Pour que les valeurs de et soient réelles, il faut que les quantités et soient positives (art. 35) ; donc, suivant l’hypothèse de l’article 32, il faudra que l’exposant soit positif. Si les corps se repoussaient, serait une quantité négative, et il faudrait alors que l’exposant fût aussi négatif, et que, de plus, on eût pour rendre nulles les excursions transversales et


37. Il y a une remarque importante à faire sur l’expression générale de que nous venons de trouver. Quoique nous ayons supposé que le nombre des corps mobiles est donné, et que la corde, dont la longueur est aussi donnée, est fixe par ses deux bouts, le calcul n’est pas arrêté par ces suppositions, et l’expression dont il s’agit donne la valeur de pour tout corps placé sur la même ligne droite dont le rang serait exprimé par un nombre quelconque entier, positif ou négatif.

En effet, puisque ce nombre n’entre que dans il est visible qu’on peut lui donner telle valeur que l’on veut, et l’on voit en même temps que, comme ce sinus ne changera pas de valeur si l’on y met à la place de et deviendra simplement négatif si l’on y change en étant un nombre quelconque entier, positif ou négatif. D’où il s’ensuit qu’en imaginant, suivant l’esprit du calcul, que la corde s’étende indéfiniment de part et d’autre, et qu’elle soit chargée, dans toute sa longueur, de corps égaux et placés à distances égales entre eux, les mouvements de ces corps seront tels, qu’on aura toujours

Or il est facile de voir que la formule peut représenter tous les nombres entiers, positifs ou négatifs, en supposant compris entre et car, ayant un nombre entier quelconque, si on le divise par jusqu’à ce que le reste, positif ou négatif, soit moindre que ce qui est toujours possible, et qu’on prenne pour le quotient et pour le reste, ce nombre sera représenté par Ainsi la valeur de relative à un corps quelconque placé sur la même ligne, à telle distance qu’on voudra de l’origine de l’axe se réduira toujours à la valeur de pour un des corps placés sur cet axe.

Comme la relation que nous venons de trouver entre les différentes valeurs de est générale, quel que soit le nombre si l’on y met à la place de et qu’on prenne les signes inférieurs, elle devient

D’où il est facile de conclure que, si l’on imagine toute la longueur indéfinie de la corde divisée en parties égales à l’axe de la corde donnée, les valeurs de dans chacune de ces parties, seront les mêmes à égale distance des points de division, mais de signes différents dans les parties contiguës. Si donc on représente les valeurs de pour tous les corps placés sur l’axe par les ordonnées des angles d’un polygone décrit sur cet axe, il n’y aura qu’à transporter ce polygone alternativement et symétriquement au-dessous et au-dessus de l’axe prolongé des deux côtés à l’infini, de manière que les côtés qui aboutissent aux points de division soient les mêmes, mais placés en sens contraire et dans la même direction ; on aura ainsi à chaque instant les valeurs de pour tous les corps qu’on supposera distribués sur la même ligne droite prolongée à l’infini par les coordonnées des angles de ce polygone composé d’une infinité de branches. Ces valeurs seront nulles dans chaque point de division, de sorte que les corps placés dans ces points seront d’eux-mêmes immobiles ; et c’est ainsi que le calcul satisfait à la condition que les deux bouts de la corde donnée soient fixes.

Ce que nous venons de démontrer par rapport aux variables a lieu également pour les différentielles car, en différentiant l’expression de par rapport à on a une expression de à laquelle on peut appliquer les mêmes raisonnements.

Donc les valeurs de et de qui représentent celles de et de au premier instant, et qui sont arbitraires pour tous les corps placés sur l’axe seront représentées par une pareille construction dans l’étendue de la corde de longueur indéfinie.

Comme les expressions des deux autres variables et ne diffèrent de celle de que par les valeurs initiales et qui sont à la place de les mêmes résultats auront lieu aussi par rapport à ces autres variables.

38. On conclura donc, en général, que, si une corde tendue, d’une longueur quelconque, est chargée de corps égaux et placés à distances égales entre eux, et qu’ayant divisé cette corde en plusieurs parties égales, comprises chacune entre deux corps, tous les corps, à l’exception de ceux qui sont dans les points de division, soient ébranlés à la fois, de manière que l’ébranlement soit le même, mais dans un sens opposé, pour ceux qui sont à distances égales de part et d’autre de chaque point de division, les corps placés dans ces points de division demeureront immobiles d’eux-mêmes, et chaque partie de la corde aura le même mouvement que si elle était isolée, et que ses deux extrémités fussent absolument fixes.

Il résulte de là qu’une corde tendue, de la longueur fixe par ses deux extrémités et chargée d’un nombre de corps, étant divisée en parties égales, étant un diviseur de si l’état initial est tel que les corps placés dans les points de division n’aient reçu aucun ébranlement, et que ceux qui sont en deçà et en delà d’un point de division à distances égales aient reçu des ébranlements égaux, mais en sens contraire, la corde oscillera comme si les points de division étaient fixes et que la corde n’eût que la longueur

39. La séparation des variables dans les équations en peut encore avoir lieu sans supposer que les corps soient disposés en ligne droite dans l’état d’équilibre, mais en supposant que leurs distances mutuelles ne varient pas dans le mouvement. Nous avons remarqué dans l’article 14 que ce cas dépend des mêmes formules générales, en y regardant la quantité et, par conséquent aussi, la quantité comme indéterminées ; et nous avons vu, dans l’article 22, que l’on a alors l’équation de condition

laquelle fait disparaître, dans les équations générales de l’article 21, tous les termes multipliés par

En n’ayant égard qu’à la pesanteur des corps, et prenant l’axe des abscisses et vertical et dirigé de bas en haut, on aura égale à la force accélératrice de la gravité, que nous désignerons par et, de plus, et les équations de l’article cité deviendront

où les variables sont séparées.

La valeur de sera (art. 22)

Les équations en deviendront donc (art. 23)

qui sont, comme l’on voit, tout à fait semblables entre elles ; de sorte qu’on pourra supposer parce que les constantes arbitraires par lesquelles ces quantités peuvent différer, devant être déterminées par les mêmes conditions, deviendront aussi les mêmes. Ainsi les valeurs données par les formules générales de l’article 30, ne seront différentes que par les valeurs initiales qui peuvent être quelconques.

Toute la difficulté se réduit donc à trouver l’expression générale de mais c’est à quoi l’on ne saurait parvenir par les méthodes connues.

Ce cas est celui d’un fil inextensible chargé de plusieurs poids et fixement arrêté dans ses deux extrémités.

40. Lorsque le fil n’est arrêté que par une de ses extrémités, que nous prendrons pour l’extrémité supérieure, le corps le plus bas devant être libre, il faudra, par l’article 17, que la valeur de ou de soit nulle à l’extrémité inférieure. Or, en prenant cette extrémité pour l’origine des abscisses, que nous supposons dirigées de bas en haut, et y faisant commencer la somme S la valeur de y sera nulle, pourvu qu’on ait On aura ainsi S

Comme on a, dans ce cas,

les équations de l’article 22 donneront c’est-à-dire que les ordonnées seront constantes ; de sorte qu’on aura, pour l’état d’équilibre, une ligne droite parallèle à l’axe vertical des abscisses Ainsi l’on peut faire en prenant pour l’axe des la verticale qui passe par le point de suspension du fil.

Ce cas, qui est celui des oscillations très petites d’un fil suspendu à un point fixe et chargé d’un nombre quelconque de poids, est aussi susceptible d’une solution générale lorsque les poids sont tous égaux entre eux et placés à distances égales les uns des autres.

41. Dans ce dernier cas, en nommant le nombre des corps, la somme de leurs masses et la longueur du fil, on a

et si l’on nomme, de plus, le nombre des corps, à commencer du plus bas jusqu’à celui auquel répondent les variables on aura

S
et, de là, on aura

L’équation en de l’article 39, étant multipliée par deviendra, en mettant au lieu de et observant que devient et que devient

savoir, en exécutant les différentiations indiquées par la caractéristique suivant la formule de l’article 16,

Cette équation, à cause du coefficient variable ne peut pas être traitée comme celles qui donnent les suites récurrentes ordinaires ; mais on peut en déduire successivement les valeurs de

Pour cela, il n’y a qu’à la mettre sous cette forme, où

De là, en faisant successivement on aura

et ainsi de suite ; de sorte qu’on aura, en général,

[2].

L’extrémité supérieure du fil devant être fixe, on peut supposer qu’elle réponde au corps dont le rang serait ainsi il faudra que l’on ait ce qui donne l’équation suivante, en remettant pour sa valeur

laquelle sera, par rapport à du degré et donnera, par conséquent, les valeurs de que nous désignerons en général par

42. Il n’y aura donc qu’à substituer, dans les formules de l’article 30, l’expression précédente de à la place de de et de et celle de à la place de et ensuite exécuter les sommations indiquées par les signes S et Mais il faut observer que dans le cas présent, où l’on suppose (art. 40), l’équation de condition de l’article 39 donne et, par conséquent, égale à une constante pour tous les corps, mais qui peut être une fonction de donc on aura, pour le commencement du mouvement, et égales à des constantes ; or, le premier corps étant supposé fixe, les valeurs initiales et sont nulles pour ce corps ; donc elles seront aussi nulles pour tous les autres. Par conséquent, l’expression générale de la variable deviendra nulle. Cela a lieu en négligeant, comme nous l’avons fait, les carrés et les puissances supérieures des variables supposées très petites. En effet, l’équation de l’article 19, à cause de

et de

donne

d’où l’on tire

de sorte que les variables seront du second ordre par rapport à et

Désignons maintenant par cette fonction de

et mettons dans l’expression générale de la variable de l’article 30, à l’imitation de ce que nous avons fait dans l’article 36, au lieu de et au lieu de dans les termes qui sont hors du signe S ; mais, dans ceux qui sont sous ce signe, nous changerons en et nous mettrons au lieu de et On aura ainsi, pour un corps quelconque dont le rang est en montant,

où le signe S exprime la somme des termes qui répondent à et le signe représente la somme des termes qui répondent à en supposant que soient les racines de l’équation en représentée par

On aura une expression tout à fait semblable pour la variable en changeant simplement en

Le problème des oscillations infiniment petites d’un fil chargé d’un nombre quelconque de poids égaux est donc complètement résolu ; il ne reste qu’à déterminer les racines de l’équation en ce qui ne paraît pas possible en général.

43. Au reste, quoiqu’on ne puisse pas déterminer ces racines, on peut néanmoins être assuré qu’elles doivent être toutes réelles, positives et inégales ; autrement les valeurs de contiendraient des termes qui iraient en augmentant avec le temps, ce qui ne peut être, puisqu’il est évident, par la nature du problème, que les oscillations du fil doivent toujours être de peu d’étendue, si les valeurs initiales de sont très petites.

Le contraire aurait lieu si l’on supposait la quantité qui exprime la gravité, négative, c’est-à-dire agissant en sens opposé ; car ce serait le cas où, le point de suspension du fil vertical étant placé à son extrémité inférieure, le fil culbuterait, pour peu qu’il fût déplacé de la situation verticale. En effet, en faisant g négative dans l’équation en tous ses termes deviennent positifs, de sorte qu’elle ne peut avoir que des racines imaginaires ou réelles négatives.

On peut aussi trouver ces résultats a priori, par les principes établis dans l’article 8, ce qui peut servir à montrer la justesse de ces principes. En effet, si l’on a égard à la condition de l’inextensibilité du fil, laquelle donne (article précédent), en prenant les sommes comptées du corps le plus bas,

S

la valeur de sera simplement S et l’on aura

Mais, puisque le corps le plus haut, qui répond à est supposé fixe, la valeur de y devra être nulle ; ainsi l’on aura

S

en supposant que la somme renfermée entre deux crochets soit la somme totale. Donc on aura

S

où le signe S dénote les sommes prises à rebours, à commencer par le corps le plus haut, et qui sont les différences de la somme totale et des sommes partielles dénotées par S, lesquelles doivent commencer au corps le plus bas, où est l’origine des abscisses.

On aura donc ainsi

SSS

où l’on voit que la partie de qui contient les secondes dimensions des variables et qui sont maintenant indépendantes, est nécessairement toujours positive, et que, par conséquent, les racines de l’équation en seront toutes réelles, positives et inégales. Ce serait le contraire si l’on donnait à une valeur négative.

§ IV. — Sur les vibrations des cordes sonores, regardées comme des cordes tendues, chargées d’une infinité de petits poids infiniment proches l’un de l’autre ; et sur la discontinuité des fonctions arbitraires.

44. La solution générale que nous avons donnée du problème des cordes vibrantes a lieu, quel que soit le nombre des corps mobiles, et quel que soit aussi leur état initial ; par conséquent, elle doit s’appliquer aussi au cas où le nombre deviendrait infiniment grand, et les intervalles entre les corps diminueraient à l’infini, de manière que la longueur de la corde restât la même alors le mouvement de chaque corps se trouvera représenté par une série infinie de termes dont la somme sera équivalente à une fonction finie, différente de celle de chacun de ses termes. Ce cas est celui d’une corde sonore uniformément épaisse, et l’on a coutume de le résoudre directement par le Calcul différentiel ; cependant il peut être intéressant pour l’Analyse de faire voir comment on peut le déduire de la solution générale, surtout parce que, de cette manière, on sera assuré d’avoir une solution applicable à quelque figure que la corde puisse avoir au commencement de son mouvement.

45. Nous remarquerons d’abord qu’en supposant infini, la valeur de (art. 34) devient parce que la dernière limite de est de sorte que les racines de l’équation en qui étaient toutes incommensurables entre elles, tant que le nombre des corps mobiles était fini, deviennent toutes commensurables lorsque est infini, ayant pour commune mesure dans les excursions longitudinales et dans les excursions transversales et d’où il suit que la corde reprendra toujours sa première figure par rapport à l’axe, au bout d’un temps égal à quel que puisse être son état initial.

Il est vrai que, le nombre pouvant aussi devenir infini, il y aurait des cas où l’on ne pourrait plus supposer mais, comme cela ne peut avoir lieu qu’après un nombre infini de termes dans les séries infinies marquées par il s’ensuit de la théorie connue de ces séries que ces cas particuliers ne sont point une exception au résultat général.

On peut d’ailleurs s’en convaincre directement ; car, dans le cas de infini, les différences finies marquées par deviennent infiniment petites ; ainsi l’équation en de l’article 33 devient, en changeant en et mettant pour sa valeur

laquelle, étant intégrée, donne

Il faut que soit nul lorsque et lorsque parce que les deux extrémités de la corde sont fixes ; la première condition donne et la seconde donne d’où l’on tire comme plus haut.

On n’a donc pas besoin, dans ce cas, pour que la corde revienne toujours à son premier état, de supposer qu’elle ne fasse que des oscillations simples et semblables à celles d’un pendule, comme dans l’article 35 ; car, quel que soit son état initial, on est assuré que ses vibrations seront toujours isochrones entre elles, et synchrones à celles d’un pendule simple de longueur égale à mais la loi de ces vibrations sera différente de celle des vibrations des pendules, et dépendra de l’état initial de la corde.

Pour connaître cette loi, il faut voir ce que deviennent les expressions générales de dans le cas de infini ; c’est ce que nous allons examiner.

46. Faisons, dans la formule générale de l’article 36, les substitutions de à la place de et de à la place de en supposant infini ; et au lieu des exposants ou indices et qui dénotent le rang des corps auxquels appartiennent les variables et employons, ce qui est plus simple, les parties mêmes de l’axe ou les abscisses qui répondent à ces corps, en dénotant par l’abscisse relative à et par l’abscisse relative à et à Comme la longueur totale de la corde est supposée égale à on aura

et la formule dont il s’agit donnera cette expression générale des excursions longitudinales


en faisant

S
S

Le signe dénote ici une suite infinie de termes qui répondent à à l’infini ; et le signe S dénote d’autres suites infinies de termes qui répondent à toutes les valeurs de à l’infini, à cause de infiniment petit.

On aura de pareilles expressions pour les excursions transversales et en changeant en et en et en

47. Daniel Bernoulli, en généralisant la solution du problème des cordes vibrantes donnée par Taylor, était parvenu à une formule semblable à la précédente, mais dans laquelle les coefficients étaient nuls et les coefficients dénotaient simplement des constantes arbitraires dépendantes de la figure initiale de la corde (Mémoires de Berlin, 1753) ; et il avait cru pouvoir expliquer, par les différents termes de sa formule, les sons harmoniques qu’une corde sonore fait entendre, avec le son principal. Notre formule, dans laquelle ces coefficients sont exprimés par les valeurs initiales nous met en état d’apprécier cette explication, qui a été adoptée par plusieurs auteurs après lui.

En effet, il est facile de voir que le son principal de la corde sera donné par le premier ou les deux premiers termes de la série, qui répondent à et que les sons harmoniques successifs, c’est-à-dire l’octave, la douzième, la double octave, la dix-septième, etc., seront donnés par les termes suivants, qui répondent à Donc, pour que le son principal domine parmi tous les autres, et qu’il n’y ait que les premiers des harmoniques qui se fassent entendre en même temps, il faut supposer que les coefficients soient beaucoup plus grands que tous les autres pris ensemble, et que les coefficients suivants :

forment des séries extrêmement convergentes. Mais, par la manière dont ces coefficients dépendent des valeurs initiales et on voit que cette supposition est inadmissible, en regardant l’état initial de la corde comme arbitraire ; on voit même que, dans la plupart des cas, ces coefficients formeront des séries divergentes, ce qui n’empêchera pas que la corde ne fasse des vibrations isochrones ou d’égale durée, seule condition nécessaire pour la formation d’un ton.

48. Quoique les formules de l’article 46 donnent rigoureusement le mouvement de la corde au bout d’un temps quelconque les séries infinies qui entrent dans ces formules empêchent néanmoins qu’elles ne représentent ce mouvement d’une manière nette et sensible ; mais, en envisageant sous un autre point de vue la formule générale de l’article 36, on peut en tirer une construction simple et uniforme pour déterminer l’état de la corde à chaque instant, quel que puisse être son état initial.

Reprenons cette formule, et mettons-la sous la forme suivante, ce qui est permis à cause de l’indépendance des signes sommatoires S et

S
S

Nous tirerons d’abord de cette formule une conséquence qui nous sera fort utile. Comme on a supposé que est la valeur initiale de (art. 29), il faut qu’en faisant dans l’expression précédent de elle se réduise à et qu’on ait, par conséquent, cette équation identique

S

Il est évident que le second membre de cette équation ne peut se réduire à à moins que l’on n’ait, en général,

tant que est différent de et que, lorsque on ait

étant égal à et le signe étant rapporté aux valeurs succes-

sives de ce qui donne une série formée des produits de sinus d’angles multiples de et dont la somme devra être toujours nulle dans le premier cas, et égale à dans le second. C’est aussi ce qu’on peut démontrer directement par les formules connues, pour la sommation de ces sortes de suites.

Dans ces formules, et sont supposés des nombres quelconques entiers compris entre et mais, à cause de étant aussi un nombre entier, si l’on met à la place de étant un nombre quelconque entier positif ou négatif, on aura

par conséquent, on aura, en général,

selon que sera égal à ou non.

La formule peut représenter tous les nombres entiers positifs ou négatifs, comme nous l’avons vu dans l’article 37 ; ainsi, ayant un nombre quelconque entier on peut faire ce qui donnera

et l’on aura, en général, quel que soit

selon que sera égal à ou non, étant un nombre entier entre et

49. Cela posé, comme l’expression de est composée de deux parties, dont la première contient les valeurs initiales de la variable et dont la seconde contient les valeurs initiales des différentielles nous considérerons ces deux parties séparément, et nous désignerons la première par et la seconde par de manière que l’on ait

En supposant infini, l’angle devient infiniment petit, et se réduit à (art. 46). Faisant cette substitution dans l’expression de on aura (art. 48)

S

et développant le produit

S
S

Comme est supposé un nombre infiniment grand, on pourra toujours regarder comme un nombre entier le nombre quel que puisse être le nombre exprimé par

Ainsi, en faisant, dans la dernière formule de l’article précédent,

on aura

S

et faisant on aura pareillement

S

et étant des nombres entiers quelconques, ou zéro.

Donc, réunissant ces deux valeurs, on aura simplement

où les signes ambigus de et de répondent à ceux des valeurs de et de

50. Mais, à la place des exposants ou indices et qui dénotent le rang des corps auxquels appartiennent les variables et il est plus commode d’employer les parties mêmes de la corde comprises entre la première extrémité fixe et ces mêmes corps.

Désignons, comme dans l’article 46, par la partie de l’axe ou l’abscisse qui répond à et par celle qui répond à la longueur de la corde étant on aura

et de même

ce qui donne

et à la place de on pourra écrire simplement

Substituant ces valeurs de dans les formules de l’article précédent, multipliant par et divisant par on aura

les signes ambigus de et répondant à ceux de et et l’on déterminera ces signes, ainsi que les valeurs de et de par la condition que ces valeurs soient positives et moindres que

51. Représentons par et les valeurs de et en sorte que l’on ait, en général,

Donc :

1o Si est entre et on prendra et

2o Si est entre et on prendra et

3o Si est entre et on prendra et Et ainsi de suite.

De même :

1o Si est entre et on prendra et

2o Si est entre et on prendra et

3o Si est entre et on prendra et Et ainsi de suite.

On voit que ces différents cas se réduisent à déterminer les abscisses ou en ajoutant ou en retranchant de l’abscisse la ligne de manière que, lorsqu’elle passera l’une ou l’autre extrémité de l’axe elle soit repliée en arrière et comme réfléchie par des obstacles placés à ces deux extrémités, et à prendre l’ordonnée correspondante ou positive, si le nombre des réflexions est pair, ou négative, si ce nombre est impair.

52. Mais il est encore plus simple de continuer la courbe des sur le même axe prolongé des deux côtés, de manière qu’on ait directement les ordonnées et qui répondent aux abscisses et

Pour cela, ayant décrit sur l’axe le polygone d’une infinité de côtés ou la courbe dont les coordonnées sont pour une abscisse quelconque et qui sera donnée par les valeurs initiales des excursions de tous les points de la corde, il n’y aura qu’à transporter cette même courbe alternativement au-dessous et au-dessus du même axe prolongé indéfiniment des deux côtés, de manière qu’il en résulte une courbe continue formée de branches égales situées symétriquement autour de l’axe et se joignant par les mêmes extrémités, dans laquelle les ordonnées prises à distances égales, de part et d’autre de chacune des deux extrémités de l’axe soient toujours égales entre elles et de signe contraire.

En prenant dans cette courbe les ordonnées qui répondent aux abscisses et on aura les valeurs de et de et la variable sera représentée, au bout d’un temps quelconque par la formule

On aurait pu déduire tout de suite cette continuation de la courbe qui représente les valeurs de de ce que nous avons démontré en général dans l’article 37, en supposant que la corde, au lieu d’être terminée aux deux points fixes, s’étende de part et d’autre à l’infini ; le polygone que nous avons imaginé dans cet article deviendra ici une courbe continue, laquelle, étant appliquée au premier instant du mouvement, sera la courbe des valeurs de prolongée à l’infini.

53. Considérons maintenant la seconde partie de que nous désignons par et qui est représentée (art. 46) par la formule

S

Il faut commencer par la délivrer du dénominateur pour la rendre semblable à celle de et susceptible des mêmes réductions.

Pour cela, je prends la différence et comme l’exposant n’entre que dans il suffira d’affecter ce sinus de la caractéristique

Or, par les théorèmes connus, on a

Substituant donc cette valeur dans l’expression de on aura

S

Faisant, pour le cas de infini, et développant le produit on aura

S
S

Cette expression de est composée de deux parties semblables à celles de (art. 49) ; on peut donc y appliquer les mêmes raisonnements et la ramener à une construction semblable.

Ayant donc tracé sur l’axe le polygone d’une infinité de côtés ou la courbe dont les ordonnées pour chaque abscisse soient et qui sera donnée par les vitesses initiales on la transportera alternativement au-dessous et au-dessus du même axe prolongé indéfiniment des deux côtés, de manière que l’on ait une courbe continue semblable à celle de l’article précédent. Alors, en mettant ou à la place de et négligeant comme nul le terme vis-à-vis de on trouvera

et passant des différences aux sommes,


S

54. Ces sommes ou ces intégrales représentent, comme l’on voit, des aires de la courbe dont les coordonnées sont et il faut que ces aires ne commencent qu’aux points où et où les abscisses sont et mais il est plus commode de les faire commencer à l’origine commune des abscisses, qui est l’extrémité antérieure de l’axe Pour cela, il faudra retrancher de l’aire qui commence à ce point, et qui répond à l’abscisse l’aire qui répond à l’abscisse pour que l’aire restante ne commence qu’au point où et quant à l’aire qui répondra à l’abscisse il faudra y ajouter l’aire relative à pour en rapporter le commencement au même point de l’origine des abscisses.

Dénotons en général par toute aire qui commence à cette origine et qui répond à une abscisse quelconque d’après ce que nous venons de dire, on aura, dans l’expression de

S
S

On substituera donc ces valeurs, et l’on remarquera qu’on a, en général,

puisque, par la nature de la courbe des les ordonnées qui répondent à des abscisses égales, mais de signe différent, sont aussi égales et de signe différent ; de sorte qu’on a constamment

Donc on aura simplement (article précédent)

55. Donc enfin, réunissant les valeurs de et de on aura cette expression générale de au bout d’un temps quelconque

On aura des expressions semblables pour les variables en changeant seulement en et en et et en supposant qu’on ait tracé de la même manière les courbes correspondantes aux valeurs initiales et

Ayant ainsi les excursions longitudinales et les excursions latérales de chaque point de la corde qui répond à l’abscisse prise dans l’axe, on connaîtra l’état de la corde au bout d’un temps quelconque écoulé depuis le commencement du mouvement, et comme les valeurs initiales ainsi que a, sont absolument arbitraires, on voit que rien ne pourra limiter cette solution, tant que les courbes formées d’après ces valeurs auront une courbe continue et ne formeront point d’angles finis, ce qui produirait des sauts dans les expressions des vitesses et des forces accélératrices.

On a supposé (art. 35) étant la longueur de la corde et la masse de tous les poids dont elle est chargée (art. 33) ; ainsi sera la masse ou le poids de toute la corde, qui est supposée uniformément épaisse ; de sorte que, si l’on nomme sa pesanteur spécifique, qui dépend de la densité et de la grosseur, on aura par conséquent, on aura

À l’égard des quantités et nous avons vu que ce sont deux constantes, dont l’une, exprime la tension de la corde et est, par conséquent, proportionnelle au poids qui la tend ; mais dépend de la loi de cette tension relativement à l’extension de la corde (art. 32).

56. Pour peu qu’on examine la nature des courbes qui représentent les valeurs de et il est facile de voir que les ordonnées éloignées entre elles de l’intervalle seront toujours égales et de même signe, et que les aires qui se termineront à ces ordonnées seront aussi égales entre elles, parce que toute aire qui répond à un intervalle pris dans un endroit quelconque de l’axe prolongé à l’infini, est toujours nulle, étant composée de deux parties égales entre elles, mais de signe contraire.

Il suit de là que la valeur de demeurera la même si l’on augmente le temps de la quantité ou d’un multiple quelconque de cette quantité donc les excursions longitudinales de la corde reviendront les mêmes au bout d’un intervalle de temps égal à ou c’est la durée des vibrations longitudinales.

Il en sera de même des valeurs de et de en changeant en c’est-à-dire en ainsi la durée des vibrations transversales sera

Tous les auteurs qui ont traité jusqu’à présent des vibrations des cordes sonores n’ont considéré que les vibrations transversales, et ils ont trouvé pour leur durée la même formule que nous venons de donner.

À l’égard des vibrations longitudinales, M. Chladni est le seul, que je sache, qui en ait fait mention dans son intéressant Traité d’Acoustique, § 43 ; il donne le moyen de les produire sur une corde de violon, et il remarque que le ton qu’elles rendent n’est pas le même que celui des oscillations transversales, d’où il suit que est différent de par conséquent, dans l’hypothèse très vraisemblable que la force élastique par laquelle chaque élément de la corde résiste à être allongé, ou tend à se raccourcir, soit proportionnelle à la puissance de cet élément, c’est-à-dire qu’on ait (art. 14), il faudra que soit différent de l’unité (art. 32) ; et si, comme M. Chladni paraît l’insinuer, le ton longitudinal est toujours plus-élevé que le transversal, il faudra que et, par conséquent,

57. Nous avons vu (art. 36) qu’une corde tendue, de la longueur et chargée de corps, peut se mouvoir comme si elle n’avait qu’une longueur étant un diviseur de Lorsque est un nombre infini, peut être un nombre entier quelconque ; ainsi une corde sonore de la longueur pourra osciller comme une corde dont la longueur serait c’est-à-dire une partie aliquote de et la durée de ses oscillations se réduira alors à pour les oscillations longitudinales, et à pour les oscillations transversales.

En effet, si les valeurs initiales et arbitraires et sont telles, que les courbes ou les lieux de ces valeurs sur l’axe coupent cet axe en deux ou en parties égales, et que les branches qui répondent à ces parties soient les mêmes, mais situées alternativement au-dessus et au-dessous de l’axe, de manière qu’à distances égales de part et d’autre de chacun de ces points d’intersection les ordonnées soient égales et de signe contraire ; ces courbes, étant ensuite prolongées à l’infini, suivant la construction de l’article 49, auront la même forme que si elles provenaient d’une corde dont la longueur ne serait que et l’expression générale de (art. 52) fait voir que les valeurs de qui répondent aux points d’intersection sont toujours nulles ; de sorte que la corde, dans ses oscillations longitudinales, se partagera d’elle-même en autant de parties égales, qui oscilleront comme si leurs extrémités étaient fixes.

Il en sera de même par rapport aux oscillations transversales représentées par les variables et

58. Comme le ton que donne une corde sonore ne dépend que de la durée de ses oscillations isochrones, laquelle, pour une même corde tendue, est proportionnelle à sa longueur, il s’ensuit qu’une corde, en se partageant ainsi d’elle-même en parties aliquotes, rendra des tons qui seront au ton principal, dans lequel l’oscillation est entière, comme les fractions qui expriment ces parties sont à l’unité. Ainsi, si la corde se partage en deux, trois, quatre,… parties égales, ces tons seront exprimés par les fractions et seront, par conséquent, à l’octave, à la douzième, à la double octave, à la dix-septième,… du ton fondamental.

On appelle ces tons qu’une même corde peut donner d’elle-même tons harmoniques, et l’on sait qu’on peut les produire à volonté en touchant légèrement la corde pendant sa vibration, dans un des points de division qu’on nomme nœuds de vibration d’après Sauveur, qui a expliqué le premier, par ces nœuds, les sons harmoniques de la trompette marine et des autres instruments, dans les Mémoires de l’Académié des Sciences de 1701, Wallis les avait déjà observés dans les cordes qui sont à l’octave, à la douzième, à la double octave,… au-dessous d’une corde qu’on fait résonner, et qui frémissent en se divisant naturellement en deux, trois, quatre, … parties égales, dont chacune donnerait le même ton que la corde qu’on fait résonner. (Voir le Chapitre 107 de son Algèbre.)

59. La théorie et l’expérience sont bien d’accord sur la production des sons harmoniques ; mais il n’est pas aussi facile de rendre raison de ce qu’on appelle, d’après Rameau, qui en a fait la base de son Système, la résonance du corps sonore, et qui consiste dans la réunion des sons harmoniques avec le son principal de toute corde qu’on fait résonner d’une manière quelconque.

Si ces sons harmoniques sont, en effet, produits par la même corde, en même temps que le son principal, il faut supposer que la corde fait à la fois des vibrations entières et des vibrations partielles, et que ses vibrations effectives sont composées de ces différentes vibrations, comme tout mouvement peut être composé ou regardé comme composé de plusieurs autres mouvements.

Nous avons déjà vu plus haut (art. 47) qu’on ne peut expliquer d’une manière plausible la coexistence des sons harmoniques par la formule de Daniel Bernoulli ; on peut ajouter que les séries qui pourraient donner ces différents sons disparaissent de la formule lorsqu’on suppose le nombre des corps infini, et qu’il en résulte, pour chaque point de la corde, une loi d’isochroni\sine simple et uniforme qui dépend immédiatement et simplement de l’état initial, comme nous venons de le démontrer.

Au reste, si l’on voulait à toute force expliquer la résonance multiple des cordes par les vibrations composées, il faudrait regarder la figure initiale, par exemple, comme formée de différentes courbes superposées l’une à l’autre, de manière que l’une serve d’axe à la suivante, et dont la première ne forme qu’une branche dans toute l’étendue de la corde ; la seconde forme deux branches égales et placées symétriquement, qui divisent les axes en deux parties égales ; la troisième forme trois branches égales qui divisent l’axe en trois parties égales, et ainsi de suite.

Alors les vibrations de la corde pourront être regardées comme composées de vibrations entières dans toute la longueur de la corde, et de vibrations qui ne répondent qu’à la moitié de la corde, au tiers, au quart, …. Mais cette composition de courbes et de vibrations n’étant qu’hypothétique, les conséquences qu’on pourrait en déduire, relativement à la coexistence des sons harmoniques, seraient tout à fait précaires.

60. Revenons à la formule générale trouvée dans l’article 55. Comme les quantités et sont les coordonnéesd’une courbe donnée, qui répondent aux abscisses et on peut les représenter par des fonctions de ces abscisses de la même forme. Ainsi, en désignant par la caractéristique une fonction indéterminée, on aura

Pareillement, en prenant une autre fonction désignée par la caractéristique on pourra faire

Ainsi l’expression de (art. 55) pourra se mettre sous cette forme

dans lesquelles les fonctions marquées par les caractéristiques et sont arbitraires, puisqu’elles dépendent de l’état initial de la corde.

On peut même réduire cette expression à une forme plus simple, en observant que ne représente proprement qu’une fonction de qu’on peut marquer par la caractéristique et que ne représente aussi qu’une seule fonction de mais différente de la précédente, et qu’on peut marquer par une autre caractéristique

De cette manière, l’expression générale de deviendra simplement

61. On peut parvenir directement à cette expression par l’équation différentielle qui détermine la variable (art. 31). Cette équation, en faisant et constant, comme dans l’article 32, et changeant la caractéristique des différences finies dans la caractéristique des différences infiniment petites, devient

Si maintenant on fait et et cette équation devient

laquelle est aux différences partielles du second ordre, entre les trois variables, et et qui a pour intégrale complète

les signes et dénotant deux fonctions arbitraires comme ci-dessus.

Ces fonctions doivent être déterminées par l’état initial de la corde et par les conditions que ses deux bouts soient fixes. Si on les décompose en deux autres fonctions marquées par les signes et et telles que et de manière que l’on ait

comme nous l’avons déduit de notre construction, la première condition donnera, en faisant

d’où l’on tire

ainsi on a tout de suite les valeurs des fonctions et dans toute l’étendue de la corde, par le moyen des valeurs initiales et

Les conditions de l’immobilité des extrémités de la corde donnent lorsque et lorsque quelle que soitla valeur de En assujettissant séparément, ce qui est permis, à ces deux conditions, les deux fonctions et on a, pour la première,

et, pour la seconde,

ce qui donne par la différentiation

d’où l’on voit que les conditions de la fonction sont les mêmes que celles de la fonction

Ces conditions déterminent les valeurs des fonctions pour les abscisses négatives ou plus grandes que d’après les valeurs de ces fonctions pour les abscisses comprises entre et et il est facile de voir qu’il en résulte les constructions données dans les articles 52 et 53.

Si, au lieu des excursions longitudinales on considère les excursions transversales et on a la même équation différentielle et, par conséquent, aussi la même intégrale et les mêmes constructions, en changeant seulement en et en ou en

Ces constructions sont semblables à celle qu’Euler avait donnée pour déterminer la figure de la corde dans un instant quelconque, d’après sa figure initiale, en faisant abstraction des vitesses imprimées au commencement du mouvement. Mais il faut remarquer que, comme elles ne sont fondées ici que sur les fonctions qui représentent les intégrales des équations aux différences partielles, elles ne peuvent avoir plus d’étendue que ne comporte la nature des fonctions, soit algébriques ou transcendantes. Or, l’équation différentielle étant la même pour tous les points de la corde et pour tous les instants de son mouvement, la relation qu’elle représente doit régner constamment et uniformément entre les variables, quelque étendue qu’on leur donne ; par conséquent, quoique les fonctions arbitraires soient en elles-mêmes d’une forme indéterminée, néanmoins, lorsque cette forme est donnée dans une certaine étendue par l’état initial de la corde, il est naturel d’en conclure qu’elle doit demeurer la même dans toute l’étendue de la fonction, et qu’il n’est pas permis de la changer pour la plier aux conditions qui dépendent de l’immobilité supposée des extrémités de la corde.

Aussi d’Alembert, à qui on doit la découverte de cette intégrale en fonctions arbitraires, a toujours soutenu que la construction qui en résulte n’est légitime que lorsque la courbe initiale est telle qu’elle ait par sa nature des branches alternatives égales et semblables, toutes renfermées dans une même équation, pour que la même fonction puisse représenter cette courbe avec toutes ses branches à l’infini. Euler, au contraire, en adoptant la solution analytique de d’Alembert, a cru qu’il suffisait de transporter la courbe initiale alternativement au-dessus ou au-dessous de l’axe à l’infini pour en former une courbe continue, sans s’embarrasser si ses différentes branches pouvaient être liées par une même équation et assujetties à la loi de continuité des fonctions analytiques. Voir les Mémoires de Berlin de 1747, 1748, et les Tomes I et IV des Opuscules de d’Alembert.


62. Comme les formules qui donnent le mouvement d’une corde tendue et chargée d’un nombre indéfini de corps égaux ne sont sujettes à aucune difficulté, parce que le mouvement de chaque corps est déterminé par une équation particulière, il est évident que, si l’on peut appliquer ces mêmes formules au mouvement d’une corde uniformément épaisse, en supposant le nombre des corps infini et leurs distances mutuelles infiniment petites, la loi qui en résultera pour les vibrations de la corde sera entièrement indépendante de son état initial et, si cette loi se trouve la même que celle qui se déduit de la considération des fonctions arbitraires, il sera prouvé que ces fonctions peuvent être d’une forme quelconque, continue ou discontinue, pourvu qu’elles représentent l’état initial de la corde. C’est ainsi que je démontrai, dans le premier Volume des Mémoires de Turin, la construction d’Euler, qui n’était encore fondée que sur des preuves insuffisantes. L’analyse que j’y employai est, à quelques simplifications près que j’y ai apportées depuis, la même que je viens de donner, et j’ai cru qu’elle ne serait pas déplacée dans ce Traité, parce qu’elle conduit directement à la solution rigoureuse d’une des questions les plus intéressantes de la Mécanique.

La généralité des fonctions arbitraires et leur indépendance de la loi de continuité étant démontrées pour l’intégrale de l’équation relative aux vibrations des cordes sonores, on est fondé à admettre ces fonctions, de la même manière, dans les intégrales des autres équations aux différences partielles ; j’ai même fait voir, dans le second Volume des Mémoires cités, comment on pouvait intégrer plusieurs de ces équations sans la considération des fonctions arbitraires, et parvenir aux mêmes solutions que l’on trouverait par le moyen de ces fonctions, envisagées dans toute leur étendue.

Maintenant, le principe de la discontinuité des fonctions est reçu généralement pour les intégrales de toutes les équations aux différences partielles ; et les constructions que M. Monge a données d’un grand nombre de ces équations, jointes à sa théorie de la génération des surfaces par les fonctions arbitraires, ne laissent plus aucune incertitude sur l’emploi des fonctions discontinues dans les problèmes qui dépendent des équations de ce genre.

63. C’est une chose digne de remarque que la même formule

qui satisfait à l’équation en différences partielles

satisfait aussi à la même équation en différences finies, qu’on peut représenter par

pourvu qu’on y suppose et constant. En effet, on a, en ne faisant varier que

et, en ne faisant varier que le

expressions qui deviennent égales en faisant et l’on trouvera la même chose pour la fonction

Dans l’infiniment petit, la condition disparaît, et l’intégrale a toujours lieu ; la raison en est qu’alors l’expression qui paraît représenter la différence seconde de divisée par le carré de la différence de n’est plus qu’un symbole qui exprime une fonction simple de dérivée de la fonction primitive et différente de cette fonction, laquelle est tout à fait indépendante de la valeur de Il en est de même de l’expression par rapport à c’est dans ce changement de fonctions que consiste réellement le passage du fini à l’infiniment petit et l’essence du Calcul différentiel.

64. J’ajouterai encore ici une remarque qui peut être utile dans plusieurs occasions ; elle a pour objet une nouvelle méthode d’interpolation qui résulte des formules de l’article 48.

Nous avons vu que la formule

devient égale à lorsque Donc, si l’on a une suite de quantités dont le nombre soit on pourra représenter par la formule précédente un terme quelconque intermédiaire

dont le rang serait marqué par un nombre quelconque entier ou fractionnaire, puisqu’en faisant successivement la formule donne

Le signe S indique la somme de tous les termes qui répondent à et le signe la somme de tous les termes qui répondent à la quantité étant l’angle de deux droits.

Supposons qu’il n’y ait qu’un terme donné, on fera et l’on aura, pour l’expression générale de

Soient et lesdeux termes donnés on fera et l’on aura

en supposant

Soient et les termes donnés on fera et et l’on aura

où les coefficients sont déterminés par ces formules

et ainsi de suite.

Dans la méthode ordinaire d’interpolation, on suppose qu’on fasse passer, par les extrémités des ordonnées qui représentent les termes donnés, une courbe parabolique de la forme

Dans la méthode précédente, au lieu d’une courbe parabolique, on suppose une courbe de la forme

et il y a bien des cas où cette supposition peut être préférable comme plus conforme à la nature de la question.


Séparateur

  1. Le nombre des oscillations simples n’est pas égal au nombre des corps mobiles, mais au nombre des variables indépendantes. C’est, du reste, ce que Lagrange dit lui-même au commencement du paragraphe. (J. Bertrand.)
  2. Le terme général est        (J. Bertrand.)