Mécanique analytique/Partie 1/Section 4

Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIp. 77-112).
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Première partie


SECTION QUATRIÈME.

MANIÈRE PLUS SIMPLE ET PLUS GÉNÉRALE DE FAIRE USAGE DE LA FORMULE DE L’ÉQUILIBRE DONNÉE DANS LA SECTION DEUXIÈME.


1. Ceux qui jusqu’à présent ont écrit sur le principe des vitesses virtuelles se sont plutôt attachés à prouver la vérité de ce principe par la conformité de ses résultats avec ceux des principes ordinaires de la Statique, qu’à montrer l’usage qu’on en peut faire pour résoudre directement les problèmes de cette science. Nous nous sommes proposé de remplir ce dernier objet avec toute la généralité dont il est susceptible, et de déduire du principe dont il s’agit des formules analytiques qui renferment la solution de tous les problèmes sur l’équilibre des corps ; à peu près de la même manière que les formules des sous-tangentes, des rayons osculateurs, etc., renferment la détermination de ces lignes dans toutes les courbes.

La méthode exposée dans la deuxième Section peut être employée dans tous les cas, et ne demande, comme on l’a vu, que des opérations purement analytiques ; mais, comme l’élimination immédiate des variables ou de leurs différences par le moyen des équations de condition peut conduire à des calculs trop compliqués, nous allons présenter la même méthode sous une forme plus simple, en réduisant en quelque manière tous les cas à celui d’un système entièrement libre.

§ I. — Méthode des multiplicateurs.

2. Soient

les différentes équations de condition données par la nature du système, les quantités étant des fonctions finies des variables en différenciant ces équations, on aura celles-ci :

lesquelles donneront la relation qui doit avoir lieu entre les différentielles des mêmes variables. En général, nous représenterons par

les équations de condition entre ces différentielles, soit que ces équations soient elles-mêmes des différences exactes ou non, pourvu que les différentielles n’y soient que linéaires.

Maintenant, comme ces équations ne doivent servir qu’à éliminer un pareil nombre de différentielles dans la formule générale de l’équilibre, après quoi les coefficients des différentielles restantes doivent être égalés chacun à zéro, il n’est pas difficile de prouver, par la théorie de l’élimination des équations linéaires, qu’on aura les mêmes résultats si l’on ajoute simplement à la formule dont il s’agit les différentes équations de condition

multipliées chacune par un coefficient indéterminé ; qu’ensuite on égale à zéro la somme de tous les termes qui se trouvent multipliés par une même différentielle, ce qui donnera autant d’équations particulières qu’il y a de différentielles qu’enfin on élimine de ces dernières équations les coefficients indéterminés par lesquels on a multiplié les équations de condition.

3. De là résulte donc cette règle extrêmement simple pour trouver les conditions de l’équilibre d’un système quelconque proposé.

On prendra la somme des moments de toutes les puissances qui doivent être en équilibre (sect. II, art. 5), et l’on y ajoutera les différentes fonctions différentielles qui doivent être nulles par les conditions du problème, après avoir multiplié chacune de ces fonctions par un coefficient indéterminé ; on égalera le tout à zéro, et l’on aura ainsi une équation différentielle qu’on traitera comme une équation ordinaire de maximis et minimis, et d’où l’on tirera autant d’équations particulières finies qu’il y aura de variables. Ces équations étant ensuite débarrassées, par l’élimination, des coefficients indéterminés, donneront toutes les conditions nécessaires pour l’équilibre.

L’équation différentielle dont il s’agit sera donc de cette forme,

dans laquelle, sont des quantités indéterminées ; nous la nommerons dans la suite équation générale de l’équilibre.

Cette équation donnera, relativement à chaque coordonnée, telle que de chacun des corps du système, une équation de la forme suivante

en sorte que le nombre de ces équations sera égal à celui de toutes les coordonnées des corps. Nous les appellerons équations particulières de l’équilibre.

4. Toute la difficulté consistera donc à éliminer de ces dernières équations les indéterminées or c’est ce qu’on pourra toujours exécuter par les moyens connus, mais il conviendra, dans chaque cas, de choisir ceux qui pourront conduire aux résultats les plus simples. Les équations finales renfermeront toutes les conditions nécessaires pour l’équilibre proposé ; et, comme le nombre de ces équations sera égal à celui de toutes les coordonnées des corps du système moins celui des indéterminées qu’il a fallu éliminer, que d’ailleurs ces mêmes indéterminées sont en même nombre que les équations de condition finies il s’ensuit que les équations dont il s’agit, jointes à ces dernières, seront toujours en même nombre que les coordonnées de tous les corps ; par conséquent, elles suffiront pour déterminer ces coordonnées et faire connaître la position que chaque corps doit prendre pour être en équilibre.


5. Je remarque maintenant que les termes de l’équation générale de l’équilibre peuvent être aussi regardés comme représentant les moments de différentes forces appliquées au même système.

En effet, supposant une fonction différentielle des variables qui servent de coordonnées à différents corps du système, cette fonction sera composée de différentes parties que je désignerai par en sorte que

ne renfermant que les termes affectés de ne renfermant que ceux qui contiennent et ainsi de suite.

De cette manière, le terme de l’équation générale sera composé des termes Or, si l’on donne au terme la forme suivante

il est clair, par ce qu’on a dit dans l’article 8, sect. II, que cette quantité peut représenter le moment d’une force

appliquée au corps dont les coordonnées sont et dirigée perpendiculairement à la surface qui aura pour équation en n’y regardant que comme variables. De même, le terme pourra représenter le moment d’une force

appliquée au corps qui a pour coordonnées et dirigée perpendiculairement à la surface courbe dont l’équation sera en n’y regardant que comme variables, et ainsi de suite.

Donc, en général, le terme sera équivalent à l’effet de différentes forces exprimées par

et appliquées respectivement aux corps qui répondent aux coordonnées suivant des directions perpendiculaires aux différentes surfaces courbes représentées par l’équation en y faisant varier premièrement ensuite et ainsi du reste.

6. En général, on pourra regarder le terme comme le moment d’une force[1] tendante à faire varier la valeur de la fonction et, comme le terme exprimera les moments de plusieurs forces égales à et tendantes à faire varier la fonction en ayant égard séparément à la variabilité des différentes coordonnées Il en sera de même des termes (sect. II, art. 9).

Comme, dans l’équation générale de l’équilibre (art. 3), les forces sont supposées dirigées vers des centres auxquels aboutissent les lignes et, par conséquent, tendantes à diminuer ces lignes, il faudra également regarder les forces comme tendantes à diminuer les valeurs des fonctions

7. Il résulte de là que chaque équation de condition est équivalente à une ou plusieurs forces appliquées au système, suivant des directions données, ou, en général, tendantes à faire varier les valeurs de fonctions données[2] ; en sorte que l’état d’équilibre du système sera le même, soit qu’on emploie la considération de ces forces, ou qu’on ait égard aux équations de condition.

Réciproquement, ces forces peuvent tenir lieu des équations de condition résultantes de la nature du système donné ; de manière qu’en employant ces forces on pourra regarder les corps comme entièrement libres et sans aucune liaison. Et de là on voit la raison métaphysique, pourquoi l’introduction des termes dans l’équation générale de l’équilibre fait qu’on peut ensuite traiter cette équation comme si tous les corps du système étaient entièrement libres c’est en quoi consiste l’esprit de la méthode de cette Section.

À proprement parler, les forces en question tiennent lieu des résistances que les corps devraient éprouver en vertu de leur liaison mutuelle, ou de la part des obstacles qui, par la nature du système, pourraient s’opposer à leur mouvement ; ou plutôt ces forces ne sont que les forces mêmes de ces résistances, lesquelles doivent être égales et directement opposées aux pressions exercées par les corps. Notre méthode donne, comme l’on voit, le moyen de déterminer ces forces et ces résistances ; ce qui n’est pas un des moindres avantages de cette méthode.

8. Dans les cas où les forces ne sont pas en équilibre et où l’on demande de les réduire a des forces équivalentes dont les directions soient données, il suffira d’ajouter à la somme des moments des forces les moments résultant des équations de condition et l’on aura la somme des moments des forces équivalentes aux forces et à l’action que les corps exercent les uns sur les autres en vertu de ces mêmes équations de condition.

En employant ainsi toutes les équations de condition données par la nature du système proposé, on pourra regarder comme indépendantes les coordonnées de chaque corps du système et l’on aura pour chacune de ces coordonnées, telles que une quantité de la forme

qui exprimera la force résultante suivant la direction de la ligne laquelle devra être nulle dans le cas d’équilibre, comme on l’a vu dans l’article 3[3].

§ II. Application de la même méthode à la formule de l’équilibre des corps continus, dont tous les points sont tirés par des forces quelconques.

9. Jusqu’ici nous avons considéré les corps comme des points, et nous avons vu comment on détermine les lois de l’équilibre de ces points, en quelque nombre qu’ils soient et quelques forces qui agissent sur eux. Or un corps d’un volume et d’une figure quelconques n’étant que l’assemblage d’une infinité de parties ou points matériels, il s’ensuit qu’on peut déterminer aussi les lois de l’équilibre des corps de figure quelconque par l’application des principes précédents.

En effet, la manière ordinaire de résoudre les questions de Mécanique qui concernent les corps de masse finie consiste à ne considérer d’abord qu’un certain nombre de points placés à des distances finies les uns des autres, et à chercher les lois de leur équilibre ou de leur mouvement ; à étendre ensuite cette recherche à un nombre indéfini de points ; enfin à supposer que le nombre des points devienne infini et qu’en même temps leurs distances deviennent infiniment petites, et à faire aux formules trouvées pour un nombre fini de points les réductions et les modifications que demande le passage du fini à l’infini.

Ce procédé est, comme l’on voit, analogue aux méthodes géométriques et analytiques qui ont précédé le Calcul infinitésimal ; et si ce Calcul a l’avantage de faciliter et de simplifier d’une manière surprenante les solutions des questions qui ont rapport aux courbes, il ne le doit qu’à ce qu’il considère ces lignes en elles-mêmes, et comme courbes, sans avoir besoin de les regarder, premièrement comme polygones, et ensuite comme courbes. Il y aura donc, à peu près, le même avantage à traiter les problèmes de Mécanique dont il est question par des voies directes, et en considérant immédiatement les corps de masses finies comme des assemblages d’une infinité de points ou corpuscules animés chacun par des forces données. Or rien n’est plus facile que de modifier et simplifier par cette considération la méthode générale que nous venons de donner.


10. Mais il est nécessaire de remarquer, avant tout, que, dans l’application de cette méthode aux corps d’une masse finie dont tous les points sont animés par des forces quelconques, il se présente naturellement deux sortes de différentielles qu’il faut bien distinguer. Les unes se rapportent aux différents points qui composent le corps ; les autres sont indépendantes de la position mutuelle de ces points et représentent seulement les espaces infiniment petits que chaque point peut parcourir, en supposant que la situation du corps varie infiniment peu. Comme jusqu’ici nous n’avons eu que des différences de cette dernière espèce à considérer, nous les avons désignées par la caractéristique ordinaire mais, puisque nous devons maintenant avoir égard aux deux espèces de différences à la fois, et qu’il est, par conséquent, nécessaire d’introduire une nouvelle caractéristique, il nous paraît à propos d’employer l’ancienne caractéristique pour désigner les différences de la première espèce qui sont analogues à celles que l’on considère communémenten Géométrie, et de dénoter les différences de la seconde espèce qui sont particulières à la matière que nous traitons par la caractéristique employée dans le Calcul des variations, avec lequel celui dont il s’agit ici a une liaison intime et nécessaire.

Nous nommerons même, par cette raison, variations les différences affectées de et nous conserverons le nom de différentielles à celles qui sont affectées de Du reste, les mêmes formules qui donnent les différentielles ordinaires donneront aussi les variations, en substituant à la place de

11. Je remarque ensuite qu’au lieu de considérer la masse donnée comme un assemblage d’une infinité de points contigus, il faudra, suivant l’esprit du Calcul infinitésimal, la considérer plutôt comme composée d’éléments infiniment petits qui soient du même ordre de dimension que la masse entière ; qu’ainsi, pour avoir les forces qui animent chacun de ces éléments, il faudra multiplier par ces mêmes éléments les forces qu’on suppose appliquées à chaque point de ces éléments et qu’on regardera comme des forces accélératrices analogues à celles qui proviennent de l’action de la gravité.

Si donc on nomme la masse totale et un de ses éléments quelconque, on aura pour les forces qui tirent l’élément suivant les directions des lignes Donc, multipliant respectivement ces forces par les variations on aura leurs moments, dont la somme, pour chaque élément sera représentée par la formule

et, pour avoir la somme des moments de toutes les forces du système, il n’y aura qu’à prendre l’intégrale de cette formule par rapport à toute la masse donnée.

Nous dénoterons ces intégrales totales, c’est-à-dire relatives à l’étendue de toute la masse, par la caractéristique majuscule S, en conservant la caractéristique ordinaire pour désigner les intégrales partielles ou indéfinies.

12. On aura ainsi, pour la somme des moments de toutes les forces du système, la formule intégrale


S

et cette quantité devra être nulle, en général, dans l’état d’équilibre du système.

Comme, par la nature du système, il y a nécessairement des rapports donnés entre les différentes variations relatives à chaque point de la masse, il faudra les réduire à un certain nombre de variations indépendantes et indéterminées, et les termes multipliés par ces dernières variations, étant égalés à zéro, donneront les équations particulières de l’équilibre. Mais, ces réductions pouvant être embarrassantes, il conviendra de les éviter par le moyen de la méthode des multiplicateurs que nous venons de donner dans le paragraphe précédent.

13. Pour appliquer cette méthode au cas dont il s’agit ici, nous supposerons que

soient les équations de condition qui doivent avoir lieu par la nature du problème, par rapport à chaque point de la masse, et nous les nommerons équations de condition indéterminées.

Les quantités seront ici des fonctions des coordonnées finies qui répondent à chaque point de la masse donnée, et de leurs différentielles d’un ordre quelconque.

Ces équations étant différentiées suivant on aura celles-ci :

On multipliera les quantités par des quantités indéterminées on en prendra l’intégrale totale qui sera, par conséquent, représentée par la formule

S
et, ajoutant cette intégrale à celle de l’article précédent, on aura l’équation générale de l’équilibre.

On observera qu’il n’est pas nécessaire que soient les variations exactes de fonctions de mais qu’il suffit que soient les équations de condition indéterminées entre les variations de (art. 2).

Mais il faut remarquer qu’outre les forces qui agissent, en général, sur tous les points de la masse, il peut y en avoir qui n’agissent que sur des points déterminés de cette masse, lesquels points sont ordinairement ceux qui répondent aux extrémités de la masse donnée, c’est-à-dire au commencement et à la fin de l’intégrale désignée par S.

De même, il pourra y avoir des équations de condition particulières à ces points, et que nous nommerons équations de condition déterminées, pour les distinguer de celles qui ont lieu, en général, dans toute l’étendue de la masse ; nous les représenterons par

ou plutôt par

[4].

Nous marquerons d’un trait, de deux, de trois, etc., toutes les quantités qui se rapportent à des points déterminés de la masse, et en particulier nous marquerons d’un seul trait celles qui se rapportent au commencement de l’intégrale désignée par S, de deux traits celles qui se rapportent à la fin de cette intégrale, de trois ou davantage celles qui se rapportent à des points intermédiaires quelconques.

Ainsi il faudra ajouter à l’intégrale

S

la quantité

et à l’intégrale

S

la quantité

de sorte que l’équation générale de l’équilibre sera de cette forme :

SS

14. Comme les fonctions peuvent contenir non seulement les variables finies mais encore leurs différentielles, les variations donneront des termes multipliés par et l’équation précédente, lorsqu’on y aura substitué les valeurs de en ainsi que celles de en déduites des circonstances particulières de chaque problème, aura toujours une forme analogue à celles que le Calcul des variations fournit par la détermination des maxima et minima des formules intégrales indéfinies ; ainsi il n’y aura qu’à y appliquer les règles connues de ce calcul.

On considérera donc que, comme les caractéristiques et marquent deux espèces de différences entièrement indépendantes entre elles, quand ces caractéristiques se trouvent ensemble, il doit être indifférent dans quel ordre elles soient placées, parce qu’en supposant qu’une quantité varie de deux manières différentes, on a toujours le même. résultat, quel que soit l’ordre dans lequel se font ces variations. Ainsi sera la même chose que et pareillement sera la même chose que et ainsi de suite. On pourra donc toujours changer à volonté l’ordre des caractéristiques sans altérer la valeur des différences, et pour notre ohjet il sera à propos de transporter la caractéristique avant la afin que l’équation proposée ne contienne que les variations des coordonnées et les différentielles de ces mêmes variations.

Il en est de même des signes d’intégration ou S, par rapport à la caractéristique des variations Ainsi l’on pourra toujours changer les symboles ou S en ou S

C’est en quoi consiste le premier principe fondamental du Calcul de variations.

15. Or les différentielles qui se trouvent sous le signe S, peuvent être éliminées par l’opération connue des intégrations par parties ; car, en général,

et ainsi des autres, où il faut observer que les quantités hors du signe se rapportent naturellement aux derniers points des intégrales, mais que, pour rendre ces intégrales complètes, il faut nécessairement en retrancher les valeurs des mêmes quantités hors du signe, lesquelles répondent aux premiers points des intégrales, afin que tout s’évanouisse dans ces points ; ce qui est évident par la théorie des intégrations.

Ainsi, en marquant par un trait les quantités qui se rapportent au commencement des intégrales totales désignées par S, et par deux traits celles qui se rapportent à la fin de ces intégrales, on aura les réductions suivantes

SS
SS
 

lesquelles serviront à faire disparaître toutes les différentielles des variations qui pourront se trouver sous le signe S. Ces réductions constituent le second principe fondamental du Calcul des variations.

16. De cette manière donc, l’équation générale de l’équilibre se réduira à la forme suivante

S

dans laquelle seront des fonctions de et de leurs différentielles, et contiendra les termes affectés des variations et de leurs différentielles.

Donc, pour que cette équation ait lieu indépendamment des variations des différentes coordonnées, il faudra que l’on ait : 1o nuls dans toute l’étendue de l’intégrale S, c’est-à-dire dans chaque point de la masse ; 2o chaque terme de aussi égal à zéro.

Les équations indéfinies

donneront, en général, la relation qui doit se trouver entre les variables mais il faudra pour cela en éliminer les variables indéterminées lesquelles (art. 13) sont en même nombre que les équations de condition indéterminées

Or je remarque que ces équations ne sauraient être au delà de trois : car, puisque ce sont des équations indéfinies entre les trois variables et leurs différentielles, il est clair que, s’il y en avait plus de trois, on aurait plus d’équations que de variables, en sorte qu’il faudrait que la quatrième fût une suite nécessaire des trois premières, et ainsi des autres. Donc il n’y aura jamais plus de trois indéterminées à éliminer, en sorte qu’on pourra toujours trouver les valeurs de ces indéterminées en fonction de Mais les équations qui disparaîtront par ces éliminations seront remplacées par les équations mêmes de condition, de sorte qu’on pourra toujours connaître les valeurs de qui doivent avoir lieu dans l’état d’équilibre de tout le système.

Au reste, les équations de condition pourraient contenir encore d’autres variables avec leurs différentielles, qui devraient être éliminées par le moyen d’autres équations telles que

dans ce cas, on pourrait traiter ces nouvelles équations de condition comme celles qui sont données par la nature du problème, et, prenant des coefficients indéterminés il n’y aurait qu’à ajouter aux termes

qui sont sous le signe d’intégration dans l’équation générale de l’article 13, les termes

et, après avoir fait disparaître toutes les différentielles des variations l’équation finale de l’article 13 contiendra sous le signe des termes affectés des variations qui devront, par conséquent, être égalés séparément à zéro. On aura ainsi autant de nouvelles équations que d’indéterminées par lesquelles il faudra les éliminer ; ensuite on éliminera les nouvelles variables par les équations données Cette méthode sera surtout utile lorsque, dans les fonctions il se trouvera des quantités intégrales ; car, en substituant à leur place de nouvelles indéterminées, on pourra faire disparaître tous les signes d’intégration, ce qui rendra le calcul plus facile.

17. À l’égard des autres équations résultantes des différents termes de la quantité qui est hors du signe, ce ne seront que des équations particulières, qui ne devront avoir lieu que par rapport à des points déterminés de la masse, et qui serviront principalement à déterminer les constantes arbitraires que les expressions de déduites des équations précédentes, pourront contenir. Pour faire usage de ces équations, on y substituera donc les valeurs déjà trouvées de ensuite on en éliminera les indéterminées et l’on y joindra les équations de condition qui serviront à remplacer celles que l’élimination dont il s’agit fera disparaître.

18. Quoique les termes dus aux forces accélératrices ne demandent aucune réduction tant que ces forces agissent suivant les lignes parce que les quantités ne sont fonctions que des variables finies il n’en sera pas de même lorsqu’on emploiera des forces dont l’action consistera à faire varier une fonction donnée (sect. II, art. 9) ; il faudra alors, si cette fonction contient des différentielles, employer pour ces termes les mêmes réductions que pour les termes et l’on parviendra toujours à une équation finale de la même forme. Ce cas a lieu lorsque l’on considère des corps élastiques, soit solides ou fluides.

§ III. — Analogie des problèmes de ce genre avec ceux de maximis
et minimis.

19. Non seulement le Calcul des variations s’applique de la même manière aux problèmes sur l’équilibre des corps continus et aux problèmes de maximis et minimis relatifs aux formules intégrales, mais il fait naître entre ces deux sortes de questions une analogie remarquable que nous allons développer.

Nous commencerons par donner une formule générale pour la variation d’une fonction différentielle quelconque à plusieurs variables.

On sait que, dans les fonctions de plusieurs variables et de leurs différentielles des ordres supérieurs au premier, on peut toujours prendre une des différentielles premières pour constante, ce qui simplifie la fonction sans rien ôter à sa généralité ; mais alors, dans les différentiations par il faut aussi regarder comme constante la variable dont la différentielle a été supposée constante ; et, si l’on veut attribuer des variations à toutes les variables, il faudra rétablir la variabilité de la différentielle supposée constante.

20. Soit une fonction de est supposé constant si l’on fait, comme dans la Théorie des fonctions,

la quantité deviendra fonction de et la variation sera, en employant la notation des différentielles partielles, de la forme

Maintenant, en faisant tout varier, on aura

Substituant ces valeurs et faisant, pour abréger,

et, par conséquent,

on aura

Mais, en différentiant par la fonction et substituant pour pour on a

d’où l’on tire

Donc enfin

Si la quantité contenait une autre variable avec ses différentielles en faisant et opérant de la même manière, on trouverait les termes suivants

dans lesquels

à ajouter à la valeur précédente de et ainsi de suite.

21. Donc, si l’on a la fonction intégrale à rendre un maximum ou un minimum par les principes du Calcul des variations, on fera

Substituant la valeur de changeant en et faisant disparaître, par des intégrations par parties, les différences de il ne restera sous le signe que des termes de la forme

dans lesquels

Ces termes doivent être nuls, quelles que soient les variations or, en remettant pour et leurs valeurs les termes dont il s’agit deviennent, à cause de

d’où l’on ne tire que les deux équations

la troisième, dépendante de étant contenue dans ces deux-ci.

On voit par là qu’on peut se dispenser d’attribuer aussi une variation à la variable dont l’élément est supposé constant dans la fonction puisque les équations nécessaires à la solution du problème résultent uniquement des variations des autres variables. C’est une remarque qui a été faite dès la naissance du Calcul des variations et qui est une suite nécessaire de ce Calcul.

Cependant il peut être utile de considérer toutes les variations à la fois, par rapport aux limites de l’intégrale, parce qu’il peut résulter de chacune d’elles des conditions particulières dans les points qui répondent à ces limites, comme nous l’avons fait voir dans la dernière Leçon sur le Calcul des fonctions.

22. La fonction intégrale dont on demande le maximum ou le minimum peut contenir aussi d’autres intégrales ; mais, quelle qu’elle soit, on peut toujours la réduire à ne contenir que des variables finies avec leurs différentielles et à dépendre d’une ou de plusieurs équations de condition entre ces mêmes variables, auxquelles on pourra toujours satisfaire par la méthode des multiplicateurs.

Supposons, par exemple, que soit une fonction de et de leurs différentielles, et qu’en même temps la variable dépende de l’équation de condition Cette équation étant différentiée par donnera il n’y aura donc qu’à multiplier celle-ci par un coefficient indéterminé ou par pour l’homogénéité, lorsque est une fonction finie, ajouter l’équations à l’équation du maximum ou minimum et considérer ensuite les variations comme indépendantes. Or on a, en regardant comme fonction de

Donc, si l’on fait les mêmes substitutions que ci-dessus pour on aura aussi

et les termes sous le signe provenant de l’équation

seront de la forme

dans lesquels on aura

Or, étant l’équation de condition, on aura aussi ce qui donnera Ainsi, en égalant à zéro les coefficients des trois variations on n’aura que les deux équations

dont l’une servira à éliminer l’indéterminée de sorte qu’il ne restera, pour la solution du problème, qu’une seule équation en qu’il faudra combiner avec l’équation donnée

23. Comme, en supposant constant, on a

on voit qu’il suffit de faire varier dans les fonctions les variables avec leurs différentielles on aura ainsi, en employant avec la caractéristique la notation des différences partielles,

et, si l’on veut avoir égard en même temps à la variation de il n’y aura qu’à ajouter à l’expression de le terme et changer en en

De cette manière, on aura d’abord, après les réductions,

en faisant

et, pour avoir égard ensuite à la variation de on ajoutera, dans tous les termes, à et à

24. Telle est la méthode générale pour les problèmes de maximis et minimis, relatifs aux formules intégrales indéfinies auxquelles le Calcul des variations a été d’abord destiné ; et l’on voit qu’en faisant même varier toutes les variables, elle ne donne cependant qu’autant d’équations moins une qu’il y a de variables, ce qui est d’ailleurs conforme à la nature de la chose, puisque ce n’est pas la valeur individuelle de chacune des variables qu’on cherche, comme dans les questions ordinaires de maximis et minimis, mais des relations indéfinies entre ces variables, par lesquelles elles deviennent fonctions les unes des autres, et peuvent être représentées par des courbes à simple ou à double courbure.

25. Appliquons maintenant la même méthode aux problèmes de la Mécanique et supposons, pour plus de simplicité, que la formule

soit intégrable et que son intégrale soit comme dans l’article 21 de la Section III ; on aura aussi

et l’équation générale de l’équilibre (art. 13) deviendra

S
en faisant ici abstraction des équations de condition relatives à des points déterminés.

Comme la masse de chaque particule du système ne doit pas varier pendant que la position du système varie, il faudra supposer et, par conséquent, [5].

Lorsque le système est linéaire, on a, en général, étant une fonction comme dans l’article 20 ; on aura donc

et la formule S donnera sous le signe les termes

dans lesquels on aura (art. 22)

26. Donc, s’il n’y a point d’autre condition, l’équation provenant des termes sous le signe S sera

qu’on devra vérifier séparément par rapport à chacune des variations

Or, étant une fonction de on a

et comme

l’équation précédente devient

laquelle donne ces trois-ci :

Ainsi l’on a ici autant d’équations que de variables, ce qui paraît mettre une différence entre les problèmes de ce genre relatifs à la Mécanique et les problèmes de maximis et minimis.

27. Mais j’observe d’abord qu’à cause de l’indéterminée les trois équations se réduisent à deux, par l’élimination de cette indéterminée ; et, quoiqu’en général les équations de condition remplacent toujours celles qui disparaissent par l’élimination des indéterminées, la condition introduite ici c’est-à-dire constant, ne peut pas fournir une équation particulière pour la solution du problème, parce que, suivant l’esprit du Calcul différentiel, il est toujours permis de prendre un élément quelconque pour constant, puisqu’il n’y à proprement parler, que les rapports des différentielles entre elles, et non les différentielles elles-mêmes, qui entrent dans le calcul. Ainsi les trois équations seront réduites à deux et ne serviront qu’à déterminer la nature de la courbe, comme dans les problèmes de maximis et minimis.

28. J’observe ensuite qu’on peut aussi rappeler les problèmes de Statique dont il s’agit ici à de simples problèmes de maximis et minimis.

Car, si l’on ajoute ensemble les trois équations trouvées ci-dessus, après avoir multiplié la première par la deuxième par et la troisième par on aura, à cause de

l’équation

mais on a

et, comme on aura, en divisant par d’où l’on tire

étant une constante arbitraire.

Ainsi, à cause de le terme dans l’équation de l’article 25, deviendra

et puisque cette équation deviendra

SS

c’est-à-dire

SS

c’est l’équation nécessaire pour que la formule intégrale S devienne un maximum ou un minimum parmi toutes celles où la formule S aura une même valeur.

De cette manière on pourra, comme dans les questions de maximis et minimis, regarder une des variables comme constante, relativement aux variations par ce qui simplifie l’analyse ; mais la méthode générale a l’avantage de donner la valeur du coefficient qui, par la théorie exposée dans la présente Section, exprimera[6] la force avec laquelle l’élément résiste à l’action des forces qui agissent sur le système.

29. Nous avons supposé, pour plus de simplicité, qu’il n’y avait point d’autre équation de condition ; mais, s’il y avait de plus l’équation étantune fonction de il faudrait ajouter au terme sous le signe, dans l’équation de l’équilibre, le terme ou plutôt, pour l’homogénéité, le terme ce qui donnerait à ajouter aux valeurs de de l’article 25 les quantités respectives

Ainsi l’on aurait trois équations de la même forme que celles de l’article 26, lesquelles, par l’élimination des deux indéterminées et se réduiraient à une seule ; mais, en y joignant l’équation de condition on aurait, comme auparavant, deux équations entre les trois variables

Ces trois équations donnent, comme dans l’article 28, l’équation

Ici l’on a

mais l’équation donne aussi donc on aura simplement, comme dans l’article cité,

et de là on trouvera le même résultat

S

30. Donc, en général, le problème de l’équilibre d’un système de particules animées des forces qui agissent suivant les directions des lignes et qu’on suppose telles que l’on ait

se réduit simplement à rendre la formule intégrale S un maximum ou un minimum, en ayant d’ailleurs égard aux conditions particulières du système ; ce qui, comme l’on voit, fait rentrer tous les problèmes de l’équilibre dans la classe des problèmes de maximis et minimis connus sous le nom de problèmes des isopérimètres.

Dans le cas de la chaînette, en prenant les ordonnées verticales, on a étant la force constante de la gravité. Donc il faut que la formule S soit un maximum ou un minimum parmi toutes celles ou la valeur de S est la même ; mais est la distance du centre de gravité à l’horizontale ; donc, puisque la masse entière est supposée donnée, il faudra que cette distance soit la plus grande ou la plus petite ce qu’on sait d’ailleurs.

31. Jusqu’à présent nous n’avons considéré que des fonctions de variables regardées comme indépendantes ; mais, si la variable était censée fonction de et que l’on eût une fonction qui contînt avec les différences partielles de relatives à et on pourrait demander la variation en ayant égard aux variations simultanées de

Soit, pour plus de simplicité,

la quantité sera fonction de et l’on aura

et la difficulté se réduira à trouver les valeurs des variations en faisant varier à la fois les éléments dans les différences partielles.

Nous pouvons supposer, pour rendre le calcul plus simple, que la variation est une fonction de indépendante de et la variation \delta y une fonction de indépendante de Nous verrons par la suite que cette supposition a toute la généralité que l’on peut désirer[7].

32. Cela posé, on aura, en différentiant,

qui fera connaître On trouvera de même, en faisant

(6)

ce sont les deux premières formules de Lagrange. Comme elles s’appliquent à une fonction quelconque, on peut y remplacer par La valeur de deviendra alors

et les formules (5) et (6) nous donneront

On peut se servir encore des équations (5) et (6) pour simplifier les formules précédentes, et l’on trouvera alors

À ces relations on peut évidemment ajouter la suivante

Il est clair que

ainsi l’on aura

ou bien

On aura de même

à cause de

On aura ensuite


Substituant la valeur de on aura

On aura de même

Substituant aussi la valeur de on aura, à cause de

On trouvera pareillement

et ainsi de suite.

33. Donc, si l’on fait, pour abréger,

et qu’on observe que

on aura plus simplement

 

Faisant ces substitutions dans l’expression de mettant

à la place de et ordonnant les termes par rapport à on aura

Désignons par les différences partielles de relatives à et en regardant comme fonction de ces deux variables ; il est clair qu’on aura

Ainsi la variation complète de se réduira à cette forme simple

34. Donc, si l’on a une fonction intégrale double SS à rendre un maximum ou un minimum, on aura l’équation

SSSS

Or, en faisant tout varier, on a où il faut remarquer que, représentant un rectangle qui est l’élément du plan des ce rectangle demeurera rectangle après les variations des coordonnées dans la supposition adoptée que ne dépende point de ni de de sorte que la variation de sera simplement donc, comme

puisque et sont censés fonctions de seul et de seul, on aura

Substituant la valeur de et faisant disparaître par des intégrations partielles les différentielles des variations il restera sous le double signe SS les termes


dans lequel

en faisant pour abréger,

et supposant que les différentielles partielles renfermées entre deux parenthèses représentent les valeurs complètes de ces différences, en y regardant comme fonction de

35. Ainsi, à cause de les termes sous le double signe donneront simplement l’équation

d’où, en égalant séparément à zéro les coefficients de on n’aura que l’équation comme si l’on n’avait fait varier que la seule variable

On voit donc que, dans les questions de maximis et minimis relatives à des intégrales doubles, dans lesquelles une des trois variables est fonction des deux autres, il n’y a rigoureusement qu’une seule équation qu’on peut trouver directement, en ne faisant varier par que la seule variable qui est censée fonction des deux autres[8] ; et cette équation est celle de la surface qui satisfait à la question. C’est ainsi qu’on a trouvé l’équation aux différences partielles de la moindre surface, en faisant et ce que nous venons de démontrer prouve que cette équation remplit complètement les conditions du problème, quelques variations qu’on attribue aux trois coordonnées de la surface.

36. On peut appliquer les formules des variations que nous venons de trouver à l’équilibre d’un système superficiel de particules tirées par des forces quelconques.

En n’ayant égard qu’à la condition de l’invariabilité de on aura d’abord, comme dans l’article 25, l’équation générale de l’équilibre

SS

Ici la valeur de sera de la forme et l’on aura, par conséquent (art. 34),

Substituant cette valeur, ainsi que celle de de l’article 33, dans la formule intégrale SS et faisant disparaître, par des intégrations par parties, les différénces des variations il ne restera sous le double signe que les termes

dans lesquels

en conservant les valeurs de de l’article 34.

Ajoutons à ces termes ceux qui proviennent de l’intégrale SS savoir, en substituant les valeurs de et

et remettons pour sa valeur (art. 33) ; l’équation générale de l’équilibre contiendra, sous le double signe SS, les termes suivants, ordonnés par rapport aux variations

d’où l’on tire les trois équations

La dernière donne et, cette valeur étant substituée dans les deux autres, on a, après avoir divisé par

La première donne la seconde donne donc on aura

étant une constante. Substituant cette valeur dans l’équation générale de l’équilibre, elle deviendra

SS

savoir

SSSS

équation du maximum ou minimum de la formule intégrale SS parmi toutes celles dans lesquelles la valeur de la formule SS est la même.

Ainsi voilà le problème de Mécanique[9] réduit à une simple question de maximis et minimis, dont la solution ne dépend que de la variation de la seule coordonnée qui est supposée fonction de (art. 35).

On pourra étendre cette théorie aux formules intégrales triples et en déduire des conclusions semblables.

Séparateur

  1. Voir, à ce sujet, la note de l’article 9, sect. II. (J. Bertrand.)
  2. Cette proposition importante a la même généralité que le principe des vitesses virtuelles, et elle est souvent d’une application plus commode. Lagrange y a été conduit en suivant analytiquement les conséquences de sa formule d’équilibre ; mais M. Poinsot en a donné depuis une démonstration directe et fondée sur les principes élémentaires de la Statique. (Voir Journal de l’École Polytechnique, XIIIe Cahier, t. VI.) (J. Bertrand.)
  3. Cette somme, calculée relativement aux points auxquels une des résultantes doit être appliquée, fournira les composantes de cette résultante. Il faudra, pour les autres points, l’égaler à zéro. On doit remarquer que le problème pourra être impossible ou indéterminé. (J. Bertrand.)
  4. L’analyse de Lagrange est évidemment incomplète ; il semble que l’illustre Auteur ait eu en vue seulement les corps dont les éléments peuvent être disposés suivant une suite linéaire. Dans le cas d’un système à trois dimensions, par exemple, il peut y avoir des conditions relatives à chaque élément de la surface qui limite le système, ou même de toute autre surface située dans l’intérieur ; il peut y en avoir d’autres se rapportant à tous les points de certaines lignes et non pas seulement à certains points isolés pris sur la surface ou dans l’intérieur du corps. (G. D.)
  5. En d’autres termes, la première des conditions relatives à un point quelconque du système est que la masse de chaque particule demeure invariable dans tous les déplacements virtuels, (G. D.)
  6. Voir, à ce sujet, l’article 6, Section IV, et la note relative à l’article 9, Section II. (J. Bertrand.)
  7. Il y a ici un point qui appelle quelques explications. Dans le passage d’une surface à la surface infiniment voisine, on peut, à coup sûr, établir la correspondance de telle manière que aient, en chaque point de la surface primitive, telles valeurs que l’on voudra. S’il s’agit d’étudier un problème de maximum et de minimum, il n’y a donc aucun inconvénient, même pour les conditions aux limites, comme on s’en assurera aisément, à supposer que ne dépende que de et de Mais plus loin (sect. V, art. 44) Lagrange applique les formules des articles 32 à 34, établies dans cette hypothèse, au cas où définissent un déplacement virtuel quelconque et sont, par conséquent, des fonctions de et de tout à fait arbitraires. Il ne sera donc pas inutile de rétablir le calcul dans l’hypothèse où sont quelconques.

    Posons

    (1)

    on aura

    (2)

    Écrivons l’équation aux différentielles totales

    et différentions-la par Nous aurons

    (3)

    Ajoutons les équations (2) et (3) et remarquons que l’on peut intervertir l’ordre des caractéristiques ce qui fait disparaître les termes en Il viendra

    (4)

    Dans cette équation, peuvent prendre toutes les valeurs possibles. Supposons d’abord

    on aura

    et, par conséquent, l’équation (4) nous donnera la formule

    (5)
    qui complète l’ensemble de celles que Lagrange démontre dans l’hypothèse particulière où il s’est placé et par l’emploi de différentiations qui sont légitimes, mais ne sont peut-être pas suffisamment expliquées.
    

    L’affirmation de Lagrange, « nous verrons par la suite que cette supposition a toute la généralité que l’on peut désirer », paraît se rapporter à une autre partie du calcul, donnée à l’article 34, celle qui est relative à la variation de l’élément superficiel Dans le cas où dépend de la seule variable et de la seule variable la variation du rectangle est en effet très facile à calculer ; car ce rectangle se transforme en un rectangle de côtés et, par conséquent, sa variation s’obtient immédiatement et est égale à

    Le calcul serait moins simple si dépendaient à la fois des deux variables et Mais ce calcul est complètement développé pour le cas de trois variables aux articles 12, 13 et 14 de la Section VII, auxquels Lagrange a eu sans doute l’intention de renvoyer le lecteur. (G. D.)

  8. Il est évident a priori qu’il suffit de faire varier car, quelles que soient deux surfaces infiniment voisines, on peut toujours passer de l’une à l’autre en donnant à un accroissement qui dépende d’une manière convenable des deux autres coordonnées et Il pourra être plus ou moins commode de considérer celles-ci comme ayant ou n’ayant pas la même valeur aux points correspondants ; mais il est évidemment permis de faire l’une ou l’autre hypothèse. (J. Bertrand.)
  9. Lagrange ne définit pas d’une manière complète le système superficiel de molécules auquel il applique son analyse. Si l’on a en vue une surface flexible et inextensible, non seulement les éléments superficiels restent invariables, mais aussi les éléments linéaires. Lagrange ne tient pas compte de l’invariabilité des éléments linéaires, et les équations qu’il obtient ne peuvent donner, par conséquent, la solution complète du problème. La question a été reprise dans ces derniers temps par M. Lecornu dans un Mémoire Sur l’équilibre des surfaces flexibles et inextensibles (Journal de l’École Polytechnique, XLVIIIe Cahier) et par M. Beltrami. Voir le Mémoire Sull’ equilibrio delle superficie flessibili ed inestendibili (Memorie dell' Accademia delle Science dell’ Istituto di Bologna, 4e série, t. III), où M. Beltrami résout la question, précisément par l’emploi du principe des vitesses virtuelles. (G. D.)