Lois des Francs contenant la Loi salique et la Loi ripuaire/Avant-propos


Traduction par Jean-François Aymé Peyré.
Texte établi par Dutillet ; François-André Isambert (préface), Firmin Didot (p. i-iv).

AVANT-PROPOS.

Au milieu des nombreuses publications, dont s’enrichit depuis quelques années le domaine de l’histoire, on est justement étonné de ne pas voir figurer le recueil des lois primitives des Francs, et particulièrement cette Loi Salique, la plus antique de nos chartes ; le plus ancien et l’un des plus précieux monuments de notre histoire ; cette loi dont, selon l’expression de Montesquieu, tant de gens ont parlé, et que si peu de gens ont lue ; cette loi, à la fois civile, criminelle et politique, qui fixe et assure, depuis quatorze siècles, les droits d’hérédité à la couronne de France. C’est en effet dans ce recueil authentique des lois barbares qui ont étéfaites pour nos pères, et appropriées à leurs premiers besoins, qu’on voit le mieux se dérouler le tabeau fidèle et naïf de leurs passions, de leurs mœurs, de leurs usages et de leurs institutions. L’histoire des peuples qui sont encore dans l’enfance de la civilisation, est tout entière écrite dans leurs lois.

On ne saurait se dissimuler que pour retirer de l’étude de l’histoire toute l’utilité qu’on peut en attendre, il faut y joindre l’étude des usages anciens, des mœurs et des institutions primitives du peuple dont on étudie l’histoire. Cette connaissance est souvent une lumière soudaine au milieu des ténèbres épaisses qui couvrent le berceau de l’histoire de tous les peuples. Elle est comme le fil qui lie les événements, qui en fait connaître les replis les plus cachés, et qui conduit l’observateur attentif, par le chemin le plus court, à la découverte de la vérité. Que d’événements, en apparence inexplicables, ont cessé de paraître une énigme à l’homme familiarisé avec la connaissance des anciens usages et des anciennes mœurs !

Persuadé que ces lois antiques mettront à découvert, pour qui saura les y chercher, les germes précieux d’une foule d’institutions plus modernes, j’ai cru faire un travail utile en les publiant. Ce sont des matériaux que j’ai recueillis pour servir à l’édifice de notre histoire nationale : un plus habile saura les mettre en oeuvre.

Parmi les nations qui, dans le quatrième et le cinquième siècle, s’élancèrent sur les Gaules pour saisir un empire que les Gaulois n’avaient jusque-là cédé qu’à la fortune de César, on distingua la nation des Francs, et particulièrement la tribu des Saliens, et celle des Ripuaires, dont la première vint s’établir entre la Meuse et la Loire, et la seconde entre la Meuse et le Rhin. En traversant le fleuve qui les séparait de leurs nouvelles conquêtes, ces peuples apportèrent des lois rudes et grossières, qu’ils adoucirent en se mêlant à des peuples plus policés ; et nous eûmes ainsi la loi salique et la loi ripuaire que je publie aujourd’hui.

Je me suis surtout attaché, dans cette publication, à épurer le texte des deux lois que je présente au public, texte qui était plus ou moins défiguré dans les éditions même qui passaient pour les plus correctes. Dans la plupart de ces éditions, et notamment dans celle de Dutillet que j’ai suivie, la ponctuation était en beaucoup d’endroits vicieuse : j’ai travaillé à la rectifier ; et je crois avoir par là facilité l’intelligence d’un texte qui offrait plus d’un genre de difficultés. La traduction, et les notes dont j’ai cru devoir l’accompagner, ne seront pas inutiles à ceux qui pourraient être rebutés par la barbarie de la langue du moyen âge, qui a servi à la rédaction de ces lois, traduites aujourd’hui pour la première fois.

L’introduction dont M. Isambert, avocat aux conseils du Roi et à la Cour de Cassation, a bien voulu enrichir cette édition des Lois des Francs, nous est du plus heureux augure pour le succès du livre que nous publions. Fiers d’une telle coopération, qui semble en quelque sorte associer nos timides débuts à la maturité d’un talent depuis long-temps célèbre, qu’il nous soit permis d’adresser ici l’hommage public de notre reconnaissance à ce savant et courageux défenseur de tous les droits et de toutes les infortunes.




Nota. Si ce genre de publications nous paraît être favorablement accueilli dupublic, nous livrerons incessamment à l’impression, la Loi des Bourguignons, vulgairement nommée Loi Gombette, suivie des Constitutions des rois Francs de la race mérovingienne.