Loi salique/LII. - De celui qui refuse d’acquitter sa dette


Traduction par Jean-François Aymé Peyré.
Texte établi par Dutillet ; François-André Isambert (préface), Firmin Didot (p. 179-183).

TITRE LII.

DE CELUI QUI REFUSE D’ACQUITTER SA DETTE.




ART. I.

Si un ingénu ou un lète a contracté une dette envers une autre personne, le créancier, au bout de quarante jours, ou à l’expiration du délai qui a été convenu au moment où la dette a été contractée, doit se rendre dans la maison de son débiteur et se faire assister par des témoins, ou par des gens chargés d’apprécier l’objet qui donne lieu à la créance, et d’en déterminer le prix. Si le débiteur refuse de se libérer, il sera condamné à payer 600 deniers, ou 15 sous d’or.

ART. II.

Si, malgré cela, le débiteur s’obstine à ne pas payer sa dette, le créancier doit, pour l’amener en justice, se présenter au juge, et lui adresser cette formule : Je demande, ô juge, que tu condamnes suivant les règles de la loi salique, une telle personne qui est ma partie adverse, à me payer une telle dette qu’elle a contractée envers moi. Alors le juge répond : J’assigne ta partie adverse à se trouver tel jour à mon audience, où l’affaire sera jugée selon la loi salique. Aussitôt le créancier doit protester contre tous paiements que son débiteur pourrait faire à d’autres personnes, et contre tous engagements qu’il pourrait contracter envers des tiers, avant qu’il se soit libéré de sa dette envers lui. Puis il doit immédiatement se rendre avec des témoins à la demeure de son débiteur, et le sommer d’acquitter sa dette. Si ce dernier s’y refuse, le créancier lui donnera sommation de venir à l’audience. À la première sommation, il sera ajouté trois sous d’or au montant de la dette ; et ainsi, jusqu’à trois fois pour chacune des trois sommations qui devront être successivement données. Ainsi, dans le cas où le débiteur s’obstinerait, malgré toutes ces sommations, à ne pas payer sa dette, le montant de cette dette se trouvera augmenté de neuf sous d’or, ce qui fait trois sous d’or pour chaque sommation. Mais si le débiteur refuse encore de venir à l’audience pour acquitter sa dette, le créancier ira trouver le graphion du lieu où il demeure, après s’être muni de la paille qui lui a été donnée par son débiteur comme un symbole de l’obligation contractée, et lui dira : Je demande, ô graphion, que tu m’accordes la faculté de me mettre légalement, néanmoins à mes périls et risques, en possession de la fortune d’un tel homme qui est mon débiteur, et que j’ai en vain fait assigner dans les formes légales pour étre jugé selon la loi salique. Il doit ensuite déclarer à quelle somme s’élève sa créance. Alors le graphion doit prendre avec lui sept Rachimbourgs, pris parmi ceux qui sont chargés de cette sorte de mission, se rendre avec eux dans la maison du, débiteur, et si celui-ci est présent, l’interpeller en ces termes : Paie de bonne volonté à cet homme ce que tu as promis de lui payer, et tiens-lui compte de ce que tu lui dois, suivant l’appréciation qui a été faite légalement. Si le débiteur est absent, ou si étant présent il ne veut pas payer, les Rachimbourgs saisiront immédiatement son bien jusqu’à concurrence de la valeur de ce qu’il doit, suivant l’estimation qui a été faite. Si le fred dû pour cette affaire n’a pas été payé, le créancier prendra pour lui les deux tiers des objets saisis, et le graphion prendra l’autre tiers.

ART. III.

Si le graphion, sans avoir été retenu par une cause légitime, ou pour le service du roi, a négligé de se rendre à l’invitation du créancier, et a refusé de se transporter lui-même, ou d’envoyer un assesseur chez le débiteur pour exiger le paiement dans la forme légale, il sera puni de mort, à moins qu’il ne rachète sa vie par une composition.