Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/13

(pseudonyme)
Traduction par Ibykos de Rhodes (pseudonyme).
Bibliothèque des curieux (p. 56-59).


XIII

LE MARIAGE


Une amitié si particulière attache l’une à l’autre la brune Polyxène et la blonde Antigone que j’ai résolu de marier ce couple inséparable.

La cérémonie se déroule à l’antique, mais sans aucun souci d’exactitude. Nous sommes des poètes, et non pas des archéologues. C’est ma fantaisie qui dirige le protocole, au Palais Sapphô.

Polyxène, couronnée de violettes, joue gravement son rôle viril, assise dans la grande salle d’amour, sur le trône des Mystères.

Les Paranymphes lui amènent son Antigone, à la lueur des torches, au son des cithares et des flûtes.

L’anneau des fiançailles est symbolique : ce rubis de l’Inde, extrêmement vif, résume une allusion intime.

Les seuls dieux que nous adorions, le Grand Pan et Sapphô notre inspiratrice, ne veulent pas d’immolations : je me borne à leur offrir des strophes de circonstance que j’ai composées.

On déshabille, on lave, on masse, non sans tricheries libertines, on parfume les fiancées.

Puis on procède, nues et fragrantes, au banquet de noces.

Je vois, j’entends Sapphô elle-même, adolescente-échanson, verser le vin de Cypre à Polyxène et Antigone en murmurant :

— « À votre santé ! »

Je profère une bénédiction que je dois taire aux profanes.

La blonde Antigone est, sapphiquement, l’épouse de la brune Polyxène.

Nous conduisons le couple enlacé à la chambre nuptiale. Nous parodions le jeu traditionnel, devant la porte.

Déjanire et sa bande font semblant de ravir Antigone : Polyxène, recevant du renfort, les repousse.

Une mêlée s’engage. La plupart des combattantes se pâment deux ou trois fois, dans la tendre bagarre.

Polyxène, victorieuse, s’enferme avec son Antigone et met en sentinelle une négresse aux grimaces horrifiques.

Nous entonnons un épithalame de style milésien. Un cri nous interrompt : Antigone, elle aussi, joue gravement son rôle.