Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/12

(pseudonyme)
Traduction par Ibykos de Rhodes (pseudonyme).
Bibliothèque des curieux (p. 52-55).


XII

LA FÊTE ANTIVIRILE


Attis du Bérécynte ! Ô notre pâle sœur d’adoption à la chevelure vagabonde ! Ô toi qui voulus devenir l’une de nous toutes par une castration mystique !

Nous te fêtons, cette nuit, dans la forêt de la montagne, à la lueur des torches, au son des flûtes, des cymbales, des tambourins et des cors de Phrygie.

Nous sommes une quarantaine de jouvencelles aux bras et aux mollets nus dans la chaleur du bel automne.

Chacune porte, par-dessus la blanche robe courte, en fourreau, une ceinture verte qui darde un monstrueux priape de vermillon, aux testicules jaunes.

C’est du sang d’étalon qui gonfle l’appareil.

Au côté gauche est suspendu un fouet d’enfant, au droit, un petit cimeterre de Damas.

Nous implorons des dieux ta résurrection, ô Attis inspirée, ô notre sœur volontaire en Sapphô ! Nous attendons patiemment ton retour.

Enfin, je t’appelle trois fois, par ton nom triste :

— « Attis ! Attis ! Attis ! »

Le silence me répond.

Alors, ô Attis pâle et bouffie de mes songes ! nous entrons en fureur sainte.

Nous brandissons nos fouets et nos cimeterres.

Nous courons, nous dansons.

Nous flagellons nos jambes d’éphèbes.

Nous hurlons à la lune.

Nous agitons nos chevelures parfumées d’aphrodisiaques.

Nous tranchons brusquement, à un signal de ma bouche, les priapes arrogants de nos ceintures.

Le sang, de pourpre noir, inonde la mousse et les colchiques.

L’aube est imminente. Les pins exhalent une odeur plus forte.

Quelques-unes d’entre nous font l’amour.

Atalante et Déjanire, Kassandre et Léda, Hélène et Chloé, Rhodopis et Myrtale, Bérénice et Nausikaa, Hermione et Penthésilée ont des taches de sang sur leurs robes blanches.

Mais la plupart, imitant Cydno, tournent sur elles-mêmes à la manière des derviches turcs et tombent, anéanties, sous le soleil levant.