Les Stratagèmes (Frontin)/Trad. Bailly, 1848/Livre III/Chapitre XV


Texte édité et traduit par Charles Bailly, 1848.
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XV. Comment on paraît avoir en abondance les choses dont on manque.

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1. Les Romains, assiégés dans le Capitole par les Gaulois, et déjà en proie à la famine, jetèrent du pain vers les postes ennemis. En faisant croire par là qu’ils avaient des vivres en abondance, ils purent traîner le siége en longueur jusqu’à l’arrivée de Camille.

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2. On dit que les Athéniens en firent autant à l’égard des Lacédémoniens.

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3. Ceux qu’Annibal tenait enfermés à Casilinum, et que l’on croyait réduits à une extrême disette, voyant que le Carthaginois, pour leur ôter jusqu’à l’herbe comme aliment, avait fait passer plusieurs fois la charrue sur le terrain qui séparait son camp de leurs murailles, jetèrent des semences sur ces terres labourées, et par là persuadèrent à l’ennemi qu’ils avaient de quoi se nourrir jusqu’à la récolte.

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4. Les troupes qui avaient échappé au désastre de Varus, étant investies par l’ennemi, qui les croyait dépourvues de blé, promenèrent pendant toute une nuit dans leurs magasins les prisonniers qu’ils avaient faits, et les renvoyèrent après leur avoir coupé les mains. Ceux-ci conseillèrent à leurs compagnons de ne pas fonder sur la disette l’espoir de se rendre bientôt maîtres des Romains, attendu qu’ils avaient encore un grand approvisionnement de vivres.

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5. Les Thraces, assiégés sur une montagne fort élevée, et inaccessible à l’ennemi, recueillirent entre eux, au moyen d’une contribution par tête, une petite quantité de blé et de laitage, et en firent manger à des moutons qu’ils chassèrent vers les postes ennemis. Ces animaux ayant été pris et tués, on remarqua dans leurs entrailles les vestiges du froment ; l’ennemi alors, persuadé que les Thraces avaient de copieuses provisions de blé, puisqu’ils en nourrissaient même leur bétail, abandonna le siége.

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6. Thrasybule, général des Milésiens, voyant ses troupes fatiguées du long siége qu’elles soutenaient contre Alyatte, qui espérait les réduire par famine, ordonna que tout le blé de la ville fût apporté sur la place publique avant l’arrivée des députés lydiens qu’il attendait, et fit préparer pour le même temps des festins chez tous les citoyens. En montrant ainsi la ville en fête, il fit croire à l’ennemi qu’il lui restait assez de vivres pour soutenir longtemps encore le siége.


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66. Obsidionem… toleraverunt. Le texte est écourté en cet endroit, ce qui ne permet pas de saisir de prime abord la raison pour laquelle les Remains firent plus facilement prolonger le siége, en paraissant avoir des vivres. Il est nécessaire de recourir à Tite-Live, liv. v, ch. 48. On ne lira pas non plus sans intérêt le poétique récit d’Ovide, Fastes, liv. vi, v. 350-394.

67. Usque ad satorum proventum.Voyez Tite-Live, liv. xxiii, ch. 19.

68. Præcisis manibus. Les Romains ont rarement infligé ce traitement barbare à leurs prisonniers. Cependant il faut avouer que, s’ils n’ont jamais pratiqué l’immolation solennelle, comme les Égyptiens et les Gaulois ; s’il y a même dans leur histoire peu d’exemples de cette amputation des mains, leur coutume de vendre les captifs comme esclaves, au profit du trésor public, faisait peu d’honneur à la civilisation dont ils se glorifiaient.

« Les prisonniers de guerre n’appartiennent pas à la puissance pour laquelle ils ont combattu ; ils sont tous sous la sauvegarde de l’honneur et de la générosité de la nation qui les a désarmés. » (Napoléon.)

69. Thrasybulus, dux Milesiorum. Ce fait est rapporté par Hérodote, liv. i, ch. 21 et 22, et par Polyen, liv. vi. ch. 47.


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