Poésies de Schiller/Les Paroles de l’erreur

Poésies de Schiller
Traduction par Xavier Marmier.
Poésies de SchillerCharpentier (p. 147-148).

LES PAROLES DE L’ERREUR.

Trois paroles pleines de sens sont sur les lèvres du bon et du méchant. Elles se propagent en vain ; elles n’ont qu’un vain son, qui ne peut ni guérir ni consoler. Les fruits de la vie sont perdus pour l’homme aussi longtemps qu’il court après une ombre ;

Aussi longtemps qu’il croit à un âge d’or, où le bien, le juste doit remporter la victoire. Le bien, le juste ont une lutte éternelle à soutenir : leur ennemi ne succombera pas, et, si tu ne l’étouffes pas dans les airs, il reprendra de nouvelles forces sur la terre.

Aussi longtemps qu’il croit que la fortune propice cherche les nobles cœurs, elle cherche avec amour les mauvais. La terre n’appartient pas aux bons ; ce sont des étrangers qui voyagent dans le désir de trouver une demeure impérissable.

Aussi longtemps qu’il croit que la vérité se révélera à l’intelligence terrestre, la main d’aucun mortel ne soulèvera le voile qui la recouvre. Nous ne formons que des conjectures et des opinions. Tu enchaînes l’esprit dans un mot sonore, et la pensée libre s’égare dans l’orage.

Ainsi arrache-toi, âme noble, à l’erreur, et conserve la croyance céleste. Ce que nulle oreille n’a entendu, ce que nul œil n’a vu, c’est le beau, c’est le vrai. Il n’est pas dans les choses du dehors où l’insensé le cherche, il est en toi ; c’est là que tu le portes à tout jamais.