Les Kitharèdes/Télésippa

Traduction par Renée Vivien.
Les KitharèdesAlphonse Lemerre, éditeur (p. 79-81).


TÉLÉSIPPA




Un nom, qui est un souvenir. Un souvenir, qui n’est plus qu’un nom musical. Suidas parle des « trois compagnes et amies de Sappho, Atthis, Télésippa et Mégara ».

Télésippa fut plus chère à la poétesse des Harmonies que ses autres élèves et disciples, Anagora de Milet, Gongyla de Kolophon et Euneika de Salamis. Une vierge à la voix douce, dit Psappha en parlant d’elle, sans doute… Elle tressa, de ses tendres mains, les tiges de fenouil, sachant que les Déesses se détournent des jeunes filles qui ne sont point couronnées. Elle vit les cheveux blonds d’Atthis, elle frôla au passage Mnasidika et Gurinnô. Elle demanda à l’Aphrodita la belle récompense d’un sourire aimé. Pour l’obtenir, elle répandit sur l’autel le lait d’une chèvre et en offrit une libation. Elle chérit les Piérides, qui firent Psappha glorieuse en lui donnant leurs travaux. Elle contempla l’aube aux sandales d’or, et la lumière du soir, qui ne détruit point la vue et semble une fleur d’hyacinthe. Aux festins, elle invoqua la Déesse de Kupros, qui verse délicatement dans les coupes le nektar mêlé de joies. Elle se joignit aux danses sacrées des femmes de la Crète autour du glorieux autel, foulant de leurs pieds délicats la fine et tendre fleur de l’herbe printanière. Et Psappha la nomma un soir : Ô belle, ô gracieuse…



Télésippa à Anagora


Tissons l’hyacinthe et l’iris
En des trames confuses ;
Je chanterai, sur le paktis,
L’Aphrodite et ses ruses.

Lève tes paupières sans fard
D’où coule un limpide regard :
Nous avons une bonne part
Dans les présents des Muses.

Ceins ton front chaste de lotos,
Ainsi qu’une danseuse
Tanagréenne au blanc péplos.
De ta voix d’amoureuse
Chante le mélos, de ta voix
Défaillante comme autrefois…
Divine écaille, sous nos doigts
Deviens harmonieuse.