Les Avadânas, contes et apologues indiens/4

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 27-30).


IV

LE HIBOU ET LE PERROQUET.

(N’accusez pas les autres des malheurs qui vous arrivent par votre faute.)


Au commencement des Kalpas, il y avait un roi appelé Svaranandi. Une fois, un hibou vint se poser sur le palais. Il aperçut un perroquet qui jouissait seul de l’amitié et de la faveur du roi, et lui demanda d’où lui venait ce bonheur.

« Dans l’origine, répondit-il, lorsque je fus admis dans le palais, je fis entendre une voix plaintive d’une douceur extrême ; le roi me prit en amitié et me combla de bontés. Il me plaçait constamment à ses côtés et me mit un collier de perles de cinq couleurs. »

En entendant ces paroles, le hibou conçut une vive jalousie. « Eh bien ! dit-il après un moment de réflexion, je veux absolument chanter aussi pour plaire encore plus que Votre Seigneurie. Il faudra bien que le roi me comble aussi d’amitié et de faveurs. »

Au moment où le roi venait de se livrer au sommeil, le hibou fit entendre sa voix. Le roi s’éveilla tout effaré, et, par l’effet de la terreur, tous les poils de son corps se hérissèrent. « Quel est ce cri ? demanda-t-il à ses serviteurs ; j’en suis tout ému et bouleversé.

— Sire, répondirent-ils, il vient d’un oiseau dont le cri est odieux ; on l’appelle Ouloûka (un hibou). »

Sur-le-champ, le roi exaspéré envoya de différents côtés une multitude de gens pour chercher l’oiseau. Ses serviteurs eurent bientôt pris et apporté au roi le coupable volatile. Le roi ordonna de plumer le hibou tout vivant, de sorte qu’il éprouva de cuisantes douleurs et se sauva sur ses pattes. Quand il fut revenu dans la plaine, tous les oiseaux lui dirent : « Qui est-ce qui vous a mis dans ce piteux état ? » Le hibou, qui était gonflé de colère, se garda bien de s’accuser lui-même. « Mes amis, dit-il, c’est un perroquet qui est l’unique cause de mon malheur. »

Le Bouddha dit, à cette occasion : « Une belle voix a appelé le bonheur, une vilaine voix a attiré le malheur. Le châtiment du hibou est venu de sa propre sottise ; mais, au lieu de s’en prendre à lui-même, il a tourné sa colère contre le perroquet. »

(Extrait du livre intitulé : Tchang-tche-in-yroueï-king (Svaranandî Grihapati soûtra), IIe partie.)