Les Avadânas, contes et apologues indiens/21

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 97-99).


XXI

LE LION ET LE SANGLIER.

(Fuyez le contact des hommes vicieux.)


Il y avait jadis un sanglier qui s’appelait Mahôdara. Ce Mahôdara, conduisant une troupe de sangliers, entra dans une plaine sauvage. Tout à coup, au milieu de la plaine, il rencontra un lion. Le lion voyant le sanglier, lui adressa la parole et lui dit : « Je suis le roi des animaux ; écartez-vous sur-le-champ de ma route.

— Vous m’ordonnez, répondit Mahôdara, de m’écarter de votre route ; cela est inconvenant. Si vous voulez que je lutte avec vous, je ne reculerai certainement pas. Eh bien ! arrêtez-vous un instant et attendez que j’aie revêtu ma cuirasse.

— Êtes-vous, lui dit le lion, d’une haute naissance ? Quel grand nom portez-vous, pour oser ainsi me provoquer au combat ? Quant à la cuirasse que vous voulez revêtir, vous pouvez suivre votre idée. »

En ce moment, Mahôdara se jeta dans un bourbier infect, et s’étant couvert tout le corps de fange, il revint devant le lion et lui dit : « Je suis prêt à lutter contre vous.

— Je suis le roi des animaux, répondit le lion à Mahôdara, et je fais habituellement ma nourriture des cerfs et des daims. Quant à ceux qui sont petits et faibles, je les laisse et dédaigne de les manger. À plus forte raison vous repousserai-je, vous dont tout le corps est souillé de boue et d’ordures. Si je luttais avec vous, je me salirais honteusement. »

En ce moment, le lion prononça ces gâthâs :

« Vous avez un corps naturellement sale, et aujourd’hui, après y avoir ajouté d’infectes ordures, vous voulez lutter avec moi. Si j’acceptais cet ignoble défi, je me dégraderais jusqu’à vous. »

(Extrait de la seconde partie du livre sacré Ta-tching-kiu-wang.)