Librairie Félix Alcan (p. 77-118).


CHAPITRE II

L’AGITATION MOLÉCULAIRE


Les déplacements de matière par dissolution ou diffusion nous ont fait penser que les molécules d’un fluide sont en mouvement incessant. En développant cette idée conformément aux lois de la mécanique supposées applicables aux molécules, on a obtenu un ensemble très important de propositions qu’on réunit sous le nom de théorie cinétique. Cette théorie s’est montrée d’une grande fécondité pour expliquer et prévoir les phénomènes, et la première a su donner des indications précises sur les valeurs absolues des grandeurs moléculaires.


Vitesses des molécules.

33. — Agitation moléculaire en régime permanent. — Tant que les propriétés d’un fluide nous paraissent invariables, nous devons admettre que l’agitation moléculaire, dans ce fluide, n’augmente ni ne décroît.

Tâchons de préciser cette notion un peu vague. D’abord (comme il est imposé par l’expérience), des volumes égaux contiendront des masses égales, c’est-à-dire des nombres égaux de molécules. Plus rigoureusement, si , désigne le nombre de molécules qui se trouveraient dans un certain volume pour une répartition rigoureusement uniforme, alors que le nombre de celles qui s’y trouvent réellement à l’instant considéré est , la fluctuation , variable d’instant en instant, suivant les hasards de l’agitation, sera d’autant moins importante que le volume choisi sera plus grand. Pratiquement, elle sera déjà négligeable pour les plus petits volumes observables.

Dans le même sens, il y aura pratiquement égalité, pour une portion arbitraire du fluide, entre le nombre des molécules qui possèdent dans une certaine direction une certaine vitesse, et le nombre de celles qui ont la même vitesse dans la direction opposée. Plus généralement, si nous considérons au hasard un grand nombre de molécules à un instant donné, la projection sur un axe arbitraire (composante suivant cet axe) de la vitesse moléculaire aura zéro pour valeur moyenne : aucune direction ne sera privilégiée.

De même encore, la somme des énergies de mouvement, ou énergie cinétique totale relative à une portion donnée de matière, ne subira que des fluctuations insignifiantes pour toute portion accessible à l’observation. Plus généralement, si on considère à un instant donné, deux groupes de molécules en nombre égal (suffisamment grand) prises séparément au hasard, la somme des énergies cinétiques est pratiquement la même pour les deux groupes. Cela revient à dire que l’énergie moléculaire a une valeur moyenne bien définie , qu’on retrouve toujours la même en faisant la moyenne des énergies pour des molécules prises au hasard, en nombre quelconque mais grand, à un instant arbitraire.

On retrouverait la même valeur en faisant la moyenne des énergies possédées par une même molécule à divers instants pris au hasard (en grand nombre) durant un intervalle de temps notable[1].

Ces remarques sont valables pour chacun des genres d’énergie qu’on peut définir dans la molécule. Elles s’appliquent en particulier à l’énergie cinétique de translation, désignant la masse et la vitesse du centre de gravité de la molécule. Comme la masse est invariable, s’il y a une valeur moyenne définie pour cette énergie de translation, il existera une valeur moyenne définie pour le carré de la vitesse moléculaire.

Des remarques semblables s’appliqueront à toute propriété définissable des molécules du fluide. Par exemple, il y aura une valeur définie pour la vitesse moléculaire moyenne. Cette valeur ne sera pas , comme on le comprend bien en se rappelant que la moyenne de deux nombres différents et est toujours inférieure à la racine carrée de la moyenne des carrés de ces nombres. On appelle parfois la vitesse quadratique moyenne.

On doit à Maxwell d’avoir compris que, lorsque le carré moyen est connu, la vitesse moyenne s’ensuit, ainsi que la loi de probabilité qui fixe la proportion des molécules qui ont à chaque instant une certaine vitesse.

Il a obtenu ces résultats, si importants pour la connaissance du régime permanent de l’agitation moléculaire, en admettant que la proportion des molécules qui ont dans une direction donnée une certaine composante de vitesse, est la même soit pour l’ensemble des molécules, soit pour le groupe de celles dont on sait déjà qu’elles ont toutes, dans une direction perpendiculaire, une certaine autre composante. (Plus brièvement, si nous considérons deux murs à angle droit, et si on nous dit qu’une molécule possède en ce moment une vitesse de 100 mètres par seconde vers le premier de ces murs, on ne nous donne par là, d’après Maxwell, aucun renseignement sur la valeur probable de la vitesse vers le second mur). Cette hypothèse sur la distribution des vitesses, vraisemblable, mais non tout à fait sûre, se justifiera par ses conséquences.

Un calcul où ne se glisse plus aucune autre hypothèse et dont nous pouvons donc omettre le détail sans rien perdre en compréhension des phénomènes, permet alors de déterminer complètement la distribution des vitesses, la même pour tout fluide où le carré moyen de vitesse moléculaire a même valeur . En particulier, l’on est en état de calculer la vitesse moyenne , qui se trouve peu inférieure à , et sensiblement égale à [2].

34. — Calcul des vitesses moléculaires. — Si le fluide est gazeux, une théorie simple donne avec beaucoup de vraisemblance la valeur de ce carré moyen de la vitesse moléculaire dont la connaissance entraîne celle de la vitesse moyenne et de la distribution des vitesses.

Nous avons déjà dit que la pression exercée par un gaz s’explique par les chocs incessants des molécules contre les parois. Pour préciser cette idée, nous supposerons les molécules parfaitement élastiques. Il n’y a plus guère alors, pour connaître leurs vitesses, qu’à savoir calculer la pression constante que subirait chaque unité de surface d’un mur rigide qui serait uniformément bombardé par une grêle régulière de projectiles animés de vitesses égales et parallèles, rebondissant sur ce mur sans perdre ni gagner d’énergie. C’est là un problème de mécanique où ne se glisse aucune difficulté physique ; je passe donc sur le calcul (d’ailleurs simple), et donne seulement son résultat : la pression est égale au double produit de la composante de vitesse perpendiculaire au mur (composante qui change de signe pendant le choc) par la masse totale des projectiles qui frappent l’unité de surface pendant l’unité de temps.

En état de régime permanent, l’ensemble des molécules voisines d’une paroi peut être regardé comme formant un très grand nombre de grêles de ce genre, orientées dans tous les sens, et ne se gênant guère les unes les autres si les molécules occupent peu de place dans le volume qu’elles sillonnent (ici intervient l’état gazeux du fluide). Soit, pour une de ces grêles, la vitesse perpendiculairement à la paroi, et le nombre de projectiles par centimètre cube ; alors il arrive  projectiles par seconde, de masse totale , sur chaque centimètre carré de paroi, qui subit de ce fait une pression partielle . La somme des pressions dues à toutes les grêles sera , en appelant le carré moyen de la composante , et le nombre total des molécules par centimètre cube (dont la moitié seulement se dirige vers la paroi). Ainsi, et comme la masse présente par unité de volume est la densité (absolue) du gaz, nous voyons que la pression est égale au produit de la densité par le carré moyen de la vitesse parallèlement à une direction arbitraire. Incidemment, on trouve en même temps que la masse de gaz qui, par seconde, frappe un centimètre carré de paroi, est égale à , en appelant la valeur moyenne de celles des composantes qui sont dirigées vers la paroi ; comme (qui double ou triple si l’on double ou triple toutes les vitesses) est proportionnelle à la vitesse moyenne , cette masse est proportionnelle à (résultat que nous utiliserons bientôt).

Le carré d’une vitesse, c’est-à-dire de la diagonale du parallélipipède construit sur 3 composantes rectangulaires, est égal à la somme des carrés des 3 composantes, et par suite le carré moyen est égal à (les trois projections rectangulaires ayant par raison de symétrie même carré moyen). La pression , égale à , est donc aussi bien égale à ou bien à , en appelant la masse de gaz qui occupe le volume .

Nous avons ainsi établi l’équation

que l’on peut écrire :

et par suite énoncer comme il suit :

Pour toute masse gazeuse, le produit du volume par la pression est égal aux deux tiers de l’énergie moléculaire de translation contenue dans la masse.

Nous savons d’autre part (loi de Mariotte) qu’à température constante ce produit est invariable. L’énergie cinétique moléculaire est donc, à température constante, indépendante de la raréfaction du gaz.

Il est maintenant bien facile de calculer cette énergie, en même temps que les vitesses moléculaires, pour chaque gaz, à chaque température. La masse peut être prise égale à la molécule-gramme. Comme les diverses molécules-gramme occupent à la même température le même volume sous la même pression (18), ce qui donne même valeur au produit , nous voyons que, dans l’état gazeux :

La somme des énergies de translation des molécules contenues dans une molécule-gramme est à la même température la même pour tous les gaz.

Dans la glace fondante cette énergie totale est de 34 milliards d’ergs[3]. En d’autres termes le travail développé dans l’arrêt, à cette température, des molécules contenues dans 32 grammes d’oxygène ou 2 grammes d’hydrogène permettrait d’élever 350 kilogrammes de 1 mètre : on voit quelle réserve d’énergie constituent les mouvements moléculaires.

Connaissant l’énergie d’une masse connue , on a aussitôt et par suite la vitesse moyenne . Toujours dans la glace fondante, pour de l’oxygène ( égal à 32), l’énergie cinétique est la même que si, toutes les molécules étaient arrê arrêtées, la masse considérée avait une vitesse de 460 mètres par seconde. La vitesse moyenne , un peu plus faible, est de 425 mètres par seconde. Ce n’est guère moins que la vitesse d’une balle de fusil. Pour l’hydrogène ( égal à 2) la vitesse moyenne s’élève à 1 700 mètres ; elle s’abaisse à 170 mètres pour le mercure ( égal à 200).

35. — Température absolue (proportionnelle à l’énergie moléculaire). — Le produit du volume par la pression, constant pour une masse donnée de gaz à température fixée (Mariotte), change de la même façon pour tous les gaz quand la température s’élève (Gay-Lussac). De façon plus précise, il s’accroît de 100/273 de sa valeur quand on passe de la glace fondante à l’eau bouillante. On sait que cela permet de définir (au moyen du thermomètre à gaz) le degré de température comme étant tout accroissement de température qui pour une masse gazeuse quelconque augmente le produit (donc simplement la pression si on opère à volume constant) de 1/273 de la valeur qu’a ce produit dans la glace fondante (en sorte qu’il y a 100 de ces degrés entre la glace fondante et l’eau bouillante).

Or nous venons de voir que l’énergie moléculaire est proportionnelle au produit . Ainsi, depuis longtemps, sans le savoir on se trouvait avoir choisi, pour marquer des marches égales sur l’échelle des températures, des accroissements égaux de l’énergie moléculaire, l’accroissement d’énergie étant pour chaque degré 1/273 de l’énergie moléculaire dans la glace fondante. Comme nous l’avions déjà pressenti (4) chaleur et agitation moléculaire sont en définitive la même réalité, examinée à des grossissements différents.

L’énergie d’agitation ne pouvant devenir négative, le zéro absolu de température, correspondant à l’immobilité des molécules, se trouvera 273 degrés au-dessous de la température de la glace fondante. La température absolue, proportionnelle à l’énergie moléculaire, se compte à partir de ce zéro : par exemple, la température absolue de l’eau bouillante est 373 degrés.

On voit que, pour toute masse gazeuse, le produit est proportionnel à la température absolue  ; c’est l’équation des gaz parfaits :

.

Soit la valeur particulière[4], indépendante de gaz, que prend si la masse choisie est une molécule-gramme. L’équation précédente peut s’écrire, si la masse considérée contient molécules-gramme :

.

Enfin, puisque l’énergie cinétique moléculaire est, comme nous avons vu, égale à , on peut écrire pour une molécule-gramme  :

.

36. — Justification de l’hypothèse d’Avogadro. — Nous voyons que deux molécules-gramme quelconques, prises dans l’état gazeux à la même température, contiennent l’une et l’autre la même quantité d’énergie moléculaire de translation (savoir ). Or, dans l’hypothèse d’Avogadro, ces deux masses contiennent l’une et l’autre le même nombre de molécules. À la même température, les molécules des divers gaz ont donc la même énergie moyenne de translation (égale à ). La molécule d’hydrogène est 16 fois plus légère que la molécule d’oxygène, mais elle va en moyenne 4 fois plus vite.

Dans un mélange gazeux, une molécule quelconque a encore cette même énergie moyenne. Nous savons en effet (loi du mélange des gaz), que chacune des masses gazeuses mélangées dans un récipient exerce sur les parois la même pression que si elle y était seule contenue. D’après le calcul qui nous donne la pression partielle de chaque gaz (que nous pouvons conduire exactement comme dans le cas d’un gaz unique), il faut donc bien que les énergies moléculaires soient les mêmes avant ou après le mélange. Quelle que soit la nature des constituants d’un mélange gazeux, deux molécules considérées au hasard possèdent la même énergie moyenne.

Cette égale répartition de l’énergie entre les diverses molécules d’une masse gazeuse, présentée ici comme conséquence de l’hypothèse d’Avogadro, peut se démontrer sans faire appel à cette hypothèse, si l’on admet, comme nous avons déjà fait, que les molécules sont parfaitement élastiques.

La démonstration est due à Boltzmann[5]. Il considère un mélange gazeux formé de deux sortes de molécules de masses et . Les lois de la mécanique permettent de calculer, si l’on se donne les vitesses (donc les énergies) de deux molécules et avant un choc, et la direction de la ligne des centres pendant le choc, ce que seront les vitesses après ce choc. D’autre part, le gaz est en état de régime permanent ; l’effet produit en ce qui regarde le changement de répartition des vitesses par les chocs d’une certaine espèce doit donc être à chaque instant compensé par les chocs de « l’espèce contraire » (pour lesquels la marche des molécules qui se heurtent est exactement la même, mais dans l’ordre inverse). Boltzmann réussit alors à montrer, sans autre hypothèse, que cette compensation continuelle implique l’égalité entre les énergies moyennes des molécules et . Enfin la loi du mélange des gaz exige alors que ces énergies moyennes soient encore les mêmes pour les gaz séparés (ceci comme précédemment).

Puisque, d’autre part, nous avons montré que l’énergie moléculaire totale est la même pour les masses de gaz différents qui occupent le même volume dans les mêmes conditions de température et pression, il faut que ces masses contiennent le même nombre de molécules : c’est l’hypothèse d’Avogadro. Justifiée par ses conséquences, mais pourtant introduite de façon un peu arbitraire (13) cette hypothèse trouve donc un fondement logique dans la théorie de Boltzmann.

37. — Effusion par les petites ouvertures. — Les valeurs qui viennent d’être données pour les vitesses moléculaires échappent encore aux vérifications directes. Mais ces valeurs qui rendent compte de la pression des gaz rendent également compte de deux phénomènes tout à fait différents, et ceci donne un contrôle précieux de la théorie.

L’un de ces phénomènes est l’effusion, c’est-à-dire le passage progressif d’un gaz au travers d’une très petite ouverture percée en paroi très mince dans l’enceinte qui contient le gaz. Pour comprendre comment se produit cette effusion, rappelons que la masse de gaz qui frappe par seconde un élément donné de la paroi est proportionnelle au produit de la vitesse moléculaire moyenne par la densité du gaz. Supposons maintenant qu’on supprime brusquement cet élément de la paroi : les molécules qui allaient le frapper disparaîtront au travers du trou. Le débit initial sera donc proportionnel au produit  ; il restera d’ailleurs constant si le trou est assez petit pour n’apporter aucune perturbation notable dans le régime d’agitation moléculaire.

La masse ainsi effusée étant proportionnelle à , le volume de cette masse ramenée à la pression de l’enceinte est proportionnel à la vitesse moléculaire , ou, tout aussi bien, proportionnel à la vitesse quadratique moyenne (égale à ).

Puisque, enfin, à température constante le produit ne dépend pas du gaz, nous voyons que :

Le volume effusé dans un même temps doit varier en raison inverse de la racine carrée du poids moléculaire du gaz.

C’est précisément la loi qui a été vérifiée pour les divers gaz usuels[6]. L’hydrogène par exemple effuse 4 fois plus vite que l’oxygène.

38. — Largeur des raies spectrales. — L’effusion nous a donné un contrôle pour les rapports des vitesses moléculaires des divers gaz, mais laisse indéterminées les valeurs absolues de ces vitesses qui, d’après ce que nous avons dit doivent atteindre plusieurs centaines de mètres par seconde.

Or on a pu récemment signaler un phénomène sans rapport apparent avec la pression que développent les gaz, qui permet également de calculer les vitesses des molécules supposées existantes, et qui a donné précisément les mêmes valeurs.

Tout le monde sait que la décharge électrique illumine les gaz raréfiés. Examinée au spectroscope, la lumière émise par les « tubes de Geissler » ainsi utilisés, se résout en « raies » fines, correspondant chacune à une lumière simple, comparable à un son de hauteur déterminé. Pourtant, si l’analyseur de lumière devient suffisamment puissant (spectroscopes à réseau et surtout interféromètres) on finit toujours par trouver une largeur appréciable aux raies les plus fines.

C’est ce que lord Rayleigh avait prévu, par la réflexion très ingénieuse que voici : il admet que la lumière émise par chaque centre vibrant (atome ou molécule) est réellement simple, mais que ce centre étant toujours en mouvement, la lumière perçue a une période plus brève ou plus longue, selon que le centre vibrant s’approche ou s’éloigne.

Dans le cas du son, l’observation nous est familière : nous savons bien que le son d’une trompe d’automobile, émis avec une hauteur évidemment fixée, nous paraît changé quand l’automobile est en marche, plus aigu tant qu’elle s’approche (car nous percevons alors plus de vibrations par seconde qu’il n’en est émis dans le même temps), et brusquement plus grave dès qu’elle nous dépasse (car nous en recevons alors moins). Le calcul précis (facile) montre que si est la vitesse de la source sonore, et celle du son, la hauteur du son perçu s’obtient en multipliant ou divisant la hauteur réelle par , suivant que la source s’approche ou s’éloigne. (Cela peut faire une variation brusque de l’ordre d’une tierce, quand la source nous dépasse.)

Les mêmes considérations s’appliquent à la lumière, et c’est ce qu’on appelle le Principe de Doppler-Fizeau. Elles ont permis d’abord de comprendre pourquoi, avec de bons spectroscopes ordinaires, les raies caractéristiques des métaux retrouvées dans les diverses étoiles étaient tantôt toutes déplacées un peu vers le rouge (étoiles qui s’éloignent de nous) et tantôt vers le violet (étoiles qui s’approchent). Les vitesses ainsi mesurées pour les étoiles sont moyennement de l’ordre de 50 kilomètres par seconde.

Mais, avec de meilleurs instruments, même des vitesses de quelques centaines de mètres pourront être décelées. Si nous observons, à angle droit de la force électrique[7] la partie capillaire brillante d’un tube de Geissler à vapeur de mercure plongé dans la glace fondante, la lumière observée provient d’un nombre immense d’atomes qui se meuvent dans toutes les directions avec des vitesses qui sont de l’ordre de 200 mètres par seconde ; nous ne pouvons donc plus percevoir une lumière rigoureusement simple, et un appareil suffisamment dispersif révélera une bande diffuse au lieu d’une raie infiniment fine. Le calcul précis permet de prévoir quelle vitesse moléculaire moyenne correspond à l’étalement observé. Il n’y a plus qu’à voir si cette vitesse concorde avec celle qu’on prévoit, dans la théorie qui précède, quand on connaît la molécule-gramme et la température.

Les expériences ont été faites par Michelson, puis de façon plus précise et dans des cas plus nombreux, par Fabry et Buisson. Elles ne peuvent laisser aucun doute : les vitesses calculées par les deux méthodes concordent peut-être au centième près. (Qualitativement, une raie est d’autant plus large que la masse moléculaire du gaz lumineux est plus faible, et que la température est plus élevée.)

Une fois bien établie cette concordance si remarquable, pour certains gaz et certaines raies, il sera légitime de la regarder comme encore vérifiée dans les cas où l’on ignore soit la masse moléculaire, soit la température, et de déterminer par là cette grandeur inconnue. C’est ainsi que Buisson et Fabry ont prouvé que dans un tube Geissler à hydrogène, le centre lumineux est l’atome d’hydrogène et non la molécule[8].


Rotations ou vibrations des molécules.

39. — Chaleur spécifique des gaz. — Nous n’avons encore porté notre attention que sur le mouvement de translation des molécules. Mais probablement ces molécules tournoient en même temps qu’elles se déplacent, et d’autres mouvements plus compliqués peuvent encore s’y produire, si elles ne sont pas rigides.

Lors donc que la température s’élève, l’énergie absorbée par l’échauffement de 1 molécule-gramme du gaz ne peut qu’être supérieure à l’accroissement de l’énergie moléculaire de translation, que nous savons égale à . Pour chaque élévation de 1 degré, et à volume constant (de manière que toute l’énergie soit communiquée au gaz par échauffement, et non par un travail de compression) la quantité de chaleur absorbée par la molécule-gramme du gaz (chaleur spécifique moléculaire à volume constant) sera donc supérieure ou égale à unités C. G. S. d’énergie (ergs), c’est-à-dire à 2,98 calories[9] soit, sensiblement, 3 calories.

C’est là une limitation bien remarquable. Il suffirait, pour mettre en échec la théorie cinétique, d’un seul cas bien établi où la chaleur qu’abandonnent 3 grammes d’eau en se refroidissant de 1 degré élèverait de plus que 1 degré (à volume constant) la température de 1 molécule-gramme d’un corps gazeux. Mais cela n’a jamais eu lieu.

40. — Gaz monoatomiques. — On devait se demander si la chaleur spécifique moléculaire à volume constant (que nous appellerons ) pouvait s’abaisser jusqu’à cette limite inférieure de 3 calories. En ce cas il faudrait non seulement que l’énergie interne de la molécule ne changeât pas quand la température s’élève, mais que de plus l’énergie de rotation restât constamment nulle, donc il faudrait que deux molécules qui se heurtent se comportent comme deux sphères parfaitement glissantes qui ne mordent pas l’une sur l’autre au moment de leur choc.

Si cette propriété a chance d’être possédée par certaines molécules, il semble que ce doit être pour des molécules formées d’un seul atome. C’est le cas de la vapeur de mercure pour laquelle il était donc particulièrement intéressant de déterminer . L’expérience, faite dans ce but par Kundt et Warburg, a donné précisément la valeur 3. (Le même résultat a été retrouvé pour la vapeur monoatomique du zinc.)

D’autre part, Rayleigh et Ramsay ont découvert dans l’atmosphère des corps simples gazeux chimiquement inactifs (hélium, néon, argon, krypton, xénon), que cette inactivité même avait dissimulés aux chimistes. Ces corps, qu’on n’a pu combiner à aucun autre corps, sont probablement formés par des atomes de valence nulle, qui ne peuvent pas plus se combiner entre eux qu’avec d’autres atomes : les molécules de ces gaz sont donc probablement monoatomiques. Et, en effet, pour chacun de ces gaz, la chaleur spécifique se trouve exactement égale à 3, à toute température (expériences poussées jusqu’à 2 500° pour l’argon).

Bref, quand les molécules sont monoatomiques, elles ne se font pas tourner quand elles se heurtent avec des vitesses qui sont pourtant de l’ordre du kilomètre par seconde. À cet égard les atomes se comportent comme feraient des sphères parfaitement rigides et lisses (Boltzmann). Mais ce n’est là qu’un des modèles possibles, et tout ce que suggère l’absence de rotation, c’est que deux atomes qui s’approchent l’un de l’autre se repoussent suivant une force centrale, c’est-à-dire dirigée vers le centre de gravité de chaque atome et ne pouvant donc faire tourner cet atome. De même (avec cette différence qu’il s’agit là de forces attractives) une comète qui se trouve fortement déviée par son passage près du soleil ne communique à ce dernier aucune rotation.

En d’autres termes, au moment où deux atomes lancés l’un vers l’autre subissent le brusque changement de vitesse qui définit le choc, ces deux atomes agiraient l’un sur l’autre comme pourraient faire deux centres ponctuels répulsifs de dimensions infiniment petites par rapport à leur distance.

En fait, nous serons plus tard conduits (94) à penser que la matière d’un atome pourrait bien être enfermée dans une sphère de diamètre extrêmement petit, repoussant avec une violence extrême tout atome qui s’en rapproche au delà d’une certaine limite, en sorte que la distance minimum des centres de deux atomes qui s’affrontent avec des vitesses de l’ordre du kilomètre par seconde reste bien supérieure au diamètre réel de ces atomes. Ainsi la portée des canons d’un navire dépasse énormément l’enceinte de ce navire. Cette distance minimum est le rayon d’une sphère de protection concentrique à l’atome et beaucoup plus vaste que lui. Nous verrons qu’un phénomène tout nouveau se produit quand on réussit à accroître beaucoup la vitesse qui précède le choc, et qu’alors les atomes percent les sphères de protection au lieu de rebondir sur elles.

41. — Une grave difficulté. — Même si la matière de l’atome est rassemblée dans une sphère très petite relativement à la distance où se produit le choc, il semble toujours impossible d’admettre que la symétrie puisse être et rester telle que, au moment du choc, les forces soient rigoureusement centrales. Or, contrairement à ce qu’on pourrait croire après un examen superficiel, nous ne sommes pas ici dans un cas où il suffise d’une très haute approximation, et c’est là une discontinuité bien intéressante. Pour si peu que les atomes s’écartent de la symétrie exigée, ils finiront par prendre une énergie de rotation égale à leur énergie de translation. Et l’on comprend bien en effet que, s’ils sont plus difficiles à mettre en rotation par choc, il est aussi plus difficile qu’un choc modifie la rotation déjà acquise, en sorte que seule changera la durée de mise en équilibre statistique des deux énergies, mais non leur rapport, une fois cet équilibre réalisé. Boltzmann qui a insisté sur ce point s’était au reste demandé si cette durée ne pouvait être grande par rapport à celle de nos mesures.

Mais cela n’est guère admissible, car, très brèves (durée d’une explosion) ou prolongées, ces mesures donnent toujours les mêmes valeurs pour la chaleur spécifique de l’argon, par exemple. Il y a là une difficulté fondamentale. Nous pourrons la lever, mais seulement en imaginant une propriété nouvelle et bien étrange de la matière.

42. — Énergie de rotation des molécules polyatomiques. — Il est maintenant naturel de nous demander ce que devient la chaleur spécifique lorsque les molécules, en se heurtant, peuvent se faire tourner.

Boltzmann y a réussi, sans hypothèses nouvelles, en généralisant les procédés de calcul statistique grâce auxquels il avait établi l’égalité des énergies moyennes de translation des molécules. Il a pu ainsi calculer ce que doit être, en régime permanent d’agitation, pour une molécule déterminée, le rapport des énergies moyennes de translation et de rotation, lorsque cette molécule est assimilable à un corps solide[10].

Dans le cas général, où ce solide ne possède pas d’axe de révolution, le résultat, bien simple, est qu’il y a égalité entre les deux sortes d’énergie. L’accroissement de rotation absorbera donc 3 calories par degré, comme l’accroissement de translation, et cela fera 6 calories en tout (ou plus exactement 5,96) pour la chaleur moléculaire [11].

Mais, si la molécule, semblable à une haltère, est formée de 2 atomes seulement, séparément assimilables à des sphères parfaitement polies (ou mieux, comme nous venons de voir, à des centres de forces répulsives) aucun choc ne peut lui donner de rotation autour de l’axe de révolution qui joint les centres de ces sphères, et le calcul statistique de Boltzmann montre qu’alors l’énergie moyenne de rotation de la molécule doit être seulement les 2/3 de l’énergie moyenne de translation. L’énergie de rotation absorbera donc 2 calories par degré, puisque l’énergie de translation en absorbe 3, et cela fera 5 en tout (ou plus exactement 4,97) pour la chaleur .

Si enfin la molécule n’est plus solide, toute déformation ou toute vibration intérieure due aux chocs absorbera encore de l’énergie et la chaleur spécifique s’élèvera au-dessus de 5 calories, si la molécule est biatomique, au-dessus de 6, si elle est polyatomique.

Dans leur ensemble, les résultats expérimentaux sont en accord avec ces prévisions.

D’abord, pour un grand nombre de gaz biatomiques, et comme il est prévu pour des molécules semblables à des haltères lisses et rigides, la chaleur spécifique se trouve avoir sensiblement la même valeur, égale à 5 calories. C’est le cas (les mesures étant faites au voisinage de la température ordinaire} pour l’oxygène O2, l’azote N2, l’hydrogène H2, l’acide chlorhydrique HCl, l’oxyde de carbone CO, le bioxyde d’azote NO, etc.

Pour d’autres gaz biatomiques (iode I2, brome Br2, chlore Cl2, chlorure d’iode ICl) la chaleur est de 6 à 6,5 calories. Or ce sont précisément des gaz qui se dissocient en molécules monoatomiques à des températures que nous pouvons atteindre (pour l’iode, la dissociation est déjà presque complète vers 1 500°). Il semble permis de supposer que cette dissociation est précédée par une modification intérieure à la molécule, la liaison entre les atomes se relâchant avant rupture complète, en absorbant de l’énergie.

Enfin, pour les gaz polyatomiques, nous devons nous attendre avec Boltzmann à ce que la chaleur soit égale ou supérieure à 6 calories. Et c’est bien la valeur trouvée pour la vapeur d’eau ou le méthane. Le plus souvent, au reste, le nombre trouvé est notablement plus grand (8 pour l’acétylène, 10 pour le sulfure du carbone, 15 pour le chloroforme, 30 pour l’éther). Comme les chances de modification intérieure dues aux chocs semblent d’autant plus grandes que la molécule est plus complexe, ces valeurs élevées n’ont rien qui doivent surprendre.

43. — L’énergie interne des molécules ne peut varier que par bonds discontinus. — Les divers gaz monoatomiques (tels le mercure ou l’argon) nous ont appris que l’énergie intérieure aux atomes ne dépend pas de la température. Il est donc raisonnable de penser que l’énergie absorbée à l’intérieur d’une molécule polyatomique quand la température s’élève se retrouve seulement sous forme d’oscillation des atomes invariables de cette molécule autour de positions d’équilibre, oscillation impliquant à chaque instant de l’énergie cinétique et de l’énergie potentielle pour les atomes en mouvement.

Il est bien remarquable qu’alors on ne peut pas admettre que l’énergie de cette oscillation soit une grandeur continue, capable de varier par degrés insensibles. En ce cas, en effet, le raisonnement statistique de Boltzmann pourrait s’étendre jusqu’aux atomes vibrants, et, pour nous limiter aux molécules biatomiques, le supplément de chaleur absorbé par l’énergie cinétique d’oscillation à chaque élévation de 1° serait , soit 1 calorie, et en outre il y aurait de la chaleur absorbée par l’énergie potentielle moyenne de l’oscillation[12].

La chaleur spécifique d’un gaz biatomique, probablement égale à 7, ne pourrait donc en aucun cas être comprise entre 5 et 6, et plus simplement ne serait jamais inférieure à 6, car l’oscillation d’amplitude continûment variable ne commencerait pas à exister seulement au-dessus d’une certaine température.

Or nous avons vu que cela n’est pas : la chaleur spécifique des gaz biatomiques est généralement voisine de 5 ; elle grandit au reste lentement quand la température s’élève. C’est ainsi que (Nernst), pour l’oxygène O2 elle est 5,17 à 300°, 5,35 à 500°, et 6 à 2000°, température à laquelle l’oxygène se comporte donc comme font le chlore ou l’iode au voisinage de la température ordinaire.

Ces valeurs de la chaleur spécifique, toujours inférieures à ce qu’exigerait l’hypothèse si naturelle d’une oscillation intérieure à énergie continûment variable, s’expliquent si certaines molécules, en nombre progressivement croissant, se trouvent modifiées de façon discontinue quand la température s’élève.

Comme on les rencontre toujours quand les molécules deviennent proches de leur dissociation en atomes (iode, brome, chlore, puis oxygène, azote et hydrogène) il est raisonnable de penser que ces discontinuités s’accompagnent de relâchements brusques des valences qui lient les atomes, chaque diminution de solidité absorbant un quantum défini d’énergie. Ainsi, quand on remonte une horloge, on sent, au doigt, que l’énergie emmagasinée dans le ressort grandit par quanta indivisibles.

Il demeure au reste probable que l’énergie de chaque quantum est emmagasinée dans la molécule sous forme d’énergie oscillatoire, mais il faut admettre, à l’encontre de ce que nous suggèrent les systèmes vibrants qui sont à notre échelle, que l’énergie d’oscillation intérieure d’une molécule ne peut varier que par bonds discontinus. Si étrange que semble au premier abord ce genre de discontinuité, on est actuellement disposé à l’admettre avec Einstein, par extension d’une hypothèse géniale qui a permis à Planck d’expliquer la composition du rayonnement isotherme, comme nous le verrons bientôt (89).

Suivant cette hypothèse, pour chaque oscillateur, l’énergie varie par quanta égaux. Chacun de ces quanta, de ces grains d’énergie, est d’ailleurs le produit de la fréquence (nombre de vibrations par seconde) propre à l’oscillateur, par une constante universelle indépendante de l’oscillateur.

Une fois ceci admis, on peut, comme l’a montré Einstein, en faisant des hypothèses simples sur la répartition probable de l’énergie entre les oscillateurs, calculer la chaleur spécifique à toute température en fonction de la fréquence . Lorsque la fréquence est assez petite ou la température assez élevée, on retrouve, comme dans la théorie de Boltzmann, l’énergie également partagée entre les degrés de liberté de translation, de rotation et d’oscillation.

44. — Molécules sans cesse en état de choc. — Chaleur spécifique des corps solides. — Je n’ai pas considéré jusqu’ici l’énergie potentielle qui se développe à l’instant même du choc, par exemple quand deux molécules s’affrontent avec des vitesses égales, s’arrêtant l’une contre l’autre avant de rebondir avec des vitesses inversées. Par molécule, l’énergie potentielle du choc est en moyenne nulle dans un gaz où la durée des chocs est très petite par rapport à la durée qui sépare deux chocs : en d’autres termes, à un instant pris au hasard, l’énergie potentielle de choc d’une molécule est généralement inexistante, et sa valeur moyenne est donc nulle. Cette raison de bon sens, que me donne M. Bauer, suffit à prouver, sans calculs, que l’équipartition de l’énergie ne peut alors s’étendre à l’énergie de choc.

Mais, si on comprime progressivement le gaz, les chocs y deviennent de plus en plus nombreux, et la fraction de l’énergie totale à chaque instant présente sous forme d’énergie potentielle due aux chocs y doit grandir sans cesse. Au delà d’une certaine compression, il n’arrivera pratiquement plus jamais qu’une molécule puisse être considérée comme libre.

Il n’est pas évident, mais il est possible, que la molécule soit alors beaucoup moins rigide que dans l’état gazeux, parce que chaque atome sera sollicité vers des atomes voisins extérieurs à la molécule par des forces de cohésion de grandeur comparable à celles qui le sollicitent vers les autres atomes de la molécule (Langevin). Cela revient à admettre que chaque atome peut s’écarter assez facilement, dans tous les sens, d’une certaine position d’équilibre.

Les lois de l’élasticité des solides (réaction proportionnelle à la déformation) conduisent à supposer que la force qui ramène l’atome vers cette position d’équilibre est proportionnelle à l’écart, d’où résultent pour l’atome des vibrations pendulaires, où l’énergie potentielle est en moyenne égale à l’énergie de mouvement.

En écrivant enfin, par les procédés statistiques de Boltzmann, que le régime d’agitation est permanent et en considérant un solide en équilibre thermique avec un gaz, nous trouverons que l’énergie cinétique moyenne a même valeur pour chacun des atomes du solide, ou pour chaque molécule du gaz. Quand la température s’élève de 1°, chaque atome-gramme du corps solide absorbe donc 3 calories par suite de l’accroissement d’énergie de mouvement des atomes qui le forment, et, d’après ce que nous avons dit sur l’égalité des énergies cinétique et potentielle, il absorbe également 3 calories par suite de l’accroissement des énergies potentielles de ces atomes. Cela fait en tout 3 calories : nous retrouvons la loi de Dulong et Petit (15).

Mais nous ne comprenons pas ainsi comment la chaleur spécifique des solides tend vers zéro quand la température devient extrêmement basse, en sorte que cette loi de Dulong et Petit devient alors grossièrement fausse. Nous verrons (91) qu’Einstein a réussi à expliquer cette variation de la chaleur spécifique, mais à condition de supposer (comme il l’avait fait pour les oscillations intérieures aux molécules des gaz) que l’énergie d’oscillation relative à chacun des atomes varie par quanta indivisibles, de la forme , plus ou moins grands, suivant que la fréquence de l’oscillation possible pour l’atome est plus forte ou plus faible.

45. — Gaz aux très basses températures. — Même l’énergie de rotation varie de façon discontinue. — Pour les gaz comme pour les solides, il survient à très basse température des singularités qu’au premier abord il paraît très difficile d’expliquer.

Déjà, à la température de la glace fondante (273° absolus), la chaleur spécifique de l’hydrogène est seulement 4,75, donc nettement inférieure à la valeur théorique 4,97. Ce n’est pas là une forte divergence, mais comme l’a fait juste justement remarquer Nernst, elle se produit dans un sens qui est tout à fait inconciliable avec les conclusions de Boltzmann sur l’énergie de rotation. Sous son impulsion, des recherches ont alors été faites par Eucken à très basse température, et ont conduit à ce résultat surprenant que, au-dessous de 50° absolus, la chaleur spécifique de l’hydrogène est devenue 3, comme pour les gaz monoatomiques ! Pour d’autres gaz, la chaleur spécifique aux basses températures devient également inférieure à la valeur théorique (bien que beaucoup moins vite que pour l’hydrogène) et il semble en définitive probable qu’à température suffisamment basse[13] tous les gaz prennent la chaleur spécifique 3 des gaz monoatomiques, c’est-à-dire que les molécules, bien que non sphériques, cessent de se communiquer par leurs chocs une énergie de rotation comparable à leur énergie de translation.

Cela est incompréhensible, d’après ce que nous avons vu, si l’énergie de rotation peut varier par degrés insensibles. Et nous sommes forcés d’admettre avec Nernst qu’en effet cette énergie de rotation varie par quanta indivisibles comme l’énergie d’oscillation des atomes de la molécule. Il revient au même de dire que la vitesse angulaire de rotation varie de façon discontinue. Cela est bien étrange, mais si nous observons qu’il peut s’agir, comme nous verrons, de rotations si rapides qu’une molécule fasse bien plus d’un million de tours sur elle-même en un millionième de seconde[14], nous serons moins étonnés qu’il puisse alors intervenir des propriétés de la matière tout à fait insensibles à l’échelle des rotations qui nous sont familières.

Revenant alors aux molécules monoatomiques, nous commencerons à soupçonner la solution de la difficulté qui nous a si fort embarrassés. Si deux de ces atomes ne se font pas tourner quand ils se heurtent, bien qu’ils ne puissent pas se repousser suivant des forces rigoureusement centrales, la cause en est sans doute à chercher dans une très forte discontinuité de l’énergie de rotation. Assujettis à tourner très rapidement ou à ne pas tourner du tout, ils ne pourraient en général acquérir par choc la grande énergie de la rotation minimum qu’à des températures très élevées, pour lesquelles on n’a pu jusqu’ici mesurer la chaleur spécifique. Nous préciserons bientôt cette idée (94) et nous verrons par là combien l’atome tient réellement peu de place au centre de sa sphère de protection.


Libre parcours moléculaire.

46. — Viscosité des gaz. — Bien que les molécules aient des vitesses de plusieurs centaines de mètres par seconde, même les gaz se mélangent lentement par diffusion. Cela s’explique, si l’on songe que chaque molécule, sans cesse rejetée en tous sens par les chocs qu’elle subit, peut mettre beaucoup de temps à s’éloigner de sa position initiale.

Si nous réfléchissons à la façon dont le mouvement d’une molécule est ainsi gêné par les molécules voisines, nous serons conduits à considérer le libre parcours moyen d’une molécule, qui est la valeur moyenne du chemin qu’une molécule parcourt, en ligne droite, entre deux chocs successifs. On a pu calculer ce libre parcours moyen (dont la connaissance nous aidera à évaluer la grandeur des molécules), en cherchant comment il peut être lié à la « viscosité » du gaz.

On n’est guère habitué, dans la pratique, à regarder les gaz comme visqueux. Ils le sont en effet bien moins que les liquides, mais ils le sont pourtant de façon mesurable. Si, par exemple, un disque horizontal bien poli, placé dans un gaz, tourne d’un mouvement uniforme autour de l’axe vertical qui passe par son centre, il ne se borne pas à glisser sur lui-même dans la couche gazeuse qui l’entoure, mais il entraîne cette couche qui, à son tour, entraîne par frottement une couche voisine, et ainsi de proche en proche, le mouvement se communiquant par « frottement intérieur », absolument de la même manière que dans un liquide, en sorte qu’un disque parallèle au premier, suspendu au-dessus de lui par un fil de torsion, est bientôt entraîné par les forces tangentielles ainsi transmises, jusqu’à ce que la torsion équilibre ces forces (ce qui permet de les mesurer).

L’agitation moléculaire explique aisément ce phénomène. Pour nous en rendre compte, imaginons d’abord deux trains de voyageurs qui glisseraient dans un même sens, sur des rails parallèles, avec des vitesses presque égales. Les voyageurs pourraient s’amuser à sauter sans cesse de l’un sur l’autre, recevant chaque fois un léger choc. Grâce à ces chocs, les voyageurs tombant sur le train moins rapide en accroîtraient lentement la vitesse, diminuant au contraire celle du train plus rapide quand ils sauteraient sur lui. Ainsi les deux vitesses finiraient par s’égaliser, absolument comme par frottement, et ce serait bien un frottement en effet, mais dont nous apercevons le mécanisme.

Il en sera de même si deux couches gazeuses glissent l’une sur l’autre. Cela revient à dire que, par exemple, les molécules de la couche inférieure ont en moyenne un certain excès de vitesse, dans une certaine direction horizontale, sur les molécules de la couche supérieure. Mais elles se meuvent en tous sens, et, par suite, des molécules de la couche inférieure seront sans cesse projetées dans la couche supérieure. Elles y apporteront leur excès de vitesse, qui se répartira bientôt entre les molécules de cette couche supérieure dont la vitesse dans le sens indiqué sera donc un peu augmentée ; dans le même temps, sous l’action des projectiles venus de la couche supérieure, la vitesse de la couche inférieure diminuera un peu ; l’égalisation des vitesses se produira donc, à moins qu’une cause extérieure ne maintienne artificiellement leur différence constante.

L’action d’un projectile sur une couche sera d’autant plus grande qu’il viendra d’une couche plus éloignée, apportant par suite un excès de vitesse plus grand, ce qui arrivera d’autant plus souvent que le libre parcours moyen sera plus grand. D’autre part, l’effet du bombardement, pour un même libre parcours, doit être proportionnel au nombre de projectiles qu’une couche reçoit de ses voisines. Nous sommes par là préparés à admettre le résultat de l’analyse mathématique plus détaillée[15] par laquelle Maxwell a montré que le coefficient de viscosité (force tangentielle par centimètre carré pour un gradient de vitesse égal à 1) doit être à peu près égal au tiers du produit des trois quantités suivantes : densité du gaz, vitesse moléculaire moyenne , et libre parcours moyen  :

Il est presque évident que pour une densité mettons 3 fois plus faible, le libre parcours sera 3 fois plus grand. Si donc varie ainsi en sens inverse de , le produit ne change pas : la viscosité est indépendante de la pression (à température fixée). C’est là une loi qui parut bien surprenante et dont la vérification (Maxwell, 1866) fut un des premiers grands succès de la théorie cinétique[16].

Puisqu’enfin la viscosité est mesurable[17] (nous avons indiqué un moyen) nous voyons que dans équation de Maxwell tout est connu sauf le libre parcours , qui se trouve donc atteint. Pour l’oxygène ou pour l’azote (conditions normales) ce libre parcours moyen est sensiblement 1 dix-millième de millimètre (ou 0μ, 1). Il est à peu près le double pour l’hydrogène. Aux basses pressions réalisées dans les tubes de Crookes, il arrive donc souvent qu’une molécule parcourt en ligne droite plusieurs centimètres sans rencontrer une autre molécule.

Pendant une seconde, la molécule décrit autant de libres parcours qu’elle subit de chocs, et son chemin total pendant ce temps doit être la vitesse moyenne  ; le nombre de chocs par seconde est donc le quotient de cette vitesse par le libre parcours moyen. Cela fait à peu près 5 milliards pour les molécules de l’air dans les conditions normales.

47. — Le diamètre moléculaire, tel que le définissent les chocs. — Nous avons calculé le libre parcours moyen en comprenant comment la viscosité en dépend. Nous pouvons aussi le calculer en partant de cette idée simple que le libre parcours doit être d’autant plus grand que les molécules sont plus petites (elles ne se heurteraient jamais si elles étaient des points sans dimensions).

Clausius à pensé qu’on ne ferait pas d’erreur grossière en assimilant les molécules à des billes sphériques, de diamètre égal à la distance des centres de deux molécules qui se heurtent, sphéricité qui du reste doit être sensiblement réalisée pour les molécules monoatomiques. Il faut prendre garde, comme je l’ai dit tout à l’heure, que cette distance au moment du choc (probablement un peu variable suivant la violence du choc) est égale au rayon d’une sphère de protection due à des forces répulsives intenses et non pas forcément au diamètre de la matière qui forme la molécule. Plusieurs difficultés de théorie cinétique proviennent simplement de ce qu’on a désigné par la même expression de diamètre moléculaire des longueurs qui peuvent être fort différentes[18]. Pour éviter toute confusion, nous appellerons diamètre de choc ou rayon de protection ce que Clausius appelait diamètre moléculaire. Quand deux molécules se heurtent, leurs sphères de choc sont tangentes.

Ces réserves faites, soit un gaz dont la molécule-gramme occupe le volume , en sorte que dans l’unité de volume il y a molécules, animées en moyenne de la vitesse . Supposons qu’à un instant donné toutes les molécules soient immobilisées dans leurs positions, sauf une qui va garder cette vitesse , rebondissant de molécule en molécule, avec un libre parcours moyen (qui diffère, comme nous allons voir, du libre parcours défini dans le cas où toutes les molécules s’agitent). Considérons la suite des cylindres de révolution qui ont pour axe les directions successives de la molécule mobile, et pour base un cercle dont le rayon est ce que nous venons d’appeler le diamètre de choc, cylindres dont le volume moyen est . Après un grand nombre de chocs, soit , le volume de la suite des cylindres, égal à , contient autant de molécules immobiles qu’il comporte de tronçons. Puisque l’unité de volume renferme molécules, cela fait :

ou

équation dont Clausius s’était contenté, admettant par inadvertance l’égalité de et de . Maxwell observa que les chances de choc sont plus élevées pour une molécule de vitesse moyenne quand les autres molécules s’agitent également : la vitesse de 2 molécules l’une par rapport à l’autre[19] prend alors en effet la valeur moyenne plus élevée . De là résulte que doit être égal à .

Bref, le calcul de Clausius, rectifié par Maxwell, donne la surface totale des sphères de choc des molécules d’une molécule-gramme par l’équation

désigne ce qu’est le libre parcours quand le volume de la molécule-gramme gazeuse est , libre parcours que nous savons tirer de la viscosité du gaz.

Appliquant à l’oxygène ( égal à 22 400ème pour égal à 0μ,1) on trouvera que les sphères de choc des molécules de une molécule-gramme (32 grammes) ont une surface totale de 16 hectares ; rangées côte à côte dans un même plan, elles couvriraient donc une énorme surface, un peu supérieure à 5 hectares.

Une relation de plus entre le nombre d’Avogadro et le diamètre de la sphère de choc nous donnerait ces deux grandeurs.

On peut d’abord observer que le diamètre diamètre , défini par des chocs violents, est probablement un peu plus petit que la distance à laquelle s’approchent les centres des molécules quand le corps est liquide (ou vitreux) et aussi froid que possible. De plus, dans le liquide, les molécules ne peuvent pas être plus serrées que ne sont des boulets dans une pile de boulets. Le volume total des sphères de choc (volume des sphères de protection) est par suite inférieur aux 3/4 du volume limite que prend aux très basses températures la molécule-gramme liquéfiée ou solidifiée, et ce volume limite est connu. L’inégalité ainsi obtenue, combinée avec l’égalité qui donne la surface () de ces sphères, conduira à une valeur trop forte pour le diamètre , et trop faible pour le nombre d’Avogadro.

Faisant le calcul pour le mercure (qui est monoatomique) on trouve que le diamètre de choc des atomes de mercure est inférieur au millionième de millimètre, et que le nombre d’Avogadro est supérieur à 440 milliards de trillions (44·1022).

48. — Équation de Van der Waals. — En fait, la limite ainsi assignée à la petitesse des molécules doit être déjà assez approchée, comme il résulte de raisonnements de Van der Waals, dont je veux donner une idée.

Nous savons que les fluides ne vérifient les lois des gaz qu’au delà d’une certaine raréfaction (de l’oxygène sous une pression de 500 atmosphères ne suit plus du tout la loi de Mariotte). C’est qu’alors certaines influences, négligeables dans l’état gazeux, prennent une grande importance. Van der Waals a pensé qu’il suffirait, pour obtenir la loi de compressibilité des fluides condensés, de corriger la théorie faite pour les gaz sur les deux points suivants :

D’abord, quand on a calculé la pression due aux chocs, on a admis que le volume des molécules (plus exactement, le volume des sphères de choc) est négligeable vis-à-vis du volume qu’elles sillonnent. Van der Waals, tenant compte de cette circonstance, trouve par un calcul plus complet l’équation

en désignant par le volume des sphères de choc des molécules d’une molécule-gramme qui occupe le volume , sous la pression , à la température absolue . Encore l’équation n’a-t-elle cette forme simple que si , sans être négligeable, est petit vis-à-vis de (mettons inférieur au douzième de ).

En second lieu (et cette influence est de sens inverse), les molécules du fluide s’attirent, et ceci diminue la pression qu’exercerait le fluide si sa cohésion était nulle. Tenant compte de cette deuxième circonstance, un calcul simple impose en définitive aux fluides l’équation

fait intervenir la cohésion du fluide, dont l’influence est proportionnelle au carré de la densité. C’est l’équation de Van der Waals[20].

Cette équation célèbre est convenablement vérifiée par l’expérience, tant que le fluide n’est pas trop condensé (de façon grossière, la vérification s’étend même à l’état liquide). En d’autres termes, on peut trouver pour chaque fluide deux nombres qui, mis à la place de et , rendent l’équation à peu près exacte pour tout système de valeurs correspondantes de , et . (On pourra déterminer ces valeurs de et en écrivant que l’équation est vérifiée en particulier pour 2 certains états du fluide, ce qui fera 2 équations en et .)

Dès que sera ainsi connu, nous aurons la surface de choc et le volume de choc des  molécules d’une molécule-gramme, par les équations

qui nous donneront enfin les grandeurs tant cherchées (1873).

49. — Grandeurs moléculaires. — On a fait le calcul pour l’oxygène ou l’azote, ce qui donne pour une valeur à peu près égale à 45·1022 (savoir, avec des diamètres de 3·10−8 environ, 40·1022 pour l’oxygène, 45·1022 pour l’azote, 50·1022 pour l’oxyde de carbone, concordance qui mérite d’être signalée). Ce choix n’est pas le meilleur, puisqu’il force à calculer le « diamètre » de molécules sûrement non sphériques. Seul un corps monoatomique, tel que l’argon, peut conduire à un bon résultat. Consultant les données relatives à ce corps, on trouvera que le volume des sphères de choc, pour une molécule-gramme (40 gr.) est 7,5 centimètres cubes. Ceci entraîne pour la molécule un diamètre de choc égal à 2,85·10−8, soit

= 2,85/100 000 000 (centimètre)

et une valeur de égale à 62·1022, soit

= 620 000 000 000 000 000 000 000.

La masse d’un atome ou d’une molécule quelconque s’ensuit. La masse de la molécule d’oxygène, par exemple, sera 32/, soit 52·10−24 ; celle de l’atome d’hydrogène sera de même 1,6·10−24, soit

1,6/1 000 000 000 000 000 000 000 000 (gramme).

Un tel atome se perd en notre corps, à peu près comme celui-ci se perdrait dans le soleil.

L’énergie de mouvement d’une molécule à la température 273° de la glace fondante sera (en ergs) 0,55·10−13 : en d’autres termes, le travail développé par l’arrêt d’une molécule permettrait d’élever d’à peu près 1 μ un sphérule plein d’eau, ayant 1 μ de diamètre.

Enfin l’atome d’électricité (30), quotient du faraday par le nombre d’Avogadro, vaudra 4,7·10−10 (unités électrostatiques C. G. S.), ou, si on préfère, 1,6·10−20 coulombs. C’est à peu près le milliardième de ce que peut déceler un bon électroscope.

L’incertitude, pour tous ces nombres, est largement de 30 pour 100, en raison des approximations admises dans les calculs qui ont donné les équations de Clausius-Maxwell et de Van der Waals.

Bref, chacune des molécules de l’air que nous respirons se meut avec la vitesse d’une balle de fusil, parcourt en ligne droite entre deux chocs à peu près 1 dix-millième de millimètre, est déviée de sa course 5 milliards de fois par seconde, et pourrait, en s’arrêtant, élever de sa hauteur une poussière encore visible au microscope. Il y en a 30 milliards de milliards dans un centimètre cube d’air, pris dans les conditions normales. Il en faut ranger 3 milliards en file rectiligne pour faire 1 millimètre. Il en faut réunir 20 milliards pour faire 1 milliardième de milligramme.

La théorie cinétique a excité une juste admiration. Elle ne peut suffire à entraîner une conviction complète, en raison des hypothèses multiples qu’elle implique. Cette conviction naîtra sans doute, si des chemins entièrement différents nous font retrouver les mêmes valeurs pour les grandeurs moléculaires.


  1. En effet, cette moyenne est la même pour deux molécules quelconques (qui ne doivent pas se différencier dans leur aptitude à posséder de l’énergie) ; soit alors un très grand nombre de molécules repérées simultanément à instants successifs ( très grand) : la somme des énergies ainsi notées pourra indifféremment s’écrire fois ou fois , ce qui prouve l’égalité de et de .
  2. De façon précise, sur molécules, le nombre de celles qui possèdent suivant Ox une composante comprise entre et est donné par l’équation

    et d’autre part on a exactement :

    .
  3. Car toute molécule-gramme occupe alors 22 400 centimètres cubes quand la pression correspond à 76 centimètres de mercure, ce qui donne bien en unités C. G. S. pour le produit la valeur 34·109.
  4. Du fait que 1 molécule-gramme occupe 22 400 centimètres cubes sous la pression atmosphérique dans la glace fondante ( = 273°) on tire que est égal à 83,2·106 (unités C. G. S.).
  5. Théorie cinétique, chapitre 1.
  6. Une fois vérifiée, cette loi pourra servir à déterminer des poids moléculaires inconnus : s’il faut attendre 2,65 fois plus longtemps pour appauvrir dans le même rapport par effusion une même enceinte quand elle contient de l’émanation du radium que lorsqu’elle contient de l’oxygène, on connaîtra le poids moléculaire de l’émanation en multipliant celui 32 de l’oxygène par (2,65)², soit environ par 7.
  7. Pour ne pas être gêné par l’accroissement de vitesse que cette force peut communiquer dans sa direction au centre lumineux si celui-ci est chargé (effet Doppler constaté sur les rayons « canaux » (positifs) des tubes de Crookes (Stark)).
  8. Les mêmes physiciens, poursuivant ces belles recherches, sont en train de déterminer la température des nébuleuses d’après l’étalement de raies provenant d’atomes connus (hydrogène ou hélium) : après quoi ils pourront déterminer le poids atomique du corps (nebulium) qui émet dans les mêmes nébuleuses, certaines raies que ne donne aucun élément terrestre connu. Ainsi se trouvera découvert et pesé l’atome d’un corps simple dans des régions si lointaines que leur lumière met des siècles à nous parvenir !
  9. Car ergs valent 12,5·107 ; ou, (puisque la calorie vaut 4,18·107 ergs}, 2,98 calories.
  10. Rappelons que la Stéréochimie (no 24) attribue aux molécules une solidité au moins approximative.
  11. En d’autres termes (que l’on emploie souvent) :

    L’état d’une molécule est défini, au point de vue énergie, par les 3 composantes suivant 3 axes fixes de la vitesse de translation et les 3 composantes de la vitesse de rotation. Ces 6 composantes, pouvant être choisies indépendamment, représentent degrés de liberté. Pour chaque élévation de 1 degré de température, et par molécule-gramme, l’énergie relative à chaque composante absorbe 1 calorie : il y a égale répartition de l’énergie entre les degrés de liberté. (Pour une molécule biatomique rigide, lisse et de révolution, seulement 2 composantes de rotation sont indépendantes, et le nombre de degrés de liberté s’abaisse à 5.)

  12. Ce deuxième supplément se monterait aussi à 1 calorie si, comme dans le pendule, la force tirant chaque atome vers sa position d’équilibre était proportionnelle à l’élongation (distance à la position d’équilibre), auquel cas il y aurait, comme dans le pendule, égalité entre l’énergie potentielle moyenne et l’énergie cinétique moyenne de l’oscillation (extension du théorème, indiqué en note au no 42 sur l’équipartition de l’énergie).
  13. La liquéfaction sera toujours évitable si l’on opère sous pression réduite.
  14. En sorte que l’accélération a une valeur colossale.
  15. Le raisonnement est très semblable à celui qui nous a donné la pression en fonction de la vitesse.
  16. Aux très basses pressions on devra s’arranger pour que les dimensions de l’appareil de mesure (telle la distance des plateaux qui s’entraînent par frottement intérieur) restent grandes par rapport au libre parcours : sinon la théorie serait inapplicable.
  17. Ordre de grandeur : 0dyne,00018 pour l’oxygène (conditions normales). L’eau à 20° est environ 50 fois plus visqueuse.
  18. Diamètre de la masse réelle, diamètre de choc, diamètre défini par le rapprochement de molécules dans l’état solide froid, diamètre de la sphère conductrice qui aurait même effet que la molécule, etc.
  19. Soit une vitesse relative, résultante de vitesses et faisant l’angle  ; cela donne pour la valeur , c’est-à-dire, en moyenne, la valeur .
  20. On écrit le plus fréquemment au lieu de .