Le Théâtre du peuple (Romain Rolland)/Partie II/I. Les Précurseurs du théâtre du peuple

DEUXIÈME PARTIE

LE THÉÂTRE NOUVEAU


I

LES PRÉCURSEURS DU THÉÂTRE DU PEUPLE : ROUSSEAU, DIDEROT, LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, MICHELET. — LES PREMIÈRES TENTATIVES DE THÉÂTRES DU PEUPLE. — LE THÉÂTRE DE BUSSANG.


Les premiers qui semblent avoir eu l’intention d’un art dramatique nouveau pour la société nouvelle, d’un Théâtre du Peuple pour le Peuple souverain, sont certains des grands précurseurs de la Révolution, les philosophes du dix-huitième siècle, ces souffles orageux qui semaient à tous les coins du monde les germes de vie nouvelle : surtout Rousseau et Diderot ; — Rousseau, constamment préoccupé de l’éducation de la nation, — Diderot, toujours avide d’enrichir la vie, de centupler ses puissances, d’unir les hommes en une ivresse joyeuse et fraternelle.

Rousseau, dans son admirable Lettre sur les spectacles,[1] si sincère, si profonde, où l’on a affecté de voir un paradoxe, pour avoir le droit de ne pas tenir compte de ses rudes leçons, — Rousseau, après avoir analysé le théâtre et la civilisation de son temps, avec l’impitoyable clairvoyance d’un Tolstoy, ne conclut pourtant pas contre le théâtre en général, et il envisage la possibilité d’une régénération de l’art dramatique, en lui donnant un caractère national et populaire, à l’exemple des Grecs :

Je ne vois qu’un remède,

dit-il,
Je ne vois qu’un remède, à tant d’inconvénients, c’est que nous composions nous-mêmes les drames de notre théâtre, et que nous ayons des auteurs avant des comédiens. Car il n’est pas bon qu’on nous montre toutes sortes d’imitations, mais seulement celles des choses honnêtes et qui conviennent à des hommes libres. Il est sûr que des pièces tirées, comme celles des Grecs, des malheurs passés de la patrie ou des défauts présents du peuple, pourraient offrir aux spectateurs des leçons utiles… Les spectacles des Grecs n’avaient rien de la mesquinerie de ceux d’aujourd’hui. Leurs théâtres n’étaient point élevés par l’intérêt et par l’avarice ; ils n’étaient point renfermés dans d’obscures prisons ; leurs acteurs n’avaient pas besoin de mettre à contribution les spectateurs, ni de compter du coin de l’œil les gens qu’ils voyaient passer la porte, pour être sûrs de leur souper. Ces graves et superbes spectacles, donnés sous le ciel, à la face de toute une nation, n’offraient de toutes parts que des combats, des victoires, des prix, des objets capables d’inspirer une ardente émulation et d’échauffer les cœurs de sentiments d’honneur et de gloire… Ces grands tableaux instruisaient le peuple sans cesse.

Rousseau avait une autre idée, bien plus originale et plus démocratique que ce Théâtre du Peuple : celle des Fêtes du Peuple. J’y reviendrai tout à l’heure.

À la même époque, le grand Diderot, le plus libre des génies du dix-huitième siècle, et le plus fécond peut-être, moins soucieux que Rousseau des fins éducatrices du théâtre, et bien plus de ses fins esthétiques, disait dans son Paradoxe sur le comédien : « La vraie tragédie est encore à trouver. » Et il ajoutait dans son Deuxième entretien sur le Fils naturel :

Il n’y a plus, à proprement parler, de spectacles publics… Les théâtres anciens recevaient jusqu’à 80.000 citoyens… Jugez de la force d’un grand concours de spectateurs, par ce que vous savez vous-même de l’action des hommes les uns sur les autres, et de la communication des passions dans les émeutes populaires, 40 à 50.000 hommes ne se contiennent pas par décence… Celui qui ne sent pas augmenter sa sensation par le grand nombre de ceux qui la partagent, a quelque vice secret ; il y a dans son caractère je ne sais quoi de solitaire qui me déplaît. — Mais si le concours d’un grand nombre d’hommes devait ajouter à l’émotion du spectateur, quelle influence ne devait-il point avoir sur les auteurs, sur les acteurs ? Quelle différence entre amuser tel jour, depuis telle jusqu’à telle heure, dans un petit endroit obscur, quelques centaines de personnes ; ou fixer l’attention d’une nation entière dans ses jours solennels ![2]

Et, esquissant avec la puissance habituelle de son intuition quelques-unes des révolutions artistiques que produirait la fondation de ce théâtre nouveau, Diderot écrivait ces lignes, où il devançait non seulement l’art de son temps, mais aussi l’art de notre temps :

Je ne demanderais, pour changer la face du genre dramatique, qu’un théâtre très étendu, où l’on montrât, quand le sujet d’une pièce l’exigerait, une grande place avec les édifices adjacents, tels que le péristyle d’un palais, l’entrée d’un temple, différents endroits distribués de manière que le spectateur vît toute l’action, et qu’il y en eût une partie cachée pour les acteurs. Telle fut ou put être autrefois la scène des Euménides d’Eschyle. Exécuterons-nous rien de pareil sur nos théâtres ? On n’y peut jamais montrer qu’une action, tandis que dans la nature il y en a presque toujours de simultanées, dont les représentations concomitantes, se fortifiant réciproquement, produiraient sur nous des effets terribles… Nous attendons l’homme de génie qui sache combiner la pantomime avec le discours, entremêler une scène parlée avec une scène muette, et tirer parti de la réunion des deux scènes, et surtout de l’approche, ou terrible ou comique, de cette réunion qui se ferait toujours…

La géniale pensée de Diderot trouva un écho passionné chez les Shakespeariens allemands de la Sturm und Drangperiode, chez Gerstenberg, chez Herder, chez Goethe adolescent.[3]

À son tour, l’original Louis-Sébastien Mercier, nourri de Shakespeare et des Allemands, disciple de Diderot, et « singe de Jean-Jacques », ainsi qu’on l’appelait, fondit ensemble leurs tendances diverses ; et il réclama en termes formels, dans son Nouvel essai sur l’Art dramatique, (1773) et surtout dans son Nouvel examen de la Tragédie française, (1778) la création d’un théâtre populaire, inspiré du peuple, et destiné au peuple. Il rappelait le lointain modèle des Mystères du Moyen-Âge ; et, mêlant aux conceptions esthétiques de Diderot et des Shakespeariens les préoccupations morales de Rousseau, il voulait « un théâtre aussi étendu que celui de l’univers », mais qui fût aussi « un tableau moral » : car le premier devoir du poète dramatique était, disait-il, « d’influer sur les mœurs de ses concitoyens ». Prêchant d’exemple, il écrivit des drames historiques, politiques et sociaux : Jean Hennuyer, évêque de Lisieux, où il montrait un apôtre de la tolérance, à l’époque de la Saint-Barthélemy ; la mort de Louis XI, roi de France ; la Destruction de la Ligue ; Philippe II, roi d’Espagne (1785).

À la suite de Mercier, d’autres écrivains français reprirent l’idée d’un théâtre national, c’est-à-dire s’adressant à toute la nation. Bernardin de Saint-Pierre, dans sa Treizième Étude de la Nature, appelle de ses vœux un Shakespeare national, qui présenterait au peuple assemblé les grandes scènes de la patrie ; et il lui propose d’avance le sujet de Jeanne d’Arc.

Je voudrais,

dit-il, après avoir tracé d’une façon rapide et déclamatoire la scène de Jeanne d’Arc sur le bûcher.

Je voudrais, je voudrais que ce sujet, traité par un homme de génie, à la manière de Shakespeare, qui ne l’eût certainement pas manqué, si Jeanne d’Arc eût été anglaise, produisit une pièce patriotique, que cette illustre bergère devint parmi nous la patronne de la guerre, comme sainte Geneviève l’est de la paix ; que son drame fût réservé pour les circonstances périlleuses où l’État peut se rencontrer ; qu’on en donnât alors la représentation au peuple, comme on montre à celui de Constantinople, en pareil cas, l’étendard de Mahomet ; et je ne doute pas qu’à la vue de son innocence, de ses services, de ses malheurs, de la cruauté de ses ennemis, et de l’horreur de son supplice, notre peuple, hors de lui, ne s’écriât : « La guerre, la guerre contre les Anglais ! »

Marie-Joseph Chénier dédie en 1789 son Charles IX ou l’École des Rois : « à la Nation Française ».

Français, mes concitoyens, acceptez l’hommage de cette tragédie patriotique. Je dédie l’ouvrage d’un homme libre à une Nation devenue libre… Votre scène doit changer avec tout le reste. Un théâtre de femmelettes et d’esclaves n’est plus fait pour des hommes et pour des citoyens. Une chose manquait à vos excellents poètes dramatiques : ce n’était pas du génie ; ce n’étaient pas des sujets ; c’était un auditoire.

(15 décembre 1789)

Il dit encore :

Le théâtre est un moyen d’instruction publique… Sans les gens de lettres, la France serait en ce moment au point où se trouve encore l’Espagne… Nous touchons à l’époque la plus importante qui marque jusqu’à ce jour l’histoire de la nation française ; et la destinée de vingt-cinq millions d’hommes va se décider… À des arts esclaves succèdent des arts libres ; le théâtre, si longtemps efféminé et adulateur, n’inspirera que le respect des lois, l’amour de la liberté, la haine du fanatisme, et l’exécration des tyrans.[4]

L’action de Mercier s’exerçait plus directement encore en Allemagne, sur Schiller, qui le lut avidement, le traduisit et s’en inspira. Il est remarquable que Mercier ait indiqué à Schiller, — dans son Nouvel Essai, — le sujet de Guillaume Tell, comme Rousseau lui avait indiqué le sujet de Fiesque. Et Mercier lui inspira encore, très probablement, certaines scènes de son Don Carlos.[5] On ne doit pas oublier les liens qui rattachaient à la jeune pensée révolutionnaire de la France celui que la Convention fit citoyen français, — celui qui fut, en quelque sorte, le plus grand poète de la Révolution, comme Beethoven en fut le plus grand musicien, — l’auteur des Brigands (1781–2), écrits In tyrannos (contre les tyrans), — de Fiesque, « tragédie républicaine » (1783–4), — de Don Carlos (1785), où il avait voulu représenter, dit-il, « l’esprit de liberté en lutte avec le despotisme, les chaînes de la sottise brisées, les préjugés de mille années de date ébranlés ; une nation qui réclame les droits de l’homme ; les vertus républicaines mises en pratique… » ;[6] — le sublime poète de l’Ode à la Joie (1785), ivre de liberté, d’héroïsme et d’amour fraternel.[7]

« Le théâtre, avait dit Mercier, est le moyen le plus actif et le plus prompt d’armer invinciblement les forces de la raison humaine, et de jeter tout à coup sur un peuple une grande masse de lumière. »

Ainsi pensa la Révolution. Elle reprit les deux idées de Rousseau, d’un théâtre éducateur, et de Fêtes nationales. Des fêtes, je parlerai plus loin. L’idée d’un théâtre du peuple ne fut pas le monopole d’un parti. Les noms les plus opposés et parfois les plus ennemis sont associés dans le puissant effort qui fut alors tenté pour fonder un art dramatique populaire. Mirabeau, Talleyrand, Lakanal, David, Marie-Joseph Chénier, Danton, Boissy d’Anglas, Barère, Carnot, Saint-Just, Robespierre, Billaud-Varennes, Prieur, Lindet, Collot d’Herbois, Couthon, Payan, Fourcade, Bouquier, Florian, et bien d’autres, défendirent cette cause par leur parole, leurs écrits, et leurs actes. On trouvera à la suite de cette étude le texte des principaux décrets du comité de Salut public, de la commission d’Instruction publique, et de la Convention, relatifs au théâtre et aux fêtes populaires. J’en donnerai ici un bref résumé :

Dans le rapport du 11 juillet 1793, pour la fête du 10 août, David proposa qu’au Champ de Mars, après la cérémonie, qui devait être elle-même le vrai spectacle, on construisît « un vaste théâtre, où seraient représentés, par des pantomimes, les principaux événements de notre Révolution ». — En fait, ou donna un simulacre du bombardement de la ville de Lille, pour lequel on avait construit une forteresse au bord de la Seine.

Mais, dès le 2 août 1793, le comité de Salut public, « désirant former de plus en plus chez les Français le caractère et les sentiments républicains », proposait une « loi de règlement sur les spectacles », qui fut adoptée par la Convention, après un discours de Couthon. La Convention décrétait que, du 4 août au premier septembre, — c’est-à-dire pendant l’époque où les fêtes du 10 août attireraient à Paris un grand nombre de provinciaux, — les théâtres désignés par la municipalité représenteraient trois fois par semaine des « tragédies républicaines, telles que Brutus, Guillaume Tell, Caïus Gracchus… Il serait donné, une fois la semaine, une de ces représentations aux frais de la République ».[8]

En novembre 93, à la suite du célèbre discours de Marie-Joseph Chénier sur les fêtes populaires, que j’aurai occasion de citer dans un chapitre suivant, Fabre d’Églantine fit adopter l’idée de créer des théâtres nationaux pour compléter l’ensemble de ces fêtes. — Une Commission spéciale de six membres fut choisie à cet effet dans le Comité ; elle était composée de Romme, David, Fourcroi, Mathieu, Bouquier et Cloots. — Le 11 frimaire an II, — premier décembre 93, — Bouquier, dans son plan général d’Instruction publique, — section IV, intitulée : du dernier degré d’instruction, — proposait :

Article premier. — Les théâtres… les fêtes… font partie du second degré d’instruction publique.|90}}

Article 2. — Pour les faciliter,… la Convention déclare que les églises et les maisons ci-devant curiales, actuellement abandonnées, appartiennent aux Communes.

Le 4 pluviôse an II, — 23 janvier 94, — la Convention, présidée par Vadier, répartissait cent mille livres aux vingt théâtres de Paris qui,

en conformité du décret du 2 août, avaient donné chacun quatre représentations pour et par le peuple.

Le 12 pluviôse, — 31 janvier 94, — le comité de Sûreté générale recommandait aux directeurs des différents spectacles de Paris

de faire de leurs théâtres une école de mœurs et de décence,… mêlant aux pièces patriotiques… des pièces où les vertus privées soient représentées dans leur éclat.

Boissy d’Anglas, dans un écrit adressé le 25 pluviôse, — 13 février, — à la Convention et au comité d’Instruction,[9] demandait

que l’on consacrât les jeux de la scène à acquitter la reconnaissance du peuple, en évoquant par leur prestige les grands hommes perdus, en retraçant avec toute leur pompe les grandes actions nationales qui devront vivre dans la postérité… En considérant le théâtre (continuait-il) comme l’un des établissements les plus propres à perfectionner l’organisation sociale, et à rendre les hommes plus vertueux et plus éclairés, vous ne consentirez pas qu’il soit uniquement l’objet de spéculations financières, mais vous en ferez aussi une entreprise nationale… Que ce soit là l’un des principaux objets de votre magnificence publique… Ainsi vous agrandirez encore la carrière où l’esprit humain peut s’élever à une plus grande hauteur… Ainsi vous offrirez au peuple une source toujours renaissante d’instruction et de plaisirs. Ainsi vous formerez à votre gré le caractère national.

Toutes ces idées d’un théâtre éducateur de la nation aboutiront le 20 ventôse an II, — 10 mars 1794, — à un arrêté du comité de Salut public, qui est la véritable charte de fondation du Théâtre du Peuple.

Le comité, composé ce jour-là de Saint-Just, Couthon, Carnot, Barère, Prieur. Lindet et Collot d’Herbois, décida que l’ancien Théâtre-Français « serait uniquement consacré aux représentations données de par et pour le peuple, à certaines époques de chaque mois. L’édifice serait orné en dehors de l’inscription suivante : Théâtre du Peuple. Les sociétés d’artistes établies dans les divers théâtres de Paris seraient mises tour à tour en réquisition pour les représentations qui devaient être données trois fois par décade. Le répertoire des pièces à jouer sur le Théâtre du Peuple serait demandé à chaque théâtre de Paris et soumis à l’approbation du Comité. Les municipalités des communes étaient chargées d’organiser, sur les bases de cet arrêté, des spectacles civiques donnés au peuple gratuitement chaque décade ».

Cette affectation de l’ancien Théâtre-Français aux spectacles populaires n’était que provisoire, dans la pensée du Comité de Salut public. L’esprit des créateurs du Théâtre du Peuple trouvait avec raison de graves inconvénients, pour ne pas dire une impossibilité absolue, à fonder d’une façon durable un art dramatique nouveau dans un bâtiment ancien, dont les dispositions matérielles, les habitudes, la clientèle, sont un obstacle insurmontable au libre développement de l’art. Ils voulaient trouver pour ce théâtre nouveau des formes architectoniques nouvelles.

Le 5 floréal an II, — 24 avril 1794, — le comité de Salut public « appela les artistes de la République à concourir à transformer en arènes couvertes le local qui servait au théâtre de l’Opéra, — Porte-Saint-Martin actuelle, — pour y célébrer les triomphes de la République et les fêtes nationales » ; et, le 26 floréal, — 14 mai, — Robespierre, Billaud, Prieur, Barère et Collot, signaient un arrêté pour convertir la place de la Révolution, — Concorde, — « en un cirque, ayant accès de toutes parts, et devant servir aux fêtes nationales ».

Ce n’était pas tout d’avoir fondé le Théâtre du Peuple ; il fallait lui assurer un répertoire. Le comité, composé de Robespierre, Couthon, Carnot, Billaud, Lindet, Prieur, Barère et Collot, fit appel aux poètes le 27 floréal, — 16 mai 1794, — pour « célébrer les principaux événements de la Révolution, et composer des pièces dramatiques républicaines ». Mais les occupations du Comité étaient trop multiples, sa lutte avec la contre-révolution et avec les rois trop absorbante et trop terrible, pour qu’il pût suivre d’une façon attentive « la régénération de l’art dramatique ». Il chargea de cette tâche difficile la commission de l’Instruction publique, par arrêté du 18 prairial, — 6 juin 1794.

La Commission, dont l’énergique et intelligent Joseph Payan était l’âme, s’en acquitta vigoureusement. Elle publia le 5 messidor, — 23 juin 1794, — sous le titre Spectacles, une circulaire adressée aux directeurs et entrepreneurs de spectacles, autorités municipales, auteurs dramatiques, etc. Dans cet écrit, d’un style incorrect et déclamatoire, mais brûlant de vie et de généreuses ambitions, Payan déclarait la guerre, non seulement aux spéculations malpropres des auteurs et des directeurs, à l’immoralité scandaleuse et lucrative des théâtres, mais à l’esprit arriéré qui y régnait encore, à l’inertie et aux conventions serviles de l’art. « Les théâtres sont encore encombrés des débris du dernier régime, de faibles copies de nos grands maîtres, où l’art et le goût n’ont rien à gagner, d’intérêts qui ne nous regardent plus, de mœurs qui ne sont pas les nôtres. Il faut déblayer ce chaos… Il faut dégager la scène, afin que la raison y revienne parler le langage de la liberté, jeter des fleurs sur la tombe de ses martyrs, chanter l’héroïsme et la vertu, faire aimer les lois et la patrie. » La Commission faisait appel au concours de tous les hommes éclairés : artistes, directeurs, écrivains patriotes. « Calculez avec nous la force morale des spectacles. Il s’agit d’élever une école publique où le goût et la vertu soient également respectés. » Il ne s’agissait pas là, comme on a dit, de sacrifier l’art aux préoccupations politiques. Tout au contraire, Payan, au nom de la Commission, protesta avec mépris contre les mutilations infligées par les Hébertistes au texte de certaines pièces, et il en rétablit l’expression intégrale, disant que « les premières lois qu’il faut respecter dans un drame sont celles du goût et du bon sens ». La grandeur de sa conception de l’art populaire s’affirme d’une façon éclatante dans un arrêté du 11 messidor an II, — 29 juin 1794, — où il frappe impitoyablement, non les pièces antirépublicaines, mais les pièces républicaines sur la Fête à l’Être Suprême, qui dégradaient le sujet par leur médiocrité. Je renvoie aux documents cités plus loin, pour lire dans leur entier ces pages hautaines, qui loin d’attirer la mode au service de l’art républicain, la rejettent avec dégoût :

Il est une foule d’auteurs alertes à guetter l’ordre du jour ; ils connaissent le costume et les couleurs de la saison : ils savent à point nommé quand il faut affubler le bonnet rouge, et quand le quitter. Leur génie a fait un siège, emporté une ville, avant que nos braves républicains aient ouvert la tranchée… De là la corruption du goût, l’avilissement de l’art ; tandis que le génie médite et jette en bronze, la médiocrité, tapie sous l’égide de la liberté, ravit en son nom le triomphe d’un moment, et cueille sans effort les fleurs d’un succès éphémère… Observons aux jeunes littérateurs que la route de l’immortalité est pénible ; que, pour offrir au peuple français des ouvrages impérissables comme sa gloire, il faut se défier d’une fécondité stérile, d’un succès non acheté, qui tue le talent, où le génie se dissipe en quelques étincelles fugitives parmi une nuit de fumée ; que ces fruits précoces et hâtifs dont le mérite se calcule d’après la recette, avilissent l’œuvre et l’ouvrier. C’est avec peine que la Commission se voit forcée de marquer ses premiers pas dans le sentier du goût et du vrai beau par des leçons sévères ; mais, idolâtre des arts, dont la régénération lui est confiée,… elle est comptable aux lettres, à la nation, à elle-même, du poète,… de l’historien,… du génie, dont elle n’aura pas fécondé, dirigé les élans. Que le jeune auteur ose donc mesurer d’un pas hardi toute l’étendue de la carrière,… qu’il fuie partout la pensée facile et battue de la médiocrité. L’écrivain qui n’offre, au lieu de leçons, que des redites ; au lieu d’intérêt, que des pantomimes ; au lieu de tableaux, que des caricatures, est inutile aux lettres, aux mœurs, à l’État ; et Platon l’eût chassé de sa République…

La hauteur superbe d’un tel langage montre à quelles nobles mains était alors confiée la direction de l’art. Malheureusement, le temps manqua à ces hommes ; Payan ne put même pas écrire le travail qu’il annonçait, dans son arrêté du 29 juin, sur la régénération du théâtre. Il fut balayé le 10 thermidor, — 28 juillet, — dans l’ouragan qui emporta, avec Robespierre et Saint-Just, le génie de la Révolution. — Il est affligeant d’ajouter qu’à la grandeur des chefs répondait bien mal la médiocrité des artistes, surtout des écrivains ; — car la peinture eut du moins un David ; la musique, un Méhul, un Lesueur, un Gossec, un Cherubini, — la Marseillaise. — Cette médiocrité consternait le Comité, et inspira d’âpres paroles à Robespierre et à Saint-Just. « Les hommes de lettres en général, dit Robespierre dans son discours du 18 floréal an II, — 7 mai 94, — se sont déshonorés dans cette Révolution, et, à la honte éternelle de l’esprit, la raison du peuple en a fait seule tous les frais. » De 1793 date, comme l’ont montré Eugène Maron[10] et Eugène Despois,[11] le développement extraordinaire du vaudeville ![12]

Pour moi, je le comprends. Tout l’héroïsme de la nation s’était jeté dans la mêlée, aux assemblées et aux armées. Qui aurait eu le dilettantisme d’écrire, quand les autres se battaient ? Il ne restait dans l’art que les lâches. — Mais quelle tristesse de penser que cette sublime tempête s’est dissipée, sans avoir laissé de traces dans aucune œuvre qui traverse les siècles !

Après cinquante ans, un homme en retrouva l’écho. Michelet, qui ne nous transmit pas seulement le récit de ces temps héroïques, mais leur âme même, parce qu’elle était en lui ; Michelet, qui écrivit l’histoire de la Révolution comme un homme de la Révolution qui l’a vraiment vécue, reprit d’instinct la tradition révolutionnaire d’un Théâtre du Peuple. Il l’exprima avec sa généreuse éloquence, dans ses leçons aux étudiants :

Tous ensemble, mettez-vous simplement à marcher devant le peuple. Donnez-lui l’enseignement souverain, qui fut toute l’éducation des glorieuses cités antiques : un théâtre vraiment du peuple. Et sur ce théâtre, montrez-lui sa propre légende, ses actes, ce qu’il a fait. Nourrissez le peuple du peuple… Le théâtre est le plus puissant moyen de l’éducation, du rapprochement des hommes ; c’est le meilleur espoir peut-être de rénovation nationale. Je parle d’un théâtre immensément populaire, d’un théâtre répondant à la pensée du peuple, qui circulerait dans les moindres villages… Ah ! que je voie donc, avant de mourir, la fraternité nationale recommencer au théâtre !… un théâtre simple et fort, que l’on joue dans les villages, où l’énergie du talent, la puissance créatrice du cœur, la jeune imagination des populations toutes neuves, nous dispensent de tant de moyens matériels, décorations prestigieuses, somptueux costumes, sans lesquels les faibles dramaturges de ce temps usé ne peuvent plus faire un pas. … Qu’est-ce que le théâtre ? L’abdication de la personne actuelle, égoïste, intéressée, pour prendre un rôle meilleur. Ah ! que nous en avons besoin !… Venez, je vous prie, venez reprendre votre âme au théâtre populaire, votre âme au milieu du peuple ![13]

Et Michelet indiquait pour le futur théâtre de la Nation quelques sujets tirés de l’épopée nationale : Jeanne d’Arc, la Tour d’Auvergne, Austerlitz, et surtout les Miracles de la Révolution.

C’est de la main de Michelet que l’idéal artistique de la Révolution et des penseurs du dix-huitième siècle est parvenu jusqu’à ceux d’entre nous qui, en France, ont entrepris de fonder le Théâtre du Peuple,

L’étranger nous avait devancés. En 1889, un théâtre populaire, le Volkstheater, était inauguré à Vienne, avec une pièce d’Anzengruber : la Tache sur l’honneur. En 1894, le Schiller Theater était ouvert à Berlin par M. Loewenfeld. Un an après, il avait 6.000 abonnés. Une troupe d’une trentaine d’artistes y jouait le répertoire ancien et moderne : de Calderon et de Shakespeare jusqu’à Ibsen, à Dumas fils, et aux contemporains français et allemands ; et la situation en fut si prospère qu’on créa à Berlin un second théâtre Schiller.[14]

À Bruxelles, la section d’art de la Maison du Peuple, qui, depuis 1892, donnait des soirées littéraires et musicales, s’unissait en 1897 avec le Toekomst, — l’Avenir, — cercle choral et dramatique flamand, fondé dès 1883, et organisait des représentations dans la belle salle des fêtes de la Maison du Peuple, où 3.000 personnes peuvent prendre place,[15] On y jouait les Tisserands d’Hauptmann, la Puissance des Ténèbres de Tolstoy, l’Ennemi du Peuple, et Solness le constructeur d’Ibsen, Au delà des forces humaines de Bjoernson, les Aubes de Verhaeren, Philaster de Beaumont et Fletcher, traduit par G. Eekhoud, etc. — À Gand, le Vooruit donnait des concerts de musique classique, et organisait, en 1897, une représentation du Tannhäuser, le jour du mardi gras, pour réagir contre les orgies du carnaval.

En Suisse, la tradition des grands spectacles populaires n’avait jamais été perdue, et elle était reprise avec plus d’éclat dans ces dernières années.[16]

En France, le premier qui osa réaliser le Théâtre du Peuple, fut Maurice Pottecher. Le 22 septembre 1892, pour le centième anniversaire de la fondation de la République, il eut l’idée de donner dans sa petite ville des Vosges, à Bussang, une représentation du Médecin malgré lui, traduit dans le patois de la Haute-Moselle. Le succès fut grand. Trois ans après, le 2 septembre 1895, il inaugurait avec un drame de sa composition : le Diable marchand de goutte, son Théâtre du Peuple de Bussang. Ce théâtre consistait en une scène ouverte de 15 mètres de large, adossée à la pente d’une montagne, et dressée au bout d’un pré, qu’entouraient trois tribunes couvertes. Deux mille personnes assistèrent à la première représentation. Tous les ans, depuis lors, le Théâtre de Bussang n’a cessé de donner, en août et en septembre, deux « journées dramatiques » : l’une, payante, où l’on représente une œuvre nouvelle ; l’autre, gratuite, où l’on joue l’œuvre donnée l’année précédente. Le répertoire du théâtre est assuré par Maurice Pottecher lui-même, qui écrit chaque année une pièce nouvelle, parfois deux, et qui les joue, avec les siens et avec des ouvriers ou des bourgeois du village. Son talent, la noblesse de sa conscience artistique, et la persévérance inlassable de ses efforts, ont conquis le succès dont son œuvre était digne, et lui assurent dans l’histoire le haut honneur d’avoir été, chez nous, le fondateur du premier Théâtre du Peuple.[17]

À peu près à la même époque, Louis Lumet promenait à travers les quartiers de Paris, de la Maison du Peuple à Montmartre, aux Mille Colonnes à Montparnasse, et au Moulin de la Vierge à Plaisance, le Théâtre Civique, qui donnait des récitations artistiques et des spectacles coupés plutôt que de vraies représentations.

Dans le Poitou, l’heureux succès d’une pièce de circonstance, une pastorale de M. Pierre Corneille, jouée par hasard devant des paysans, donnait à l’auteur l’idée de fonder à La Mothe-Saint-Héraye un théâtre populaire, qu’il inaugurait en septembre 1897, par la Légende de Chambrille, et en septembre 1898, par Érinna, prêtresse d’Hésus, tragédie de forme classique.

En Bretagne, M. Le Goffic et M. Le Braz organisaient en août 1898, à Ploujean, la représentation d’un vieux mystère du seizième siècle rajeuni : la Vie de Saint-Gwénolé.

Enfin les représentations de Nîmes, de Béziers, d’Orange,[18] bien que gâtées par le double cabotinage provençal et parisien, et flottant au hasard des Précieuses ridicules au Chalet d’Adolphe Adam, de la Phèdre de Racine à l’Iphigénie de Moréas, et de l’Œdipe de Sophocle à celui de Péladan, — servaient la cause du théâtre populaire, qui s’essayait de tous côtés en une multitude de tentatives, à Nancy, à Lille, dans le pays basque, dans les Universités populaires : à l’Émancipation du quinzième arrondissement de Paris, qui jouait, en 1900, la Grève de Jean Hugues,[19] — surtout à la Coopération des idées du faubourg Saint-Antoine, formée en 1886 par quelques ouvriers,[20] et où M. Deherme, qui fut non seulement son véritable fondateur, mais le fondateur des Universités populaires, installa en 1899 un théâtre d’un caractère extrêmement éclectique.

Tous ces efforts avaient le défaut d’être isolés, épars, sans liens entre eux, sans cohésion, sans publicité suffisante, sans force capable de lutter contre la routine des artistes, et l’indifférence publique. En mars 1899, quelques jeunes écrivains, faisant partie de la Revue d’art dramatique, pensèrent à organiser à Paris, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, un Congrès international de théâtre populaire, afin de grouper et de concentrer toutes les forces populaires de l’art. Le Congrès devait être précédé d’une enquête faisant appel à toutes les bonnes volontés, et demandant aux fondateurs de théâtres populaires l’historique de leurs entreprises, et les réflexions suggérées par leurs expériences. Ainsi eût été préparée la matière des discussions du Congrès. — Pour des raisons indépendantes de la volonté des organisateurs, le projet, d’ailleurs trop vaste, dut être abandonné ; mais il fut repris par eux, six mois plus tard, sur un terrain plus restreint et plus précis : celui d’un théâtre populaire parisien.[21]

Le 5 novembre 1899, la Revue d’art dramatique publia une lettre au ministre de l’instruction publique, le priant d’appuyer ses efforts pour fonder un théâtre populaire à Paris, en nommant un délégué, chargé d’étudier à l’étranger, surtout à Berlin, le fonctionnement des théâtres populaires existants. En même temps, la Revue ouvrait un concours, dont le prix, de 500 francs, devait être donné à l’auteur du meilleur projet de théâtre du peuple ; elle constituait, pour l’examen des manuscrits, un jury composé de Henry Bauer, Lucien Besnard, Maurice Bouchor, Georges Bourdon, Lucien Descaves, Robert de Flers, Anatole France, Gustave Geffroy, Jean Jullien, Louis Lumet, Octave Mirbeau, Maurice Pottecher, Romain Rolland, Camille de Sainte-Croix, Édouard Schuré, Gabriel Trarieux, Jean Vignaud, Émile Zola. Le Comité eut une douzaine de réunions à la Revue d’art dramatique, de novembre 1899 à février 1900. Une délégation se mit en rapport avec le ministre Leygues. Celui-ci se rendit parfaitement compte de l’importance d’un théâtre populaire parisien ; mais tout en prodiguant les promesses aux membres du Comité, tous ses efforts tendirent à empêcher que le théâtre du peuple fût l’œuvre d’un parti avancé, comme celui de la Revue d’art dramatique, et à l’exécuter à leur place, et à sa façon. Il désigna, comme ils le demandaient, un délégué pour étudier les théâtres populaires à l’étranger ; et ce délégué fut M. Adrien Bernheim. M. Bernheim assista à une séance du Comité, en décembre 1899 ; mais on ne réussit pas à s’entendre : les intentions du gouvernement étaient trop évidentes pour tous. M. Bernheim partit pour Berlin, et le Comité de la Revue continua ses travaux. Il eût fallu être très uni dans le sein du Comité pour pouvoir lutter contre l’ingérence de l’État. Le Comité se sépara au bout de trois mois, après avoir rendu compte du concours qu’il avait institué. Une vingtaine de manuscrits avaient été reçus, dont cinq ou six présentaient un réel intérêt ; un, celui d’Eugène Morel, était tout à fait remarquable. Trois prix furent décernés. Le travail de Morel fut publié par la Revue d’art dramatique en décembre 1900.[22] Il reste encore aujourd’hui l’ouvrage le plus complet et le plus original, pour tout ce qui regarde les conditions matérielles et pratiques du nouveau Théâtre du Peuple. Dans la même Revue, Romain Rolland écrivait une étude sur les conditions morales de ce théâtre, et sur son répertoire ; et, le 30 décembre 1900, le Théâtre civique de Louis Lumet donnait, au Nouveau Théâtre, une représentation populaire de Danton, au profit des tullistes grévistes du Nord ; la pièce était précédée d’un discours de Jaurès. Un an plus tard, le 21 mars 1903, l’auteur de Danton faisait jouer, au théâtre de la Renaissance-Gémier, le 14 Juillet, « action populaire », qui se réclamait de l’idéal artistique et civique des hommes du comité de Salut public. « Ressusciter les forces de la Révolution, disait la préface, ranimer ses puissances d’action, rallumer l’héroïsme et la foi de la nation aux flammes de l’épopée républicaine, afin que l’œuvre interrompue en 1794 soit reprise et achevée par un peuple plus mûr et plus conscient de ses destinées : tel est notre idéal. »[23]

Les tentatives de la Revue d’art dramatique avaient eu un retentissement à la Chambre, dans le rapport de M. Couyba, pour le budget des beaux-arts en 1902, et dans son discours du 5 mars 1902. Mais on a vu comment le ministre Leygues, et son habile délégué, M. Bernheim, travaillèrent à canaliser le courant populaire de l’art au profit de l’État. Le procédé est classique, — comme leur répertoire. Mais malgré la complicité de la presse bourgeoise, je doute qu’il réussisse contre la force irrésistible d’un mouvement qui va droit à son but, sans se laisser détourner par rien. On n’escamote plus le peuple à notre époque. Aucun de ceux qui ont la conscience profonde de l’art populaire n’a été dupe de cette bruyante diversion ; et les efforts pour élever à Paris un théâtre vraiment du Peuple ont continué sans relâche. Ils semblent sur le point d’aboutir cette année à toute une floraison de théâtres populaires. Quatre œuvres me semblent particulièrement intéressantes : l’essai de la Coopération des idées ; le Théâtre populaire de Belleville ; le Théâtre du Peuple de M. Beaulieu ; et le projet d’organisation d’un groupe de théâtres populaires par M. Camille de Sainte-Croix et M. Turot.

Depuis le 3 décembre 1899, où s’était ouvert au 157 du faubourg Saint-Antoine le théâtre du Peuple de la Coopération des idées, les représentations n’avaient jamais été interrompues. La salle était malheureusement trop petite ; elle ne tient que 3 à 400 personnes assises, et elle est de dégagements incommodes.[24] On peut aussi critiquer le mélange bizarre et indigeste de pièces de tout genre et de toute provenance, qui y sont jouées. On y trouve un peu de tout : Corneille, Racine, Molière, Marivaux, Regnard, Beaumarchais, Musset, Ronsard, Hugo, Augier. Courteline est l’auteur le plus joué, avec Labiche et Grenet-Dancourt ; mais on représente aussi du Rostand, du Pailleron, et toute la comédie moderne, et la plus parisienne, et la plus mondaine : Capus, Meilhac, Porto-Riche, Veber, Tristan Bernard. Le nom même de Francis de Croisset ne nous est pas épargné. Parmi les œuvres plus populaires, Liberté de Maurice Pottecher, qui fut le premier spectacle ; les Mauvais bergers, l’Épidémie, le Portefeuille de Mirbeau, Blanchette de Brieux, la Cage et Tiers état de Descaves, la Nouvelle idole de Curel, et diverses pièces de Jean Jullien (le Maître) ; d’Ancey, de Marsolleau, de Trarieux, de Henri Dargel, de Jean Hugues (la Grève), et de Romain Rolland (les Loups). J’ai dit assez nettement mon opinion, au cours de cette étude, sur les dangers de cet éclectisme incohérent, pour n’avoir pas à y revenir. C’est pour l’élite même une nourriture fade, dont les esprits vigoureux répugnent à user ; et elle peut devenir mortelle pour un public ignorant et neuf, qui risque d’être submergé et étouffé par cet amas de sentiments et de styles contradictoires. Il n’en faut pas moins louer la généreuse vitalité de ce mouvement artistique. En trois ans, on a joué, dans la petite salle du faubourg Saint-Antoine, environ 200 pièces, dont une trentaine en 3, 4 et 5 actes, et quelques-unes inédites. Les acteurs n’ont pas fait défaut. Il s’est trouvé jusqu’à quatre troupes à la fois, recrutées dans le public de la Coopération, sans parler des divers groupes populaires qui lui ont prêté leur concours, et des élèves du Conservatoire qui, le 8 mars dernier, y jouaient Horace, avec mesdames Dudlay et Delvair de la Comédie française. Nous sommes donc en présence d’un Théâtre du Peuple en formation, absolument populaire, qui, sous l’active direction de M. Henri Dargel, se développe rapidement et qui, du jour où il aura trouvé un local plus ouvert au grand public, — il le cherche actuellement, — sera dans les meilleures conditions pour réussir.[25]

Mais il y a plus ; et déjà, depuis septembre 1903, un Théâtre populaire régulier est ouvert, au cœur du Paris ouvrier, 8, rue de Belleville.

Le directeur de ce théâtre, M. E. Berny, un homme jeune, intelligent et audacieux, s’est inspiré, autant que possible, des desiderata exprimés par l’enquête de la Revue d’art dramatique. La salle, qui n’est pourvue que d’une seule galerie, peut contenir de 1.000 à 1.200 spectateurs. Si l’expérience réussit, l’adjonction de deux galeries supplémentaires portera à 1.800 ou à 2.000 le nombre des places. Le prix est de 0 franc 25, 0 franc 50, 0 franc 75, 1 franc, 1 franc 25 et 1 franc 50 au maximum. Un système d’abonnements donne au théâtre populaire le moyen de risquer certaines tentatives un peu hasardeuses, en constituant un minimum de recette régulièrement assuré, — 20 francs et 15 francs pour vingt représentations, suivant la catégorie des places. — Pour faciliter aux ouvriers le paiement de ces sommes, il leur est permis de s’acquitter par des versements hebdomadaires. On s’adresse aussi aux syndicats, aux associations ouvrières, aux Universités populaires, pour une combinaison d’abonnements collectifs. Le théâtre se promet d’organiser le jeudi des matinées scolaires à des prix excessivement réduits, — 0 franc 50 et 0 franc 25. — Le répertoire change chaque semaine ; il est éclectique, tout en tâchant de répondre aux conditions morales, dont un théâtre populaire, vraiment digne de ce nom, ne saurait se passer. Il ne se refuse pas à puiser parfois dans le répertoire classique, mais avec discrétion et discernement ; il ne veut même pas rompre trop brusquement d’abord avec le mélodrame cher au peuple, par mesure de prudence ; mais il s’efforce d’améliorer peu à peu le goût du public, en montant le plus possible d’œuvres qui fassent penser, parmi les pièces historiques, philosophiques, morales, ou sociales, de ces dernières années ; et il fait appel aux auteurs nouveaux, pour qu’ils lui fournissent des œuvres nouvelles, spécialement destinées au public populaire, et ne craignant pas d’aborder les questions sociales du jour.

Le théâtre de M. Berny a été inauguré le 19 septembre dernier par Monsieur Badin de Courteline, le Portefeuille de Mirbeau, et Danton de Romain Rolland. Eugène Morel présentait dans une causerie le Théâtre populaire à un public, — enfin ! — exclusivement populaire.[26] Depuis, M. Berny a monté successivement, Sapho de Daudet, Boule de Suif de Maupassant, le Maître de Jean Jullien, la Rabouilleuse d’Émile Fabre, Madame Sans Gêne de Victorien Sardou ; et son programme de cette année annonce les Tisserands de Hauptmann, Germinie Lacerteux de Goncourt, Résurrection de Tolstoy, Germinal de Zola, la Robe rouge de Brieux, Poil de Carotte de Jules Renard, la Clairière de Descaves, l’Honneur de Sudermann, l’Artésienne de Daudet, etc.

Le succès a, jusqu’à présent, répondu à ces efforts.

Dès aujourd’hui, la démonstration est faite. À ceux qui traitaient le Théâtre Populaire d’utopie, M. Berny a répondu par les faits. Le Théâtre Populaire peut vivre ; — et la preuve, c’est qu’il vit. Il vit, et il vivra. — M. Berny aura l’honneur d’en avoir fait la première tentative sérieuse, à Paris.

Quelques semaines après l’ouverture du Théâtre populaire de Belleville, un des acteurs les plus remarquables des théâtres Antoine et Gémier, M. H. Beaulieu, ouvrait le 14 novembre, au Théâtre Moncey, à Clichy, un second Théâtre du Peuple, d’un caractère plus résolument d’avant-garde. Entouré d’une troupe de jeunes artistes de talent, et convaincus, comme lui, de la nécessité de former un peuple artiste, et un art populaire, il compte donner surtout des pièces d’idées, françaises et étrangères. Au programme, Thérèse Raquin, les Tisserands, la Bonne Espérance, l’Honneur, la Vie Publique, Poil de Carotte, le 14 Juillet, etc. Les places sont à 0 franc 50 et à 1 franc. Une centaine doivent être distribuées gratuitement, certains jours de la semaine, aux élèves pauvres des écoles primaires, à divers groupements ouvriers ou intellectuels, aux soldats de la garnison de Paris, etc. Le jeudi, seront données, en matinée, des représentations de classiques français et étrangers, — abonnements de 10 francs pour douze représentations. — Il y a de plus des abonnements de Premières, — six représentations au minimum d’œuvres nouvelles, — afin d’intéresser l’élite à ce Théâtre du Peuple. D’autres dispositions semblent inspirées du Schiller Theater de Berlin : bénéfices répartis aux artistes, suppression des ouvreuses, vestiaire tarifé à 0 franc 10, installation au foyer d’une exposition permanente de tableaux, moulages, photographies, etc.

M. Beaulieu avait aussi pensé, — et ce ne serait pas la partie la moins originale de son œuvre, à faire des tournées de théâtre du peuple, dans les centres socialistes ou populaires de la province ou des pays voisins de langue française : à Lyon, Saint-Étienne, Lille, Bruxelles, Genève, etc. Nous espérons qu’il n’y a pas renoncé : car ce serait là une expérience qui compléterait excellemment les tentatives réalisées à Paris, tentatives dont son œuvre est assurément une des plus sympathiques et des plus dignes du succès.

Enfin M. Camille de Sainte-Croix, qui, depuis les représentations tumultueuses de Thermidor à la Comédie française, en 1890, ne se lassait pas de réclamer pour le peuple républicain de Paris des théâtres républicains, puisque le peuple se voyait exclu des grands théâtres subventionnés par l’usurpation réactionnaire des abonnés mondains, a cherché, depuis 1900, les éléments d’une masse budgétaire, qui permit d’ouvrir, par créations échelonnées, quatre grands théâtres populaires sur quatre points différents des faubourgs parisiens. Il a exposé le résultat de ses recherches dans un projet, que M. Henri Turot doit présenter au Conseil municipal, et M. Marcel Sembat à la Chambre. Dans l’idée de M. de Sainte-Croix, chacun de ces quatre théâtres, qui seraient à la fois dramatiques et lyriques, aurait un directeur et un administrateur spéciaux ; mais ils seraient reliés par un cahier des charges commun et un même conseil de surveillance. Les représentations d’œuvres modernes y alterneraient avec les représentations classiques, et la musique avec la poésie.[27]

On voit quel fourmillement d’idées nouvelles et généreuses. Après une longue période d’incubation et d’attente, le Théâtre du Peuple sort de terre, de toutes parts. C’est une poussée irrésistible.

La campagne de presse, menée depuis plusieurs années par Camille de Sainte-Croix, Lucien Descaves, Gustave Geffroy, Jean Jullien, Octave Mirbeau, les études et l’enquête si complètes de Georges Bourdon dans la Revue bleue, les chroniques de Faguet, de Nozière, de Gaston Deschamps, de Larroumet, de Bernheim, ont créé dans le public un courant d’intérêt et de sympathie si marqué et si universel, en faveur du théâtre du Peuple, que c’est à qui des représentants de l’ancien théâtre : directeurs, acteurs, primadonnas, projettent de le réaliser, — en le déformant naturellement. Mais quel que soit leur crédit, et l’appui de la presse complice, ils n’y réussiront pas. Car le Théâtre du Peuple s’élève, non seulement sans eux, mais contre eux ; et il a pour raison d’être — de les détruire.

  1. Lettre à d’Alembert, 1758.
  2. Deuxième entretien sur le Fils naturel, Dorval et moi, 1757.
  3. Herder, définissant Shakespeare en 1773, et le donnant comme idéal dramatique, montrait que ses pièces n’étaient pas des actions au sens grec, mais au sens du Moyen-Âge ; et il disait : « Une mer d’événements, où les vagues se succèdent en mugissant, voilà son théâtre. Les actes de la nature vont et viennent, réagissant les uns sur les autres, quelque disparates qu’ils semblent, s’engendrent mutuellement et se détruisent afin de réaliser l’intention du Créateur. »
  4. Discours de la liberté du théâtre, 15 juin 1789.
  5. Voir Albert Kontz. — Les drames de la jeunesse de Schiller. Leroux. 1899.
  6. Huitième lettre sur Don Carlos, 1788.
  7. Goethe resta beaucoup plus éloigné de l’esprit révolutionnaire, bien qu’on en puisse trouver un instant l’influence dans son Egmont (1788), qui meurt en disant : « Peuple, défends tes biens ! Pour sauver ce que tu as de plus cher, tombe avec joie, comme je t’en donne ici l’exemple. » — Mais l’homme qui aimait mieux l’injustice que le désordre, et qui parodia la Révolution dans le Citoyen général (1793) et les Exaltés (1793), était évidemment peu fait pour concevoir un art du peuple.

    Et pourtant, à la fin de sa vie, ces idées pénètrent même en lui. On en trouve quelques traces dans ses conversations avec Eckermann. « Un grand poète dramatique, qui est fécond, et qui anime toutes ses œuvres d’une noble pensée, peut arriver à faire de l’âme de ses œuvres l’âme du peuple. Cela mériterait bien la peine d’être tenté… Un poète dramatique qui connait sa vraie destinée, doit travailler sans cesse à se développer en s’élevant, afin que l’influence qu’il exerce sur le peuple soit bienfaisante et noble. » (Premier avril 1827)

    Il faut noter en passant dans certains écrits de Goethe, en particulier dans Wilhelm Meister (II, 3 et suivants), de courtes descriptions de représentations populaires. Dans un pays de montagnes (Hochdorf), les ouvriers d’une fabrique ont converti une grange en salle de spectacle, et ils y jouent une comédie pleine d’action, mais sans caractères : Deux rivaux dérobent une jeune fille à son tuteur, et se la disputent entre eux. — Un peu plus loin, on voit une sorte de représentation populaire improvisée en plein air : un dialogue entre un mineur et un paysan.

  8. La première de ces représentations populaires fut donnée le 6 août au Théâtre de la République. On jouait Brutus. L’affiche portait : De par et pour le Peuple.
  9. Quelques idées sur les arts, sur la nécessité de les encourager, sur les institutions qui peuvent en assurer le perfectionnement et sur divers établissements nécessaires à l’enseignement public, adressées à la Convention nationale et au Comité d’instruction publique, par Boissy d’Anglas, député du département de l’Ardéche.
  10. Histoire littéraire de la Convention.
  11. Le Vandalisme révolutionnaire.
  12. D’après un écrit du trop illustre Hervé, l’auteur de Chilpéric et de l’Œil crevé, la création de l’opérette daterait même de 1792, et le premier exemple connu en serait le Petit Orphée, représenté le 13 juin 1792, sur le théâtre des Variétés ; les auteurs en étaient Rouhier-Deschamps pour le poème, Deshayes pour la musique, et Beaupré-Riché pour le ballet. — Voir le Temps, 30 mai 1903 : Adolphe Brisson, Promenades et visites.
  13. Michelet. — L’Étudiant (cours de 1847–1848), passim.
  14. Voir sur le Schiller Theater, l’article de Jean Vignaud : Un théâtre populaire à Berlin. — Revue d’art dramatique, 5 octobre 1899, — et les articles d’Adrien Bernheim dans le Temps (1902).
  15. Sur les représentations de la Maison du Peuple de Bruxelles, voir : Jules Destrée : Les préoccupations intellectuelles, esthétiques et morales dans le parti ouvrier belge. — Mouvement socialiste, premier et 15 septembre 1902. Du même auteur : Renouveau au théâtre. — Bibliothèque de propagande socialiste. 1902.
  16. Voir plus loin, page 140. — Je ne parle pas ici de spectacles traditionnels, comme les représentations de la Passion à Ober Ammergau, et les Maggi, (les représentations de Mai) de la campagne de Toscane, qui se sont perpétués, sans interruption, depuis le quinzième siècle (peut-être le quatorzième) jusqu’à nos jours. Ils sont écrits et joués par des paysans du pays de Pise, de Lucques, de Pistoie ou de Sienne. Voir aux documents de la fin, numéro III.
  17. Voir aux documents, numéro IV, les détails relatifs au Théâtre du Peuple de Bussang.
  18. Le théâtre antique d’Orange fut « rouvert » en 1869, je crois, par une cantate : les Triomphateurs, du félibre Antony-Réal, et Joseph, de Méhul. On y donna le Chalet d’Adam en 1874, les Précieuses ridicules en 1886 ; puis des tragédies antiques ou pseudo-antiques : Œdipe, Antigone, Alceste, les Phéniciennes, Athalie, Phèdre, Horace, l’Orphée et l’Iphigénie en Tauride de Gluck. Cette année, il y eut en quelques semaines jusqu’à trois séries de spectacles ; et la confusion des programmes fut extrême. On joua la Légende du cœur de Jean Aicard, Œdipe et le Sphinx de Joséphin Péladan, Citharis de Alexis Mouzin, Iphigénie de Jean Moréas, Horace, Phèdre, les Phéniciennes, Orphée, etc. À vrai dire, j’y voudrais voir surtout, au lieu de ces reconstitutions de lettrés, et de ces transpositions absurdes de tragédies de salon en plein air, des drames provençaux, comme la Reine Jeanne de Mistral. Le succès de la pièce d’Aicard a été particulièrement significatif, cette année. « Ce n’a pas été un succès de théâtre, au sens ordinaire du mot ; ç’a été une allégresse d’entente, croissant d’acte en acte, de scène en scène, entre le poète et ses compatriotes. » — Voir Léopold Lacour : Au Théâtre d’Orange. Le présent et l’avenir. — Revue de Paris, premier septembre 1903, et les Théâtres en plein air. — L’Art du Théâtre, octobre 1903.

    À Béziers, dans les arènes construites par M. Castelbon de Beauxhostes, les représentations ont eu jusqu’à présent un caractère exclusivement musical ; elles ont même été à peu près réservées à la musique de M. Saint-Saëns (Déjanire, Parysatis), à une exception près : le Prométhée, musique de M. Gabriel Fauré, poème de MM. Jean Lorrain et Ferdinand Hérold.

    Enfin les représentations de Nîmes sont toutes récentes. M. Mounet-Sully y joua, le 26 juillet dernier, dans les Arènes antiques, Œdipe Roi, précédé d’un prologue de M. Maurice Magre.

  19. Cahiers de la Quinzaine, sixième cahier de la troisième série.
  20. « Frappés de ce que l’instruction primaire de leurs pareils, arrêtée net au seuil de la jeunesse, a de beaucoup trop incomplet, et par conséquent de dangereux, désireux aussi d’échapper à l’oppression des organisations électorales, où l’on affirme beaucoup, mais où l’on ne pense guère, quelques ouvriers, mettant en commun leur désir de raisonner, ainsi que les quelques livres qu’ils possédaient, convinrent de se rencontrer à date fixe, un soir par semaine, pour causer. Ce fut d’abord dans l’arrière boutique d’un marchand de vins, rue des Boulets, en 1886. » (Henri Dargel : Le théâtre du peuple à la Coopération des idées. — Revue d’art dramatique, avril 1903) — Tels furent les débuts de la Coopération des idées, dont le nom vint d’un journal, lancé en 1894, par M. Deherme.
  21. On trouvera aux documents de la fin, numéro V, le résumé de ces projets, et des travaux qui suivirent, à la Revue d’art dramatique.
  22. Eugène Morel. — Projet de Théâtres populaires. — Éditions de la Revue d’art dramatique.
  23. Le 14 Juillet, action populaire, trois actes de Romain Rolland. — Cahiers de la Quinzaine. Onzième cahier de la troisième série. — Danton forme le sixième cahier de la deuxième série.
  24. La scène mesure 4 mètres de façade, sur 4 mètres 50 de profondeur ; elle est desservie sur ses trois côtés par un couloir de 1 mètre 30 de large. — Les ouvriers ont fabriqué eux-mêmes les décors. À l’heure qu’il est, le théâtre possède six décors complets : une place publique, un jardin, une chambre rustique, un salon, une chambre, plus un décor de tragédie, dû à la collaboration de M. Dervaux, architecte de l’Imprimerie nationale, et de M. Célos, peintre-décorateur, et représentant la cour intérieure d’une maison antique, avec un paysage au fond.
  25. S’associant à M. Édouard Quet, et à Madame Marya-Chéliga, M. Henri Dargel veut compléter son œuvre en fondant ce qu’il nomme le Théâtre du Peuple de Paris. Il s’agit « de créer et de répandre un répertoire dramatique digne de la mission sociale d’un véritable théâtre du Peuple ». Pour cela, un certain nombre de représentations nouvelles doivent être seront données au Théâtre du Peuple, salle de l’Athénée Saint-Germain. 21, rue du Vieux-Colombier, devant un public d’abonnés. Ces représentations payantes fourniront des ressources matérielles pour donner ensuite, avec les mêmes pièces, des représentations populaires à des prix très réduits, dans les théâtres de quartier, dans les Universités populaires, et dans les Maisons du Peuple, en France et à l’étranger.
  26. Eugène Morel : Discours pour l’ouverture d’un théâtre populaire. — Revue d’art dramatique, 15 octobre 1903.
  27. D’autres tentatives plus fragmentaires ont été faites dans ces dernières années. Il est juste de citer, par exemple, le Théâtre d’avant-garde ou Théâtre du Peuple, 10, rue Henri-Chevreau, qui, de juin 1902 à août 1903, donna sept soirées, — vingt-cinq actes inédits. — au tarif unique de 0 franc 50 à toutes places.