Le Théâtre du peuple (Romain Rolland)/Documents/IV. Le Théâtre du Peuple de Bussang

IV

LE THÉÂTRE DU PEUPLE DE BUSSANG


Le premier essai fait en France d’un théâtre du Peuple eut lieu, grâce à Maurice Pottecher, le premier septembre 1895 à Bussang, — village d’environ 1.800 habitants, près de la source de la Moselle et du col de Bussang, qui sert aujourd’hui de frontière entre l’Alsace et la France. Le Théâtre s’élève sur le versant d’une colline, un peu au-dessus du village. Sur la façade de la scène est inscrite la devise : Par l’Art, pour l’Humanité. La scène a quinze mètres de largeur sur dix de hauteur et dix de profondeur. Elle est construite en bois et fer ; le fronton est recouvert d’écorces de sapins. Parfois les décors du fond sont enlevés, et la montagne même, à laquelle le théâtre est adossé, sert de décor naturel à l’action. La prairie qui s’étend au pied de la scène, et qui a été peu à peu entourée de galeries couvertes, peut contenir plusieurs milliers de spectateurs. Les acteurs sont composés de parents et d’amis de l’auteur, d’ouvriers d’usine, d’employés, et de petits bourgeois de Bussang. Les représentations ont lieu chaque année, dans la seconde quinzaine d’août, ou au commencement de septembre. L’une des représentations est gratuite ; l’autre, payante : celle-ci est une sorte de répétition générale, où l’on donne pour la première fois les pièces nouvelles, qui seront jouées ensuite en spectacle gratuit. Voici la liste des pièces représentées par le Théâtre du Peuple de Bussang depuis sa fondation. Leur seule nomenclature dira l’extrême variété du répertoire, qui est presque tout entier l’œuvre de Maurice Pottecher :

1895. Le Diable marchand de goutte, pièce populaire en trois actes, par Maurice Pottecher.

1896. Morteville, drame en trois actes, par Pottecher.

1897. Le Sotré de Noël, farce rustique en trois actes, mêlée de chants et de rondes populaires, par Richard Auvray et Maurice Pottecher, musique de Charles Lapicque et Lucien Michelot.

1898. Liberté, drame en trois actes, suivi de Le Lundi de la Pentecôte, comédie en un acte, par Pottecher.

1899. Chacun cherche son trésor, histoire de sorciers en trois actes, par Pottecher, musique de Lucien Michelot.

1900. L’héritage, tragédie rustique en prose, par Pottecher.

1901. C’est le Vent, comédie villageoise en trois actes, par Pottecher.

1902. La tragédie de Macbeth, de Shakespeare, traduite par Pottecher.

1903. À l’Écu d’Argent, comédie en trois actes, par Pottecher.

Antoine vint, en 1901, donner une représentation de Poil de Carotte, au Théâtre du Peuple de Bussang. — Voir sur l’œuvre de Bussang, dont l’initiative a été décisive pour le succès de la cause du théâtre populaire en France, le très intéressant livre de Maurice Pottecher : Le Théâtre du Peuple (Renaissance et destinée du théâtre populaire), 1899, — et son article du premier juillet 1903, à la Revue des Deux Mondes.