Le Système d’Aristote/Chapitre XIX

Texte établi par Léon RobinFélix Alcan (p. 353-370).

DIX-NEUVIÈME LEÇON


LE MONDE

Après avoir achevé la théorie générale du mouvement et de ses causes prochaines, après avoir rattaché cette théorie à la philosophie première, Aristote passe à l’étude détaillée des êtres naturels. Cette étude se divise en trois parties : l’étude du ciel, qui vient d’abord, est suivie de celle des êtres générables et corruptibles. Mais celle-ci comporte deux subdivisions : l’une est consacrée aux choses qui ne vivent pas, l’autre a pour objet les vivants. L’étude des êtres vivants commence par celle de l’âme, et c’est seulement après le Περὶ ψυχῆς que viennent les traités de biologie proprement dite. À cette différence près qu’Aristote donne place dans ce livre à des recherches plus spécialisées que celles dont se compose sa théorie générale du mouvement, le Π. ψυχῆς joue dans l’étude des êtres vivants un rôle parfaitement analogue à celui de la Φυσικὴ ἀκρόασις dans l’étude des êtres naturels en général. Il s’agit en effet, dans le Π. ψυχῆς, d’indiquer les principes des activités vitales de chaque degré, et, par le moyen d’une activité supérieure qui s’ajoute aux autres activités vitales comme leur couronnement, de rattacher la théorie des êtres vivants à la métaphysique. Car, de même qu’il y a une cause motrice qui, tout en produisant des effets naturels, n’est plus naturelle, de même il y a une âme qui n’appartient plus à la nature. Pour suivre exactement le plan d’Aristote, nous devrions donc exposer la théorie de l’âme avant de nous occuper de la biologie. Toutefois il n’y aura sans doute nul inconvénient, après avoir reconnu ce qu’il y a d’artificiel dans cette manière de procéder, à réunir l’étude des êtres vivants avec celle des êtres inorganiques, pour passer ensuite seulement à l’étude de l’âme. Aussi bien sommes-nous obligés de nous contenter d’indications rapides relativement aux vues d’Aristote sur ces deux classes d’êtres, de même d’ailleurs qu’en ce qui concerne la théorie du ciel.

Aristote divise le monde en deux régions d’inégale étendue et d’inégale excellence. Sur la terre et autour de la terre se passent la génération et la corruption. C’est là l’endroit qu’on a appelé, après Aristote, le monde sublunaire et que lui-même désigne par les mots κάτω σελήνης (Météor. I, 4, fin). Au-dessus de la lune, ἄνω καὶ μέχρι σελήνης (ibid. 3, 340 b, 6), s’étend une région immensément plus vaste, où les phénomènes présentent une tout autre régularité et où les vicissitudes de la génération et de la corruption n’existent pas[1]. Nous nous occuperons d’abord de ce monde sidéral.

Le premier point qui doive appeler l’attention est celui de savoir quelle est la nature substantielle des êtres de ce monde supra-lunaire. La question est d’ailleurs pour Aristote autrement compliquée qu’elle ne l’est pour un moderne. En effet les substances sensibles éternelles ne sont pas seulement des corps : ce sont des êtres animés. Nous avons donc à nous demander, d’une part, quel est le corps dont ces substances sont faites, et ce qu’il faut penser de l’âme qui les informe. — Pour déterminer l’essence du corps dont les astres sont faits et même, plus généralement, pour déterminer l’essence des éléments dont toutes choses sont faites, Aristote, dans les chapitres 2 et 3 du livre I du De caelo, procède d’une manière entièrement déductive. La nature, dit-il, est un principe interne de mouvement, et tous les corps naturels sont mobiles. D’autre part, il ne peut manquer d’y avoir correspondance entre les mouvements simples et les corps simples : un corps simple doit se mouvoir d’un mouvement simple et, inversement, un mouvement simple requiert un corps simple. On peut donc partir de la considération des mouvements pour déterminer le nombre et l’essence des corps simples. Or il n’y a que deux sortes de mouvements simples : le circulaire et le rectiligne. Comme le mouvement circulaire est le plus parfait des mouvements, il doit donc servir à définir le plus parfait des corps simples. Par conséquent, les astres sont faits d’un élément que sa nature meut du mouvement circulaire[2]. Cet élément, dont le mouvement, en même temps que circulaire, est éternel, s’appelle l’éther[3]. De même que la translation circulaire n’admet en elle aucune contrariété, de même l’éther n’a pas de contraire. Déjà exempt de génération et de corruption parce qu’il doit être le sujet d’un mouvement éternel, il l’est encore comme n’ayant pas de contraire ; car la génération suppose, au moins par l’altération qu’elle implique, le passage d’un contraire à l’autre. Toujours au même titre, l’éther est non seulement inaltérable, mais aussi soustrait à l’accroissement et au décroissement (ibid. 270 a, 13). Bref l’éther n’admet pas d’autre changement ni mouvement que la translation circulaire, à laquelle il est destiné à servir de sujet adéquat. C’est pourquoi il mérite d’être appelé divin[4]. — Cela, bien entendu, ne signifie nullement que l’éther soit en lui-même autre chose qu’un corps et qu’il recèle des puissances supérieures à celles qui peuvent appartenir à un corps. Nous venons de voir qu’il a une nature. Plus parfaite que celle des autres éléments, cette nature est pourtant du même ordre, et elle n’est pas motrice à un autre titre que les natures des corps graves et des corps légers. Mais l’éther n’est que la matière des êtres sidéraux. Nous sommes portés à considérer les astres comme des points géométriques. C’est une erreur : ce sont des êtres animés qui ont une vie, ζωή, et même une activité pratique, πρᾶξις (De caelo II, 12, 292 a, 18), et tellement même qu’il faut les considérer comme des êtres beaucoup plus divins que l’homme (Éth. Nic. VI, 7, 1141 a, 34). Aussi le ciel, animé et doué comme tel d’un principe de mouvement, jouit-il éternellement de la vie la plus excellente et la mieux faite pour se suffire à elle-même[5]. Il n’est donc pas douteux qu’il y ait dans le monde sidéral pour informer l’éther, simple corps comme les autres éléments, des âmes et même des âmes très parfaites. — Toutefois, quand nous voulons aller au delà de ces indications générales, nous rencontrons chez Aristote un assez grand nombre d’obscurités et d’incertitudes. On sait que les astres, selon Aristote, sont attachés à des sphères, et que ces sphères sont corporelles[6]. Mais Aristote ne nous dit pas si l’âme appartient à l’astre ou à la sphère, ou si chacune des deux choses a une âme. Comme l’astre est fixé sur la sphère et que c’est celle-ci seule qui se meut, comme d’ailleurs Aristote dit positivement, nous venons de le voir, que le ciel est animé, il est hors de doute que la sphère a une âme. Peut-être l’astre n’en a-t-il pas d’autre et participe-t-il seulement à celle-là, comme l’œil par exemple participe à l’âme sensitive de l’homme. — Mais, cette première difficulté écartée, il s’en présente aussitôt une seconde qui est plus grave et dont l’examen nous fait passer de la question de la substance des êtres sidéraux à celle de leur mouvement. Le corps de l’astre et de la sphère est fait d’éther, et l’éther a une nature. Quels sont donc respectivement le rôle de la nature de l’éther et celui de chaque âme sidérale dans le mouvement d’une sphère ? Lorsqu’il s’agit d’un animal terrestre, son âme le meut autrement que ne feraient les natures de la terre, de l’eau et du feu : elle meut souvent contre ces natures. Une sphère sidérale ne peut se mouvoir que circulairement, et deux principes moteurs immanents semblent de trop. La seule ressource est de dire, avec Alexandre[7], que la nature n’est ici que puissance par rapport à l’âme, et que celle-ci est seule le principe vraiment actuel du mouvement, du moins au point de vue de l’immanence.

Il s’en faut de beaucoup cependant que le mouvement des sphères ne soulève pas de difficulté plus troublante que celle-ci. On sait que, pour Aristote, le moteur des sphères est, en fin de compte, un moteur immobile. Faut-il entendre qu’il y a, outre le premier moteur immobile, d’autres moteurs qui, comme lui, ne se mouvraient absolument pas, même par accident, et qu’un tel moteur serait attaché à chaque sphère ? Malgré la peine qu’on éprouve, lorsqu’on admet ainsi 56 moteurs transcendants, à comprendre comment il n’y a pourtant qu’un seul d’entre eux, celui du premier ciel, qui mérite pleinement le titre de Dieu, c’est pourtant peut-être à cette interprétation qu’il faut s’en tenir. En effet elle a été classique chez les commentateurs d’Aristote, et, si Alexandre, dans le passage que nous avons cité, ne nous indique pas très clairement comment les moteurs secondaires reçoivent du premier leur achèvement et leur bien, peut-être trouverait-on plus de lumière dans cet endroit du VIIIe livre de la Physique (259 b, 28), où Aristote distingue les moteurs immobiles, accidentellement mus par eux-mêmes, et les moteurs immobiles, accidentellement mus par un autre ou par d’autres moteurs. On comprendrait que ce mouvement accidentel, dont ne peuvent s’affranchir les 55 moteurs subordonnés, moteurs dont chacun est plus esclave à mesure qu’il est plus inférieur, pût suffire à hiérarchiser les moteurs en question par rapport à Dieu et entre eux. Et cela expliquerait que, dans le même chapitre de la Physique (259 a, 12), Aristote ait écrit cette affirmation décidée, dont on ne trouve pas l’équivalent au 8e chapitre du livre Λ de la Métaphysique : ἱκανὸν δὲ καὶ ἕν[8].

Quittons maintenant le monde sidéral pour passer au monde sublunaire. Deux caractères très généraux de ce monde inférieur doivent d’abord être signalés. Le premier est que la part du changement et même du désordre y est considérablement plus grande que dans le monde sidéral. Aristote avait été vivement frappé de la régularité des mouvements célestes : témoin le passage du IIe livre de la Physique (4, 196 b, 2) où il reproche à Démocrite d’avoir regardé le ciel comme s’étant constitué au hasard, alors que, au contraire, on voit bien, dit Aristote, qu’il y a du hasard ailleurs, tandis que manifestement il n’y en a aucun dans les événements du ciel. Si les moteurs célestes sont des êtres spirituels, cela n’entraîne nullement qu’il y ait de la contingence dans leur manière d’agir. Leur manière d’agir est parfaitement simple, et elle consiste à actualiser dans le mobile la seule puissance que ce mobile enveloppe, celle de se mouvoir localement, et encore de la seule translation circulaire. Il ne faut donc redouter ou chercher aucune indétermination dans les phénomènes sidéraux[9]. Au contraire les phénomènes sublunaires admettent beaucoup d’indétermination, et c’est à eux que songe Aristote lorsqu’il écrit la phrase célèbre : ἐν δὲ τούτοις [sc. τοῖς αἰσθητοῖς] πολλὴ ἡ τοῦ ἀορίστου φύσις (Métaph. Γ, 5, 1010 a, 3). Non seulement il y a dans une chose physique terrestre une grande part de matière, c’est-à-dire un grand nombre de possibilités diverses, ce qui rend les phénomènes physiques terrestres extrêmement compliqués ; chaque possibilité est encore plus ou moins limitée par la concurrence de la possibilité opposée, tellement même que parfois, la possibilité négative se développant au détriment de l’autre, au lieu du résultat normal et attendu c’est un monstre qui est produit. En un mot, le déterminisme est si relâché dans le monde sublunaire que ce n’est plus de nécessité qu’il y faut parler, mais seulement d’une constance approchée, de ce ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, si différent de ce que sera plus tard pour les Stoïciens l’ordre absolument déterminé de la nature[10]. Fussent-ils absolument réguliers d’ailleurs, les phénomènes terrestres resteraient toujours beaucoup plus changeants que les phénomènes célestes. La translation suivant les contraires dans le lieu, l’altération, l’accroissement et le décaissement, exclus par la nature de l’éther, sont, par contre, impliqués dans la nature des éléments inférieurs ; et, par dessus tous ces mouvements, les choses sublunaires supposent encore la génération et la corruption. Ici ce ne sont plus les événements ou phénomènes seuls qui sont en jeu : ce sont les substances mêmes. Les substances du monde sublunaire naissent et périssent ; elles sont, par définition, des substances sensibles périssables. — Le second caractère très général qu’il faut relever au sujet des choses d’ici-bas, c’est que, tandis que dans le monde sidéral il n’y a, même parmi les substances sensibles, que des êtres animés, il y a sur la terre un grand nombre de choses sans âme. Il y a d’abord celles qui n’ont pas d’unité par elles-mêmes, celles qui ne sont que des agrégats[11] et parmi lesquelles il faut évidemment compter les choses artificielles, puisque leur unité est extrinsèque. Il y a ensuite les choses qui ont une nature. Celles-ci ont une véritable unité, et les choses qui les possèdent sont des êtres ; même, comme nous l’avons déjà remarqué ailleurs (p. 300), le principe interne qui les informe et les meut n’est pas sans analogie avec une âme. Toutefois non seulement une nature diffère de l’âme sensitive déjà consciente ; elle diffère encore de l’âme végétative dont l’action est autrement souple et compliquée. Force est donc de distinguer parmi les choses et, qui plus est, parmi les êtres terrestres, entre ce qui est animé et ce qui ne l’est pas. Cette distinction va même servir de cadre à ce qui nous reste à dire sur la théorie aristotélicienne du monde terrestre.

Les choses inanimées se divisent en deux groupes : d’une part, les éléments ou corps simples et, de l’autre, les mixtes. — Nous avons tout à l’heure indiqué la méthode dont Aristote se sert dans le De caelo pour déduire les éléments. Cette méthode s’applique, bien entendu, aux éléments terrestres comme à l’éther. Des deux mouvements simples, le circulaire et le rectiligne, le premier réclame comme sujet et caractérise l’éther. Le mouvement rectiligne requiert et sert à déterminer les autres éléments. À la différence du mouvement circulaire qui n’admet point en lui de contrariété, le mouvement rectiligne se définit par deux contraires, le haut et le bas, c’est-à-dire la périphérie de la sphère du monde et le centre de cette sphère (De caelo I, 3, 270 a, 17 ; 2, 269 a, 14 et IV, 4, 312 a, 7). Ce qui se meut vers le haut, c’est-à-dire en s’éloignant du centre, c’est le léger ; ce qui se meut vers le bas ou le centre, c’est le grave. Il y a donc dans le monde sublunaire deux éléments fondamentaux : l’un, le grave, n’est autre que la terre, qui est au centre du monde ; l’autre, le léger, est le feu (De caelo, IV, 2, 308 b, 13). Mais, entre le grave et le léger absolus, il fallait un grave et un léger relatifs. Il y a donc dans le monde deux éléments secondaires : l’eau, relativement lourde, et l’air, relativement léger[12]. Ces déterminations de gravité et de légèreté sont d’ailleurs si purement qualitatives, quoique tirées de la considération du mouvement local, elles sont si étrangères à toute idée de quantité, que, l’air étant léger par rapport à l’eau bien que pesant en lui-même ou par rapport au feu, un corps qui contient de l’air sera, par rapport à l’eau, d’autant plus léger qu’il contiendra plus d’air, fût-ce sous un même volume (De caelo, IV, 3-5)[13]. — Mais il y a une autre méthode pour établir les quatre éléments terrestres. Cette méthode, moins générale que la précédente et applicable seulement dans le monde sublunaire, consiste à partir des données du plus fondamental des sens, le toucher, et des qualités les plus fondamentales parmi celles que le toucher nous révèle, en faisant abstraction toutefois de la légèreté et de la pesanteur. Les qualités tactiles fondamentales, une fois cette élimination faite, sont le chaud et le froid, le sec et l’humide (De gen. et corr. II, 2, 330 a, 24). Les autres qualités se ramènent à celles-là : tels le mou, qui dépend de l’humide, et le dur, qui dépend de la sécheresse (ibid., 329 b, 32, 330 a, 8). Les qualités fondamentales sont donc au nombre de quatre. Pour avoir les éléments il suffit de combiner ces qualités deux à deux, en écartant sur les six combinaisons possibles les deux qui associeraient les contraires, c’est-à-dire des termes incompatibles. Il reste le chaud et le sec, ou le feu ; le chaud et l’humide, ou l’air ; le froid et l’humide, ou l’eau ; le froid et le sec, ou la terre (ibid., II, 3 déb.). Il n’y a pas au-dessous des éléments une substance concrète plus simple, dans laquelle ils puissent se résoudre et dont ils proviendraient tous (ibid., II, 5, 332 a, 26). Ils ne peuvent que se transformer les uns dans les autres : ce qui est rendu possible par le fait que chaque élément a au moins une qualité opposée à l’une des qualités de chaque autre élément (ibid., II, 4, 331 a, 13) et parce que les qualités se divisent en actives, le chaud et le froid, et passives, le sec et l’humide (Météor., IV, 1 déb.). De cette façon la destruction d’un élément est, du même coup, la naissance d’un autre et réciproquement, la matière se conservant sous le passage des formes (De gen. et corr., I, 3)[14].

Les éléments ne tombent jamais à l’état de pureté sous l’observation (ibid., II, 3, 330 b, 21) et, dans tous les cas, ces éléments ne sont pas les seuls corps du monde terrestre : au-dessus d’eux sont les mixtes. Aristote, dans sa théorie de la mixtion (De gen. et corr., I, 10), montre la même tendance hiérarchique qui lui fait affirmer en thèse générale que la forme est autre que ses conditions, la forme de la syllabe par exemple, autre que les lettres (Métaph. Η, 3, 1043 b, 5-14), et la même préoccupation de la qualité qui inspire sa théorie de l’altération. La mixtion n’est pas un mélange mécanique où subsisteraient dans leur nature première les éléments juxtaposés, comme si on avait mêlé de l’orge et du blé. Les éléments mêlés ne subsistent qu’en puissance ; leurs formes s’altèrent réciproquement et une forme nouvelle prend naissance. En un mot la mixtion, pour Aristote, est ce que nous appelons une combinaison chimique, à condition toutefois qu’on ne limite pas cette notion de combinaison par des réserves d’atomiste.

Les éléments et les mixtes sont, au point de vue de la substance, comme les deux moments du monde inanimé selon Aristote. Nous ne pouvons songer à poursuivre dans le détail l’explication des divers mixtes reconnus par Aristote, pas plus que, nous plaçant au point de vue des mouvements et non plus de la substance, nous ne pouvons lui demander comment procèdent, selon lui, dans leurs spécifications dernières les mouvements locaux, les altérations, les générations et les destructions. C’est surtout dans les Météorologiques, dont le 4e  et dernier livre, assez différent des autres, a pour objet propre, non plus les phénomènes qui se passent autour de la terre, mais les phénomènes qui s’accomplissent sur la terre et à l’intérieur de la terre, qu’il faudrait chercher la physique spéciale d’Aristote, celle où il s’efforce de suivre les faits et de les serrer de près. Tout ce qu’il convient de faire, c’est de signaler la différence assez marquée qui sépare cette physique spéciale des spéculations générales de l’auteur. D’une part, quoique la dialectique n’en soit pas absente, l’expérience y occupe une grande place, et, d’un autre côté, les causes auxquelles l’explication des phénomènes est demandée sont souvent moins des causes formelles et finales que des causes motrices et matérielles. Il y a là, en dehors de la philosophie, c’est-à-dire en dehors des recherches conduites par la méthode notionnelle, les rudiments, confus sans doute et obscurs et erronés, mais en revanche déjà très abondants, d’une physique expérimentale[15].

Avec les mixtes nous sommes parvenus au degré le plus élevé du monde terrestre inanimé. Nous passons ensuite au monde des vivants. Ce n’est pas dans ce domaine, comme on sait, que le génie d’Aristote a le moins brillé. Souvent des biologistes de profession ont célébré l’étendue des connaissances d’Aristote et la profondeur de ses vues. Certaines parties de l’Histoire des animaux et surtout les traités des Parties des animaux et de la Génération des animaux sont rangés par ces biologistes au nombre des ouvrages qui font le plus d’honneur à l’esprit humain[16].

Résumons d’abord la conception aristotélicienne de la vie. « Parmi les corps naturels, dit Aristote, les uns ont et les autres n’ont pas la vie. Nous appelons vie le fait de se nourrir, de s’accroître et de décroître par soi-même[17] ». Comme l’accroissement n’est possible que par l’assimilation des aliments, c’est donc le fait de se nourrir qui est le caractère le plus élémentaire et le plus indispensable du vivant. « On ne dirait pas mieux aujourd’hui, écrit M. Pouchet[18]… Aristote y reconnaît [dans la nutritivité] aussi bien que nous le phénomène fondamental de la vie. » Toutefois il faut tâcher de ne pas se méprendre. Si la nutrition est dans l’être vivant quelque chose de très caractéristique et de très indispensable, elle ne constitue pas pourtant le fond et le secret de la vie. La nutrition en effet, aux yeux d’Aristote, n’est pas, pour parler le langage moderne, un simple phénomène physico-chimique. Certains ont pensé, dit-il (De an. II, 4, 416 a, 9), que le feu explique le fait de la nutrition, et lui-même ne se fait pas faute d’appeler la digestion une coction (πέψις) et d’invoquer pour en rendre compte une chaleur, déjà spéciale il est vrai, la chaleur animale[19]. Cela n’empêche pas que le feu, bien loin de suffire à l’explication, n’est ici qu’une cause adjuvante (συναίτιον) et que la cause véritable est l’âme. Et comme Aristote, ainsi que nous avons eu occasion de l’indiquer ailleurs (p. 314), n’a pas songé à conserver le mécanisme en le subordonnant aux autres causes, l’âme intervient dans la fonction élémentaire de la vie tout autrement que l’idée directrice de Claude Bernard : on peut être sûr qu’elle joue le rôle d’une cause efficiente. Il faut donc, à vrai dire, définir un vivant non pas un être qui se nourrit, mais un être animé, et chercher le principe de la vie dans l’âme : ἔστι δὲ ἡ ψυχὴ τοῦ ζῶντος σώματος αἰτία καὶ ἀρχή (De an. II, 4, 415 b, 8). Ainsi Aristote est, en matière de théorie de la vie, ce qu’on appelle un animiste. À plus forte raison est-il, comme d’ailleurs dans toute sa physique, un finaliste décidé. L’origine d’un vivant, comme on sait, doit toujours être cherchée, d’après Aristote, dans un autre vivant de même espèce qui a imprimé au germe un mouvement régulier et concerté tel que peut le donner une activité finale (cf. p. ex. Métaph. Λ, 7, 1072 b, 30 et De gen. an., II, 1, 733 b, 23-734 b, 19). Il n’y a d’exception que pour un petit nombre d’êtres inférieurs qui peuvent, par génération spontanée, naître de la pourriture (ibid., III, 11, 762 a, 8). La théorie de la formation des vivants au moyen d’une réunion accidentelle d’organes et de la survivance des plus aptes, enseignée par Empédocle, est réfutée dans tout un chapitre de la Physique (II, 8). Enfin qu’est-ce qu’un corps qui a la vie en puissance, c’est-à-dire considéré à part de l’âme qui est sa forme et son acte ? C’est un corps organique, autrement dit un corps dans lequel l’âme a tous les instruments qui lui sont nécessaires pour exercer ses fonctions (De an. II, 1, 412 a, 27-b, 5). La nature apporte d’ailleurs le plus grand soin et la plus grande sagesse à pourvoir ainsi les âmes des instruments les mieux faits pour favoriser leurs actions : à l’éléphant, qui devait vivre dans l’eau autant que dans l’air, elle a donné une trompe pour rendre la respiration facile ; à chaque espèce d’oiseaux elle a donné un bec approprié au genre de nourriture requis, etc.[20].

Quoi qu’il faille penser de cette profonde théorie de la vie, Aristote, en abordant les parties moins métaphysiques de sa biologie, a rencontré nombre d’idées dont la valeur est unanimement reconnue. L’une des plus remarquables est sa distinction des homéomères et des anhoméomères (De part. an., II, 1). Les homéomères sont ces parties des vivants qu’on peut diviser en parties de même espèce, tandis que les anhoméomères se résolvent en parties dissemblables entre elles. Parmi les homéomères, on peut citer les vaisseaux, le sang, la chair, les ongles, les poils, la graisse, etc. Les anhoméomères sont au contraire des parties telles que le visage ou la main. La distinction d’Aristote revient donc à peu près à celle que nous faisons entre les tissus et les organes, et on comprend tout de suite que la portée en est immense. De même que, en essayant de déterminer les fonctions universelles de la vie, Aristote faisait déjà de la physiologie générale, de même, par la distinction qui nous occupe et par les développements étendus qu’il y consacre, il fondait l’anatomie générale[21]. — D’un autre côté, Aristote créait aussi l’anatomie et la physiologie comparées. Il a fait dans sa métaphysique le plus grand usage de l’idée d’analogie, c’est-à-dire de l’idée de la ressemblance résultant d’une identité de rapports et non d’une identité générique. Dans sa biologie il a introduit la même idée féconde, et il s’est plu à démêler dans les êtres les plus divers les analogies de fonctions et d’organes. L’instinct des animaux est l’analogue de notre art. Quand le cœur ou les poumons font défaut, ils sont remplacés par des organes analogues. Les animaux dépourvus de sang possèdent un liquide analogue. Les cartilages dans les poissons, les carapaces chez d’autres animaux sont les analogues du squelette des animaux supérieurs. Les poils des quadrupèdes sont les analogues des plumes des oiseaux. La racine de la plante est l’analogue de la bouche de l’animal, etc. Ayant ainsi saisi dans la nature vivante les éléments communs et les éléments analogues, Aristote est disposé à voir dans l’ensemble de cette nature une unité de plan. Il n’y a pas pour lui de filiation entre les diverses formes vivantes : manifestement il est un partisan résolu de la fixité et presque de l’éternité des espèces. Mais les diverses formes vivantes lui paraissent les degrés d’une seule et même hiérarchie. La nature, dit-il, passe graduellement des êtres inanimés aux êtres animés et parmi ceux-ci de la plante à l’animal. La plante paraît inanimée si on la compare à l’animal, et toutefois il y a des êtres dont nous ne saurions dire au juste s’ils sont des plantes ou des animaux : les huîtres, quand on les compare aux animaux capables de se déplacer, sont presque des végétaux. Le plus haut terme de la hiérarchie, celui dont tous les autres ne sont que des ébauches, et auquel il faut se reporter pour juger tous les autres, ce terme supérieur, c’est l’homme[22].

Nous savons que le véritable ouvrage d’Aristote sur les plantes est perdu (cf. p. 41). C’est donc seulement dans ses autres traités que nous trouvons, incidemment indiquées, ses opinions sur les végétaux. Ce qui caractérise les plantes, c’est que, tout en possédant les fonctions élémentaires de la vie, celles de se nourrir et de se reproduire, elles ne possèdent que celles-là, ou, en d’autres termes, n’ont qu’une âme végétative. Aussi leur essence est-elle douée d’une faible unité, leurs fonctions et leurs organes sont-ils peu différenciés, le plan de leur constitution, imparfait. Il y a des animaux inférieurs qu’on peut couper en plusieurs morceaux sans empêcher la vie de persister dans les morceaux : c’est que ces animaux ressemblent à une pluralité d’animaux juxtaposés et qu’ils ont en puissance plusieurs âmes. Cette manière d’être, exceptionnelle dans le règne animal, est au contraire constante chez les plantes. Le sommeil et la veille ne sont point chez elles différenciés ; les plantes vivent dans un sommeil perpétuel. Les fonctions et les organes sexuels sont chez elles réunis dans le même individu ; et en effet il n’y avait pas lieu à une différenciation plus grande, puisque la plante a exercé toute son activité et atteint tout son but, lorsqu’elle s’est reproduite. D’une manière générale, les organes de la plante sont simples, et la finalité naturelle, qui n’y est pas méconnaissable, ne s’y déploie pourtant pas avec la même précision que chez les animaux. Le plan de la structure de la plante est l’inverse de celui de l’animal, puisqu’elle a les racines, c’est-à-dire la bouche située vers le bas, disposition qui donne la plus mauvaise place à l’un des plus excellents entre les organes. Ajoutons enfin que les plantes sont surtout faites de terre, le plus inférieur des éléments[23].

L’animal se définit par la possession de l’âme sensitive. Il n’y a point d’animal qui n’ait au moins le toucher, et un grand nombre d’animaux, au-dessous de l’homme, se distinguent déjà par des manifestations mentales assez élevées. Au lieu de se nourrir et de se reproduire simplement comme la plante, l’animal sent et parfois imagine, ce qui entraîne dans sa vie une énorme complication. À cette vie supérieure répond une plus grande variété et une plus grande délicatesse dans les tissus et les organes. Le plus important des tissus animaux est la chair. Il est le plus important, parce qu’il est l’organe du tact, ce fondement de la vie animale. Quant aux organes, le principal est le cœur, ou ce qui en tient lieu. Le cœur, qui contient le pneuma source de la chaleur animale et siège immédiat de l’âme, est le centre de l’organisme animal. Aussi est-il le premier organe qui apparaisse dans l’embryon[24] et, quand il est mis hors de service, la mort s’ensuit immédiatement. C’est à lui que la sensation aboutit et c’est de lui que le mouvement part, il a d’ailleurs une autre fonction encore, qui n’est guère moins capitale : c’est d’élaborer le sang, cette nourriture définitive de l’animal. Le cerveau, dont Platon s’était exagéré l’importance, a seulement pour fonction, ainsi que les poumons, de rafraîchir le sang. Les organes digestifs, c’est-à-dire l’estomac, aidé d’ailleurs chez certains animaux par les intestins dont le rôle ordinaire est cependant d’éliminer les résidus de la digestion, préparent la matière de laquelle le cœur tirera le sang. Cette matière va de l’estomac au cœur par quelques-unes des veines. D’autres portent le sang du cœur dans les différentes parties du corps. Aristote n’a d’ailleurs pas l’idée de la circulation proprement dite. Le squelette sert principalement à la locomotion. Sauf chez les animaux inférieurs, tels que les huîtres et les zoophytes, les sexes sont différenciés. Le mâle est l’être parfait : il joue le rôle de la forme dans la génération et transmet l’âme, surtout l’âme sensitive. La femelle est l’animal imparfait qui a subi un arrêt de développement : elle joue dans la génération le rôle de la matière. Les deux liquides séminaux, à savoir la semence et les menstrues ou ce qui en tient lieu, sont l’un et l’autre des produits très élaborés de la nutrition. Ils ne diffèrent qu’en degré : le liquide mâle complètement achevé est acte ; le liquide femelle demeuré imparfait est puissance. La production des sexes dans la génération s’explique par le fait que, si le liquide mâle est en état d’accomplir toute sa fonction, c’est un être parfait ou mâle qui est engendré, tandis que c’est une femelle qui est produite dans le cas contraire[25].

Le nombre des espèces animales étudiées par Aristote a été considérable par rapport aux circonstances dans lesquelles il se trouvait. Il y a dans l’Histoire des animaux 400 espèces qu’on a pu identifier. Aristote avait donc dans ses observations la base étendue et solide d’une classification. Sa classification ou ses classifications ne sont pas, à vrai dire, poussées très loin puisqu’elles s’arrêtent à la délimitation des groupes principaux, à quelque chose comme nos types ou nos classes. Mais, dans ces termes, elles peuvent, d’après M. Pouchet, soutenir la comparaison avec le Systema naturae de Linné, et encore faut-il ajouter, à l’avantage des classifications d’Aristote, qu’elles visent à être naturelles. Suivant le même naturaliste, les trois caractères sur lesquels se fondent les divisions d’Aristote sont des meilleurs et valent ceux que nous invoquons aujourd’hui. Ces caractères sont : la présence ou l’absence de sang ; le milieu qu’habite l’animal ; son mode de reproduction. Le plus grand défaut des classifications aristotéliciennes, c’est qu’elles sont plusieurs et qu’elles ne s’accordent pas toujours entre elles. Celui qu’on peut ensuite leur reprocher, c’est que les divers groupes distingués par Aristote ne sont pas toujours conçus de façon à représenter les degrés de perfection que son esprit essentiellement hiérarchique s’est plu d’autre part à signaler dans le règne animal[26].

Le traité De la génération et de la corruption finit sur une grande idée essentiellement aristotélicienne, qui se retrouve aussi très souvent dans les ouvrages de biologie et qui est faite pour leur servir de couronnement naturel : les êtres terrestres, inanimés ou animés, sont sujets à la génération et à la corruption. Tous les individus naissent et meurent. Cependant ces êtres qui passent ne laissent pas d’imiter à leur façon l’éternité des choses du ciel. Les choses et les phénomènes du domaine inorganique forment des cycles, dont celui de la pluie et des nuages fournit excellemment le type, et ces cycles sont éternels. De même, parmi les êtres animés, chaque plante et chaque animal meurent ; mais ils produisent un autre être pareil à eux et ainsi, par la perpétuité de l’espèce, ils participent eux aussi à l’éternité[27].


  1. Voir Zeller, p. 460 et n. 2, où des textes sont cités.
  2. De caelo I, 2, 269 a, 5 : … ἀναγκαῖον εἶναί τι σῶμα ἁπλοῦν ὃ πέφυκε φέρεσθαι τὴν κύκλῳ κίνησιν κατὰ τὴν ἑαυτοῦ [αὐτοῦ Prantl] φύσιν. Voir ibid. 268 b, 13-19, 26-269 a, 9 ; 269 b, 2-6 ; 3, 270 b, 26, jusqu’à la fin du chap.
  3. αἰθήρ, dont l’étymologie serait, d’après Aristote, ἀεὶ θεῖν (courir toujours) et non pas αἴθειν (brûler), car l’éther n’a rien de commun avec le feu : cf. ibid. 3, 270 a, 4-25. Voir Zeller, p. 437, n. 5 et 6.
  4. Météor. I, 3, 339 b, 25 : τὸ γὰρ ἀεὶ σῶμα θέον ἅμα καὶ θεῖόν τι τὴν φύσιν…
  5. De caelo II, 2, 285 a, 29 : … ὁ δ’ οὐρανὸς ἔμψυχος καὶ ἔχει κινήσεως ἀρχήν… I, 9, 279 a, 20 : … ἀναλλοίωτα καὶ ἀπαθῆ τὴν ἀρίστην ἔχοντα ζωὴν καὶ τὴν αὐταρκεστάτην διατελεῖ τὸν ἅπαντα αἰῶνα.
  6. Ibid. II, 12, 293 a, 7 : … ἑκάστη δὲ σφαῖρα σῶμά τι τυγχάνει ὄν.
  7. Ou le Pseudo-Alexandre, Metaph. 706, 31-707, 1 Hayd., 682, 4-10 Bonitz, surtout : … ἔχουσιν ἀπὸ μὲ τῆς φύσεως αἱ σφαῖραι τὴν αὐτοφυᾶ καὶ ἀβίαστον καὶ κατ’ αὐτὸ τὸ εἶδος ἐπιτηδειότητα πρὸς τὸ κινεῖσθαι, ἀπὸ δὲ τῆς ψυχῆς τὴν μεταβατικὴν ἐνέργειαν, πρὸς ἣν πεφύκασι διὰ τὴν φύσιν.
  8. Zeller, il est vrai, adopte une autre interprétation (p. 456, n. 1). Selon lui, les moteurs des sphères ne sont pas autre chose que leurs âmes. — Mais, d’une part, les moteurs des sphères seraient alors mus accidentellement par eux-mêmes, et nous venons de voir qu’Aristote paraît bien penser que les moteurs des sphères subordonnées ne sont mus accidentellement que par autre chose. D’autre part, et surtout, si les moteurs étaient des âmes, celui du premier ciel serait aussi une âme ; ou du moins, à supposer que, en raison de son excellence propre, on fût autorisé à lui faire un sort spécial et à le regarder comme seul transcendant parmi les moteurs, le premier ciel ne devrait pas avoir, outre ce moteur, une âme et Aristote ne devrait pas parler, pour le premier ciel, d’une existence bienheureuse distincte de celle de Dieu (cf. Zeller, p. 464, n. 4). Malgré la simplification et la clarté que l’interprétation de Zeller introduirait dans la doctrine des moteurs, il semble donc malaisé de l’admettre et l’interprétation classique reste comme la plus probable.
  9. Voir G. Rodier, Sur la cohérence de la morale stoïcienne, Année philos. 1904 (XV, 1905), p. 3. — Aristote appelle ὕλη τοπικὴ cette unique puissance qui subsiste encore dans les êtres sidéraux : cf. Métaph. II, 1, 1042 b, 5-7.
  10. Les textes sont réunis dans Waitz, Org. I, 378 et 408 (ad 25 b, 14 et 32 b, 19). Cf. en outre Bonitz, Metaph. II, p. 288 (ad 1026 b, 24). Voir aussi supra, p. 240, n. 1.
  11. σωροί. Voir les textes indiqués par Bonitz, Metaph. II, 357 (ad Ζ, 16, 1040 b, 9), particulièrement Ζ, 19, 1041 b, 11 sq. ; Η, 4, 1044 a, 4 sq. ; 6, 1045 a, 8-10.
  12. De caelo IV, 4, 312 a, 7 : … τὸ βαρὺ καὶ κοῦφον δύο ἐστίν· καὶ γὰρ οἱ τόποι δύο, τὸ μέσον καὶ τὸ ἔσχατον. ἔστι δὲ δή τι καὶ μεταξὺ τούτων, ὃ πρὸς ἑκάτερον αὐτῶν λέγεται θάτερον… διὰ τοῦτό ἐστί τι καὶ ἄλλο βαρὺ καὶ κοῦφον, οἷον ὕδωρ καὶ ἀήρ… 5, 312 a, 28 : ἐπεὶ δ’ ἐστὶν ἓν μόνον [le feu] ὃ πᾶσιν ἐπιπολάζει καὶ ἓν [la terre] ὃ πᾶσιν ὑφίσταται, ἀνάγκη δύο ἄλλα εἶναι ἃ καὶ ὑφίσταταί τινι καὶ ἐπιπολάζει τινί.
  13. Voir Zeller, p. 440 en bas.
  14. Surtout 318 a, 23 : … τὴν τοῦδε φθορὰν ἄλλου εἶναι γένεσιν καὶ τὴν τοῦδε γένεσιν ἄλλου εἶναι φθορὰν…
  15. Voir G. Rodier, La physique de Straton de Lampsaque (1891), p. 124-127. Cf. aussi plus haut, p. 79 et p. 259.
  16. Voir, par exemple, G. Pouchet, La biologie aristotélique (1885).
  17. De an. II, 1, 412 a, 13 : τῶν δὲ φυσικῶν τὰ μὲν ἔχει ζωήν, τὰ δ’ οὐκ ἔχει· ζωὴν δὲ λέγομεν τὴν δι’ αὐτοῦ [ou δι’ αὑτοῦ] τροφήν τε καὶ αὔξησιν καὶ φθίσιν. Cf. 2, 413 a, 20 sqq.
  18. Op. cit., p. 24.
  19. Pour les textes, cf. Bonitz, Ind. 591 a, 17.
  20. Cf. Zeller, p. 488, n. 3 et p. 493, n. 2.
  21. Sur les parties anhoméomères de l’organisme, cf. Bonitz, Ind. 510 b, 3-4. — La portée de cette distinction est bien marquée par Pouchet, op. cit., p. 35.
  22. Voir, sur ces divers points, Zeller, p. 501-505.
  23. Ibid., p. 509-512.
  24. Aristote avait étudié le développement du poulet dans l’œuf, An. hist. VI, 3 (jusqu’à 562 a, 20).
  25. Voir Zeller, p. 513-533.
  26. Pouchet, op. cit., p. 131 sqq. ; il expose, p. 122-125 deux classifications d’Aristote qui sont d’ailleurs en partie concordantes. Cf. aussi Zeller, p. 559-561. Celui-ci, p. 561-563, insiste principalement sur le second défaut des classifications aristotéliciennes.
  27. De gen. et corr. II, 11, et surtout à partir de 338 b, 1 : εἰ γὰρ τὸ κύκλῳ κινούμενον ἀεί τι κινεῖ, ἀνάγκη καὶ τούτων κύκλῳ εἶναι τὴν κίνησιν, οἷον τῆς ἄνω φορᾶς οὔσης κύκλῳ ὁ ἥλιος ὡδί, ἐπεὶ δ’ <οὕτος>, αἱ ὧραι διὰ τοῦτο κύκλῳ γίνονται καὶ ἀνακάμπτουσιν, τούτων δ’ οὕτω γινομένων πάλιν τὰ ὑπὸ τούτων. τί οὖν δή ποτε τὰ μὲν οὕτω φαίνεται, οἷον ὕδατα καὶ ἀὴρ κύκλῳ γινόμενα, καὶ εἰ μὲν νέφος ἔσται, δεῖ ὗσαι, καὶ εἰ ὕσει γε, δεῖ καὶ νέφος εἶναι, ἄνθρωποι δὲ καὶ ζῷα οὐκ ἀνακάμπτουσιν εἰς αὑτοὺς, ὥστε πάλιν γίνεσθαι τὸν αὐτόν… εἰς εὐθὺ δὲ ἔοικεν εἶναι αὕτη ἡ γένεσις. Qu’elle comporte ou non la réversibilité, la continuité de la génération ne peut être d’ailleurs que spécifique et non individuelle ou numérique dans les choses dont la nature est périssable. De an. II, 4, 415 a, 26 : φυσικώτατον γὰρ τῶν ἔργων τοῖς ζῶσιν… τὸ ποιῆσαι ἕτερον οἷον αὐτό, ζῷον μὲν ζῷον, φυτὸν δὲ φυτόν, ἵνα τοῦ ἀεὶ καὶ τοῦ θείου μετέχωσιν ᾗ δύνανται· πάντα γὰρ ἐκείνου ὀρέγεται, καὶ ἐκείνου ἕνεκα πράττει ὅσα πράττει κατὰ φύσιν. De gen. anim. II, 1, 731 b, 24-732 a, 1. Cf. Zeller, p. 511, n. 2.