Le Système d’Aristote/Chapitre XX

Texte établi par Léon RobinFélix Alcan (p. 371-392).

VINGTIÈME LEÇON


L’ÂME

L’idée de hiérarchie qui inspire toute la philosophie d’Aristote est particulièrement présente dans sa théorie de l’âme, et en même temps cette idée, dans la théorie de l’âme comme ailleurs, est pourtant tenue en échec d’une façon plus ou moins manifeste par une idée toute différente, que l’idée de hiérarchie avait précisément pour destination de remplacer. Les Physiologues, même en y comprenant les Éléates jusqu’à Mélissus inclusivement[1], et même en y comprenant Anaxagore[2], n’avaient soupçonné que bien faiblement qu’on pouvait trouver de la réalité dans la pensée et comment il fallait définir cette réalité. L’existence et la nature de cette réalité, c’est la philosophie du concept qui les découvre. Elle en découvre du moins la face objective, c’est-à-dire que, si Socrate et Platon ne songent pas à définir la pensée par la conscience comme le fera Descartes, s’ils ne s’avisent pas qu’il n’y a pas de pensée sans sujet, ces deux philosophes aperçoivent lumineusement que les objets de la pensée sont d’une autre essence que les choses dont s’occupent les Physiologues. Les objets de la pensée sont incorporels, ou, selon le langage qu’Aristote emploie pour rendre l’opinion de Platon, « les Idées ne sont pas dans le lieu[3] ». Aristote ne se fait pas une notion moins forte de cette nouvelle sorte de réalité : la forme, chez lui, est aussi supérieure à la quantité que l’Idée platonicienne. Mais la nouvelle sorte de réalité n’avait pas remplacé pour Platon l’ancienne réalité des Physiologues ; il en avait seulement fait un ordre à part de l’ancien qu’il laissait subsister. Aristote est plus loin encore que Platon, s’il se peut, de réduire toute réalité à celle des objets de la pensée. Pourtant il met en jeu, pour remplacer la transcendance platonicienne, une notion, à lui propre, qui n’aurait pu se développer complètement que dans l’hypothèse d’un monisme idéaliste. On ne hiérarchise bien que des termes homogènes, homogènes du moins sous le rapport où on les considère quand on en fait une hiérarchie. Pour que la hiérarchie des matières et des formes suffît véritablement à expliquer ce que d’autres doctrines expliquaient ou tendaient à expliquer par la juxtaposition de réalités d’ordres divers, il aurait fallu que les matières et les formes fussent seulement les degrés divers d’une seule et même réalité. Autrement la notion de hiérarchie n’est plus à sa place, ou au moins elle n’y est pas partout dans le système ; car à l’une des extrémités, sous le nom de matière, la réalité telle que l’entendaient les Physiologues se pose en elle-même et, à l’autre extrémité, la forme s’isole elle aussi. Dans toute la théorie de l’âme d’Aristote, nous allons voir l’idée de hiérarchie résoudre une foule de difficultés, et, en même temps, des difficultés dernières demeurer insolubles, parce que ce qu’Aristote veut demander à cette idée, c’est, au bout du compte, de concilier des réalités hétérogènes, parce qu’il est demeuré dualiste. Aristote n’a jamais essayé d’absorber l’étendue ou la quantité dans la nouvelle réalité qu’avait découverte la philosophie conceptuelle ; il ne s’est pas demandé si l’étendue elle-même ne pouvait pas devenir un objet intelligible, ou plutôt, quand il a rencontré la question[4], il l’a résolue négativement. La matière a fini par rester pour lui en dehors de la forme, en dépit de la vigueur avec laquelle il a su ramener à de simples différences de degré nombre d’oppositions moyennes.

Parcourons maintenant les principaux points de la théorie aristotélicienne de l’âme.

Platon avait considéré l’âme comme une réalité séparable du corps, et corrélativement il avait reconnu au corps une existence propre. En cela il avait suivi les Pythagoriciens, ces premiers défenseurs du dualisme spiritualiste, qui sans doute d’ailleurs n’avaient pas pu se faire de l’existence spirituelle une notion bien nette et bien approfondie. Quoi qu’il en soit et quelles qu’aient été leurs raisons, ils avaient professé très résolument la séparation des corps et des âmes. Aristote, qui pourtant sait beaucoup mieux ce qu’est l’existence spirituelle, ne se lasse pas d’élever des objections contre le dualisme violent des Pythagoriciens et même de Platon. Il ne comprend pas comment on peut s’imaginer qu’une âme quelconque peut venir résider dans un corps quelconque. Cette conception familière aux mythes pythagoriciens revient à peu près au langage d’un homme qui prétendrait que l’art du charpentier peut descendre dans des flûtes[5]. C’est d’une tout autre façon, quant à lui, qu’il a défini l’âme. Il ne veut pas sans doute qu’elle soit l’harmonie du corps ; car l’harmonie ou l’assemblage des parties est quelque chose de postérieur et de subordonné (De an. I, 4 déb.-408 a, 28). Mais l’âme est l’entéléchie première d’un corps organique qui a la vie en puissance[6]. Un corps qui a la vie en puissance ou un corps organique, c’est la même chose : c’est un corps qui a tout ce qu’il faut pour servir aux fonctions de l’âme, qui a tout ce qu’il faut, non pas seulement au point de vue anatomique comme un cadavre exempt de lésions, mais encore au point de vue physiologique. C’est la machine prête à fonctionner, en tant qu’on fait abstraction en elle de la condition la plus haute qui lui donne l’aptitude à fonctionner. Cette aptitude à fonctionner est précisément ce qu’Aristote appelle l’entéléchie première du corps. Nous avons vu (p. 326) que l’acte a plusieurs degrés. Le premier ou le plus bas est celui où la fonction va d’elle-même passer à l’acte plein, pourvu que rien d’extérieur ne l’en empêche. C’est en un mot l’habitude à laquelle il ne manque que l’exercice ou usage. Telle est l’âme, puisque l’âme n’exerce pas toujours ses fonctions, témoin l’âme animale pendant le sommeil. Ainsi l’âme a pour matière un corps organique et elle n’est pas l’acte le plus élevé de ce corps. Mais ces déterminations, quelque importantes qu’elles soient, ne sont pourtant que secondaires par rapport à l’idée principale de la définition : l’âme est la forme du corps. Avec cette idée tout s’éclaire, semble-t-il ; touchant la nature de l’âme et, d’autre part, touchant l’union de l’âme et ses rapports avec le corps. Lorsque Platon dit que l’âme est un mouvement qui se meut soi-même, ou Xénocrate, qu’elle est un nombre qui se meut soi-même, ces définitions sont sans doute d’une métaphysique plus avancée que l’âme matérielle, quoique subtile, de Démocrite, ou même que l’âme des Pythagoriciens. Cependant il subsiste peut-être encore au fond des conceptions de Platon et de Xénocrate quelque trace de matérialisme. Au contraire la définition aristotélicienne rompt tout à fait avec le matérialisme. Une forme n’est à aucun degré une chose matérielle : l’âme n’est plus aucunement un corps dans un corps. De Platon et d’Aristote, c’est certainement celui-ci qui se fait la notion la moins épaisse, la notion la plus idéaliste de l’âme. Quant à la question des rapports de l’âme avec le corps et, en général, de l’union de l’âme et du corps, elle est résolue de la façon la plus victorieuse. L’âme partage les affections du corps, comme toute forme partage les affections de sa matière ; elle ne fait qu’un avec le corps, comme toute forme avec sa matière, puisque aussi bien la matière la plus prochaine et la forme sont une seule et même chose, sauf que l’un est puissance et l’autre, acte[7]. Le retour aux âmes séparées chez les Alexandrins, dans la Scolastique et chez Descartes, marquera certainement un recul : et de plus il donnera lieu, dans la Scolastique, a une incohérence, puisque les philosophes de l’École persisteront à donner à l’âme le titre de forme du corps. Mais, si victorieuse que soit ici, entre les mains d’Aristote, l’idée de hiérarchie, on sent bien que les difficultés ultimes ne sont pas résolues. Il est posé, il n’est pas démontré que la forme est apte à unir l’indéfinie multiplicité de l’étendue qui se retrouve toujours au fond de la matière : Aristote ne fait rien pour montrer que l’étendue ne serait pas pensable, n’aurait pas de réalité concevable, par conséquent, si elle ne tombait sous les prises de la forme, démonstration qui impliquerait la non-existence de l’étendue en elle-même. D’autre part, nous verrons qu’un moment vient où Aristote éprouve l’irrésistible besoin de rompre les liens de l’âme, ou d’une partie de l’âme, avec cette étendue indomptée, qui morcèle et individualise obstinément tout ce qui tombe en elle.

Le problème de l’unité de l’âme en elle-même et de la diversité de ses fonctions ne sort pas du domaine de la forme. Aussi, dans ce domaine homogène, l’idée de hiérarchie s’applique-t-elle pleinement et fournit-elle à Aristote une doctrine entièrement rationnelle et satisfaisante, sauf une réserve unique relativement à l’âme intellective, parce que les autres âmes, tout en étant des formes, sont pourtant autre chose que des formes pures et qu’elles sont des formes attachées à la matière. Aristote admet trois âmes : l’âme végétative, l’âme sensible, l’âme raisonnable ou intellective. Ces trois âmes ne sont pas pour lui trois entités séparées et superposées. Ce sont trois degrés d’une même hiérarchie, dans laquelle les termes inférieurs peuvent exister seuls, mais où les termes supérieurs supposent ce qui est au-dessous d’eux. De même, dans la question, à peine différente, des fonctions de l’âme, Platon avait séparé d’une façon matérielle, matérielle au moins indirectement, une âme concupiscible, une âme irascible et une âme raisonnable. Aristote ne voit dans les fonctions psychiques que les manifestations hiérarchisées, et au besoin, à chaque degré de la hiérarchie, les manifestations coordonnées, d’une seule et même âme (De an. III, 9, 432 a, 22). — Nous avons désormais à rendre compte sommairement de ses opinions sur ces fonctions diverses. Nous disons sur ces fonctions diverses, plutôt que sur ces âmes diverses. Car, après ce que nous avons dit dans la leçon précédente, nous n’aurions rien d’essentiel à ajouter sur l’âme végétative, et nous avons surtout à nous occuper des fonctions diverses de l’âme animale. Cependant il y a quelque analogie entre la connaissance rationnelle et la connaissance sensible et nous verrons que, péripatétiquement parlant, ce n’est pas sans difficulté qu’on décide s’il y a là une diversité de fonctions, ou quelque chose de plus. Parlons donc pour le moment d’une diversité de fonctions. Comment Aristote classe-t-il par grands groupes les fonctions de l’âme ? Il dit que, selon l’opinion commune, l’âme est caractérisée par deux fonctions principales : la pensée et la production du mouvement local. Sans doute cette classification ne saurait embrasser la fonction de l’âme nutritive, et sans doute aussi elle ne s’applique même pas à toute âme animale, puisque certains animaux sentent, sans se déplacer[8]. Cependant, lorsqu’il s’agit de l’âme humaine ou de l’âme des animaux supérieurs, cette manière de classer les fonctions psychiques semble bien être prise à son compte par Aristote[9]. La manière dont Aristote envisage le plaisir prouve, croyons-nous, qu’il serait peu disposé à faire de ce que nous appelons les faits affectifs les manifestations d’une fonction susceptible d’être placée sur le même pied que les deux précédentes. Nous considérerons donc la classification d’Aristote comme bipartite, et nous parlerons d’abord de la pensée ensuite de la production du mouvement.

La pensée offre plusieurs degrés hiérarchiques, dont le plus inférieur est la sensation. Qu’est-ce que la sensation ? La formule connue, qu’elle est l’acte commun de la sensibilité et du sensible, ou mieux que l’acte de la sensibilité et du sensible est un seul et même acte, est, ou peu s’en faut, une définition de la sensation. Seulement il importe de bien comprendre cette formule. Le sensible se prend en plusieurs sens. Il y a d’une part les sensibles propres, tels que la couleur et le son, et, de l’autre, les sensibles communs : mouvement, repos, nombre, figure, grandeur ; il y a même les sensibles par accident, par exemple que cette chose blanche est le fils de Diarès. Précisément parce qu’ils n’ont rien de commun avec autre chose, les sensibles propres sont toujours sentis sans erreur, tandis que l’erreur est possible sur les sensibles communs, et surtout sur les sensibles par accident (De an. II, 6). Dans la définition de la sensation, c’est, bien entendu, le sensible propre qui est principalement pris en considération. À cette distinction dans les sensibles répondent des distinctions dans la sensibilité. Il y a, notamment, d’un côté des sens spéciaux, la vue, l’ouïe, etc. et un sens commun, fond indifférencié de la sensibilité. Pour définir la sensation c’est surtout aux sens spéciaux qu’il faut songer. Mais ce qu’il importe au plus haut point et ce qu’il est le moins facile de comprendre, c’est la signification exacte des mots acte commun, ou acte unique de la sensibilité et du sensible. Il va de soi que cela ne signifie pas une coopération quelconque des deux termes dans une œuvre vaguement indiquée. Les mots doivent être pris dans leur sens précis et technique. Cela est d’ailleurs loin de suffire ; car il reste à savoir comment l’acte des deux termes est commun, si c’est parce que l’un d’eux, la sensibilité sans doute, n’a pas de nature propre et n’est qu’un accident du sensible ; ou si les deux termes sont bien réels l’un et l’autre et aboutissent, chacun par un développement, en quelque sorte parallèle, de ses puissances, à un acte qui est pareil à celui de l’autre ; ou bien enfin si la sensibilité et le sensible ne sont séparément que des puissances et, à vrai dire, des abstractions dont la sensation, en les réunissant dans un état unique, fait une réalité et un acte. — À la vérité, la pensée d’Aristote oscille entre les trois conceptions. D’une part, il proteste contre l’opinion commune, qui voit dans la sensation une altération du sensitif : si c’est une altération, dit-il, c’est une altération d’un nouveau genre, ἀλλοίωσίς τις ; car elle ne change pas la nature de l’altéré, elle ne fait que le rendre plus lui-même en actualisant ses puissances propres[10]. — Mais Aristote est bien loin de pousser jusqu’au bout cette conception paralléliste ; il est bien loin de se représenter l’action du sensible sur les sens comme une simple occasion de la sensation. La vérité est tout au contraire que le sensible actualise la sensibilité par une action parfaitement réelle. La sensation est dans la sensibilité comme le mouvement est dans le mobile : il y a, comme nous dirions en langage moderne, une action transitive du sensible sur la sensibilité. Et la sensibilité est si bien subordonnée au sensible que, en faisant disparaître la première, on ne supprime pas le dernier, tandis que la disparition du sensible entraîne celle de la sensation[11]. La sensation, de ce point de vue, apparaît bien comme la peinture d’un dehors dans un dedans, ou comme l’impression d’un cachet sur la cire. Parfois Aristote ne semble même pas très éloigné de comparer la réception d’une sensation à celle d’un aliment. Seulement, dit-il, la sensibilité, au lieu de recevoir tout le sensible, matière et forme, en reçoit la forme sans la matière[12]. — À côté de cette théorie paralléliste et de cette théorie transitiviste, Aristote paraît bien en ébaucher une troisième. Dans la définition même de la sensation, il dit que l’acte de la sensibilité et celui du sensible n’ont pas la même quiddité, τὸ δ’ εἶναι οὐ τὸ αὐτὸ αὐταῖς (De an. III, 2, 425 b, 27) ; et il accuse fortement la différence des deux actes, l’un étant, par exemple, résonance, ψόφος ou ψόφησις, et l’autre, audition, ἀκοὴ ou ἄκουσις (De an. III, 2, 426 a, 8-26). Mais il ajoute au même endroit que ces deux actes sont simultanés et corrélatifs. Or on sait combien est étroite pour Aristote la solidarité ontologique des corrélatifs. D’ailleurs, si les deux actes diffèrent par la quiddité, ils sont donc un numériquement et matériellement. Autant dire presque qu’ils sont l’acte d’une seule et même substance. Nous sommes donc ici en présence d’une sorte de théorie de l’identité. La sensibilité et le sensible, pris à part, seraient des puissances qui viendraient s’actualiser dans un moment synthétique et hiérarchiquement supérieur, la sensation. Voilà encore une fois à l’œuvre l’idée de hiérarchie, et la voilà encore une fois condamnée à ne pas lever toute la difficulté à propos de laquelle on l’invoque, parce que ce sont deux ordres, deux mondes qu’elle aurait à réunir et non deux degrés d’une même réalité. Aristote, dans sa théorie de la sensation, ne parvient pas, malgré ses velléités, à sortir du dualisme et du transitivisme.

Le nombre des sensibles propres détermine celui des sens spéciaux. À l’exception du toucher, qui est moins un sens qu’un agrégat de sens et porte sur plusieurs qualités, qui ont d’ailleurs pour caractère commua de ne pouvoir être appréciées qu’au contact, chaque sens porte sur une qualité unique, ou plutôt sur un couple de deux contraires entre lesquels il est comme une moyenne (μεσότης), ce qui lui permet de pâtir par l’action des extrêmes et de les apprécier ; ce qui fait aussi qu’il ne peut supporter, sans dommage pour lui, qu’une action modérée (De anima II, 11, 424 a, 2 ; 12, 424 a, 28). Le nombre des couples ou des sortes de couples de qualités sensibles est tel qu’il y a cinq sens spéciaux et qu’il ne peut y en avoir davantage (ibid. II, 6, 418 a, 11 ; III, 1 déb.). Le plus élevé, celui qu’il faudrait, par conséquent, étudier comme type, est la vue[13]. On voit à plein, à propos de ce sens, un fait caractéristique qui se retrouvera, bien que moins manifeste, dans tous les autres, à savoir qu’il faut, pour que la sensation se produise, un milieu interposé entre ce qui sent et le sensible. Le sens commun, dont nous parlerons tout à l’heure, réside dans le πνεῦμα, contenu lui-même dans le cœur[14] ; de plus chaque sens spécial a un organe ou sensorium propre : l’œil, l’oreille, etc., qui sont d’ailleurs en communication avec le sensorium central. Or, pour qu’il y ait sensation, il faut, comme on le voit manifestement dans la vision, que le sensible ne touche pas immédiatement le sensorium. Les objets colorés n’agissent sur l’œil qu’à travers un intermédiaire, un milieu, le diaphane, sorte de puissance qui se trouve dans l’air et dans l’eau[15]. De même l’ouïe réclame un milieu que les commentateurs appellent le διηχἐς, et l’odorat un autre milieu qu’ils appellent le δίοσμον. Le goût doit partager à cet égard le sort du toucher. Pour ce dernier, Aristote s’attache à démontrer qu’il exige, lui aussi, un milieu, et que ce milieu c’est la chair, instrument du toucher sans doute, mais non à titre de sensorium. Toute la différence avec les autres sens est qu’ici le milieu fait partie du sentant lui-même (De an. II, 11, 422 b, 34-423 b, 26).

Sous les sens spéciaux, il y a un sens commun qui a trois fonctions : sentir les sensibles communs ; constituer par son indifférenciation l’unité du sensitif, ou, comme nous dirions, de l’esprit percevant à travers la diversité des sens et des sensations spécialisés ; enfin procurer au sentant la conscience de sa sensation. Cette dernière fonction est particulièrement intéressante. Elle ne peut pas relever de chaque sens spécial comme spécial ; car un tel sens est tout entier absorbé par la sensation de son sensible propre et c’est pourquoi, dans le De somno, Aristote a dit que ce n’est pas par la vue qu’on voit qu’on voit. Mais, dans le De anima, il dit au contraire que c’est la vue qui nous donne le sentiment que nous voyons[16]. Il n’y a pas contradiction. C’est que chaque sens spécialisé plonge par ses racines dans le sens commun : par ces racines, il n’est plus spécial, il est quelque chose du fond même de la sensibilité. Maintenant, pourquoi ce fond commun de la sensibilité nous donne-t-il, outre la sensation, la conscience de la sensation ou, selon l’expression des commentateurs, car Aristote n’a pas ici de mot technique, la συναίσθησις ? C’est qu’il ne devient pas tout entier la forme sensible. Le sens se sent donc accessoirement lui-même[17] ; et, s’il avait son objet en lui-même comme l’intellect a en soi les universaux[18], il serait sensation de la sensation. Aristote est au fond si réaliste qu’il exprime, comme, on voit, dans les termes les plus exprès l’idée que la conscience est encore une sensation ou perception, une connaissance de la connaissance[19]. On peut dire que ici, encore une fois, intervient l’idée de hiérarchie pour expliquer l’unité des faits ; il est remarquable seulement que l’unité est demandée, non pas au terme supérieur, mais au terme inférieur de la hiérarchie.

Après les sens, Aristote étudie les facultés imaginatives et les opérations intellectuelles les plus inférieures. C’est toujours l’idée de hiérarchie qui l’inspire, la sensation étant avant et sans doute pour l’imagination, et celle-ci étant sûrement en vue de l’intellect. Seulement ici, jusqu’à ce qu’il soit question de la fonction la plus élevée de l’intellect, cette idée est parfaitement dans son rôle, puisque nous sommes en présence d’une série de termes homogènes. — Ni dans le De anima, ni dans le De sensu, Aristote ne dit un mot de la mémoire, à laquelle il a consacré un petit traité à part. C’est, que la mémoire, en tant que reproductive, ne se distingue pas pour Aristote de l’imagination. Elle ne s’en distingue que par deux caractères. D’une part, elle est la possession de l’image, en tant que celle-ci est considérée comme la copie de ce dont elle est l’image, et, d’un autre côté, elle enveloppe la conception du passé et la reconnaissance[20]. Mais ces caractères paraissent bien dériver de l’intelligence, encore qu’Aristote attribue la mémoire à beaucoup d’animaux, sinon à tous[21]. Il y a, dans tous les cas, à côté de la mémoire, une fonction qui est proprement humaine, la remémoration, ἀνάμνησις Aristote l’analyse avec soin et montre à ce propos comment l’homme emploie, pour retrouver ses souvenirs, ce que nous appelons les lois de l’association. Aristote connaît les trois lois de ressemblance, contraste et continuité[22]. — Sous le nom de mémoire, ou sous son nom propre, l’imagination est la faculté de l’âme immédiatement supérieure à la sensation. L’imagination est une sensation affaiblie, ou encore elle est une sensation dépouillée de sa matière, c’est-à-dire sans doute affranchie de la condition d’être hic et nunc, ou autrement dit, dépendante de tel sensible ; et on voit comment elle constitue un progrès et un élargissement considérables pour la vie de l’âme. Si l’on considère le côté physique du phénomène, il faut dire que l’imagination consiste en une trace laissée dans les sensoria par la sensation, ou plutôt encore dans un mouvement qui se continue après la sensation. Mais Alexandre fait justement observer que ce n’est pas là pour Aristote toute l’imagination, qu’elle est aussi quelque chose de mental et d’actif, à savoir l’acte de la faculté Imaginative elle-même[23]. Quelle que soit d’ailleurs la part de formalité et d’activité que puisse receler l’imagination, elle est passive par rapport à la fonction la plus élémentaire de l’intelligence proprement dite. Aristote marque avec force ce degré de sa hiérarchie. Cette fonction élémentaire, l’ὑπόλεψις, qui répond à peu près à ce que nous appelons jugement, atteint déjà l’universel et, d’autre part, comporte vérité et erreur, deux choses au-dessous desquelles l’imagination demeure. De l’ὑπόλεψις se différencie à peine la δόξα. Au-dessus de l’une et de l’autre, sont la prudence, φρόνησις, et la science[24].

Nous voilà parvenus à l’intellect, ou du moins à l’intellect discursif. Mais, avant de nous occuper de l’âme intellective en elle-même, nous devons nous placer un moment à un point de vue plus historique et moins descriptif que nous n’avons fait jusqu’à présent, et essayer d’indiquer quelle est, selon Aristote, l’évolution de la connaissance. Il va de soi qu’Aristote ne distingue pas entre l’histoire psychologique de la pensée et ce que Fichte en appellerait l’histoire pragmatique, et qu’il s’attache surtout à ce qui intéresse la théorie de la connaissance. Toutefois, de quelque façon qu’on l’entende, la connaissance a pour Aristote une évolution, qui est distincte de l’analyse statique à laquelle nous nous sommes livrés avec lui en traitant de la logique. Pour Aristote toute connaissance commence avec l’expérience ou, pour mieux dire, avec la sensation, avec la sensation en tant qu’elle s’exerce ici et maintenant et paraît avoir pour objet un individu[25]. Car Aristote repousse la réminiscence platonicienne ou, en général, l’innéité proprement dite, et, selon lui, le problème du Ménon se résout tout autrement (An. pr. II, 21, 67 a, 21). Toute connaissance part d’une connaissance antérieure : mais cela ne signifie pas que toute connaissance suppose une autre connaissance toute faite. Le problème du devenir de la connaissance se résout par les mêmes principes que celui du devenir en général. Nous avons vu que, grâce à l’être en puissance, nulle réalité ne venait du non-être pur, tout en pouvant cependant, en un sens encore très positif, commencer d’être. Pareillement nulle connaissance ne sort d’un néant de connaissance ; mais la connaissance en acte sort de la connaissance en puissance. La connaissance universelle est en puissance dans la connaissance individuelle et sensitive. L’individu commence par la sensation et actualise peu à peu l’universel que la sensation contient en puissance. Des images semblables fusionnent et forment ainsi une image composite ou, si l’on aime mieux, une routine. Et c’est là un premier universel, auquel il ne manque plus que d’être saisi et posé comme universel. De même que, ontologiquement, les formes intelligibles sont dans les choses sensibles, de même, au point de vue de la connaissance, la notion est dans la sensation[26]. Seulement ni la forme n’est un produit de la matière, ni la notion n’en est un de la sensation et de l’imagination. C’est l’intellect qui fait, ou, si l’on veut, qui est les notions. Nous voilà en face de cette fonction qui soulève tant de problèmes redoutables.

Contentons-nous de quelques indications sommaires, en ayant soin toutefois de faire sentir les incertitudes où Aristote nous laisse. Il y a un intellect discursif qui est tout voisin de l’imagination, bien que déjà supérieur à elle : c’est, à vrai dire, la faculté dont l’ὑπόλεψις est l’acte[27]. Nous le laisserons de côté pour nous occuper de celui qui correspond à la νόησις τῶν ἀδιαιρέτων (ibid. 6, déb.). Cet intellect a plusieurs degrés. Il en a deux au moins. Il est, d’une part, l’intellect passif (παθητικός), l’intellect qui devient (τῷ πάντα γίγνεσθαι) : il est d’autre part l’intellect qui fait (τῷ πάντα ποιεῖν) (ibid. chap. 5). L’intellect passif, l’intellect qui devient, n’est par lui-même rien d’actuel : c’est une tablette sur laquelle originairement il n’y a rien décrit. C’est un simple réceptacle, qui ne serait pas sans analogie avec la matière première, puisque, afin de ne pas compromettre la vérité ou, comme nous dirions, l’objectivité de la connaissance, il faut qu’il soit entièrement indéterminé[28]. Toutefois il est clair qu’il doit, à la différence de la matière, ne pas individualiser les formes qui tombent en lui, et c’est peut-être là ce qu’indique Aristote en disant que l’intellect passif est lui-même un intelligible[29]. Quelque supérieur qu’il soit déjà à l’âme sensitive et même à l’intellect discursif, l’intellect passif ne peut évidemment rien penser par lui-même. Il faut qu’il soit actualisé par les formes intelligibles. Mais comment, chez l’homme, ces formes intelligibles pourront-elles actualiser l’intellect, alors qu’elles ne sont elles-mêmes rien d’actuel, enveloppées qu’elles sont dans la sensation et l’image ? C’est ici qu’intervient l’intellect qui fait, le νοῦς ποιητικός, comme ont dit les commentateurs. Il actualise les intelligibles enveloppés dans les images ; et en ce sens, en ce sens limité seulement, il fait les intelligibles. Quant à expliquer comment il procède pour actualiser les intelligibles, virtuellement contenus dans les images, c’est ce qu’Aristote ne fait qu’au moyen d’une comparaison. L’intellect qui fait est, dit-il, comme la lumière est aux couleurs dans la sensation : il rend l’intelligible saisissable[30]. Cette comparaison ne nous avance pas beaucoup. Reste toujours qu’éclairer est une action et qu’un agent n’agit que parce qu’il possède la forme. L’intellect qui fait ne serait donc pas autre chose, en dernière analyse, que la forme intelligible pure et déjà séparée : cette forme séparée évoquerait, appellerait à elle, pour ainsi dire, les formes engagées dans la matière imaginative. Mais, si l’intellect qui fait est forme pure, voilà la grave question de sa transcendance qui se pose. La pensée proprement humaine suppose toujours des images[31], et, partant, est corporelle ou du moins elle est liée au corps, forme du corps. L’intellect actif, qui est forme pure, n’a plus rien de commun avec le corps : il pense sans organe. Dès lors est-il encore quelque chose de nous ? Le fait est qu’Aristote lui prodigue des épithètes qui en font quelque chose de surnaturel et de surhumain, ἀπαθής, ἀμιγής, ἀθάνατον, ἀίδιον[32]. Et ailleurs il déclare qu’il entre du dehors, θύραθην, dans le corps de l’embryon[33]. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’intellect qui fait semble bien être un autre genre d’âme[34]. Des commentateurs et, parmi eux, Alexandre[35] estimeront que cet intellect est Dieu même pensant en nous. Aristote a laissé le problème sans solution, ou plutôt peut-être il a volontairement évité de le poser.

Nous en avons maintenant fini avec la théorie de la pensée proprement dite ; il nous reste à parler de la fonction motrice de l’âme. — Toutefois nous devons dire d’abord quelques mots sur la théorie du plaisir. Le plaisir, c’est-à-dire le seul phénomène affectif dont Aristote ait parlé avec quelque détail, le plaisir, avons-nous dit, ne constitue pas dans l’âme un ordre à part. Nous allons voir en effet qu’il tient à la fois à la pensée et à la fonction motrice, surtout à celle-ci dont il n’est, à vrai dire, qu’un accessoire. Le plaisir ressemble à la pensée en ce qu’il est comme elle quelque chose d’actuel, d’intemporel et d’un Aristote le compare spécialement à la vision, qui, comme on sait, était pour lui un phénomène instantané[36]. D’un autre côté, le plaisir dépend de la fonction motrice. Le plaisir et la douleur sont des signes qui révèlent la présence des appétits : si on voit qu’un animal éprouve des plaisirs et des douleurs, il faut en induire qu’il a des appétits (De an. III, 11, 434 a, 2). Le plaisir n’est pas une fin principale : c’est seulement quelque chose qui s’ajoute à la fin, ἐπιγινόμενόν[37]. On ne peut pas mieux indiquer que la tendance est antérieure au plaisir et son fondement. Nous désirons l’accomplissement de la fonction, et non pas primordialement le plaisir. Le plaisir dépend si bien de l’activité qu’il en suit toutes les espèces et se partage en autant de sortes qu’elle, et vaut uniquement ce qu’elle vaut[38]. Enfin toute la doctrine d’Aristote sur le plaisir a pour sens que c’est l’activité qui est première et que le plaisir ne se comprend que comme le retentissement d’une activité conforme à la nature[39].

La théorie de la fonction motrice de l’âme n’est pas la partie la plus claire de la psychologie d’Aristote. À la prendre dans ses grandes lignes, on peut dire quelle est marquée d’un double caractère, qu’elle est à la fois intellectualiste et toute pénétrée, d’autre part, du sentiment que le désir est en lui-même quelque chose d’irréductible à la raison et qu’on ne peut s’en passer dans l’explication du mouvement de l’animal raisonnable. Le désir est l’organe de l’intellect pratique et, par conséquent, quelque chose comme la matière dont cet intellect est la forme. Mais les deux ordres sont difficiles à réunir par l’idée de subordination hiérarchique de l’un à l’autre. Selon Aristote, c’est la pensée qui, dans l’âme, est fondamentale, et la fonction motrice qui est dérivée. Il dit dans le livre Λ de la Métaphysique que nous désirons parce que nous nous représentons le désirable, et non inversement, et il s’efforce d’établir au même endroit que c’est le suprême intelligible qui est le suprême désirable[40] ; car l’excellence ontologique est la raison qui fait qu’une chose est bonne. Aussi dans le De Anima[41] présente-t-il le désir et l’aversion comme étant les dérivés, ou tout au moins les analogues, de l’affirmation et de la négation. Désirer, c’est affirmer qu’une chose est bonne ; éviter, c’est dire que la chose n’est pas bonne. Par suite encore le processus moteur se figure, pour Aristote, par une opération tout intellectuelle, par l’opération intellectuelle par excellence, par le syllogisme. Tel genre de chose est désirable, dit soit l’intellect, soit l’opinion pratique ; ceci tombe sous le genre en question, dit de son côté la sensation ; l’action suit comme la conclusion de ces prémisses : il faut boire, ceci est buvable et l’animal boit[42]. Aristote dit encore, et c’est une façon à peine différente de présenter les choses, que le désirable, moteur immobile, meut le désir qui, comme moteur-mû, meut à son tour le corps, simple mobile[43]. Le moteur immobile est évidemment ici l’analogue de la majeure, le moteur-mû, celui de la mineure, et le mobile, qui ne meut plus rien, est l’analogue de la conclusion. En revanche Aristote reconnaît, de la façon la plus formelle, non seulement que sans le désir il n’y a pas de mouvement possible, mais que le désirable peut être un faux désirable[44]. Le premier de ces points ne soulève pas de difficulté, une fois du moins qu’on a admis que l’excellence ontologique doit présenter un aspect pratique et apparaître comme désirable ; car, au surplus, il va de soi que le désirable éveille le désir. Mais, si le désir peut être provoqué par une fausse représentation du désirable, s’il n’est pas indispensable que ce soit l’intellect pratique qui représente quelque chose comme désirable, si l’opinion, qui est faillible, peut remplacer l’intellect, alors le désir n’est plus dépendant du rationnel. Ce n’est plus qu’en apparence qu’il relève de l’intellect ; en réalité il est son propre maître, et il peut commander à son tour, comme il arrive dans l’intempérance[45]. — C’est précisément dans cet intervalle entre le désir rationnel et le désir irrationnel que s’établit la contingence. On sait (cf. p. 167) avec quelle force et quelle logique Aristote en affirme l’existence au chapitre 9 de l’Hermêneia et ailleurs. Mais sa doctrine de la liberté n’est pas aussi nette que son affirmation de la contingence[46]. On ne voit pas très bien comment l’action libre diffère, soit d’un fait de pur hasard, soit d’une action déterminée par la raison. Peut-être la pensée d’Aristote est-elle déjà celle que plus tard exprimera ouvertement Alexandre, à savoir que la liberté est un remède à la contingence et que l’action libre est une initiative violente par laquelle le sujet se remet sous la loi de la raison, en sautant par dessus les lacunes dont souffre à certains moments le déterminisme rationnel dans le monde sublunaire[47]. Dans tous les cas, un point est sûr, c’est que l’action libre ne vaut pas aux yeux d’Aristote l’action, aussi parfaitement nécessaire que parfaitement rationnelle, des êtres supérieurs à notre monde. Et il est sûr aussi que, pour les êtres de notre monde, le principe formel n’est pas le seul moteur, de sorte que le mouvement de ces êtres ne s’explique pas complètement en disant qu’ils vont vers leur perfection et leur nature. Ils diffèrent de cette perfection et de cette nature autrement encore que par le degré.


  1. Car le fragm. 16 de Mullach (Vorsokr.² ch. 30, B 9, p. 148, 19) paraît n’être qu’une induction de Simplicius.
  2. Son νοῦς n’est en effet que « la plus subtile et la plus pure des choses », fr. 6 Mullach (Vorsokr.² ch. 46, B 12, p. 318, 13).
  3. Phys. IV, 2, 209 b, 33 : Πλάτωνι μέντοι λεκτέον… διὰ τί οὐκ ἐν τόπῳ τὰ εἴδη… III, 4, 203 a, 9 : … μηδὲ ποὺ εἶναι αὐτάς [{{lang|la|sc. τὰς ἰδέας]…
  4. Au livre Ζ de la Métaphysique, 10, 1035 b, 83-1036 a, 12 ; cf. 11, 1036 b, 4-7.
  5. De an. I, 3, 407 b, 12 jusqu’à la fin du ch., dont voici les dernières ligues : παραπλήσιον δὲ λέγουσιν [sc. οἱ πυθαγορικοί μύθοι, b, 22] ὥσπερ εἴ τις φαίη τὴν τεκτονικὴν εἰς αὐλοὺς ἐνδύεσθαι· δεῖ γὰρ τὴν μὲν τέχνην χρῆσθαι τοῖς ὀργάνοις, τὴν δὲ ψυχὴν τῷ σώματι.
  6. Ibid. II, 1. La définition de l’âme est énoncée 412 a, 27 : … ἡ ψυχή ἐστιν ἐντελέχεια ἡ πρώτη σώματος φυσικοῦ δυνάμει ζωὴν ἔχοντος. τοιοῦτον δὲ ὃ ἂν ᾖν ὀργανικόν.
  7. Métaph. Η, 6, 1045 b, 17 : ἔστι δ’… ἡ ἐσχάτη ὕλη καὶ ἡ μορφὴ ταὐτὸ καὶ ἕν, τὸ μὲν δυνάμει, τὸ δ’ ἐνεργείᾳ.
  8. Ils sont dits μόνιμα. Cf. G. Rodier, Aristote, Traité de l’âme, II, p. 197 sq. ; 566 en bas ; 527 sq. ; 153.
  9. De an. III, 9 déb. : … ἡ ψυχὴ κατὰ δύο ὥρισται δυνάμεις ἡ τῶν ζῴων, τῷ τε κριτικῷ, ὃ διανοίας ἔργον ἐστὶ καὶ αἰσθήσεως, καὶ ἔτι τῷ κινεῖν τὴν κατὰ τόπον κίνησιν… Cf. 3 déb. et I, 2, 403 b, 25 : τὸ ἔμψυχον δὴ τοῦ ἀψύχου δυοῖν μάλιστα διαφέρειν δοκεῖ, κινήσει τε καὶ τῷ αἰσθάνεσθαι.
  10. De an. II, 4, 415 b, 24 ; 5, 416 b, 34 ; 417 a, 30-b, 7 : cette altération est un passage ἐκ τοῦ ἔχειν τὴν ἄισθησιν ἢ τὴν γραμματικήν, μὴ ἐνεργεῖν δ’ εἰς τὸ ἐνεργεῖν… θεωροῦν γὰρ γίνεται τὸ ἔχον τὴν ἐπιστήμην, ὅπερ ἢ οὐκ ἔστιν ἀλλοιοῦσθαι (εἰς αὑτὸ γὰρ ἡ ἐπίδοσις καὶ εἰς ἐντελέχειαν) ἢ ἕτερον γένος ἀλλοιώσεως. Cf. Rodier, op. cit., p. 256, p. 257 et surtout p. 258 sq. et 260 (ad 417 b, 16-19).
  11. De sensu, 2, 438 b, 22 : τὸ γὰρ αἰσθητὸν ἐνεργεῖν ποιεῖ τὴν αἴσθησιν. De an. III, 2, 426 a, 2 : εἰ δή ἐστιν ἡ κίνησις καὶ ἡ ποίησις καὶ τὸ πάθος ἐν τῷ κινουμένῳ, ἀνάγκη καὶ τὸν ψόφον καὶ τὴν ἀκοὴν τὴν κατ’ ἐνέργειαν ἐν τῷ κατὰ δύναμιν εἶναι· ἡ γὰρ τοῦ ποιητικοῦ καὶ κινητικοῦ ἐνέργεια ἐν τῷ πάσχοντι ἐγγίνεται… Cat. 7, 7 b, 36 : τὸ μὲν γὰρ αἰσθητὸν ἀναιρεθὲν συναναιρεῖ τὴν αἴσθησιν, ἡ δὲ αἴσθησις τὸ αἰσθητὸν οὐ συναναιρεῖ.
  12. De an. II, 12 déb. : … ἡ μὲν αἴσθησίς ἐστι τὸ δεκτικὸν τῶν αἰσθητῶν εἰδῶν ἄνευ τῆς ὕλης, οἷον ὁ κηρὸς τοῦ δακτυλίου ἄνευ τοῦ σιδήρου καὶ τοῦ χρυσοῦ δέχεται τὸ σημεῖον, λαμβάνει δὲ τὸ χρυσοῦν ἢ τὸ χαλκοῦν σημεῖον, ἀλλ’ οὐχ ᾗ χρυσὸς ἢ χαλκός… Cf. III, 12, 434 b, 14-22 ; II, 12, 424 a, 32-b, 3.
  13. Ibid. III, 3, 429 a, 2 : … ἡ ὄψις μάλιστα αἴσθησίς ἐστι…
  14. Voir Rodier, op. cit., ad II, 12, 424 a, 24 sq. (II, p. 332-334).
  15. De anima II, 7 et principalement 418 b, 4-13, 26-419 a, 1. Sur le diaphane et sur la théorie des couleurs, voir Rodier, op. cit.. p. 281 sq. : « Le visible, c’est la couleur. Mais, pour être vue, la couleur doit agir sur le diaphane, et sur le diaphane éclairé. Par lui-même, le diaphane, véhicule de la couleur, est invisible et incolore. Cependant on peut dire, en un sens, qu’il a pour couleur la lumière et que son acte, la lumière, est visible. » La lumière, c’est l’acte du diaphane indéterminé ; les couleurs, ce sont les diaphanes déterminés qui résident dans les corps et qui se rapprochent plus ou moins du blanc ou du noir, selon qu’ils renferment plus ou moins de feu ou de terre, de l’élément brillant ou de l’élément obscur.
  16. De somno, 2, 455 a, 12 sqq. et surtout 15 : … ἔστι δέ τις καὶ κοινὴ δύναμις ἀκολουθοῦσα πάσαις [sc. ταῖς αἰσθήσεσι], ᾗ καὶ ὅτι ὁρᾷ καὶ ἀκούει αἰσθάνεται· οὐ γὰρ δὴ τῇ γε ὄψει ὁρᾷ ὅτι ὁρᾷ… De an. III, 2 déb. : de deux choses l’une, ἢ τῇ ὄψει αἰσθάνεσθαι ὅτι ὁρᾷ, ἢ ἑτέρᾳ [sc. αἰσθήσει] ; or il faut nécessairement que ἡ αὐτὴ ἔσται τῆς ὄψεως (αὐτή τις ἔσται αὑτῆς 125 b, 16), car la seconde hypothèse aurait pour conséquence la régression à l’infini.
  17. Métaph. Λ, 9, 1074 b, 35 : φαίνεται δ’ ἀεὶ ἄλλου… ἡ αἴσθησις…, ἑαυτῆς δ’ ἐν παρέργῳ..
  18. Ibid. 1075 a, 3 : οὐχ ἑτέρου οὖν ὄντος τοῦ νοουμένου καὶ τοῦ νοῦ, ὅσα μὴ ὕλην ἔχει, τὸ αὐτὸ ἔσται καὶ ἡ νόησις τῷ νοουμένῳ μία. a, 10 : οὕτως δ’ ἔχει αὐτὴ αὑτῆς ἡ νόησις… Cf. De an. III, 4, 430 a, 3.
  19. Sur le sens commun, voir Rodier, op. cit., II, p. 265-268 (ad De an. II, 6, 418 a, 18).
  20. De mem. 1, fin : … φαντάσματος͵ ὡς εἰκόνος οὗ φάντασμα͵ ἕξις… 449 a, 22 : δεὶ γὰρ ὅταν ἐνεργῇ κατὰ τὸ μνημονεύειν͵ οὕτως ἐν τῇ ψυχῇ λέγει͵ ὅτι πρότερον ἤκουσεν ἢ ᾔσθετο ἢ ἐνόησεν.
  21. Cf. Bonitz, Metaph. II, p. 38 (ad 980 a, 28). — Il est à croire qu’Aristote emploie souvent μνήμη pour φαντασία, par exemple quand il parle de plusieurs μνῆμαι qui fusionnent pour constituer ἐμπειρία μία (An. post. II, 19, 100 a, 5).
  22. De mem. 2, et surtout 451 b, 18 : … τὸ ἐφεξῆς θηρεύομεν νοήσαντες ἀπὸ τοῦ νῦν ἢ ἄλλου τινός͵ καὶ ἀφ’ ὁμοίου ἢ ἐναντίου ἢ τοῦ σύνεγγυς.
  23. Voir Rodier, op. cit., II, 428-430 et Alexandre, De an. 68, 12-30 Br.
  24. Ibid. II, 403 sq. (ad 427 b, 15). Cf. aussi 494-497.
  25. An. post. II, 19, 100 a, 17 : … αἰσθάνεται μὲν [sc. ἡ ψυχή] τὸ καθ’ ἕκαστον, ἡ δ’ αἴσθησις τοῦ καθόλου ἐστίν, οἷον ἀνθρώπου, ἀλλ’ οὐ Καλλίου ἀνθρώπου. Cf. De an. III, 7 déb. et infra, p. 398 sq.
  26. Cf. An. post. I, 1 ; II, 19 ; Métaph. Λ, 1 ; Phys. I, 1 déb. ; De an., III, 8, 432 a, 4 : … ἐν τοῖς εἴδεσι τοῖς αἰσθητοῖς τὰ νοητά ἐστι… 431 b, 2 : τὰ μὲν οὖν εἴδη τὸ νοητικὸν ἐν τοῖς φαντάσμασι νοεῖ… Voir p. 396 n. 3.
  27. De an. III, 4, 429 a, 23 : λέγω δὲ νοῦν, ᾧ διανοεῖται καὶ ὑπολαμβάνει ἡ ψυχή.
  28. Ibid. a, 15-29 : ἀπαθὲς ἄρα δεῖ εἶναι, δεκτικὸν δὲ τοῦ εἴδους καὶ δυνάμει τοιοῦτον, ἀλλὰ μὴ τοῦτο… ἀνάγκη ἄρα, ἐπεὶ πάντα νοεῖ, ἀμιγῆ εἶναι ὥστε μηδ’ αὐτοῦ εἶναι φύσιν μηδεμίαν ἀλλ’ ἢ ταύτην, ὅτι δυνατόν [cf. n. 1 de la p. 387]… b, 30 : … δυνάμει πώς ἐστι τὰ νοητὰ ὁ νοῦς, ἀλλ’ ἐντελεχείᾳ οὐδέν, πρὶν ἂν νοῇ. δεῖ δ’ οὕτως ὥσπερ ἐν γραμματείῳ ᾧ μηθὲν ὑπάρχει ἐντελεχείᾳ γεγραμμένον… Sur ce dernier point, cf. Rodier, op. cit., II, p. 457.
  29. Ibid. 430 a, 2 : καὶ αὐτὸς δὲ νοητός ἐστιν ὥσπερ τὰ νοητά.
  30. Ibid. 5, 430 a, 15 : … ὁ δὲ [sc. τοιοῦτος νοῦς] τῷ πάντα ποιεῖν, ὡς ἕξις τις, οἷον τὸ φῶς· τρόπον γάρ τινα καὶ τὸ φῶς ποιεῖ τὰ δυνάμει ὄντα χρώματα ἐνεργείᾳ χρώματα.
  31. Ibid. 7, 431 a, 16 : … οὐδέποτε νοεῖ ἄνευ φαντάσματος ἡ ψυχή. De mem. 1, 449 b, 31-450 a, 5, où le rôle des images dans la pensée abstraite est bien défini. Cf. Rodier, op. cit., 494-497.
  32. Suite de la citation du De an. dans l’avant-dernière note, 430 a, 17 : καὶ οὗτος ὁ νοῦς χωριστὸς καὶ ἀπαθὴς καὶ ἀμιγής, τῇ οὐσίᾳ ὢν ἐνέργεια [plutôt que ἐνεργείᾳ, cf. Rodier, ad loc. p. 462]. 22 : χωρισθεὶς δ’ ἐστὶ μόνον τοῦθ’ ὅπερ ἐστί, καὶ τοῦτο μόνον ἀθάνατον καὶ ἀΐδιον. 4, 429 a, 24 : οὐδὲ μεμῖχθαι εὔλογον αὐτὸν [il s’agit de l’intellect passif (cf. p. 385 n. 3) : mais c’est encore plus vrai de l’intellect actif ; voir note suivante] τῷ σώματι· ποιός τις γὰρ ἂν γίγνοιτο, ἢ ψυχρὸς ἢ θερμός, κἂν ὄργανόν τι εἴη, ὥσπερ τῷ αἰσθητικῷ… Cf. b, 4 sq.
  33. De gen. anim. II, 3, 736 b, 27 : λείπεται δὴ τὸν νοῦν μόνον θύραθεν ἐπεισιέναι καὶ θεῖον εἶναι μόνον· οὐθὲν γὰρ αὐτοῦ κοινωνεῖ σωματικὴ ἐνέργεια.
  34. De an. II, 3, 430 b, 25 : …ἔοικε ψυχῆς γένος ἕτερον εἶναι, καὶ τοῦτο μόνον ἐνδέχεσθαι χωρίζεσθαι, καθάπερ τὸ ἀΐδιον τοῦ φθαρτοῦ.
  35. Par exemple De an. 89, 17 Bruns : τοιοῦτον δὲ ὂν [i. e. ἐνέργεια καὶ εἶδος χωρὶς δυνάμεώς τε καὶ ὕλης] δέδεικται ὑπ Ἀριστοτέλους τὸ πρῶτον αἴτιον, ὃ καὶ κυρίως ἐστὶ νοῦς. τὸ γὰρ ἄυλον εἶδος ὁ κυρίως νοῦς. De an. lib. alter 108, 22 : … θύραθέν ἐστι λεγόμενος νοῦς ὁ ποιητικός, οὐκ ὢν μόριον καὶ δύναμις τις τῆς ἡμετέρας ψυχῆς, ἀλλ’ ἔξωθεν γινόμενος ἐν ἡμῖν. Cf. Zeller, III, 1⁴, 826, 3.
  36. Éth. Nic. X, 3 (4) déb. : δοκεῖ γὰρ ἡ μὲν ὅρασις καθ’ ὁντινοῦν χρόνον τελεία εἶναι…· τοιούτῳ δ’ ἔοικε καὶ ἡ ἡδονή. ὅλον γάρ τι ἐστίν…
  37. Éth. Nic. X, 4, 1174 b, 32 : τελειοῖ δὲ τὴν ἐνέργειαν ἡ ἡδονὴ οὐχ ὡς ἡ ἕξις ἐνυπάρχουσα, ἀλλ’ ὡς ἐπιγινόμενόν τι τέλος οἷον τοῖς ἀκμαίοις ἡ ὥρα… Cf G. Rodier, Éthique à Nicomaque, livre X (Paris, Delagrave, 1897), p. 97, n. 2 (ad 4, 5, 1175 a, 15-19).
  38. ibid. 5 s. in. : ἄνευ τε γὰρ ἐνεργείας οὐ γίνεται ἡδονή, πᾶσάν τε ἐνέργειαν τελειοῖ ἡ ἡδονή… τὰς ἐνεργείας τὰς διαφερούσας τῷ εἴδει ὑπὸ διαφερόντων εἴδει τελειοῦσθαι. Cf. 2 (3), 1173 b, 28 sqq.
  39. Ibid. VII, 13 (12), 1153 a, 14 : … λεκτέον [s. ent. εἶναι τὴν ἡδονήν] « ἐνέργειαν τῆς κατὰ φύσιν ἕξεως », ἀντὶ δὲ τοῦ « αἰσθητὴν ἀνεμπόδιστον ». Cf, Rhét. I, 11 déb.
  40. 7, 1072 a, 29 : ὀρεγόμεθα δὲ διότι δοκεῖ [sc. καλόν] μᾶλλον ἢ δοκεῖ διότι ὀρεγόμεθα· ἀρχὴ γὰρ ἡ νόησις. a, 26 : κινεῖ δὲ ὧδε [i. e. οὐ κινούμενον a, 25] τὸ ὀρεκτὸν, καὶ τὸ νοητόν κινεῖ οὐ κινούμενον. Cf. Bonitz, Metaph. II, p. 496. De an. III, 10, 433 a, 14 sqq., 22 : … νοῦς δὲ ὁ ἕνεκά του λογιζόμενος καὶ ὁ πρακτικός… καὶ ἡ ὄρεξις ἕνεκά του πᾶσα· οὗ γὰρ ἡ ὄρεξις, αὕτη ἀρχὴ τοῦ πρακτικοῦ νοῦ· τὸ δ’ ἔσχατον ἀρχὴ τῆς πράξεως… νῦν δὲ ὁ μὲν νοῦς οὐ φαίνεται κινῶν ἄνευ ὀρέξεως… Cf. 9, 433 a, 1-3 et De motu anim. 6, 700 b, 23 : … κινεῖ πρῶτον τὸ ὀρεκτὸν καὶ τὸ διανοητόν. Voir infra, n. 4.
  41. De an. III, 7, 431 a, 9 : ὅταν δὲ ἡδὺ ἢ λυπηρόν, οἷον καταφᾶσα ἢ ἀποφᾶσα [sc. ἡ τοῦ αἰσθάνεσθαι ἐνέργεια], διώκει ἢ φεύγει. Éth. Nic. VI, 2, 1139 a, 21 : ἔστι δ’ ὅπερ ἐν διανοίᾳ κατάφασις καὶ ἀπόφασις, τοῦτο ἐν ὀρέξει δίωξις καὶ φυγή…
  42. Éth. Nic. VI, 5, 1147 a, 25-31 ; De motu anim. 7, tout le début et particulièrement 701 a 32 : ποτέον μοι, ἡ ἐπιθυμία λέγει· τοδὶ δὲ ποτόν, ἡ αἴσθησις εἶπεν ἢ ἡ φαντασία ἢ ὁ νοῦς· εὐθὺς πίνει. Cf. De an. III, 11 s. fin. (434 a, 16-19).
  43. De an. III, 10, 433 a, 27 sqq. et surtout b, 13-21. Cf. De motu anim. 6, 700 b, 35 sq. : τὸ μὲν οὖν πρῶτον οὐ κινούμενον κινεῖ, ἡ δ’ ὄρεξις καὶ τὸ ὀρεκτικὸν κινούμενον κινεῖ.
  44. De an. III, 10 le début du chapitre et 433 a, 26-30.
  45. Ibid. 9, 433 a, 1 à la fin du ch. : ἔτι καὶ ἐπιτάττοντος τοῦ νοῦ καὶ λεγούσης τῆς διανοίας φεύγειν τι ἢ διώκειν οὐ κινεῖται, ἀλλὰ κατὰ τὴν ἐπιθυμίαν πράττει, οἷον ὁ ἀκρατής… ἀλλὰ μὴν οὐδ’ ἡ ὄρεξις [i. e. ἡ ἄλογος ὄρεξις] ταύτης κυρία τῆς κινήσεως [du mouvement qui nous porte vers l’objet ou nous en éloigne]· οἱ γὰρ ἐγκρατεῖς ὀρεγόμενοι καὶ ἐπιθυμοῦντες οὐ πράττουσιν ὧν ἔχουσι τὴν ὄρεξιν, ἀλλ’ ἀκολουθοῦσι τῷ νῷ Cf. 11, 434 a, 12-14. Voir Rodier, op. cit., II, p. 535 sq., 555-561 et 212.
  46. Sur la contingence, en outre de Herm. 9, voir De gen. et Corr. II, 11, 337 b, 5-9. — Le nom du désir rationnel est, dans Aristote, βούλησις, De an. III, 10, 433 a, 23 (à la suite du texte cité p. précéd., n. 1) : ἡ γὰρ βούλησις ὄρεξις· ὅταν δὲ κατὰ τὸν λογισμὸν κινῆται, καὶ κατὰ βούλησιν κινεῖται. 9, 432 b, 5 : ἔν τε τῷ λογιστικῷ γὰρ ἡ βούλησις γίνεται, καὶ ἐν τῷ ἀλόγῳ ἡ ἐπιθυμία καὶ ὁ θυμός… Cf. Rodier, op. cit., p. 532, 542. — De la βούλησις se distingue la προαίρεσις, qui est la volonté proprement dite, bien qu’elles soient très voisines l’une de l’autre, Éth. Nic. III, 4 (2), 1111 b, 19 : ἀλλὰ μὴν οὐδὲ βούλησίς γε [sc. ἡ προαίρεσις], καίπερ σύνεγγυς φαινόμενον. VI, 2, 1139 a, 31 : πράξεως μὲν οὖν ἀρχὴ προαίρεσις, ὅθεν ἡ κίνησις ἀλλ’ οὐχ οὗ ἕνεκαμ προαιρέσεως δὲ ὄρεξις καὶ λόγος ὁ ἕνεκά τινος. b, 4 : διὸ ἢ ὀρεκτικὸς νοῦς ἡ προαίρεσις ἢ ὄρεξις διανοητική, καὶ ἡ τοιαύτη ἀρχὴ ἄνθρωπος. La προαίρεσις consiste en un choix entre nos désirs raisonnés quant aux actes qui sont en notre pouvoir et qui sont particulièrement nos actes moraux, ibid. III, 5 (3), 1113 a, 9 : ὄντος δὲ τοῦ προαιρετοῦ βουλευτοῦ ὀρεκτοῦ τῶν ἐφ’ ἡμῖν, καὶ ἡ προαίρεσις ἂν εἴη βουλευτικὴ ὄρεξις τῶν ἐφ’ ἡμῖν· ἐκ τοῦ βουλεύσασθαι γὰρ κρίναντες ὀρεγόμεθα κατὰ τὴν βούλευσιν. 7 (5), 1113 b, 6, 11, 15 : ἐφ’ ἡμῖν δὴ καὶ ἡ ἀρετή, ὁμοίως δὲ καὶ ἡ κακία. ἐν οἷς γὰρ ἐφ’ ἡμῖν τὸ πράττειν, καὶ τὸ μὴ πράττειν, καὶ ἐν οἷς τὸ μή, καὶ τὸ ναί… εἰ δὲ ἐφ’ ἡμῖν τὰ καλὰ πράττειν καὶ τὰ αἰσχρά, ὁμοίως δὲ καὶ τὸ μὴ πράττειν, τοῦτο δὲ ἦν τὸ ἀγαθοῖς καὶ κακοῖς εἶναι, ἐφ’ ἡμῖν ἄρα τὸ ἐπιεικέσι καὶ φαύλοις εἶναι… μακάριος μὲν γὰρ οὐδεὶς ἄκων, ἡ δὲ μοχθηρία ἑκούσιον.. L’homme est le principe et le père (ἀρχή, γεννητής) de ses actions, comme il l’est de ses enfants : il n’y a pas lieu de remonter à d’autres principes παρὰ τὰς ἐφ’ ἡμῖν· ὧν καὶ αἱ ἀρχαὶ ἐν ἡμῖν, καὶ αὐτὰ ἐφ’ ἡμῖν καὶ ἑκούσια. Cf. Zeller, p. 587-589 : Bonitz, Ind. 633 b, 43 ; 268 b, 23 ; Rodier, op. cit., 87, 90 (ad 406 b, 25).
  47. Ce n’est pas dans le De fato qu’il faut chercher l’exposition la plus forte et la plus profonde de la doctrine d’Alexandre sur la liberté, mais plutôt dans les deux sections du De anima liber alter qui sont intitulées τὰ παρὰ Ἀριστοτέλους περὶ τοῦ ἐφ’ ἡμῖν (169, 33-173, 16-175, 32 Bruns ; cf. Ravaisson, Essai, II, p. 309 sq.). Il y a, dit-il en substance, du non-être répandu et mélangé dans les êtres. Certes le domaine de ce non-être est réduit : c’est le domaine des faits rares (τὸ επ’ ἔλαττον), par opposition à tout ce qu’il y a dans l’univers de fréquent (τὸ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ) ou même de nécessaire : c’est en outre seulement le domaine, si peu étendu, du monde sublunaire. Or c’est ce non-être qui fait la corruptibilité des êtres qui sont dans ce monde, leur faiblesse et leur infirmité ; c’est lui qui les empêche d’exister et de rester toujours dans le même état. Cette part de non être, quand elle se rencontre dans les causes extérieures à nous, donne naissance à la fortune et au hasard (ἡ τυχή, τὸ αὐτόματον) ; quand elle se rencontre dans les causes qui sont en nous-mêmes, elle fait qu’il y a des choses qui sont en notre pouvoir (τὰ ἐφ’ ἡμῖν) et dont les opposés sont également possibles. Notre liberté résulte donc d’une faiblesse et d’une imperfection. Mais c’est en raison même de cette imperfection que nous désirons et voulons le bien qui nous manque (170, 20-171, 1, avec la correction de Bruns). Ainsi l’acte libre, en tant qu’il nous remet sous l’autorité de la raison, est un effort pour rétablir en nous et dans notre conduite l’uniformité qui caractérise les natures éternelles et nécessaires. Voir surtout les dernières lignes de la deuxième dissertation : πᾶσιν γὰρ ἀνθρώποις τοῖς κατὰ φύσιν τε ἔχουσιν καὶ ἀστρόφοις ἐπὶ τὴν κρίσιν τε καὶ τὴν αἵρεσιν δυνατὸν ἀρετὴν κτήσασθαι καὶ δυνατὸν δι’ αὑτοῦ. διὸ πολλῶν καλῶς πρὸς ἀρετὴν πεφυκότων φαυλότερόν τινες πεφυκότες ἀμείνους γίγνονται πολλάκις τὴν ἔνδειαν τῆς φύσεως ἰασάμενοι τῇ παῤ αὐτῶν ἐξουσίᾳ (175, 27-32).