Le Poulailler/Chapitre36

Librairie agricole de la Maison rustique (p. 319-323).

CHAPITRE V

Couvées tardives ou précoces.


Un fait très-important, qui résulte de notre expérience, c’est que les poulets livrés au régime de la liberté dans des grands bois acquièrent au bout des deux premiers mois un volume extraordinaire ; qu’ils se couvrent rapidement de plumes, et que leur constitution devient tout de suite si robuste, qu’on peut en faire éclore jusqu’au 1er  septembre, sans que l’entrée de l’hiver soit à craindre pour eux.

Arrivés au 1er  novembre, ils sont assez vigoureux pour que les froids n’arrêtent pas leur croissance, si l’on continue à les laisser en pleine liberté ; on peut ainsi avoir jusqu’au mois d’avril d’excellents et délicats poulets provenant des métissages par nous indiqués, et cela sans autres frais et soins que s’ils étaient élevés en saison.

Les poulets précoces doivent éclore pendant tout l’hiver, et être élevés dans les écuries. On dispose, sur la face de l’écurie la mieux exposée au soleil d’hiver, une cage longue, grillée à l’intérieur de l’écurie et vitrée à l’extérieur.

Le grillage n’est pas autre chose qu’une séparation à claire voie, assez serrée pour que les poulets ne puissent passer dans l’écurie, et assez solide pour résister aux pieds des chevaux.

Ces cages, aussi larges et aussi longues que possible, afin de laisser une bonne place pour la promenade, sont couvertes d’un dessus solide, qui sert de table et de planche à serrer mille objets. La moindre profondeur doit être de 1 mètre, et la moindre hauteur de 1m.33. On place, à l’un des bouts, des perchoirs bien organisés, comme il a été décrit lorsque j’ai parlé du poulailler.

Le devant, comme nous l’avons dit, est vitré d’un bout à l’autre de fort verre, dit demi-glace. On ménage un espace pour une petite porte donnant dans un terrain réservé à ces poulets, aussi grand que possible, dans lequel on les laisse sortir aussitôt que le soleil donne et quand le thermomètre placé au soleil indique au moins tempéré. On rentre les poulets aussitôt que le soleil disparaît. S’il ne fait pas de soleil et que les poulets soient déjà d’une certaine taille, on peut les laisser sortir, mais une heure seulement, pour prendre l’air.

La nourriture doit être bien mêlée, c’est-à-dire composée de substances échauffantes, pour faire supporter la saison, et de pâtées de farine, pommes de terre et herbages cuits pour bien entretenir le corps.

À l’heure de sortie des poulets, on étale parterre une bonne couche de litière retirée de dessous les bestiaux et que l’on aplatit convenablement ; tous les trois jours on change cette litière, en ayant soin de balayer le fond.

Il ne faut jamais mettre ensemble qu’un nombre de poulets proportionné à la dimension de la cage et résultant d’une ou plusieurs couvées écloses le même jour ; on les donne à une seule poule, afin que les poulets soient du même âge et qu’il n’y ait pas de combats entre plusieurs mères.

Le manger et le boire sont toujours distribués dans des augettes suspendues.

On ne doit élever dans les écuries qu’en hiver, parce que les mites seraient à craindre pour les bestiaux.

À deux ou trois mois on soumet les poulets au régime suivant, indiqué par madame Millet-Robinet :

« Il est fort difficile, pour ne pas dire impossible, d’engraisser parfaitement un poulet qui n’a pas atteint toute sa croissance ; cependant on peut le mettre en chair et même lui faire prendre un peu de graisse. Dans cet état, il est délicieux à manger, bien qu’il n’ait pas le même goût qu’une volaille dont l’engraissement est complet : sa chair a un goût plus relevé. Pour amener un poulet à cet état, il ne faut pas l’enfermer dans une épinette, comme je l’indiquerai plus loin pour les bêtes adultes ; et comme on le fait presque généralement, mais le laisser libre et lui donner deux fois par jour du grain à manger, outre ce qu’il trouve lui-même. Le maïs et le sarrasin conviennent parfaitement. On peut aussi lui donner une pâtée composée de pommes de terre bouillies et écrasées et d’un peu de recoupe, ou mieux de farine non tamisée. On pourrait joindre à cela, si la saison le permettait, un repas de betteraves coupées.

« Lorsqu’on aura habitué un certain nombre de poulets à venir recevoir cette ration à des heures régulières, ils y viendront au premier appel ; mais il faudra faire bonne garde autour d’eux pendant qu’ils mangeront, car les autres volailles auraient bientôt dévoré ce qu’on leur donnerait.

« On pourrait engraisser aussi par ce moyen des bêtes adultes, mais l’engraissement serait beaucoup plus long et moins parfait qu’au moyen des épinettes. Dans tout état de cause, il est toujours convenable de commencer l’engraissement de la manière indiquée pour les poulets : douze ou quinze jours d’épinette suffiraient ensuite pour le compléter, tandis que, lorsqu’on met les volailles sans chair dans l’épinette, il faut au moins trente à quarante jours pour les amener à la perfection ; encore n’ont-elles pas toute la chair convenable ; elles peuvent être bien grasses, mais elles ne sont pas rondes. »

On peut aussi employer un autre régime qui fait peut-être de moins gros poulets, mais qui est d’une grande simplicité. Il est indiqué par M.  Routillet :

« Il faut mettre les poulets séparément dans une cage dont je donnerai plus loin la description. Après deux mois passés dans leur cage et nourris comme je vais l’indiquer, chacun de ces poulets sera devenu une excellente volaille.

« Le son et la pomme de terre sont les deux seuls aliments qui leur conviennent parfaitement, soit sous le rapport hygiénique, soit sous celui des avantages. Ce genre de nourriture et ce régime rendent leur chair toujours délicate, et la font préférer aux volailles élevées dans les basses-cours.

« Faites chaque jour de la pâtée avec du son et des pommes de terre dans la proportion d’un demi-boisseau de l’un et d’un demi-boisseau de l’autre par cinquante têtes. Divisez cette quantité en trois parties, et distribuez-la trois fois par jour : à six heures du matin, à midi, et le soir entre cinq et six heures. Cette nourriture n’est propre qu’aux poulets depuis deux mois jusqu’à quatre, c’est-à-dire depuis le moment où ils sont enfermés dans leurs cages. Après les deux premiers repas, il faut les mettre dans l’obscurité pendant une heure entière, et, après celui du soir, les priver entièrement de lumière jusqu’au lendemain matin. Ayez soin de ne leur donner à manger qu’une heure après leur lever. Ce régime à suivre est celui de l’été. Pendant l’hiver, il n’y aura qu’un plus grand nombre d’heures à consacrer au sommeil, et à rapprocher celles des repas. Le local ne devra être ni humide ni froid.

« Les cages doivent être en bois de sapin, placées sur des pieds de 40 centimètres de hauteur, avec des fonds à barreaux de bois, plats, larges d’un pouce, placés à une distance égale, et assez espacés pour que les excréments puissent tomber, et disposés en travers de chaque case ; que les parois soient en planches, et non en barreaux, afin que chaque poulet soit parfaitement isolé ; les dessus en grosse toile tamis, pour qu’ils aient le plus d’air possible. Devant et derrière il faut des barreaux et une trappe en planche ; elle doit servir à les mettre dans l’obscurité, ainsi que nous l’avons dit précédemment. Le devant est percé d’un trou par où la tête de l’animal peut passer.

« Donnez à chaque case qui doit renfermer un poulet une largeur de 22 centimètres sur 33 centimètres de hauteur et 50 de profondeur. Il est facile de mettre de quatre à cinq cages les unes sur les autres ; chacune d’elles peut avoir de dix à quinze cases. Au-dessous du trou par où passe la tête de l’animal, établissez une petite auge qui règne tout le long des cellules, dont une partie sera réservée pour mettre de l’eau fraîche renouvelée chaque jour, et la plus grande partie sera destinée à mettre la pâtée qui doit servir à nourrir les poulets. Disposez au-dessous de chaque cage, à 25 centimètres de distance du fond, une planche attenant aux quatre pieds pour recevoir la fiente. Il faut avoir soin de laver cette planche tous les matins, et l’intérieur des cages tous les huit jours. Ces cages doivent être placées dans un endroit chaud et obscur. »