Le Poulailler/Chapitre35

Librairie agricole de la Maison rustique (p. 316-318).

CHAPITRE IV

De la chaleur.

Nous avons parlé du froid, passons à la chaleur.

J’ai dû constater que le soleil n’est bon pour les poulets qu’autant que le thermomètre, à l’ombre, n’est pas à 15 degrés centigrade au-dessus de zéro. Il faut placer toutes les boîtes sous les taillis, afin qu’elles ne reçoivent qu’un soleil tamisé ; c’est ici que je dois consigner les observations que j’ai faites à ce sujet.

Le terrain d’élevage dont j’ai donné le plan doit être couvert d’un bois taillis ou de nombreux arbres à fruit, afin que le soleil n’y arrive que par petites places.

Si la chaleur, même très-forte, est bonne pour la volaille, l’ombre portée par les arbres n’est pas moins utile, et l’on pourrait s’en convaincre si l’on avait vu la différence incroyable de poids, de vigueur, de précocité, existant entre des poulets venus de mêmes producteurs et élevés à la même époque, les uns dans un lieu boisé, les autres dans un terrain découvert. J’ai mis dans des bois taillis d’une dizaine d’hectares une vingtaine de grandes boîtes à élevage qu’on vient ouvrir tous les matins à six, sept, huit ou neuf heures, suivant l’état de l’atmosphère et beaucoup suivant la saison.

Chaque boîte est enfermée dans un parc grossier de six ou huit pieds carrés et de quatre pieds de haut. La poule et la couvée, en sortant, comme je l’ai dit, de la boîte Gérard, sont placées dans une grande boîte, où elles restent deux jours, la poule dans son compartiment derrière le grillage, et les poussins allant et venant dans le petit parc.

Au bout des deux jours, la poule est lâchée dans le petit parc avec ses poussins, et, deux autres jours après, le petit parc est ouvert au moyen d’une petite porte à trappe de la largeur suffisante pour donner passage à une volaille seulement. Toute la famille sort bientôt, et ne s’aventure d’abord pas au loin ; mais, au bout de quelques jours, elle parcourt en tous sens l’étendue des bois, se rencontrant impunément avec les autres couvées, car l’espace et la liberté leur ôtent ordinairement toute envie de se chercher querelle. On éloigne les parcs autant que possible les uns des autres, afin que chaque couvée reconnaisse bien son logis, et il n’arrive jamais que chacun rentre ailleurs que chez soi, même après le sevrage.

On donne à boire et à manger le matin et le soir dans la boîte à élevage. Tous les jours, le matin, on a soin d’ouvrir et de nettoyer, le soir de refermer la porte de la boîte et celle du parc. Il faut, bien entendu, que les bois où l’on abandonne les élèves soient clos et préservés par quelques chiens des renards et autres animaux malfaisants. Cette condition peut se trouver dans tous les parcs réservés, petits ou grands. C’est là et c’est de cette façon que les propriétaires riches devraient élever la volaille.

On ne saurait imaginer quels beaux élèves on peut faire, et quel goût excellent acquièrent des animaux vivant en quelque sorte dans les mêmes conditions que le gibier, nourris d’insectes, de plantes aromatiques, et, de plus, ne consommant pas la moitié de la nourriture ordinaire qu’on est forcé de donner à des animaux reclus.

On voit, pendant la grande chaleur de midi, les poulets faisant la sieste par groupes, à l’ombre épaisse des buissons, après avoir, pendant la fraîcheur du matin, dévoré les nombreux insectes qu’ils recherchent avec une activité sans égale.

En résumé, les animaux élevés ainsi atteignent leur volume dans les deux tiers du temps ordinaire, coûtent moitié moins cher, et fournissent un manger succulent.

Il n’y a pas pour moi le moindre doute que ces résultats ne soient essentiellement dus à la liberté, à la nourriture riche trouvée dans les bois, et surtout à la modification de la chaleur solaire par l’ombre portée des feuillages.