Le Poulailler/Chapitre22

Librairie agricole de la Maison rustique (p. 210-214).

CHAPITRE XII

Race dite de Brahma-Pootra.


Un nuage épais enveloppe l’origine de cette espèce, qui nous paraît n’être qu’une variété du changaï.

Introduite en France vers 1853, et peu de temps avant en Angleterre, la beauté de son plumage, la taille du coq et de la poule, qui dépasse celle de toutes les autres espèces, sa chair, préférable peut-être à celle du cochinchine ordinaire, en ont fait vivement rechercher la possession par un nombre immense d’amateurs.

La rage d’en posséder, jointe à l’appât que promettait une reproduction forcée et à la façon déplorable d’en élever les produits, contribua à amener rapidement l’abaissement de cette race, dont on croisa de suite, des sujets inférieurs faciles à acquérir, avec le cochinchine blanc, le malais blanc, etc., de mauvaise origine.

Les premiers spécimens que j’aie vus, et qui étaient réellement ce que doit être le brahma-pootra, avaient exactement la forme et les caractères du cochinchine le mieux fait, si ce n’est que les caractères étaient encore plus développés et le volume encore plus fort.

La forme du coq surtout n’avait presque aucun rapport avec celle de la presque totalité des coqs répandus à foison aujourd’hui.

Le dos parfaitement horizontal ; les épaules larges ; la partie postérieure, formée par l’énorme épanouissement des plumes de l’abdomen ou cul-d’artichaut et les plumes des cuisses, extrêmement large ; la queue très-courte ; la jambe ou pilon courte et forte, presque entièrement cachée par les plumes des cuisses ; le canon de la patte très-gros et très-court, caché sous un épais matelas de plumes s’étendant jusque sur les doigts ; la tête et le cou proportionnellement petits : tels sont les principaux caractères de forme qui distinguent l’espèce.

La couleur du plumage n’est pas moins caractéristique. Chaque plume du camail (coq) doit être fortement marquée d’une tache noire allongée, dont la similaire se reproduit sur une partie du dos, des épaules et des lancettes (grav. 91).

Des plumes marquées d’un dessin gris analogue à celui de la cochinchine perdrix se retrouvent au côté du plastron, près des épaules, aux petites faucilles, à la partie postérieure des cuisses, et jusque sur les plumes des pattes ; les plumes du cul-d’artichaut et des flancs sont d’un gris mêlé de blanc ; le plastron est blanc, les plumes de recouvrement des ailes sont marquées de taches noires ; les moyennes et grandes faucilles sont de couleur vert bronzé, et le dessous de toute la robe doit être entièrement grisâtre, ce qui s’aperçoit à travers le plumage blanc, fin et transparent de ce bel animal.

La forme de la poule est celle de la plus belle cochinchine qu’on puisse imaginer ; plus elle est basse, large, ramassée, plus ses pattes sont fortes, courtes, emplumées et cachées sous les plumes des cuisses, et plus elle est parfaite.

Son plumage, encore plus caractéristique que celui du coq, a une grande analogie pour le dessin avec le plumage de la cochinchine perdrix, et j’ai vu et possédé des sujets dont la robe était complètement identique, la couleur exceptée, de façon qu’on eût pu raisonnablement nommer l’une cochinchine perdrix tannée, l’autre cochinchine perdrix grise. C’est à cette dernière que nous donnerons le nom de brahma perdrix ; mais la masse, celles où la robe jointe à la forme constitue la race, sont blanches au plastron, sur le dos et aux ailes ; le dessin ci-dessus mentionné ne se fait remarquer qu’aux côtés du plastron, aux épaules, au recouvrement de la queue, aux cuisses et aux pattes ; les plumes du vol et de la queue sont noires, et celles du camail sont tachées régulièrement de noir, comme chez le coq.
Grav. 91. — Plume du camail.

Le cul-d’artichaut est fortement mêlé de gris, et la même couleur perce encore plus que chez le coq à travers toute la partie blanche du plumage. — La crête doit être droite et simple, pour le coq comme pour la poule.

Il faut que, chez le coq, le camail, le dos, les épaules et les lancettes ne soient pas jaunâtres, comme il arrive souvent dans les sujets inférieurs ; c’est à peine si une teinte d’un jaune extrêmement fin peut être admise.

On a fait avec le cochinchine noir et le brahma une variété qu’on nomme brahma inverse. Le corps est entièrement noir, et le camail, semblable à celui du brahma ordinaire, se détache alors en clair sur le fond vigoureux du plumage.

Les amateurs se sont bravement mis en tête que le vrai brahma-pootra devait (poule et coq) avoir un plumage entièrement blanc, marqué de noir seulement au camail, au bout des ailes et à la queue.

On leur en a fait tant qu’ils en ont voulu avec le cochinchine blanc, le malais blanc, etc. Il en est venu des petits, des gros, des courts, des longs, à crête simple, à crête double, etc., etc.

Maintenant il en reste de l’ancien type, mais, hélas ! bien peu.

La plupart des coqs sont de la forme de ceux que l’on nomme, par dérision, lanciers.

La crête est ordinairement double (malais) ; le dos est à angle de 45 degrés au lieu d’être horizontal, le derrière est étriqué ; la jambe (pilon) est allongée, à plumes collantes, et se détache de l’ensemble des plumes de la cuisse ; la patte est longue et dégarnie de plumes.

Ces animaux, quelque gras et quelque pesants qu’ils soient, sont bons tout au plus à faire les délices d’une cantine, et la masse de leurs os à enrichir une fabrique de noir animal.

Cette espèce, qui, je le crois, n’est qu’une variété de la cochinchine ou changaï, est peut-être la meilleure des différentes variétés. Les pontes sont plus longues (40 à 60 œufs) ; la chair est bonne, et la poule surtout a la propriété d’acquérir un poids supérieur à celui des autres cochinchines. Les petits sont extrêmement rustiques, et dans des conditions de liberté convenables ; on peut dire que tout ce qui éclôt bien portant s’élève.

Quant au nom de Brahma-Pootra qu’on a fastueusement donné à cette espèce, nom d’un fleuve de l’Inde, il n’est pas plus raisonnable d’y croire que de croire, comme on l’a affirmé, qu’elle est originaire de l’Amérique, ce qui du reste ne ferait qu’embrouiller son origine ; mais qu’elle s’appelle Joseph ou Auguste, là n’est pas la question, elle est toute dans l’avantage qu’on peut tirer de son croisement avec le crève-cœur, le houdan, le caux, etc., croisement que je conseille vivement par le coq indigène et la poule exotique.