Le Nain noir/L’enlèvement

Traduction par Albert Montémont.
Ernest Sambrée (p. 127-137).

CHAPITRE XI

L’enlèvement.


Trois brigands me saisirent hier matin, pauvre fille abandonnée ; ils étouffèrent mes cris avec force et méchanceté, et me lièrent sur un blanc palefroi. Aussi sûrement que j’espère que le ciel aura pitié de moi, je ne saurais dire quels hommes c’étaient.
CHRISTABELLA.


La marche de notre histoire doit rétrograder un peu, afin de pouvoir détailler les circonstances qui avaient placé miss Vère dans la fâcheuse situation d’où elle avait été délivrée, sans qu’elle s’y attendît, et, dans le fait, sans qu’il y eût intention, par l’apparition d’Earnscliff et d’Elliot, avec leurs amis et leurs compagnons, devant la tour de Westburnflat.

La veille de la nuit pendant laquelle la maison de Hobbie avait été brûlée, miss Vère fut invitée par son père à l’accompagner dans une promenade qu’il se proposait de faire dans une partie éloignée des sites romantiques qui se trouvaient aux environs de son château d’Ellieslaw. « Entendre, c’était obéir », dans le vrai style du despotisme oriental. Mais Isabelle tremblait en silence, pendant qu’elle suivait son père à travers d’étroits sentiers, tantôt le long d’un ruisseau qui serpentait, tantôt grimpant les collines qui lui servaient de rives. Un seul domestique, choisi peut-être à cause de sa stupidité, les accompagnait. D’après le silence de son père, Isabelle ne douta point qu’il n’eût fait choix d’un lieu aussi éloigné et aussi solitaire pour reprendre la discussion qui avait si fréquemment eu lieu relativement à la demande en mariage de sir Frédéric, et qu’il ne méditât sur les moyens les plus propres à lui faire sentir la nécessité de l’admettre comme un prétendant. Mais pendant quelque temps ses craintes parurent être sans fondement. Les seules phrases que son père lui adressait de temps à autre avaient rapport aux beautés du paysage romantique qu’ils parcouraient, et dont les scènes variaient à chaque pas. À ces observations, quoiqu’elles parussent venir d’un cœur rempli de soins plus sombres et plus importants, Isabelle tâchait de répondre d’une manière libre et sans contrainte, autant qu’il lui était possible au milieu des craintes involontaires qui se présentaient en foule à son imagination.

Tout en soutenant avec une difficulté mutuelle une conversation qui n’avait pas de suite régulière, ils parvinrent enfin au centre d’un petit bois composé de gros chênes entremêlés de bouleaux, de frênes, de coudriers, de houx et d’une grande variété de bois taillis. Les branches des grands arbres s’entrelaçaient dans le haut, et leurs troncs garnissaient le terrain du taillis. L’endroit où se trouvaient Ellieslaw et sa fille était plus ouvert, et cependant couronné par une arcade naturelle de grands arbres et assombrie, à une certaine profondeur sur les côtés, par une quantité d’arbrisseaux et de buissons.

« C’est ici, Isabelle », dit M. Vère, en continuant la conversation si souvent reprise et si souvent suspendue, « c’est ici que je voudrais élever un autel à l’amitié.

— À l’amitié, monsieur[1] ! dit miss Vère, et pourquoi dans ce lieu sombre et écarté plutôt qu’ailleurs ?

— Oh ! il est facile de prouver que le local lui conviendrait », répliqua son père avec un ris moqueur. « Vous savez, miss Vère (car vous êtes, je le sais fort bien, une jeune femme savante), vous savez que les Romains ne se contentaient pas dans leur culte de personnifier chaque qualité utile, chaque vertu morale à laquelle ils pouvaient affecter un nom, mais qu’en outre ils adoraient la même vertu sous différents titres et attributs qui pouvaient lui donner une nuance distincte ou un caractère particulier. Eh bien ! par exemple, l’amitié a laquelle je voudrais dédier ici un temple n’est pas l’amitié des hommes, qui abhorre et dédaigne la duplicité, l’artifice et le déguisement mais l’amitié des femmes, qui ne consiste guère que dans une disposition mutuelle de la part des amies, comme elles s’appellent, à se soutenir les unes les autres dans leurs ruses cachées et dans leurs petites intrigues.

— Vous êtes sévère, monsieur.

— Je ne suis que juste, un humble copiste d’après nature, qui a l’avantage de contempler deux études excellentes, telles que Lucy Ilderson et vous.

— Si j’ai eu le malheur de vous offenser, monsieur, je peux en conscience justifier miss Ilderson. Elle n’a été ni ma conseillère ni ma confidente.

— Vraiment ? et d’où vous venait donc cette pétulance de langage, cette impertinence de raisonnement qui a tant déplu à sir Frédéric, et qui m’a tant offensé depuis quelque temps ?

— Si le ton que j’ai pris vous a déplu, monsieur, je ne saurais en éprouver un regret trop vif ni trop sincère ; mais il n’en serait pas de même pour avoir répondu avec vivacité à sir Frédéric, lorsqu’il me parlait d’une manière si grossière ; puisqu’il oubliait que j’étais une dame, je devais lui faire voir que j’étais au moins une femme.

— Réservez donc vos impertinentes réponses pour ceux qui vous presseront sur cet objet », dit froidement son père ; « quant à moi, j’en suis las et n’en reparlerai plus jamais.

— Que le ciel vous bénisse, mon cher père ! » dit Isabelle en lui prenant la main, qu’il cherchait à retirer ; « hors la tâche de souffrir les persécutions de cet homme, il n’est rien que vous puissiez me commander, et à quoi je ne me soumette sans la moindre répugnance.

— Vous êtes très-complaisante, miss Vère, lorsqu’il vous arrive de penser qu’il vous convient d’écouter votre devoir », dit son inflexible père en arrachant sa main de la tendre étreinte de sa fille ; « mais dorénavant, mon enfant, je m’épargnerai la peine de vous donner des conseils désagréables sur quelque sujet que ce soit ; c’est à vous à vous gouverner vous-même. »

En ce moment, quatre brigands foncèrent sur eux. M. Vère et son domestique tirèrent leurs couteaux de chasse, qu’on était dans l’usage de porter à cette époque, et essayèrent de se défendre et de protéger Isabelle ; mais, pendant que chacun d’eux était aux prises avec son antagoniste, elle fut entraînée dans l’épaisseur du bois par les deux autres bandits qui la placèrent sur un cheval et montèrent sur les leurs qui se trouvaient tout à portée derrière le taillis. Ils la placèrent au milieu d’eux, chacun tenant la bride du cheval qu’elle montait, et se mirent à galoper bon train, par des sentiers sombres et tortueux, à travers les vallons et les collines, la bruyère et les marécages, et la conduisirent à la tour de Westburnflat, où elle fut strictement surveillée, sans être autrement maltraitée, et confiée à la garde de la vieille femme dont le fils était propriétaire de la forteresse. Ni prières, ni supplications ne furent capables de tirer de la vieille sorcière le moindre renseignement sur le motif de son enlèvement forcé et de son emprisonnement dans un lieu aussi écarté.

L’arrivée d’Earnscliff et d’une troupe nombreuse de cavaliers devant la tour alarma le brigand. Comme il avait déjà donné des ordres pour que Grâce Armstrong fût rendue à ses parents, il ne lui vint pas dans l’esprit que ce fût elle qui occasionnât cette visite désagréable ; et voyant à la tête de la troupe Earnscliff, dont l’attachement pour miss Vère était un sujet de conversation dans le pays, il ne douta pas que sa délivrance ne fût l’unique objet de cette attaque contre la tour. La crainte des conséquences personnelles le força à rendre sa prisonnière, comme nous l’avons dit plus haut.

Au moment où le bruit des pas des chevaux qui emmenaient la fille d’Ellieslaw se fit entendre, son père tomba, et son domestique, jeune homme robuste, qui gagnait du terrain sur le brigand qu’il poursuivait, abandonna le combat pour venir au secours de son maître, ne doutant pas qu’il n’eût reçu une blessure mortelle. Les deux scélérats se désistèrent aussitôt de toute attaque ou défense ultérieure, et s’enfonçant dans le plus épais du bois, montèrent sur leurs chevaux et se mirent à galoper après leurs compagnons. Cependant Dixon eut la satisfaction de trouver que M. Vère, non-seulement était en vie, mais n’avait pas même été blessé. Il avait fait un trop grand effort, et avait heurté, disait-il, contre urne racine d’arbre, en voulant porter un coup trop violent à son antagoniste. Le désespoir qu’il manifesta à la disparition de sa fille fut tel que, suivant l’expression de Dixon, il aurait attendri le cœur d’une pierre ; et il fût tellement épuisé par ses sensations et les vaines recherches pour découvrir la trace des ravisseurs, qu’il s’écoula un temps considérable avant qu’il rentrât chez lui et qu’il donnât l’alarme à sa famille.

Toute sa conduite, tous ses mouvements étaient ceux d’un homme au désespoir.

« Ne me parlez donc pas, sir Frédéric », dit-il avec impatience ; « vous n’êtes pas père… c’était mon enfant… une fille ingrate peut-être, mais enfin ma fille, mon unique enfant. Où est miss Ilderson ? Elle doit savoir quelque chose de cette affaire. Ceci s’accorde avec les informations que j’ai de ses machinations. Allez, Dixon, priez M. Ratcliffe de venir à la minute… »

La personne qu’il venait de nommer entra en ce moment dans la chambre.

« Je vous répète », Dixon, continua M. Vère en changeant de ton, « de faire savoir à M. Ratcliffe que je le prie de me favoriser de sa compagnie pour une affaire toute particulière. Ah ! mon cher monsieur », ajouta-t-il comme s’il ne l’avait pas encore aperçu, « vous êtes justement la personne dont les conseils me sont le plus nécessaires dans l’extrémité où je me trouve.

— Que vous est-il donc arrivé, monsieur, pour vous troubler ainsi ? » dit M. Ratcliffe d’un ton grave ; et pendant que le laird d’Ellieslaw lui donne, avec toutes les marques de douleur et d’indignation, les détails de l’aventure de la matinée, nous profiterons de cette occasion pour faire connaître à nos lecteurs les rapports que ces deux personnages avaient entre eux.

Dès sa première jeunesse ; M. Vère d’Ellieslaw s’était fait remarquer par une vie dissipée, que, dans un âge plus avancé, il avait échangée contre une non moins destructive de profonde et turbulente ambition. Dans l’un et l’autre cas, il avait satisfait sa passion prédominante, sans avoir égard à la diminution de sa fortune particulière, bien que, dans les circonstances où il n’était pas mû par les mêmes motifs, il passait pour être serré, avare et peu scrupuleux sur les moyens de se procurer de l’argent. Ses affaires se trouvant très-embarrassées par suite de ses extravagances de jeunesse, il alla en Angleterre, où, suivant l’opinion générale, il fit un mariage avantageux. Il fut plusieurs années absent du domaine de sa famille. Tout à coup, et sans qu’on s’y attendît, il revint, veuf, amenant avec lui sa fille, alors âgée d’environ dix ans. Depuis ce moment, ses dépenses parurent excessives aux yeux des simples habitants des montagnes au milieu desquelles il était né, et l’on supposait généralement qu’il était fortement endetté. Néanmoins, il continua à vivre avec la même prodigalité jusqu’à l’époque qui précéda de quelques mois le commencement de notre histoire, époque à laquelle l’opinion publique sur le mauvais état de ses affaires fut confirmée par la résidence au château d’Ellieslaw de M. Ratcliffe, qui, du consentement tacite, quoique évidemment au grand désespoir du seigneur du manoir, parut, dès le moment de son arrivée, prendre et exercer une influence prédominante et inconcevable dans la conduite de ses affaires particulières.

Ce M. Ratcliffe était un homme grave, réfléchi et réservé, et déjà avancé en âge. Les personnes qui avaient occasion de lui parier d’affaires le trouvaient fort entendu dans tout ce qui y avait rapport. Il était peu communicatif, mais lorsqu’une occasion particulière se présentait, ou bien en conversation, il montrait un esprit actif et plein d’instruction. Pendant quelque temps, avant de fixer sa résidence au château, il y avait fait quelques visites, et dans ces occasions, M. Vère, contre son usage habituel envers ceux qui étaient d’un rang inférieur au sien, avait eu pour lui de grandes attentions et même de la déférence. Cependant son arrivée semblait toujours lui causer une sorte d’embarras, et son départ lui donner du soulagement ; et il ne fut pas difficile de remarquer le mécontentement qu’éprouva M. Vère lorsque Ratcliffe se fixa entièrement dans sa famille. Au fait il y avait dans leurs rapports un singulier mélange de confiance et de contrainte. Les affaires les plus importantes de M. Vère étaient réglées par M. Ratcliffe ; et quoiqu’il ne fût pas de ces riches indolents, qui, trop nonchalants pour s’occuper de leurs propres affaires, sont bien aises de s’en décharger sur un autre, cependant on le voyait dans plusieurs circonstances renoncer à son propre jugement pour se soumettre aux opinions contraires de M. Ratcliffe qui n’hésitait pas à les exprimer franchement.

M. Vère ne paraissait jamais plus mortifié que lorsque des étrangers faisaient quelque observation sur l’espèce de tutelle sous laquelle il paraissait vivre. Lorsque sir Frédéric ou quelque autre de ses amis lui en parlait, tantôt il repoussait la remarque avec hauteur et indignation, tantôt il évitait une explication directe, en disant, avec un sourire forcé : « Que M. Ratcliffe connaissait son importance, mais que personne au monde n’était plus honnête et plus habile, et qu’il lui serait impossible de conduire ses affaires avec l’Angleterre sans ses avis et son secours. »

Tel était le personnage qui entra dans l’appartement, au moment où M. Vère le faisait appeler auprès de lui, et qui entendit, avec une surprise évidemment mêlée d’incrédulité, le récit qui lui fut fait à la hâte de ce qui était arrivé à Isabelle.

« Maintenant, mes amis », dit M. Vère en s’adressant à sir Frédéric et aux autres personnes qui l’entouraient, et qui étaient toutes plus surprises les unes que les autres ; « vous voyez le père le plus malheureux de l’Écosse. Prêtez-moi votre secours, messieurs ; donnez-moi votre avis, monsieur Ratcliffe. Après un événement aussi malheureux, je suis incapable d’agir, ou de penser.

— Montons à cheval, prenons nos domestiques et parcourons la campagne, à la poursuite des brigands, dit sir Frédéric.

— N’y a-t-il personne que vous puissiez soupçonner », dit gravement Ratcliffe, « d’avoir eu quelque motif de commettre cet étrange attentat ? Nous ne vivons pas dans le siècle des romans, où l’on enlevait les dames uniquement pour leur beauté.

— Je crains, dit M. Vère, de ne pouvoir que trop bien expliquer cet étrange accident. Lisez cette lettre, que miss Lucy Ilderson a jugé à propos d’écrire de mon château d’Ellieslaw au jeune M. Earnscliff, que j’ai le droit héréditaire d’appeler mon ennemi. Vous voyez qu’elle lui écrit comme confidente d’une passion qu’il a eu l’effronterie de concevoir pour ma fille ; elle lui dit qu’elle plaide sa cause auprès de son amie avec la plus grande ardeur ; mais qu’il a dans la place un ami qui le sert d’une manière plus efficace. Remarquez surtout les passages marqués au crayon, monsieur Ratcliffe, dans lesquels cette fille intrigante conseille d’avoir recours à des mesures hardies, en l’assurant que son amour sera couronné de succès partout ailleurs que dans les limites de la baronnie d’Ellieslaw.

— Et vous concluez, monsieur Vère, dit Ratcliffe, d’après cette lettre romanesque d’une jeune fille très-romanesque elle-même, que le jeune Earnscliff a enlevé votre fille, et a commis un acte aussi criminel de violence, sans autre meilleur avis, sans autre assurance plus positive que l’avis qui lui a été donné par miss Lucy Ilderson ?

— Comment penser différemment ? dit Ellieslaw.

— Qui pouvez-vous accuser ? dit sir Frédéric ; ou quelle autre personne avait intérêt à commettre un tel crime ?

— Quand ce serait là le meilleur moyen d’établir quel est le coupable », dit M. Ratcliffe avec calme, « il serait facile d’indiquer des personnes dont le caractère a plus d’affinité avec de pareilles actions, et qui ont aussi des motifs suffisants pour les commettre. Supposons qu’il ait été jugé convenable de placer miss Vère dans quelque endroit où l’on pût exercer sur ses inclinations un degré de contrainte que l’on ne pouvait tenter sous le toit du château d’Ellieslaw… Que dit sir Frédéric Langley de cette supposition ?

— Je dis, répondit sir Frédéric, que si M. Vère trouve à propos d’endurer de la part de M. Ratcliffe des libertés qui sont tout à fait incompatibles avec sa position sociale, je ne souffrirai pas qu’une pareille licence de sourde insinuation, soit par un mot, soit par un regard, s’étende impunément jusqu’à moi.

— Et je dis, moi », reprit le jeune Mareschal de Mareschal-Wells, l’interrompant, et qui était également au château, « que vous êtes des fous, tous tant que vous êtes, de vous arrêter ici et de vous quereller, au lieu d’aller à la poursuite des brigands,

— J’ai déjà donné ordre aux domestiques d’aller en avant sur la route, où il est le plus probable que nous pourrons les atteindre, dit M. Vère ; si vous voulez m’accompagner, nous allons les suivre et les aider dans leurs recherches. »

Leurs efforts n’eurent aucun succès, probablement parce qu’Ellieslaw dirigea la poursuite du côté d’Earnscliff-Tower, supposant que le propriétaire était l’auteur de cet acte de violence, en sorte que l’on prit une route diamétralement opposée à celle que les brigands avaient réellement suivie. La troupe revint le soir harassée et découragée. Mais, dans l’intervalle, il était arrivé de nouveaux hôtes, et après que l’on eut raconté le malheur récemment arrivé au propriétaire, qu’on en eut témoigné de l’étonnement et qu’on l’eut bien déploré, on finit par l’oublier complètement pour s’occuper exclusivement de la discussion des importantes intrigues politiques, dont la crise et l’explosion étaient attendues d’un moment à l’autre.

Plusieurs de ceux qui prirent part à ce divan étaient catholiques et tous jacobites déclarés ; leurs espérances étaient alors plus vives que jamais, parce qu’on s’attendait chaque jour à une invasion de la part de la France en faveur du prétendant, et que l’Écosse, d’après l’état de dénûment de ses places fortes et de leurs garnisons, ainsi que d’après le mécontentement de ses habitants, était plus disposée à l’accueillir qu’à lui opposer de la résistance. Ratcliffe, qui ne cherchait pas à assister à leurs consultations sur ce sujet, et qui n’y était pas invité, s’était dans l’intervalle retiré dans son appartement. Miss Ilderson fut séquestrée de la société dans une sorte d’honorable captivité, « jusqu’à ce que, dit M. Vère, elle pût être conduite en sûreté chez son père » ; et une occasion favorable se présenta le lendemain.

Les domestiques ne pouvaient s’empêcher de trouver bien étonnant que les autres habitants du château eussent oublié en si peu de temps le malheur arrivé à miss Vère, et l’étrange manière dont les choses s’étaient passées. Ils ne savaient pas que ceux que son sort intéressait le plus connaissaient fort bien le motif de son enlèvement et le lieu de sa retraite, et que les autres, dans les moments d’inquiétude et de doute qui précèdent l’instant où une conspiration peut éclater, n’éprouvaient guère d’autres sentiments que ceux qui naissaient immédiatement de leurs propres machinations.





  1. En Angleterre on dit plus souvent monsieur que mon père. A. M.