Le Feu-Follet/Chapitre XIII

Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne (Œuvres, tome 21p. 171-185).


CHAPITRE XIII.


« si vous avez jamais vu des jours plus heureux ; si vous avez jamais entendu le son de la cloche funèbre ; si vous vous êtes jamais assis à la table d’un riche, si vous avez jamais essuyé une larme tombant de vos paupières, si vous savez ce que c’est qu’éprouver et inspirer la pitié, laissez-moi émouvoir votre sensibilité. »
Shakspeare.



Il faut maintenant que le temps avance, et que nous transportions le lecteur dans une autre partie de la même mer, mais non à une grande distance. Qu’il s’imagine donc se trouver à l’entrée d’une grande baie, ayant seize à dix-huit milles de diamètre presque dans tous les sens, quoique les rives en soient dentelées par des promontoires et des criques, et dont la profondeur excède peut-être un peu sa plus grande largeur. Il occupera alors précisément l’endroit où nous désirons offrir à ses yeux un des plus beaux panoramas de l’univers. À sa droite est une île rocailleuse et élevée, couverte d’un tuf noir dont la formation magnifique est égayée par des vignobles souriants, et qui rendent intéressantes des ruines qui rappellent des événements remontant aux temps des Césars. Un petit détroit de la Méditerranée sépare cette île d’un promontoire escarpé qui s’élève sur le continent voisin. Vient alors une suite de hauteurs et de vallées pittoresques, parsemées de villages et ornées de paysages, tantôt agréables, tantôt imposants, et d’habitations monacales appelées dans la langue du pays camaldoli, jusqu’à ce que la vue atteigne une petite ville située dans une plaine qui s’élève de cent ou deux cents pieds au-dessus du niveau de la mer sur une base de tuf, et dont les maisons s’étendent jusqu’aux pieds des monts sourcilleux qui en bornent l’étendue du côté de la mer. Cette plaine, avec les habitations et les scènes d’une vie animée qu’elle présente, ressemble à une ruche, et les coteaux qui la terminent sont couverts de chaumières et de tous les signes des travaux champêtres. Quittant cette agréable partie de la côte, et suivant toujours les contours de la baie, nous arrivons à une pointe sur laquelle les montagnes deviennent colossales et élèvent leurs sommets en pic à six ou sept mille pieds vers les nuages ; tandis que leurs flancs tantôt sont hérissés de ravins et de précipices, tantôt prennent un air pittoresque, grâce aux tours, aux hameaux et aux monastères qui les couvrent, et que des villes et des villages sont épars sur leurs bases ou plutôt les entourent. Ici, la chaîne quitte les bords de la baie, suit la côte vers le sud ou s’étend dans l’intérieur du pays, et le rivage s’arrondissant au nord-ouest laisse entrevoir sur l’arrière-plan une large plaine, avant que l’œil arrive à une haute montagne isolée, de forme conique, qui, à proprement parler, commence la dentelure de la côte. L’œil de l’homme n’a jamais vu une réunion plus nombreuse de cités, de maisons, de villages et de vignobles, que celle que présentent les larges flancs de cette montagne solitaire, au delà de laquelle on obtient une vue plus étendue de la riche plaine qui semble cachée par derrière, et qui est terminée par la chaîne gigantesque des monts Apennins, comme par un mur lointain et mystérieux. Revenant vers le rivage, qui commence alors à incliner davantage à l’ouest, nous arrivons à une autre hauteur en tuf, qui à toute la fertilité caractéristique de cette formation particulière, ou une vaste cité, contenant près d’un demi-million d’âmes, est située, en proportion presque égale, sur les limites de la plaine et le long du bord de l’eau, ou sur les flancs de la montagne, les couvrant jusqu’à sa cime. À partir de ce point, la côte septentrionale de la baie est une masse confuse de villages, de villas, de palais, de ruines et de vignobles, jusqu’à ce que nous arrivions à son extrémité, qui est un promontoire peu élevé, comme son voisin du côté opposé. Une petite île vient ensuite, espèce de sentinelle placée par la nature ; après quoi la côte incline au nord, et forme une plus petite baie, riche jusqu’à satiété des restes du passé, et qui se termine à quelques milles plus loin par une pointe, formant une hauteur d’un sable rougeâtre, qui pourrait presque prétendre au nom de montagne. Après cela, nous voyons à l’ouest deux autres îles, dont l’une est plate, fertile et plus peuplée, dit-on, qu’aucune autre partie de l’Europe de même étendue, et l’autre est une glorieuse agglomération de montagnes à pic, de villes populeuses, de fertiles vallées, de châteaux, de maisons de campagne, et de matières volcaniques sorties du sein de volcans éteints depuis des siècles, le tout s’offrant aux yeux dans une confusion qui n’est ni sans grandeur ni sans beauté. Si le lecteur veut ajouter à cette description un rivage sur lequel il se trouve à peine une toise qui n’offre quelque souvenir intéressant des siècles passés, et, depuis les temps les plus reculés dont parle l’histoire jusqu’au moment actuel, — donner de la vie à la vue de la mer par une flotte de petits bâtiments à voiles latines, rendue de temps en temps plus pittoresque par l’apparition d’un grand bâtiment, — parsemer la baie d’une foule innombrable de bateaux pêcheurs, — et regarder une guirlande de fumée s’élever du haut de la montagne en cône qui est à l’entrée de la baie, — il se fera une idée de tout ce qui frappe les yeux de l’étranger qui arrive à Naples par mer.

Le zéphyr soufflait encore, et la flotte de speronares, ou felouques sans pont, qui, dans cette saison, va tous les matins de la côte méridionale de la baie à Naples, passait sous le Vésuve, les uns allant aussi loin que Massa, les autres ayant le cap tourné vers Sorente, ou Vico, ou Persano, et plusieurs marchant vent arrière vers Castellamare ou ses environs. La brise commençait à fraîchir au point que tous les pêcheurs songeaient à retourner à terre, et rompaient leur ligne, qui, en certains endroits, s’étendait presque à une lieue, quoiqu’ils ne fussent pas éloignés les uns des autres à plus de distance qu’il n’en fallait pour qu’ils pussent se parler. L’entrée de la baie était couverte de petits bâtiments marchant de différents côtés, tandis qu’un grand nombre de bâtiments anglais, russes, napolitains et turcs, vaisseaux à deux-ponts, frégates et corvettes, étaient à l’ancre en face de la ville. À bord d’un des plus grands vaisseaux, on voyait flotter le pavillon de contre-amiral, hissé au mât d’artimon, symbole du rang de son commandant. Une corvette seule étant à la voile. Elle avait quitté son mouillage une heure auparavant, et avec bonnettes à tribord, elle traversait diagonalement cette baie magnifique, paraissant se diriger vers le passage entre Capri et la pointe de Campanella pour aller en Sicile. Elle aurait aisément pu doubler l’île ; mais son commandant, homme qui aimait ses aises, voulant, dès le départ, avoir une bonne navigation, avait pensé qu’en serrant la côte il pourrait profiter de la brise de terre pendant la nuit ; et il se fiait au zéphyr qui soufflait alors pour traverser le golfe de Salerne. Une frégate s’était aussi détachée de la flotte sous ses voiles d’étai, dès que le vent d’ouest s’était fait sentir ; mais elle avait mouillé ; se tenait à pic sur son ancre, et semblait attendre quelques préparatifs ou des ordres pour partir, son commandant étant en ce moment à bord du contre-amiral. Cette frégate était la Proserpine, de 36 canons, capitaine Cuff ; bâtiment et officier qui sont déjà de la connaissance du lecteur. Environ une heure auparavant, le capitaine Cuff avait été appelé par un signal à bord du Foudroyant, et il y avait trouvé un homme de petite taille, ayant le teint jaunâtre et les membres grêles, et ayant perdu le bras droit, qui se promenait dans la chambre du conseil, et l’attendait avec impatience.

— Eh bien ! Cuff, dit ce personnage dont les traits n’avaient rien de prévenant, en secouant le moignon du bras qu’il avait perdu, je vois que vous avez quitté le troupeau. Êtes-vous tous prêts à mettre à la voile ?

— Nous avons près du rivage, Milord, un canot qui attend les dépêches. Dès que nous les aurons reçues, nous lèverons notre ancre qui est seulement pic.

— Fort bien. J’ai envoyé le Ringdove au sud avec les mêmes instructions, et je vois qu’il est déjà en route, et à une demi-lieue du mouillage. Ce M. Griffin paraît un jeune homme de mérite. Je suis content du rapport qu’il a fait sur la manière dont il a conduit son brûlot, quoique ce coquin de Français ait réussi à lui échapper. Après tout ce Rowl I… I… Comment prononcez-vous le nom de ce drôle, Cuff ? je ne puis jamais venir à bout de ce jargon.

— Pour vous dire la vérité, sir Horatio ; pardon, Milord, je veux dire, il y a en moi un je ne sais quoi si essentiellement anglais, que je n’aurais jamais pu apprendre le français, même si j’étais né à Paris et que j’y eusse été élevé. Il y a trop de saxon dans mon gosier pour que je puisse avaler des mots qui, la moitié du temps, ne signifient rien.

— Je ne vous en aime que mieux, Cuff, répondit l’amiral en souriant, sourire qui donna presque un air de beauté à des traits qui étaient plutôt laids quand ils étaient impassibles ; singularité qui n’est pas très-rare quand une forte volonté donne de l’expression à la physionomie, et qu’au fond le cœur est réellement bon.

— Un Anglais n’a que faire de rien de ce qui est français. — Ce jeune M. Griffin paraît avoir de l’ardeur, et je regarde toujours comme un bon signe qu’un jeune homme demande à être chargé d’une mission aussi dangereuse que celle de conduire un brûlot. — Il m’a dit qu’il n’est que votre second lieutenant. Où était le premier pendant ce temps ?

— Il avait été blessé à la jambe le matin, dans l’affaire des canots, Milord, et par conséquent je ne pouvais le charger de cette entreprise. Il se nomme Winchester, et je crois que vous devez vous le rappeler, car il était troisième lieutenant du capitaine Miller dans le combat du cap Saint-Vincent. Miller en avait une fort bonne opinion, et quand je passai du commandement de l’Arrow à celui de la Proserpine, il me le donna pour second lieutenant. La mort de mon premier, le pauvre Druy, le fit naturellement nommer à sa place.

— Oui, oui, j’en ai quelque souvenir, Cuff. Ce fut une journée brillante, et rien de ce qui s’y passa ne peut s’effacer de mon esprit. — Et vous me dites que M. Griffin accrocha avec un grappin le câble du lougre ?

— Oui, Milord, il n’y a pas le moindre doute. J’ai vu de mes propres yeux, à l’aide d’une longue vue de nuit, les deux bâtiments accrochés l’un à l’autre, et paraissant également en feu. — Je l’ai vu aussi clairement que j’ai vu des flammes sortir du cratère du Vésuve par une nuit obscure.

— Et cependant ce Fiou-Folly a échappé à ce péril. — Le pauvre Griffin a couru un grand risque sans beaucoup de profit.

— Oui, sans doute, Milord.

Nelson, qui se promenait dans la chambre tandis que Cuff restait debout, le respect l’ayant empêché de s’asseoir, quoique l’amiral l’y eût invité par un geste, s’arrêta tout à coup, et le regarda fixement en face. L’expression de sa physionomie était alors douce et sérieuse, et le moment de silence qui précéda ses paroles leur donna plus de poids et de solennité.

— Un jour viendra, Cuff, où ce jeune homme s’applaudira d’avoir échoué dans sa tentative contre ces vauriens, tout Français qu’ils sont. Oui, il s’en réjouira du fond du cœur.

— Milord !

— Je sens que ce discours peut vous paraître étrange, Cuff ; mais personne n’en dort mieux pour avoir brûlé ou fait sauter en l’air une centaine de ses semblables, comme autant de veuves sur la côte de Malabar dans un suttee[1]. Mais nous n’en devons pas moins des éloges à ceux qui ont fait ce qui était certainement leur devoir.

— Faut-il en conclure, Milord, que la Proserpine ne doit pas détruire le Fiou-Folly à tous risques, si elle a le bonheur de le rencontrer encore ?

— Non certainement, Monsieur, non. Nous avons ordre de brûler, couler à fond et détruire. Telle est la politique de l’Angleterre dans cette guerre à mort, et nous devons nous y conformer. Vous savez aussi bien que moi pourquoi nous nous battons, et ce n’est point une guerre qu’on puisse faire avec politesse ; cependant on n’aime point à voir une cause glorieuse et sacrée ternie par la barbarie. Le sort des hommes qui périssent dans un combat loyal et à armes égales mérite d’être envié plutôt que d’être plaint, puisqu’ils ne font que payer leur dette à la nature un peu plus tôt qu’ils ne l’auraient fait sans cela ; mais il y a quelque chose de révoltant à brûler nos semblables comme on brûlerait des haillons après une peste. Mais il faut, à tout prix, arrêter les déprédations de ce lougre. Il ne faut pas que le commerce anglais soit inquiété et que le pouvoir de l’Angleterre soit bravé d’une manière aussi audacieuse, avec impunité. Il faut faire tous les sacrifices nécessaires, Cuff, pour arrêter dans leur carrière ces tigres français.

— Je sais cela, Milord, et je n’aime pas un républicain plus que vous ne l’aimez, vous ou Sa Majesté, qui, je suppose, n’a pas plus de goût pour cet animal que la chair et le sang ne peuvent en donner.

— Je connais vos sentiments, Cuff ; je n’en doute nullement, et je ne vous en estime que plus. — Dans des temps comme ceux-ci, haïr les Français doit faire partie de la religion des Anglais. Après la paix de 1783, je traversai la Manche dans le dessein d’apprendre leur langue ; mais il y avait si peu de sympathie entre leur jargon et moi, que je ne fus jamais en état d’en écrire une ligne, ni même de demander intelligiblement les choses nécessaires à la vie.

— Si vous avez jamais pu demander la moindre chose, vous avez surpassé tous mes efforts, car je n’ai jamais pu distinguer la poupe de la proue dans leur baragoin.

— C’est un jargon infernal, Cuff, et leurs académies, leur fausse philosophie et leur manque de religion en ont fait une telle masse de confusion, qu’ils finiront bientôt par n’y rien comprendre eux-mêmes. Quelle sorte de noms ils donnent à leurs bâtiments depuis qu’il ont décapité leur roi et renoncé à leur Dieu ? Qui aurait jamais songé, par exemple, à baptiser un lougre sous le nom de Fiou-Folly ? — Je crois que j’en prononce le nom correctement.

— Parfaitement C’est ainsi que le prononce Griffin ; seulement il donne à la dernière syllabe un son un peu plus ouvert, et il prononce folly comme si c’était follay. Mais c’est la même chose, folly est toujours folly, qu’on le prononce comme on le voudra ; mais Griffin parle si souvent français et italien, que son anglais s’en ressent un peu. Son père était consul, et il a arrimé dans le cerveau de son fils une demi-douzaine de langues étrangères.

Pendant qu’il parlait ainsi, Nelson continuait à se promener en souriant, moitié avec amertume, moitié avec une sorte d’ironie qui le portait à être content de lui-même.

— Vous rappelez-vous, Cuff, dit-il après avoir fait un tour ou deux en silence, le nom du vaisseau avec lequel nous eûmes une vive escarmouche à la hauteur de Toulon, sur le vieil Agamemnon, ce vaisseau de 84 que nous démâtâmes, et que la frégate prit à la remorque, après l’avoir poivré de manière à donner quelque goût à leur soupe française ? — Savez-vous quel était son nom en bon et honnête anglais ?

— Non Milord ; je me souviens seulement que les Français l’appelaient Za-ira. Et j’ai toujours supposé que c’était le nom d’un Grec ou d’un Romain, ou de quelqu’un de leurs nouveaux saints républicains.

— Eux ! du diable ! ils ne font pas de nouveaux saints puisqu’ils ont cassé les anciens. Il y a du moins quelque chose de respectable dans les noms des bâtiments d’une escadre espagnole, et l’on sent que c’est à des gentlemen qu’on apprend à vivre quand on a affaire à eux. Non, Cuff, le vaisseau dont je parle se nommait en français le That will do[2]. Je m’imagine qu’ils ont pensé plus d’une fois à leur nom, tandis qu’ils avaient sur leur hanche le vieux Grec, brisant les fenêtres de leurs chambres. Et nous, si nous l’avions pris et qu’on l’eût équipé pour le service de l’Angleterre, le beau nom, n’est-ce pas, à lui donner, le Thal will do, de 84, capitaine Cuff !

— J’aurais certainement présenté une pétition aux lords commissaires de l’amirauté pour qu’on en changeât le nom.

— Et vous auriez bien fait. Autant vaudrait faire voile sur un bâtiment de guerre nommé l’Enough[3]. Et le trois-ponts qui l’aida à se tirer d’embarras c’était le Sans-Culottes, comme les Français l’appelaient. Savez-vous ce que signifie ces mots en anglais ?

— Non, Milord. S’il faut avouer la vérité, je ne suis pas un savant, et je suis tout à fait sans ambition à cet égard. Je suppose que sans est le mot français qui signifie saint ; mais qui était culottes, c’est ce dont je n’ai pas la moindre idée.

Nelson sourit, et la tournure que prenait la conversation parut lui donner une satisfaction secrète. Si l’on eût su la vérité, on aurait vu que quelque chose lui pesait sur l’esprit, et que, par une forte impulsion, ses sentiments le disposaient à passer d’un extrême à l’autre, comme cela arrive souvent aux hommes qui se laissent dominer ainsi, surtout quand leurs dispositions sont généralement bonnes.

— Vous vous trompez pour cette fois, mon cher Cuff ; sans culottes signifie en anglais without breeches. Appeler un vaisseau à trois ponts le Without-Breeches ! Je ne vois pas comment un capitaine respectable peut mentionner un pareil nom dans ses dépêches sans un sentiment de honte qui doit faire chavirer toute sa philosophie. La ligne était formée par le vaisseau le That will do, marchant en tête, et ayant pour matelot d’arrière le Whithout-Breeches ! — Qu’en dites-vous, capitaine Cuff ? Du diable si je voudrais servir dans une marine dont les vaisseaux porteraient de pareils noms. C’est mille fois pire que tous ces saints dont les Espagnols chamarrent leurs vaisseaux, comme une longue ligne de canots remorquant un bâtiment à son mouillage.

La conversation fut interrompue en ce moment par un midshipman, qui vint annoncer qu’un homme et une femme venant de terre désiraient lui parler pour une affaire pressante.

— Faites-les entrer, Monsieur, répondit Nelson. — Je mène ici une vie dure, Cuff ; car il n’y a pas à Naples une blanchisseuse ou un marchand qui ne me traite exactement comme si j’étais un podestat, chargé de prononcer sur toutes les querelles pour du linge perdu ou des objets vendus à crédit. Il faudra que Sa Majesté nomme un lord premier juge sur chaque escadre pour rendre la justice en tout ce qui concerne les midshipmen, ou pas un officier ne voudra bientôt hisser un pavillon à son service.

— Sûrement, Milord, les capitaines peuvent décharger vos épaules de ce fardeau.

— Il y en a qui le peuvent et qui le font ; mais il y en a aussi qui ne le peuvent plus, et d’autres qui ne veulent pas le faire. Mais je suppose que voici les plaignants ; vous entendrez la plainte, Cuff, et vous agirez comme second juge.

La porte s’ouvrit en ce moment, et les deux personnes qu’on attendait entrèrent dans la chambre. C’étaient un homme de cinquante ans au moins, et une fille d’environ dix-neuf. L’extérieur du premier n’avait rien de remarquable, et il avait l’air soucieux et les yeux baissés ; mais la jeune fille avait toute l’expression, la grâce et la beauté qui caractérisaient la physionomie et la tournure de Ghita Caraccioli, car c’étaient elle et Carlo Giuntotardi, son oncle, qui venaient d’entrer. Nelson fut frappé de l’air aimable et modeste de Ghita, et quoiqu’il continuât à rester debout, ainsi que le capitaine Cuff, il l’invita poliment à s’asseoir. Quelques efforts qu’il fit pour se faire comprendre le convainquirent bientôt qu’il lui fallait un interprète, puisque ni l’oncle ni la nièce ne parlaient anglais, et il savait trop peu d’italien pour pouvoir entretenir une conversation suivie. Il hésita un instant, et s’approcha de la porte de la chambre de l’arrière, dans laquelle Cuff avait entendu de temps en temps des voix, dont l’une était évidemment celle d’une femme. Il s’appuya contre la cloison, eut l’air de réfléchir encore, et fit enfin connaître ses désirs ainsi qu’il suit :

— Il faut que je vous demande un service que je ne songerais pas à vous demander dans un cas ordinaire, dit-il avec un accent de douceur qui prouvait qu’il s’adressait à une personne qui exerçait sur lui une influence habituelle. J’ai besoin d’un interprète entre moi et une femme qui est la seconde en beauté parmi toutes celles qui sont actuellement dans le royaume de Naples, et personne ne convient mieux à cet emploi que celle qui est la première.

— De tout mon cœur, mon cher Nelson, répondit de l’intérieur une voix de femme belle et sonore. Sir William est tout occupé de ses antiquités, et je commençais réellement à m’ennuyer faute d’occupation. Je suppose que vous avez à redresser, en votre qualité de lord grand chancelier de l’escadre, les griefs de quelque dame à qui l’on a fait injure ?

— Je ne sais pas encore quelle est la nature de sa plainte ; mais ce sera probablement quelque chose de semblable à ce que vous supposez. Dans tous les cas, elle ne peut trouver une meilleure intercession que celle d’une femme qui est si supérieure aux faiblesses et à la fragilité de son sexe.

La dame qui entra alors dans la chambre du conseil n’offrait pas dans son extérieur ce qui aurait justifié le dernier éloge que l’amiral anglais venait d’en faire. Quoique d’une beauté remarquable, il y avait dans l’expression de sa physionomie quelque chose qui sentait l’art et l’apprêt, et qui ne devenait que plus frappant par le contraste qu’offrait l’air pur et ingénu qui brillait dans tous les traits de Ghita. L’une aurait pu passer pour une image parfaite de Circé ; l’autre aurait fourni un excellent modèle pour une vestale, si une de ces anciennes prêtresse avait pu offrir dans ses traits l’impression morale des vérités sublimes qui sont annoncées par les véritables oracles de Dieu. La belle dame était une femme dont les charmes avaient atteint leur midi, et appelaient à leur aide toutes les ressources de la toilette et d’un goût qui, s’il n’était pas épuré, était du moins piquant et recherché ; la jeune fille, au contraire, n’avait que le simple corset napolitain de couleur sombre, et sa tête n’avait d’autre ornement que les tresses de ses beaux cheveux : costume qui faisait pourtant valoir sa taille sans défaut et sa physionomie séduisante, mieux que n’aurait pu le faire le talent des couturières les plus renommées.

La dame montra un peu de surprise et peut-être une ombre d’inquiétude au premier regard qu’elle jeta sur Ghita ; mais, trop bonne actrice pour se déconcerter facilement, elle sourit et reprit de suite toute son assurance.

— Est-ce là, Nelson, la personne en question ? demanda-t-elle avec l’expression de cette sensibilité naturelle à son sexe. Et ce pauvre vieillard, c’est sans doute un père dont le cœur est brisé ?

— Souvenez-vous que je ne connais pas encore le motif de leur arrivée, et par conséquent je ne puis rien vous garantir.

— Capitaine Cuff, dit la dame, j’espère que je vous vois bien portant. Sir William se joint à l’amiral pour vous prier de prendre votre part aujourd’hui d’un dîner de famille.

— Et que dit la maîtresse, non de la maison, mais du vaisseau ? demanda Nelson, dont les yeux n’avaient pas cessé un instant d’être fixés sur la sirène depuis qu’elle était entrée.

— Elle dit — sans accepter le titre que vous lui donnez, quelque honorable qu’il soit, — qu’elle se réunit aux autres pour inviter le capitaine Cuff à nous accorder le plaisir de sa compagnie. — Nelson m’a appris, capitaine, que vous êtes un de ses vieux Agamemnons, comme il vous appelle tous, jeunes et vieux, grands et petits, vous autres qui avez servi avec lui à bord de ce bâtiment, et j’aime jusqu’au son de ce nom. Quel glorieux titre pour un vaisseau ! — Agamemnon ! — un Grec, commandé par un cœur véritablement anglais !

— Oui, ce nom vaut un peu mieux que celui de That will do et que l’autre, hein, Cuff ? dit Nelson, souriant en regardant le capitaine. — Mais, pendant tout ce temps, nous ne savons pas encore ce que désirent de nous cet Italien, dont l’air est si honnête, et sa compagne, dont la figure est si ingénue.

— Dans cette affaire, Messieurs, dit la dame, je ne dois être regardée que comme un écho qui répète les mots qu’il a entendus, mais un écho irlandais qui répète dans une langue ce qu’il a entendu dans une autre. Faites vos questions, Milord, je les traduirai fidèlement ; et je vous rendrai les réponses avec la même exactitude. J’espère seulement que le capitaine Cuff sortira de cette affaire aussi innocent qu’il en a l’air en ce moment.

L’amiral sourit, mais cette plaisanterie ne troubla pas la tranquillité de celui qui en était l’objet ; car, cinq minutes auparavant, il ignorait l’existence des deux étrangers qui étaient en sa présence. La hardiesse des allusions de la dame se ressentait des libertés qu’on se permet à bord d’un bâtiment, et des habitudes de la partie du monde où cette scène se passait.

— Nous nous informerons d’abord du nom de ce digne homme, si vous voulez bien le lui demander, dit Nelson à sa belle amie.

— Carlo Giuntotardi, noble dame, autrefois pauvre savant à Naples, et maintenant gardien des tours du prince sur les hauteurs d’Argentaro, répondit avec respect l’oncle de Ghita, qui, de même que sa nièce, avait refusé de s’asseoir, de sorte que tout le monde était debout.

— C’est un fort bon nom, Signor, et vous n’avez pas à en rougir. — Et le vôtre, Signora ?

— Ghita Caraccioli, Votre Excellence, fille de la sœur de cet honnête gardien des tours du prince.

Si une bombe avait éclaté sur le pont du Foudroyant, Nelson n’aurait certainement pas si vivement tressailli ; et les beaux traits de la dame prirent un air de ressentiment profond, qui n’était pas sans mélange de crainte. Cuff lui-même reconnut le nom Caraccioli, et il fit un pas en avant, ses traits brunis annonçant la curiosité et l’intérêt. Toutes les émotions se calmèrent bientôt. La dame fut la première à reprendre son empire sur elle-même ; mais Nelson fit cinq ou six fois le tour de la chambre, agitant le moignon de son bras droit, avant même de lever les yeux.

— J’allais demander si nous ne verrons jamais la fin de ces importunités, dit la dame en anglais, mais il doit y avoir ici quelque méprise. La maison de Caraccioli est une des plus illustres de toute l’Italie, et il peut à peine exister quelqu’un de cette classe qui prenne intérêt à celui auquel nous pensons. Je ferai donc quelques questions sur cette affaire. — Signorina, ajouta-t-elle en italien, et d’un ton sévère, comme si elle eût douté de ce qu’elle venait d’entendre, Caraccioli est un nom noble, et il n’est pas souvent porté par la fille du gardien des tours d’aucun prince.

Ghita trembla et parut interdite ; mais elle était soutenue par un principe trop élevé, et était trop innocente elle-même, pour être longtemps intimidée en présence du crime, et quoique la teinte vermeille de ses joues, semblable à celle qui, dans la soirée, pare si souvent le ciel de son pays, les eût abandonnées, elle leva les yeux sur le visage contracté de la dame, et lui répondit :

— Je sais ce que veut dire votre Excellence, et j’en sens la justice ; mais il est cruel pour une fille de ne pas porter le nom de son père. Le mien se nommait Caraccioli, et il m’a laissé son nom pour tout héritage. Quels peuvent avoir été ses droits à le porter, c’est à mon oncle à le dire.

— Parlez donc, signor Giuntotardi, donnez-nous d’abord l’historique de ce nom, et dites-nous ensuite ce qui vous amène ici.

— Noble dame, ma sœur, femme aussi pieuse et aussi vertueuse qu’on en vit jamais en Italie, et qui est maintenant une bienheureuse dans le ciel, épousa don Francesco Caraccioli, fils du don Francesco de cette illustre famille qui vient d’être condamne à mort pour avoir conduit la flotte contre le roi ; et Ghita que voici est le seul fruit de ce mariage. Il est vrai que l’église n’avait pas sanctionné la liaison qui donna le jour au père de ma nièce ; mais le noble amiral n’hésita pas un instant à le reconnaître pour son fils ; il lui donna son nom, et il le protégea jusqu’à l’instant où l’amour le porta à épouser la sœur d’un pauvre savant. Alors le fils encourut la disgrâce de son père. Mais la mort mit bientôt le mari et la femme à l’abri de son déplaisir. Telle est notre histoire, illustre signora : elle est bien simple, et voilà pourquoi ma pauvre nièce porte un aussi grand nom que celui de Caraccioli.

— Vous prétendez nous dire, signer Giuntotardi, que votre nièce est une petite-fille de don Francesco Caraccioli, par un fils naturel de cet infortuné amiral ?

— Tel est le fait, Signora ; et sa mère ayant été mariée en face de l’église, je ne pouvais moins faire que de laisser à sa fille le nom qu’il avait été permis à son père de porter avant elle.

— De pareilles choses ne sont pas rares et n’exigent pas d’apologie. — Encore une question avant que j’explique à l’amiral anglais ce que vous venez de me dire. — Le prince Caraccioli connaît-il l’existence de sa petite-fille ?

— J’en doute fort, Signora. Son père et sa mère moururent si peu de temps après sa naissance, — j’aimais tant cette pauvre orpheline — il y avait si peu d’espoir qu’un homme si illustre voulût reconnaître une alliance contractée par son fils avec une famille aussi humble que la nôtre, que je n’ai jamais été plus loin pour faire reconnaître ma nièce, que de lui laisser porter le nom de son père.

Ces paroles parurent soulager la dame, et elle expliqua brièvement à Nelson tout ce qui venait d’être dit.

— Il peut se faire, dit-elle, qu’ils soient ici pour le même objet dont nous avons déjà tant entendu parler, et si inutilement. Je ne le crois pourtant pas, car quel intérêt peuvent-ils prendre à un homme qui leur est entièrement inconnu ? Néanmoins quelque folle idée ayant rapport à cette affaire peut les avoir amenés ici. — Que désirez-vous, Ghita ? — Voici don Horatio Nelsoni, l’illustre amiral anglais dont vous avez tant entendu parler.

— Je le sais, Votre Excellence. — Mon bon oncle vous a dit qui nous sommes, et vous pouvez facilement deviner le motif qui nous fait venir ici. Nous ne sommes arrivés que ce matin de Santa-Agata de l’autre côté de la baie, et nous avons appris d’un de nos parents dans cette ville que don Francesco venait d’être arrêté à l’instant. Depuis ce temps, on nous avait qu’il avait été condamné à mort pour crime de trahison contre le roi, par des officiers qui se sont assemblés sur ce vaisseau même, et quelques personnes, Signora, vont jusqu’à dire qu’il doit être exécuté avant que le soleil se couche.

— Quand cela serait, quel intérêt pouvez-vous y prendre ? vous ne le connaissez pas.

— Il est le père de mon père, Votre Excellence ; et quoique je ne l’aie jamais vu, je sais que le même sang coule dans nos veines, et par conséquent les mêmes sentiments d’affection doivent exister dans nos cœurs.

— Tout cela est fort bien, Ghita, du moins en apparence ; mais vous ne pouvez avoir beaucoup d’affection pour un homme que vous n’avez jamais vu, et qui ne vous connaît même pas comme sa petite-fille. Vous êtes bien jeune, et d’un sexe auquel la circonspection est nécessaire. Les hommes mêmes agissent quelquefois peu sagement en se mêlant de politique dans ce temps de troubles.

— Signora, c’est la nature, le devoir et la piété filiale qui m’ont amenée ici, et non la politique.

— Qu’avez-vous donc à nous dire ? s’écria la dame avec impatience ; songez que vous êtes devant un homme dont tous les moments sont précieux, et de grande importance pour des nations entières.

— Je le crois, Excellence, et je tâcherai de m’exprimer en peu de mots. Je viens demander à cet illustre étranger le vie de mon aïeul. On m’a assuré que le roi ne lui refuserait rien, et qu’il n’a qu’à la demander à don Ferdinando pour l’obtenir.

Bien des gens auraient pu préférer, au premier coup d’œil, les charmes de la dame arrivés à toute leur maturité à la beauté virginale de la jeune fille ; mais quiconque les aurait vues toutes deux en ce moment n’aurait pu conserver cette opinion. Tandis que le visage de Ghita brillait du saint espoir et de la pieuse ardeur qui l’animaient, une sombre expression se fixait sur la physionomie de la beauté anglaise, et la privait d’un de ses plus grands attraits, en faisant disparaître l’air de douceur et de bonté naturel à son sexe. S’il n’y avait pas eu de témoins de ce qui se passait, il est probable que Ghita aurait été durement congédiée ; mais la politique était un des principaux éléments du caractère de cette femme, et elle sut dissimuler pour arriver à son but.

— L’amiral n’est, pas napolitain, répondit-elle ; il est anglais, et il n’a pas le droit d’arrêter le cours de la justice de votre roi. Il croirait même agir contre les convenances en intervenant dans l’exécution des lois de votre pays.

— Il n’est jamais contre les convenances, Signora, d’intervenir pour sauver la vie d’un de ses semblables. Bien plus, c’est un acte méritoire aux yeux de Dieu.

— Qu’en pouvez-vous savoir ? La pensée que vous avez dans vos veines le sang des Caraccioli vous a fait oublier votre sexe et votre condition, et vous a mis dans la tête des idées romanesques de devoir.

— Vous vous trompez, Signora. Depuis dix-huit ans, je sais que le malheureux amiral Caraccioli est mon aïeul ; mais, comme il n’a jamais témoigné le désir de me voir, je n’ai jamais éprouvé celui de me présenter à ses yeux. Avant ce matin, l’idée que le sang des Caraccioli coule dans mes veines ne s’était jamais présentée à mon esprit, à moins que ce ne fût pour déplorer la faute de ma grand-mère, et elle ne s’y présente en ce moment que pour me faire déplorer aussi le cruel destin de celui qui a été le complice de cette faute.

— Tu es bien hardie, jeune fille, de parler ainsi de tes nobles et illustres parents !

La dame prononça ces mots d’un air encore plus sombre et les sourcils froncés. Peut-être y avait-il dans sa vie passée des incidents qui rendaient le langage d’une morale sévère offensant pour ses oreilles et pénible à son souvenir.

— Ce n’est pas moi, Excellence, c’est Dieu qui parle ainsi. Les fautes de mon aïeul sont une raison de plus pour que cet illustre amiral emploie son influence pour lui éviter une mort si précipitée. La mort est terrible pour tout le monde, excepté pour ceux qui ont une pleine confiance en la médiation du fils de Dieu ; mais elle le devient doublement quand elle arrive tout à coup et sans être attendue. Il est vrai que don Francesco n’est plus jeune ; mais n’avez-vous pas remarqué, Signora, que ce sont les gens âgés dont la conscience s’endurcit, et qui vivent comme s’ils ne devaient jamais mourir ? — Je parle de ceux qui ont laissé leur jeunesse s’écouler comme si les plaisirs de la vie ne devaient jamais avoir de fin.

— Vous êtes trop jeune pour vous ériger en réformatrice du monde, Signorina ; et vous oubliez que vous êtes sur le vaisseau d’un des plus grands amiraux du monde, dont tout le temps est occupé. Vous pouvez vous retirer ; je lui expliquerai tout ce que vous venez de me dire.

— J’ai une autre demande à faire, Excellence, — la permission de voir don Francesco, afin que je puisse du moins recevoir sa bénédiction.

— Il n’est pas sur ce vaisseau ; vous le trouverez à bord de la frégate la Minerve, et sans doute on vous permettra de le voir. — Attendez ! quelques lignes vous aideront à obtenir votre demande. — Prenez ceci. — Addito, Signorina..

— Et puis-je emporter avec moi quelque espoir, Excellence ? Songez combien la vie paraît douce à ceux qui ont vécu si longtemps dans les honneurs et l’opulence. Le moindre rayon d’espoir offert par une petite-fille à son aïeul serait comme un message du ciel.

— Je ne puis vous en donner aucun. L’affaire est entre les mains des autorités napolitaines, et nous autres Anglais, nous ne pouvons nous en mêler. — Retirez-vous tous deux ; l’illustre amiral a à s’occuper d’affaires importantes qui ne peuvent se différer plus longtemps.

Ghita se retira avec son oncle tristement et à pas lents. Ils rencontrèrent à la porte de la chambre le lieutenant anglais qui était chargé de la garde du malheureux condamné, et qui venait présenter la dernière prière de don Francesco, qui était de terminer ses jours par la mort d’un soldat, et non par le supplice d’un brigand. Ce serait nous écarter de notre sujet que de rapporter la conversation qui eut lieu à cette occasion ; mais tous ceux qui connaissent l’histoire savent que cette grâce lui fut refusée.


  1. Nom de la cérémonie religieuse dans laquelle les veuves dans l’Inde se brûlent sur le bûcher qui consume le corps de leurs maris. (Note du traducteur.)
  2. Ces mots signifient également : Cela ira bien comme cela, ou : Cela suffit, — en voilà assez. (Note du traducteur.)
  3. Assez. (Note du traducteur.)