Le Feu-Follet/Chapitre II

Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne (Œuvres, tome 21p. 18-32).


CHAPITRE II.


Avec une pacotille de quelques phrases françaises apprises par cœur, beaucoup à apprendre, rien à enseigner, le jeune homme, obéissant aux ordres de son père, part pour aller dans les pays étrangers.
Cowper.



Il faisait alors presque nuit, et la foule, ayant satisfait sa curiosité oiseuse, commença à se disperser peu à peu. Le signor Viti resta le dernier, croyant de son devoir d’être sur le qui-vive dans un pareil temps de troubles. Mais, malgré toute son activité affairée, il échappa à sa vigilance et à son attention de remarquer que le commandant du lougre qui était entré dans la baie avec tant de confiance avait jeté l’ancre de manière à ce que pas une seule bouche à feu des batteries n’aurait pu être pointée sur son bâtiment, tandis qu’il aurait pu envoyer des bordées sur tous les points du petit havre, s’il eût été disposé à en venir à des hostilités. Mais Vito Viti, quoique admirateur si enthousiaste de l’art de l’artillerie, n’était pas artilleur, et il n’aimait pas à réfléchir sur les effets d’un boulet, à moins qu’ils ne fussent à craindre pour les autres et non pour lui.

De tous les individus méfiants, craintifs et curieux qui s’étaient rassemblés sur le port et dans les environs, depuis qu’on avait vu que le lougre avait dessein d’entrer dans la baie, Tommaso et Ghita étaient seuls restés, les yeux toujours fixés sur ce bâtiment, après qu’il eut jeté l’ancre. Les employés chargés de l’exécution des lois de la quarantaine, ce grand épouvantail de la Méditerranée, avaient hélé le lougre à haute voix, et l’on avait répondu à leurs questions de manière à ne leur laisser aucun scrupule pour le moment. À leur demande : « D’où venez-vous ? » faite en italien, on avait répliqué dans la même langue : « D’Angleterre, en touchant à Lisbonne et à Gibraltar. » Les noms de ces pays n’inspiraient aucune crainte de la peste, et l’on y délivrait alors des certificats de santé satisfaisants. Mais le nom du bâtiment avait été donné de manière à embarrasser tous les savants en anglo-saxon qu’on put trouver à Porto-Ferrajo. Une voix l’avait prononcé distinctement à bord du lougre, et il avait été répété plus lentement, à la requête d’un officier de la quarantaine, ainsi qu’il suit :

Come chimate il vostro bastimento ?

Wing-and-Wing.

— Come ?

Wing-and-Wing.

Il s’ensuivit une assez longue pause, pendant laquelle les employés de la quarantaine conférèrent ensemble, et comparèrent la manière dont ces sons inconnus avaient frappé l’oreille de chacun d’eux. Enfin, ils s’adressèrent à un interprète qui prétendait savoir l’anglais, mais qui ne connaissait de cette langue que tout juste ce qu’on peut en connaître dans un port peu fréquenté, et lui demandèrent ce que ces mots signifiaient :

Ving-y-Ving, grommela ce fonctionnaire. — Quel chien de nom est-ce là ? Demandez-le-leur encore une fois.

Come si chiama la vostra barca, signori Inglesi ? demanda l’employé qui hélait.

Diable ! s’écria en français avec impatience celui qui répondait à bord du lougre. — On l’appelle Wing-and-Wing, répéta-t-il encore en anglais. — Ala e ala, ajouta-t-il, donnant la traduction de ces mots en italien.

Ving-y-Ving. — Ala e ala ! répétèrent les employés de la quarantaine, se regardant les uns les autres en riant, mais d’un air surpris et embarrassé.

Cette petite scène se passait pendant que le lougre jetait l’ancre et que la foule se dispersait. Elle occasionnai quelque gaieté, et le bruit se répondit bientôt dans la ville qu’il venait d’arriver d’Inghilterrœ un bâtiment qui s’appelait Ving-y-Ving dans le dialecte de ce pays, ce qui voulait dire ala e ala, en italien, nom qui frappa tous ceux qui l’entendirent, comme étant assez absurde. Cependant, comme pour donner une confirmation du fait, on hissa au bout de la grande vergue du lougre un petit pavillon carré sur lequel étaient peintes ou brodées deux grandes ailes semblables à celles qu’on trouve quelquefois dans certaines armoiries, et ayant entre elles le rostrum d’une galère, de manière à offrir dans l’ensemble à peu près la même forme que celle que l’imagination humaine a prêtée à ces êtres célestes, les chérubins. Cet emblème parut satisfaire les spectateurs, qui connaissaient trop bien cette image pour ne pas se faire enfin une idée assez distincte de ce que signifiaient les mots ala e ala.

Comme nous l’avons déjà dit, Tommaso Tonti était resté sur le pont, ainsi que Ghita, après que tous les autres l’avaient quitté pour retourner chez eux et aller souper. Le pilote, — car c’était ainsi qu’on appelait ordinairement Tonti, parce qu’il connaissait parfaitement toute la côte, et qu’il était fréquemment employé à diriger la navigation des bâtiments qui la fréquentaient — avait pris son poste à bord d’une felouque à laquelle il appartenait, et d’où il surveillait toutes les manœuvres du lougre, tandis que la jeune fille était restée sur le quai, position qui convenait mieux à son sexe, puisqu’elle se trouvait ainsi à l’abri de tout contact immédiat avec de grossiers matelots, quoiqu’elle pût aussi bien voir tout ce qui se passait à bord du Wing-and-Wing. Il s’écoula pourtant plus d’une demi-heure avant que personne parût songer à se rendre à terre ; mais lorsque la nuit fut tombée, un canot fut mis à la mer, et on le vit se diriger vers l’escalier de débarquement, au bas duquel deux employés des douanes étaient déjà descendus quand il y aborda.

Il est inutile d’entrer dans le détail des formes qui furent observées en cette occasion. Les deux fonctionnaires avaient leurs lanternes, et ils examinèrent avec soin, suivant l’usage, les papiers que soumit à leur inspection le marin qui arrivait sur le canot ; mais il paraît qu’ils étaient parfaitement en règle, car on lui permit de monter à terre. Ghita s’approcha de ce groupe. Elle était enveloppée d’une grande mante qui rendait difficile et presque impossible de la reconnaître, mais elle examina avec attention les traits et la tournure de cet étranger. Elle parut satisfaite de cet examen, et disparut aussitôt. Il n’en fut pas de même de Tonti, qui, ayant quitté sa felouque, arriva au haut de l’escalier assez à temps pour dire un mot à l’inconnu.

— Signor, lui dit-il, Son Excellence le podestat m’a ordonné de vous dire qu’il attend le plaisir de votre compagnie chez lui. Sa maison est près d’ici, dans la principale rue de la ville, et la course ne vous fatiguera pas. Je sais qu’il serait désappointé s’il n’avait pas l’honneur de vous voir.

— Son Excellence n’est pas un homme qu’on doive désappointer, répondit l’étranger en fort bon italien, et cinq minutes lui prouveront mon empressement à lui rendre mes devoirs. Se tournant vers les matelots qui l’avaient amené à terre, il leur ordonna de retourner à bord du lougre, et de faire attention au signal par lequel il pourrait les rappeler.

Tommaso, tout en le conduisant chez Vito Viti, lui fit quelques questions dans l’espoir d’éclaircir certains doutes qui lui restaient encore.

— Depuis quand, signor capitano, lui demanda-t-il, les Anglais ont-ils commencé à naviguer sur des lougres ? C’est un genre de bâtiment qui n’était guère en usage parmi votre nation ?

Corpo di Bacco ! répondit l’étranger en riant, quand vous m’aurez dit quel est le jour précis où la contrebande a introduit pour la première fois dans mon pays de l’eau-de-vie et des dentelles de France, je répondrai à votre question. Il paraît que vous n’avez jamais été sur mer jusque dans la baie de Biseaye[1], et encore moins dans la Manche, sans quoi vous sauriez que l’on connaît à Guernesey le gréement d’un lougre mieux que celui de tout autre bâtiment.

— Guernesey est un pays dont je n’ai jamais entendu parler. Ressemble-t-il à la Hollande, ou à Lisbonne ?

— Ni à l’un ni à l’autre. Guernesey est un pays qui était autrefois français, et où le plus grand nombre de personnes parlent encore français, quoique les Anglais en soient maîtres depuis plusieurs siècles. C’est une île qui appartient au roi George, mais qui est encore à demi française par les noms et les usages. C’est pourquoi nous y préférons le lougre au cutter, dont le gréement a quelque chose qui est plus anglais.

Tommaso garda le silence ; car si cette réponse contenait la vérité, elle dissipait la plupart de ses soupçons. Il avait remarqué dans le gréement de ce bâtiment tant de choses qui avaient un air français, qu’il n’aurait osé affirmer à quel pays il appartenait : mais si le compte que le capitaine venait d’en rendre était véritable, toute cause de méfiance disparaissait. Il était tout simple qu’un bâtiment gréé dans une île dont les habitants étaient Français d’origine, offrît dans son gréement quelques signes qui l’annonçaient.

Le podestat était chez lui dans l’attente de cette visite, et Tonti, laissant l’étranger dans l’antichambre, eut d’abord avec lui une conférence privée. Pendant ce court intervalle, le pilote fit part au magistrat de tout ce qu’il avait à lui dire, c’est-à-dire de ses doutes et de la solution apparente que l’étranger avait donnée. Il se retira, après avoir reçu une gratification d’un paul. Vito Viti alla alors joindre l’étranger ; mais il n’avait pas encore de lumières, et il faisait si noir qu’aucun d’eux ne put distinguer les traits de l’autre.

— Signor capitano, dit le magistrat, le vice-gouverneur est chez lui sur la montagne, et il attend de moi que je lui fasse le plaisir de vous présenter à lui, afin qu’il vous fasse les honneurs du port.

Il parlait d’un ton si poli, et cette proposition était en elle-même si raisonnable et si conforme à l’usage, que l’étranger n’y fit aucune objection. Ils partirent donc pour se rendre à la maison du gouvernement, — bâtiment qui, par la suite, fut illustré en devenant la résidence d’un soldat qui réussit presque à subjuguer toute l’Europe.

— Vito Viti était un petit homme chargé d’embonpoint, et il prit son temps pour monter une rue qui ressemblait à un escalier ; mais son compagnon passait d’une terrasse à une autre avec une aisance et une agilité qui auraient prouvé qu’il était jeune, si on ne l’avait vu à sa tournure, malgré l’obscurité.

Andréa Barrofaldi, le vice-gouverneur, était un homme tout différent de son ami le podestat. Quoiqu’il ne connût guère plus que ce dernier le monde par pratique, il avait beaucoup lu, et il devait en partie sa place à la circonstance qu’il avait composé plusieurs ouvrages qui certainement ne contenaient pas des preuves saillantes de génie, mais utiles dans leur genre, et qui annonçaient de l’érudition. Il est rare qu’un simple homme de lettres possède les qualités nécessaires à un homme public, et cependant on remarque en général dans tous les gouvernements, et surtout dans ceux qui se soucient fort peu de littérature, une sorte d’affectation à la protéger, qu’ils jugent nécessaire à leur réputation. C’est ainsi que, dans les États-Unis d’Amérique, où les lois ont si peu d’égard aux droits et aux intérêts des littérateurs que, pour qu’ils puissent se livrer à leurs travaux habituels, elles les assujettissent à des frais et prononcent contre eux des peines dont on ne songe à les frapper dans aucun autre pays chrétien, on affiche de hautes prétentions à ce genre de libéralité, quoique le système de récompenses et de punitions[2] qui y prévaut, exige ordinairement que celui qui veut profiter de cette prétendue libéralité commence par abjurer ses principes, pour prouver qu’il est propre à remplir ses fonctions. Andréa Barrofaldi n’avait pourtant fait aucun de ces soubresauts politiques, et il avait été nommé à la place qu’il occupait, sans même avoir fait la protestation solennelle qu’il ne l’avait jamais sollicitée. Cette place lui avait été donnée par le Fossombrone de son temps, sans que les journaux toscans eussent songé à dire qu’il avait hésité à l’accepter. En un mot, les choses s’étaient passées comme elles se passent ordinairement quand il y a au fond de la franchise et de la bonne foi, sans prétention ni commentaire. Il y avait alors dix ans qu’il occupait cette place, et il était devenu aussi expert à en remplir les fonctions qu’il était fidèle et zélé. Il n’avait pourtant pas renoncé à ses livres ; et fort à propos pour l’affaire dont il allait avoir à s’occuper, il venait de finir un cours d’études sérieux, profond et étendu, en géographie.

L’étranger, fut laissé dans l’antichambre, et Vito Viti entra dans une pièce voisine, où il eut un court entretien avec son ami le vice-gouverneur. Dès qu’il fut terminé, le magistrat retourna près de son compagnon, et l’introduisit en présence du représentant d’un grand-duc, sinon d’un roi. Comme c’était la première fois que ce marin paraissait aux yeux du podestat sous une clarté suffisante pour lui permettre de l’examiner, ce magistrat et le signor Barrofaldi le regardèrent avec une vive curiosité dès qu’il fut exposé à la forte lumière d’une lampe et ni l’un ni l’autre ne fut désappointé, du moins dans un sens, par le résultat de cet examen, l’air et la tournure de l’étranger répondant plus qu’à leur attente.

C’était un homme de vingt-six ans, ayant une taille de cinq pieds dix pouces[3] avec ses souliers, et dont les membres et les muscles annonçaient l’agilité jointe à la force. Il était revêtu du petit uniforme de la marine, et il le portait avec un air de prétentions l’élégance qu’un homme formé par l’expérience, plutôt que par l’usage des livres, aurait découvert sur-le-champ ne pas appartenir à la mâle simplicité des marins anglais. Ses traits n’avaient aucune ressemblance avec ceux de ces insulaires, leurs contours étant éminemment classiques, surtout la bouche et le menton, tandis que ses joues étaient presque sans couleur et sa peau brune. Ses yeux étaient noirs comme le jais, et ses joues étaient à demi couvertes de favoris de même couleur. À tout prendre, sa physionomie était singulièrement belle, si ce mot suffit pour exprimer l’effet d’une conformation qu’on aurait pu supposer copiée d’après quelque médaille antique, surtout quand son visage était animé par un sourire qui le rendait quelquefois aussi attrayant que celui d’une jolie femme. Il n’y avait pourtant en lui rien d’efféminé ; sa voix mâle, quoique pleine de douceur, son regard ferme et ses membres nerveux et bien proportionnés, offraient tous les indices du courage et de la résolution.

Le vice-gouverneur et le podestat furent frappés de trouver en lui une telle réunion d’avantages extérieurs, et ils le regardèrent une demi-minute en silence, après les salutations d’usage. Lorsqu’ils furent tous trois assis, sur l’invitation qu’en fit aux deux autres le signor Barrofaldi, celui-ci entama la conversation ainsi qu’il suit :

— On me dit que nous avons l’honneur d’avoir dans notre petit port un bâtiment anglais, signer capitano, dit-il en le regardant à travers ses lunettes, d’un air qui n’était pas tout à fait exempt de méfiance.

— Oui, signor vice-gouverneur ; c’est sous ce pavillon que j’ai l’honneur de servir.

— Vous êtes vous-même Anglais, signor capitano, à ce que je présume ? — quel nom inscrirai-je sur mes registres ? demanda Andréa Barrofaldi, ouvrant un gros livre et prenant une plume.

— Jacques Smit, répondit le marin, faisant dans la prononciation de ces deux mots deux fautes qui n’auraient pas échappé aux oreilles d’un homme connaissant par la pratique toute la finesse de notre langue très-peu musicale, tandis qu’il cherchait à les prononcer, « Jack Smith. »

— Jacques Smit ! répéta le vice-gouverneur ; — Jacques répond à Giacomo en italien.

— Non, non, Signor, s’écria à la hâte le capitaine, ce n’est pas Giacomo, c’est Giovanni métamorphosé en Jacques, à l’aide d’un peu d’eau salée[4].

— Je commence à vous comprendre, Signor ; vous autres Anglais, vous avez cet usage dans votre langue, quoique vous ayez un peu adouci le mot par merci pour nos oreilles. Mais nous autres Italiens nous ne sommes pas effrayés de pareils sons, et je connais le nom de Giac Smit, — il capitano Giac Smit. — J’ai toujours soupçonné d’ignorance mon maître d’anglais. Ce n’était qu’un de nos pilotes de Livourne, qui avait fait voile à bord d’un bâtiment anglais, et il prononçait votre honorable nom Smis.

— Il avait grand tort, Signor ; le nom de notre famille a toujours été Smit.

— Et le nom de votre lougre, signer capitano Smit ? demanda le vice-gouverneur, tenant sa plume suspendue sur son registre en attendant la réponse.

— Le Ving-and-Ving, répondit le marin, prononçant le w d’une manière différente qu’on ne l’avait fait à bord du lougre quand on l’avait hélé.

Le Ving-y-Ving, répéta le vice-gouverneur, en écrivant ces mots sur-le-champ de manière à prouver que ce n’était pas la première fois qu’il les entendait. — C’est un nom poétique, signor capitano. Puis-je vous demander ce qu’il signifie ?

Ala e ala en italien, Signor. Quand un bâtiment a, comme le mien, deux voiles, une déployée de chaque côté, semblables à celles d’un oiseau, nous disons en Angleterre qu’il marche ving and ving.

Andréa Barrofaldi réfléchit en silence environ deux minutes. Pendant ce temps, il pensa qu’il était invraisemblable qu’aucun autre qu’un Anglais bonâ fide eût songé à donner à un bâtiment un nom si essentiellement idiomographique ; et sa propre pénétration critique le trompait, comme cela arrive souvent à ceux qui ne sont que novices dans quelque branche que ce soit des connaissances humaines. Il fit part alors de cette conjecture à Vito Viti, en lui parlant l’oreille, autant pour lui prouver son intelligence en pareille matière, que par tout autre motif. Le podestat fut moins frappé de cette distinction que le vice-gouverneur ; mais, comme cela était convenable chez un subordonné, il ne se permit pas de la discuter.

— Signor capitano, reprit Andréa Barrofaldi, depuis quand vous autres Anglais faites-vous construire des lougres ? J’ai entendu dire que ce genre de bâtiment n’était pas en usage chez une si grande nation maritime.

— Je vois ce que c’est, signor vice-gouverneur. Vous me soupçonnez d’être Français ou Espagnol, ou tout autre que je ne prétends être. Vous pouvez cependant avoir l’esprit en repos à ce sujet, et accorder pleine confiance à ce que je vous dis. Je me nomme le capitaine Jacques Smit ; mon lougre s’appelle le Ving-and-Ving, et je suis au service du roi d’Angleterre,

— Votre lougre appartient-il à la marine royale, ou croise-t-il avec une commission de corsaire ?

— Ai-je l’air d’un corsaire, signor ? demanda le capitaine d’un air offensé. J’ai lieu de me trouver blessé d’une pareille imputation.

— Pardon, signor capitano ; mais nous avons des devoirs délicats à remplir sur cette île sans protection, dans un temps semblable à celui où nous vivons. On m’a fait le rapport, et il sort de la bouche de notre pilote le plus expérimenté, que votre lougre n’a pas tout à fait l’extérieur d’un bâtiment anglais, et qu’il ressemble en plusieurs points aux corsaires français ; et une prudente circonspection m’oblige à constater de quelle nation vous êtes. Une fois que nous en serons bien certains, tous les habitants de cette île se feront un plaisir de prouver combien ils honorent et estiment nos illustres alliés.

— Cela est si raisonnable et si conforme à ce que je fais moi-même quand je rencontre en mer un bâtiment étranger, s’écria le capitaine en lui tendant les deux mains de la manière la plus franche, qu’il faudrait être fou ou fripon pour le trouver mauvais. Continuez donc, signor vice-gouverneur, et cherchez à éclaircir vos doutes comme vous le jugerez à propos. Mais comment nous y prendre ? Voulez-vous venir sur mon bord, et tout y inspecter vous-même ? y enverrez-vous ce respectable magistrat ? Ou vous montrerai-je ma commission ? Je l’ai sur moi, et elle est à votre service et à celui de Son Altesse Impériale le grand-duc.

— Je me flatte de connaître assez l’Angleterre, quoique ce soit par le moyen des livres, signor capitano, pour découvrir une imposture, ce dont je suis bien loin de vous croire capable, et il ne me faudrait pour cela qu’une courte conversation. Nous autres vers de livres, ajouta Barrofaldi en jetant un coup d’œil de triomphe sur son voisin, car il espérait donner au podestat une preuve pratique de ses connaissances générales, dont l’utilité avait été souvent discutée entre eux ; nous autres vers de livres, nous savons une manière de traiter ces bagatelles qui n’appartient qu’à nous. Si vous voulez donc, signor capitano, avoir avec moi un court entretien sur l’Angleterre, ses habitudes, sa langue et ses lois, la question qui nous occupe sera bientôt décidée.

— Je suis à vos ordres, Signor, et rien ne me ferait même plus de plaisir que de causer quelques minutes de ma petite île. Elle n’est pas grande, et elle est sans doute de peu de valeur ; mais c’est ma patrie, et à ce titre elle en a une grande pour moi.

— Cela est naturel. Mais à présent, Signor, ajouta Barrofaldi en jetant un regard sur le podestat, pour voir s’il écoutait, voulez-vous avoir la bonté de m’expliquer quelle sorte de gouvernement possède l’Angleterre ? Est-il monarchique, aristocratique ou démocratique ?

Peste ! c’est à quoi il n’est pas facile de répondre. Il y a un roi en Angleterre ; il y a aussi des lords très-puissants, et enfin il s’y trouve une démocratie qui donne de temps en temps assez de fil à retordre. Votre question, Signor, pourrait embarrasser un philosophe.

— Cela peut être assez vrai, voisin Vito Viti, car la constitution d’Inghilterra est un instrument à plusieurs cordes. Votre réponse me prouve, capitano, que vous avez réfléchi sur le gouvernement de votre pays ; et j’honore un homme qui réfléchit dans toutes les situations de la vie. Quelle est la religion de votre pays ?

Corpo di Bacco ! c’est la question la plus difficile de toutes à résoudre, car on compte en Angleterre autant de religions que d’individus. Il est vrai que la loi dit une chose à ce sujet ; mais les hommes, les femmes et les enfants en disent une autre. Rien ne m’a plus tracassé que cette affaire de religion.

— Ah ! de telles pensées, s’il faut dire la vérité, ne troublent pas souvent l’esprit des marins. Eh bien ! nous glisserons sur ce point, quoique, sans doute, vous et tous vos concitoyens vous soyez luthériens ?

— Supposez-nous ce qu’il vous plaira, répondit le capitaine avec un sourire ironique. Dans tous les cas, nos ancêtres étaient tous excellents catholiques. Mais la marine et l’autel sont les meilleurs amis du monde, parce qu’ils vivent dans une indépendance parfaite l’un de l’autre.

— Je pourrais en répondre. C’est à peu près la même chose ici, mon cher Vito Viti, quoique nos marins allument tant de cierges et récitent tant d’Ave.

— Pardon, signor vice-gouverneur, dit le capitaine avec vivacité ; c’est en général la grande méprise de vos marins. S’ils priaient un peu moins, et qu’ils fussent un peu plus attentifs à leurs devoirs, leurs voyages seraient moins longs, et leur profit plus certain.

— Scandaleux ! s’écria le podestat avec une ardeur de zèle qu’il montrait rarement.

— Ce que dit le signor capitano est vrai, digne Vito Viti, dit le vice-gouverneur avec un geste indiquant autant d’autorité que sa concession contenait de libéralité et annonçait un esprit éclairé par l’étude. C’est un fait qu’il faut avouer, et la fable d’Hercule et du charretier vient à l’appui. Si nos marins travaillaient d’abord et priaient ensuite, ils feraient plus de besogne qu’ils n’en font en priant d’abord et travaillant ensuite. — Et maintenant, signor capitano, un mot sur votre langue, que je connais tant soit peu, et que vous parlez sans doute en véritable indigène.

— Certainement, répondit le capitaine, passant à l’instant de l’italien à l’anglais avec un sang-froid imperturbable, et un air de confiance qui semblait prouver qu’il se sentait ferme sur ce terrain ; on ne peut manquer de parler la langue de sa mère.

Il prononça ces mots en anglais sans embarras ni confusion, quoique avec un accent qu’un étranger ne pouvait remarquer, et ils parurent imposants à Andréa, à qui sa conscience disait tout bas qu’il n’aurait pu faire une telle phrase, se fût-il agi de sauver sa vie, sans montrer le peu d’étendue de ses connaissances en anglais ; c’est pourquoi il continua à parler en italien.

— La langue de votre pays est sans doute très-noble, Signor, dit-il, car la langue dans laquelle ont écrit Shakespeare et Milton ne peut être autre chose ; mais vous me permettrez de dire qu’il s’y trouve une quantité de mots écrits différemment, et qui se prononcent de la même manière. Cette uniformité de son me semble aussi déraisonnable qu’elle est embarrassante pour un étranger.

— J’ai déjà entendu de pareilles plaintes, répondit le capitaine, qui n’était nullement fâché de voir un interrogatoire qui ne lui était pas très-agréable se changer en un examen critique d’une langue dont il se souciait fort peu, et pour la défense de laquelle il avait peu de chose à dire ; — mais citez-moi un exemple de ce que vous voulez dire.

— Tenez, Signor, voici une feuille de papier sur laquelle j’ai écrit quelques mots dont le son est presque le même à l’oreille, quoique écrits avec des lettres différentes : — bak — bek — bok — buk, continua Andréa, cherchant à prononcer les mots — bag — big — bog — bug — dont le son lui paraissait avoir une forte ressemblance de famille. — Ce sont des mots, Signor, qui suffiraient pour porter un étranger à renoncer, de désespoir, à l’étude de votre langue.

— Oui sans doute, et c’est ce que je disais souvent à la personne qui me l’enseigna.

— Comment ! n’avez-vous pas appris votre langue, comme nous apprenons tous la nôtre, de mémoire pendant votre enfance ? s’écria le vice-gouverneur, qui sentit tous ses soupçons renaître subitement.

— Sans contredit, Signor, mais je parle du temps où j’apprenais à lire, répondit le capitaine. Quand les mots bag — big — bog — bug, ajouta-t-il, les lisant sur le papier d’une voix ferme et avec une prononciation très-passable, — se présentèrent à mes yeux pour la première fois, j’éprouvai tout l’embarras dont vous parlez.

— Et ne prononçâtes-vous ces mots qu’en apprenant à les lire ?

La question était embarrassante ; mais Vito Viti commençait à s’ennuyer d’une conversation à laquelle il ne pouvait prendre part, et il l’interrompit fort à propos.

— Signor Barrofaldi, dit-il, tenons-nous-en au lougre. Tous nos motifs de doute nous ont été suggérés par Tommaso Tonti, et tous les siens prennent leur source dans le gréement du bâtiment du signor Smit. Si ce gréement peut s’expliquer, qu’avons-nous à nous inquiéter de bicsi, bocsi, bucsi ?

Le vice-gouverneur lui-même n’était pas fâché de trouver une porte pour sortir avec honneur d’une discussion sur la langue anglaise ; et faisant au podestat un signe d’assentiment, il dit, après un moment de réflexion pour former un nouveau plan d’enquête :

— Mon voisin Vito Viti a raison, et nous nous en tiendrons au lougre. — Tommaso Tonti est un marin plein d’expérience, et le meilleur pilote de l’île d’Elbe. Il dit que le lougre est un genre de bâtiment très-commun dans la marine française, mais qu’on n’en trouve pas dans celle d’Angleterre, ou du moins qu’il n’en a jamais vu.

— Tommaso Tonti ne se montre pas bon marin en cela, Signor. Il se trouve beaucoup de lougres dans la marine anglaise, quoiqu’il y en ait certainement davantage dans celle de France. Mais j’ai déjà appris au signor Viti qu’il existe une île nommée Guernesey qui appartenait jadis aux Français, mais qui appartient aux Anglais depuis plusieurs siècles. Cela suffit pour expliquer les différences qu’il a remarquées dans notre gréement. — Nous sommes de Guernesey ; notre lougre a été construit à Guernesey, et il est tout simple que son gréement s’en ressente. — Il est à demi français, j’en conviens.

— Voilà qui change tout à fait la face des choses. — Voisin Viti ; ce que le signor capitano vient de dire de cette île, de ses habitudes et de son origine, est exactement vrai. Si nous pouvions avoir la même certitude sur les noms, il ne nous resterait rien à désirer. Giac Smit et Ving y Ving sont-ils des noms appartenant à Guernesey ?

— Pas exclusivement, Signor, répondit le capitaine pouvant à peine s’empêcher de rire, car Jacques Smit est un nom si anglais que nous formons peut-être la famille la plus nombreuse de toute l’Angleterre. La moitié des nobles de cette île se nomment Smit, et maintenant il y en a quelques-uns qui s’appellent Jacques. Mais la petite île de Guernesey a été conquise par les Anglais, et nos ancêtres qui ont fait cette conquête y ont porté leur nom. Quant à ving and ving, c’est de l’excellent anglais.

— Cela me semble très-raisonnable, Viti ; et puisque le signor capitano a sur lui sa commission, s’il voulait nous la montrer, nous pourrions aller nous coucher en paix, et dormir jusqu’au matin.

— Voici donc votre soporifique, Signor, dit le capitaine en riant, tirant de sa poche différents papiers. — Voici les ordres que j’ai reçus de l’amiral ; et comme ils ne sont pas secrets, vous pouvez les lire. — Voici ma commission : vous y verrez la signature du ministre de la guerre d’Angleterre, et la mienne. Voyez-vous ? Jacques Smit. — Enfin Enfin voici l’ordre qui m’a été donné, comme lieutenant de vaisseau, de prendre le commandement du Ving-and-Ving.

Tous ces documents étaient écrits très-lisiblement et en fort bon anglais. La seule circonstance qui aurait pu paraître suspecte à un homme attentif et connaissant parfaitement la langue, était que le porteur de ces pièces y était dénommé Jack Smith, et qu’il y avait apposé pour signature Jacques Smit, ce que le marin avait fait par opiniâtreté, en dépit des remontrances de l’habile faussaire qui avait forgé ces pièces. Mais Andréa n’était pas assez savant en anglais pour remarquer cette bévue, et il prit le Jack pour argent comptant, ce qu’il eût fait de même si c’eût été John, Edward, ou tout autre nom ; Quant aux mots wing and wing, tout était parfaitement en règle, quoiqu’ils s’opiniâtrassent à les prononcer, le capitaine, ving and ving, et les deux fonctionnaires ving y ving. Ces documents tendaient fortement à aplanir toutes difficultés, et les objections de Tommaso Tonti étaient à peu près oubliées par les deux Italiens quand ils rendirent au capitaine ses papiers, qu’il remit fort tranquillement dans sa poche.

— Il n’était nullement probable, Vito Viti, dit le vice-gouverneur d’un air satisfait de lui-même ; qu’un ennemi ou un corsaire se fût hasardé dans notre port ; car nous avons la réputation d’être vigilants, et de connaître notre besogne aussi bien que les autorités de Livourne, de Gênes et de Naples.

— Et cela, Signor, sans avoir rien à y gagner que des horions et une prison, ajouta le capitaine avec un de ses sourires les plus séduisants, — sourire qu’adoucit le cœur du podestat, et qui échauffa celui du vice-gouverneur au point de le porter à inviter l’étranger à partager son souper. L’invitation fut acceptée, et la table étant mise dans une pièce voisine, il capitano Smit et Vito Viti y prirent place avec Andréa Barrofaldi quelques minutes après.

À compter de ce moment, s’il restait encore quelque méfiance dans le cœur des deux fonctionnaires de Porto-Ferrajo, elle fut tellement étouffée, qu’eux seuls purent s’en apercevoir. Les mets légers de la cuisine italienne, et les vins encore plus légers de Toscane, ne firent que fortifier le système physique et épanouir les esprits ; et la conversation prit une tournure générale et enjouée. À cette époque, le thé n’était connu dans tout le midi de l’Europe que comme un ingrédient qui ne se trouvait que chez les apothicaires ; encore n’en avaient-ils pas tous, et nos convives burent en place des liqueurs d’Italie qui n’agitaient guère davantage les nerfs, et qui n’étaient peut-être pas aussi nuisibles à la santé. Cependant l’étranger but et mangea avec modération ; car, quoiqu’il eût l’air de prendre part cordialement à l’entretien et de faire honneur au repas, il désirait vivement se trouver en liberté de suivre l’exécution de ses desseins.

Andréa Barrofaldi ne laissa pas échapper cette occasion de faire étalage de ses connaissances en présence du podestat ; il parla beaucoup de l’histoire, de la religion, du gouvernement, des lois, du climat et de l’industrie de l’Angleterre, en appelant fréquemment au capitaine pour confirmer la vérité de ses opinions. La plupart du temps, ils étaient étonnamment d’accord, car l’étranger était bien déterminé à donner son assentiment à tout ce qui ne laissait pas d’avoir ses difficultés ; car le vice-gouverneur faisait quelquefois ses questions de telle sorte, que l’acquiescement semblait être un dissentiment. Cependant le capitaine réussit assez bien à se tirer d’embarras ; et il parvint surtout heureusement à flatter l’amour-propre d’Andréa par ses expressions de surprise qu’un étranger pût connaître l’Angleterre aussi bien et à plusieurs égards mieux que lui, et que la géographie, les coutumes et les institutions de ce pays lui fussent si familières ; à tel point que, lorsque le flacon fut fini, le vice-gouverneur dit à l’oreille au podestat que l’étranger montrait tant de jugement et de connaissance, qu’il ne serait pas surpris que ce fût quelque agent secret du gouvernement britannique, chargé de prendre des informations sur le commerce et la navigation de l’Italie, dans la vue de donner de l’accroissement aux relations commerciales entre les deux pays.

— Vous êtes un admirateur de la noblesse ; votre cœur est tout dévoué à l’aristocratie, dit Barrofaldi dans le cours d’une conversation sur ce sujet ; et si la vérité était connue, peut-être êtes-vous même un rejeton de quelque noble maison ?

— Moi ! Peste ! je déteste un aristocrate autant que le diable !

Le capitaine s’était oublié un instant en prononçant ces mots avec chaleur, et il s’en repentit à l’instant.

— Cela est extraordinaire dans un Anglais. Ah ! je vois ce que c’est. Vous êtes dans l’opposizione, et vous trouvez nécessaire de parler ainsi. — C’est une chose singulière, mon cher Vito Viti, mais c’est un fait avéré, que ces Anglais sont divisés en deux cartes politiques, qui se contredisent en tout. Quand l’une soutient qu’une chose est blanche, l’autre jure qu’elle est noire, et vice versâ. Chacun des deux partis prétend qu’il aime son pays par-dessus tout ; mais celui qui est hors du pouvoir vomit des injures contre le pouvoir même, jusqu’à ce qu’il y soit parvenu à son tour.

— Cela ressemble tellement à la conduite de Giorgio Grondi envers moi, signor Barrofaldi, que je jurerais presque qu’il est un des membres de cette opposizione. Je n’approuve jamais rien qu’il ne le condamne, et tout ce que je condamne il l’approuve toujours. En pouvez-vous dire autant, signor capitano ?

— Je crois que le vice-gouverneur nous connaît mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes. Il y a beaucoup de vérité dans ce que vous dites de nos partis politiques, Signor. Mais, continua le capitaine en se levant, il faut que je vous demande la permission de rentrer dans votre ville et de retourner sur mon bord. La nuit est arrivée, et je dois veiller au maintien de la discipline.

Le vice-gouverneur ayant à peu près épuisé tout ce qu’il savait sur l’Angleterre, ne s’y opposa point, et l’étranger partit après l’avoir remercié de son bon accueil, laissant aux deux fonctionnaires la liberté de discuter ce qu’ils devaient penser de lui et de son bâtiment.


  1. Baie de Biscaye ! — Pourquoi ne pas employer l’expression plus familière en France, pour cette partie de l’Océan, de Golfe de Gascogne ?
  2. On parle tant dans les journaux américains de l’intérêt que le public prend à la littérature, — intérêt qui se borne à acheter les ouvrages dont on a besoin, et à laisser les autres chez Le libraire, — que cette circonstance rappelle fortement l’histoire de cette créole qui discutait un jour en présence de quelques amis la manière dont on devait s’y prendre pour gouverner les esclaves nègres. — Pour les bien gouverner, dit-elle, il faut avoir un système, et j’en ai adopté un. Mon système à moi, c’est celui des punitions et des récompenses. Et se tournant alors vers ses nègres, en disant à ses amis de faire attention à l’effet que produiraient sur eux ses paroles, elle leur dit : — Mes amis, c’est demain que commence la récolte des cannes. Vous me connaissez ; vous connaissez mon système, c’est un système de punitions et de récompenses ; si vous ne travaillez pas bien, vous serez battus de verges, ce sera votre punition ; mais si vous travaillez bien et beaucoup, vous ne serez point battus, et ce sera votre récompense. (Note de l’auteur.)
  3. Mesure anglaise, c’est-à-dire environ 5 pieds 6 pouces. (Note du traducteur.)
  4. Jack et Giacomo signiflent Jacques ; John et Giovanni, Jean mais les Anglais, et particulièrement les marins, donnent familièrement le nom de Jack à tous ceux qui s’appellent John.
    (Note du traducteur.)