Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/26/03

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 752-761).


III

PLACE DU GUILLEMET


31. Dans son Guide du Correcteur, Tassis dit, et, après lui, nombre de manuels ont reproduit :
xxxx 1° « La ponctuation se place en dehors des guillemets quand la phrase qu’ils renferment n’offre pas un sens complet. »
xxxx 2° « Lorsque la phrase entre guillemets est complète, la ponctuation se place à l’intérieur des guillemets. »
xxxx À la lecture, ces prescriptions ne paraissent, pour leur application, devoir laisser place à aucune hésitation. Dans la pratique, malheureusement, il en est tout autrement, et, si nombreuses et si différentes sont les interprétations auxquelles elles donnent lieu qu’il n’est pas inutile d’examiner de près cette question.

a) D’abord quelques exemples :

1° « La peur bannit toute réflexion, et l’on continue à ne voir que des terreurs à Madrid. L’horizon s’éclairera bientôt. »

Mme d’Abrantès d’ailleurs a dépeint d’un mot le faste de Savary en Espagne : « Son échanson lui servait à boire à genoux. »

3° À chaque coup qui l’atteignait, il se détournait pour regarder en face le meurtrier : « Pourquoi me traite-t-on ainsi ? »

4° La junte se présenta sur les remparts et demanda au peuple sa volonté, et tout d’une voix le peuple répondit : « Guerre ! guerre ! Plutôt mourir que de se rendre ! »

Pour ces quatre cas, aucun doute ne saurait s’élever : la phrase entre guillemets dans les deux premiers exemples est entière ; si dans les deux autres exemples elle dépend d’une manière relative du texte qui précède, tout au moins son sens est complet, et elle possède une ponctuation qui lui est strictement personnelle : suivant la règle de Tassis, la ponctuation finale doit être placée avant le guillemet fermé.

Examinons quelques autres cas :

5° Solano l’apostrophe : « Que viens-tu faire ici ? » et il l’abat d’un coup de pistolet.
xxxx 6° Je l’entends crier : « Vive la France ! » et alors un officier lui trancha la tête.

Bien que la phrase continue après les paroles citées, la ponctuation doit être également placée avant le guillemet : d’une part, le texte cité a un sens complet ; d’autre part — et là surtout est la raison de la règle — la ponctuation appartient encore exclusivement aux paroles rapportées. Aux exemples 3°, 4°, 5° et 6° le texte entre guillemets est seul exclamatif ou interrogatif, cela est évident ; et il est nécessaire, en mettant la ponctuation avant le guillemet final, de conserver aux yeux et à l’esprit du lecteur l’exclamation ou l’interrogation qui existaient dans les phrases prononcées.

V. Lecerf[1] est très affirmatif sur ce sujet : « Le point se place en dedans du guillemet si la partie guillemetée est un passage entier commençant par une capitale, ou souvent aussi est précédée d’un deux-points. »

Tout en acceptant cette manière de voir, D. Greffier[2] fait une observation que l’on ne saurait passer sous silence : « Lorsqu’une phrase renferme une citation, on met la ponctuation de la citation avant le dernier guillemet, et la ponctuation de la phrase (lorsqu’elle en comporte une) après ce dernier guillemet. » Voici l’exemple :

« Prenez garde au chien ! », lisait-on à l’entrée des maisons romaines.

L’exemple suivant n’est pas moins caractéristique de l’opinion de Désiré Greffier que la citation précédente :

Soit, par exemple, la question : « Où avait-il laissé son couteau ? » ; on peut y distinguer une relation temporelle (passé) et une relation spatiale (localisation).

Aucun autre auteur typographique ne paraît donner cette règle de la double ponctuation. — D’autre part, dans nulle grammaire on ne rencontre, en ce genre, l’application de deux ponctuations successives dont il est malaisé d’expliquer les raisons.
xxxx Il est d’ailleurs aussi difficile d’accepter cette autre manière de voir de D. Greffier : « Si la ponctuation de la citation est différente de celle de la phrase, on mettra les deux ponctuations. » Exemple :

A-t-il dit : « Quel grand malheur ! » ?

Tout au contraire de cette prescription, la plupart des manuels de typographie, des traités de ponctuation, ainsi que les éléments de langue française emploient la ponctuation unique des exemples 5° et 6°.

D. Greffier semble, d’ailleurs, reconnaître les inconvénients de la règle qu’il a énoncée, et, peu conséquent avec lui-même, il admet une exception qui, faut-il croire, détruit son système : « Si la ponctuation de la citation est un point, et que l’a ponctuation de la phrase soit un point d’interrogation ou d’exclamation, le point de la citation se supprime :

A-t-il dit : « Je viendrai » ?


et, dès lors, la ponctuation se place après le guillemet fermé[3]. »

Et c’est peut-être comme conséquence de cette dernière prescription que, dans son Nouveau Manuel complet de Typographie, E. Leclerc déclare que, « néanmoins, pour ne pas multiplier les signes de ponctuation, on ne mettra pas de virgule ni de point après le guillemet renfermant une phrase terminée par un point d’interrogation ou d’exclamation », et il donne cet exemple qui contredit la manière de faire de D. Greffier :

« Nous sommes tous perdus ! » s’écrièrent les passagers.

b) Cette suppression de la ponctuation de la citation n’est pas réservée aux seuls cas cités par D. Greffier et par E. Leclerc. En voici d’autres exemples, avec, comme conséquence, le guillemet placé avant la ponctuation :

7° Est-elle assez vraie cette parole de l’Écriture : « Le méchant fait une œuvre qui le trompe » ?
xxxx 8° Les Prussiens fuient : « Ah ! en voilà encore une campagne où les Allemands se sont couverts de gloire », écrit ironiquement maman Aja.
xxxx 9° Savary ajoute : « On ne me fait plus de difficultés pour les affaires militaires parce que personne n’aime la responsabilité » ; cependant il écrit à l’Empereur : …

Chacune des phrases citées est entière et a un sens complet ; cependant la ponctuation qui la suit, contrairement à la règle énoncée par Tassis, est placée après le guillemet fermé.
xxxx Dans l’exemple 7° ce n’est point la citation qui est interrogative, mais bien la phrase commençant aux mots Est-elle ; on ne saurait donc placer la ponctuation avant le guillemet, car on indiquerait ainsi qu’elle appartient à la citation : le point d’interrogation doit être après le guillemet final.
xxxx Dans les exemples 8° et 9°, la virgule et le point et virgule qui suivent la citation ne font point partie de cette citation, mais bien de l’ensemble du texte de l’auteur : ils doivent donc être placés après le guillemet final.

c) Cependant certains auteurs et correcteurs prétendent pouvoir défendre avec quelque raison le système de la double ponctuation et utiliser celle-ci avec une apparence de bon sens, « si plusieurs mots employés isolément comportent une interrogation ou une exclamation se suivant dans la phrase ». Le point interrogatif ou le point exclamatif se placerait alors avant le guillemet final, et une virgule séparerait les deux termes placés entre guillemets :

Vos « hélas ! », vos « pourquoi ? » ne modifieraient en rien la marche des événements.

Le bien-fondé de l’emploi de la double ponctuation ne se justifie nullement dans ce cas ; il est certain en effet que, si ces auteurs avaient à écrire la phrase suivante, dont l’analogie avec celle de l’exemple est évidente :

— Hélas ! hélas ! Il ne m’est plus possible de vous porter secours.
xxxx — Pourquoi ? Pourquoi ?


ils n’utiliseraient point, après le premier point d’exclamation, la virgule séparative. Il est bon de remarquer, en outre, que l’emploi de la double ponctuation est exclusivement préconisé lorsque le guillemet suit le point d’interrogation ou le point d’exclamation : le guillemet aurait ainsi sur la ponctuation une influence à laquelle certes on ne songeait guère et qui assurément est paradoxale.

d) Par application des différents principes qui précèdent, on composera :

10° Alors cependant que Dupont écrivait à Gobert : « Tu sens comme moi l’importance de la Caroline… », n’avait-il pas mandé à Berthier : …

Les points de suspension placés après le mot Caroline indiquent que la phrase dont l’auteur rapporte le début est interrompue : ils remplacent donc le texte supprimé et, par suite, appartiennent exclusivement à la citation, d’où leur place avant le guillemet ; par contre, la virgule qui suit appartient à l’ensemble de la phrase de l’auteur, et, conséquemment, doit être placée après le guillemet.

Pour la même raison, on composerait, en employant un point après le guillemet final :

11° Pour Savary, se substituant au grand-duc, il veut gouverner l’Espagne, commander l’année, tout en se rendant compte qu’« il n’a ni pouvoirs, ni ordres, ni commission, mais seulement le mot de l’empereur, et c’est assez… ».

Les points de suspension indiquent seulement que la phrase citée est interrompue ; ils lui appartiennent exclusivement ; par contre, le point appartient à l’ensemble de la rédaction, depuis les mots Pour Savavy, d’où sa place.
xxxx On ne saurait voir, dans ces deux cas, 10° et 11°, un exemple de la double ponctuation reprochée, il y a quelques instants, à D. Greffier : à notre avis, les deux-points, le point et virgule, le point d’exclamation et le point d’interrogation ne sauraient permettre l’emploi de la virgule après le guillemet fermé qui les suit ou, le cas échéant, les précède ; les points de suspension ne sont exclusifs d’aucune ponctuation autre que le point, lorsque, celui-ci les suit immédiatement.

e) Toutes ces règles conduisent à cette irrégularité, apparente contradiction pour qui n’étudie pas attentivement la question :

12° Où Mme de Sévigné avait écrit : « Ma fille, j’ai mal à vos entrailles », maman Aja dira : « Vois-tu, c’est que je n’aimerais pas te voir un fardeau sur le dos, cela me pèserait trop. »

Dans la première citation, on applique les exemples 8° et 9° ; dans la deuxième citation, les exemples 2° et 3°.
xxxx Pour placer dans le texte ci-dessous le guillemet final, on suivra la règle des exemples 1°, 2°, 3° et 4° :

13° L’empereur venait d’ordonner au général Savary, son aide de camp, de partir tout de suite « pour être le lieutenant du grand-duc. Vous avez sa confiance pour mener les affaires civiles et militaires. »

Bien que le guillemet initial soit placé devant une citation commençant par un membre de phrase incomplète, la ponctuation est placée à l’intérieur du guillemet final, car la deuxième phrase : Vous avez, comprise entre les guillemets, est entière : c’est une citation avec un sens complet, à laquelle la ponctuation appartient exclusivement.
xxxx Enfin, comme citations incomplètes exigeant, suivant la règle formulée par Tassis, le rejet de la ponctuation après le guillemet, les exemples suivants paraîtront suffisamment explicites :

14° Peu à peu la ville reprend son train-train, et maman Aja sa « vie de roi fainéant ».
xxxx 15° Aussi les Français ont-ils déclaré que « jamais, en aucun lieu, ils n’avaient vu unanimité si touchante entre magistrats et citoyens ».
xxxx 16° Quel spectacle attristant que celui de cette foule, de ce nombre incalculable d’âmes immortelles, « demeurant dans les ombres de la mort » !

La ponctuation finale appartient à l’ensemble de la phrase et non pas à une partie, alors que les guillemets enferment seulement une fraction ; cette ponctuation doit donc être placée après le guillemet fermé.

32. Cette longue discussion peut se résumer en quelques règles :

a) La citation, phrase complète, indépendante de tout autre texte, demande sa ponctuation finale avant le guillemet fermé :

« Ce fut ainsi que se termina cette charmante soirée, trop tôt sans doute, aux grands regrets des convives qui avaient joui de la faveur d’y être admis, et qui, assurément, en conserveront longtemps un agréable souvenir. »

b) Avec une phrase entre guillemets, précédée d’un deux-points (commençant par une grande capitale) et offrant un sens complet :

1° La ponctuation qui suit la citation se place avant le guillemet fermé si cette ponctuation appartient, exclusivement à la phrase, au passage ou aux mots cités :

Le Haro, journal de Caen, du 11 mars 1841, s’exprime ainsi : « Hier, M. Lafontaine, devant des personnes dignes de la confiance publique, a ajouté une nouvelle preuve à celles qu’il avait déjà données. »

2° Au contraire, cette ponctuation se place après le guillemet final, si elle appartient à l’ensemble de la phrase, contenant ou appelant la citation :

M. Lafontaine lui demanda quelle en était la couleur, la forme et la nature ; elle répondit aussitôt : « C’est vert, c’est carré » ; enfin : « C’est un portefeuille » ; ce dernier mot fut dit avec un léger mouvement d’impatience.

c) Enfin, si les mots entre guillemets n’offrent pas un sens complet, ne forment pas une phrase entière, indépendante, la ponctuation se met après le guillemet fermé :

Soupçonné de rêver la couronne et de se ménager des partisans, Murat avait répondu qu’« il ne se lasserait jamais de lui dire qu’il fallait nommer le nouveau roi ».
xxxx Le rapport de M. de Jussieu reconnaît tous les effets ; il admet seulement pour cause la « chaleur animale », au lieu du « fluide magnétique animal » ; c’est une dispute de mots.
xxxx Voici un des faits les plus rares et les plus remarquables, « l’insensibilité partielle de la tête obtenue sans sommeil magnétique ».

Il ne faut pas oublier que, si la ponctuation qui termine une citation strictement rapportée devait, en réalité, être un point, ce point se trouve supprimé et remplacé par un autre signe (virgule, point et virgule, deux-points), lorsque la citation est suivie d’un court membre de phrase explicatif :

« C’est par le sang et par le fer, et non par des discours, que les États grandissent », a dit Bismarck.

Contrairement à l’avis de Daupeley-Gouverneur[4], ce signe de ponctuation devra être placé après le guillemet final ; il n’appartient, en effet, nullement à la phrase citée qui, en réalité, était accompagnée d’un signe tout différent.

33. Dans un passage guillemeté, l’indication d’origine, de source — ou, mieux, le nom de l’auteur et celui du livre auquel la citation est empruntée — se met entre parenthèses après le guillemet qui naturellement appartient à la citation :

« Je vous ai donné un exemple, leur dit-Il, afin que ce que je vous ai fait, vous le fassiez aussi. » (Joan., xii, 15.)

Toutefois, la ponctuation et le guillemet devraient être reportés après l’indication de source, si celle-ci appartenait à la citation, ce que, le cas échéant, l’auteur indiquerait sans doute clairement.
xxxx Lorsque l’indication de source ou d’origine placée à la suite de la citation se trouve devant un membre de phrase explicatif, le guillemet final est mis avant l’indication d’origine ; la ponctuation nécessitée par la présence du membre de phrase explicatif est, au contraire, rejetée après l’indication de source :

« Je vous ai donné un exemple, afin que ce que je vous ai fait vous le fassiez aussi » (Joan., xii, 15), dit Jésus à ses disciples.

34. Si le discours ou la citation entre guillemets sont coupés en plusieurs fractions par des expressions ou membres de phrases qui leur sont étrangers, les guillemets doivent être fermés avant, puis rouverts après ces incises, la ponctuation étant placée suivant les règles précédentes :

Après avoir considéré son œuvre, Dieu ne fut pas satisfait. « Faisons l’homme ! » dit-il, et, s’adressant à cette nouvelle créature : « Lève-toi, mon fils ! Dans cet univers je t’ai réservé… »
xxxx « Après une ou deux minutes », rapporte M. Higgins dans le Guardian Manchester du 17 novembre 1841, « je sentis une titillation me parcourir les bras et le corps, et, lorsque M. Lafontaine me fit des passes, je perdis connaissance tout à coup. »
xxxx « M. Higgins, bien connu et demeurant ici, s’offrit », ainsi que l’affirme le même journal dans son numéro du 24 novembre, « pour être magnétisé. »

35. Les courtes incises[5] plutôt explicatives : dit-il, répliqua-t-il, répondit-il, pensa-t-il, fit-il, reprit-il, ajouta-t-il, s’écria-t-il, etc., se rencontrant au cours d’un passage guillemeté, n’obligent pas à la fermeture, avant elles, du guillemet et à sa réouverture après elles :

M. Higgins nous conte encore cette amusante histoire :
« … Lorsqu’il fut réveillé, le Dr Partridge lui dit :
« — Eh bien ! docteur, vous avez dormi ?
« — Non, non, s’écria-t-il, je n’ai pas dormi. »

Toutefois l’usage commande la fermeture du guillemet avant ces expressions, si elles sont rejetées à la fin de la courte phrase citée :

« Ces paroles furent accueillies par les bruyants éclats de rire de l’assemblée.
xxxx « — Et votre bras ? et votre jambe ? » lui répliqua le Dr Palme.
xxxx La figure du Dr Elkington exprima, la plus grande stupéfaction.

36. Lorsque, dans des citations guillemetées au long, il se trouve des alinéas commençant par un tiret remplaçant les noms d’interlocuteurs, ou par un numéro d’ordre, le guillemet se place toujours le premier :

« Art. 6. — Les Belges sont égaux devant la loi. »

Au contraire, le guillemet se place après le tiret, le numéro d’ordre, si ceux-ci n’appartiennent pas à la citation.

37. Lorsque le texte ou la phrase cités ne sont pas intégralement rapportés et que la suppression effectuée est indiquée par des points de suspension :

a) Le guillemet initial est placé avant les points de suspension :

Après quelques courtes réflexions sur le système nerveux, M. Lafontaine s’exprime ainsi :
xxxx « … On peut obtenir la commotion électrique sur le chat de la manière et dans les conditions suivantes : Par un froid au-dessous de zéro, un vent du nord… »
xxxx Voici une consultation de somnambule suivie d’un traitement :
xxxx « … Tous les matins, excepté les jours de bain, prendre une cuillerée de lachésis. »

b) Le guillemet final est reporté après les points de suspension :

Alors cependant, que Dupont écrivait à Gobert : « Tu sens comme moi l’importance de la Caroline… », n’avait-il pas mandé à Berthier : …
xxxx Le National de l’Ouest du 9 décembre 1840 disait : « Sous nos yeux et dans nos ateliers, en dix minutes, M. Lafontaine a guéri un de nos ouvriers… »

38. Le mot etc. se place avant le guillemet final s’il indique que la citation qu’il termine est incomplète ou interrompue.
xxxx Mais ce même mot se place après le guillemet s’il remplace une ou plusieurs autres phrases ou citations que l’auteur n’a pas cru devoir utiliser[6].

39. Le guillemet se place toujours après l’appel de note :

Nous voyons même dans la Bible qu’« il était défendu de consulter le bois (1) ».

(1) Osée, chap. iv, v. 12.

40. L’emploi, dans un texte, de guillemets différents est disgracieux et doit être évité avec soin :

41. Une habitude contre laquelle on ne saurait trop protester est celle de l’emploi irraisonné, par certains ouvriers peu soigneux, des informes guillemets genre anglais consistant, pour le guillemet initial, en deux virgules retournées, et, pour le guillemet final, en deux apostrophes.
xxxx Lorsqu’il faut, pour satisfaire à des exigences inexplicables, utiliser cet assemblage dont les éléments sont trop souvent fort disparates, surtout dans les corps d’œil un peu fort, il est indispensable de rendre plus artistique, en le régularisant par l’emploi de signes rigoureusement semblables, ce composé exotique.

42. Telles sont, sommairement résumées, les principales règles qui régissent l’emploi du guillemet. Il est nécessaire, toutefois, de faire remarquer que le correcteur, tout en s’efforçant d’observer ces principes, devra s’astreindre, là comme partout, plus peut-être que partout ailleurs, à pénétrer la pensée de l’auteur. Certains manuels ne vont-ils point jusqu’à affirmer que l’on doit se conformer scrupuleusement aux indications que l’écrivain aura paru formuler, ou qu’il aura données de manière très explicite, et ce alors même qu’elles seraient en contradiction avec tous les usages ? La prétention peut paraître un peu osée. Nombre de littérateurs se préoccupent peu de détails qu’ils estiment d’importance secondaire et pour la solution desquels ils se reposent entièrement sur les connaissances de l’imprimeur. Ce en quoi, sans doute, il est indispensable de leur prouver, par une technique irréprochable, qu’ils ont raison.



  1. Le Courrier du Livre, n° 49, 1er avril 1901.
  2. Les Règles de la Composition typographique.
  3. Les correcteurs pourront comparer la ponctuation de ce dernier exemple : A-t-il dit : « Je viendrai » ? avec celle donnée précédemment par D. Greffier dans la phrase : A-t-il dit : « Quel grand malheur ! » ?
  4. Le Compositeur et le Correcteur typographes, p. 109.
  5. On appelle incise — aucun correcteur ne l’ignore — une petite proposition ayant un sens complet, qui est intercalée dans une proposition plus étendue, et qui se met entre deux virgules.
  6. Le correcteur sera parfois assez embarrassé pour établir la règle à appliquer, le texte cité pouvant ne faire présumer que d’une manière fort incomplète si la citation est incomplète ou, au contraire, si d’autres citations de même ordre n’ont pas été utilisées par l’auteur ; le correcteur agira dès lors sagement en conservant aux guillemets la place qui leur est assignée par la copie.