Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/16/02

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 443-450).


II

EMPLOI DU BAS DE CASSE


S’écrivent avec une lettre bas de casse initiale[1] :

63. Tous les noms communs[2], c’est-à-dire tous les termes et toutes les expressions ne constituant pas une désignation propre à un seul être ou à une seule chose.

64. Les noms ou surnoms donnés aux souverains, aux chefs d’État et à certains dignitaires :

l’autocrate, le roi, le dey,
le bey, le sultan, le pacha,
le czar, l’émir, le consul,
l’empereur, le suffète, le pape,
le gouverneur,------ le ministre,------ le pharaon,
le schah, le cadi, le président,
le mandarin, le comte, le légat.
le préfet, le calife,

65. Les noms donnés aux membres des divers partis politiques :

les bonapartistes, les réactionnaires,
les dantonistes, les radicaux,
les hébertistes, les modérés,
les légitimistes, les ralliés,
les orléanistes, les conservateurs,
les philippistes, les royalistes,
les républicains, les libéraux,
les socialistes, les communistes,
les thermidoriens,--------------- les soviétistes.

Font généralement exception à cette règle les noms des partis politiques ou des membres des Assemblées de la Révolution de 1793 :

les Conventionnels, les Girondins.
les Montagnards,

66. Les noms des religions ou des diverses sectes religieuses disparues ou existantes :

l’arianisme, l’islamisme,
le bouddhisme, le mahométisme,
le brahmanisme, le judaïsme,
le calvinisme, le paganisme,
le catholicisme, le luthérianisme,
le christianisme, le sabéisme.

67. Les noms des sectaires ou des partisans des doctrines religieuses ou philosophiques :

les ariens, les iconolâtres,
les albigeois, les jansénistes,
les catholiques, les luthériens,
les mahométans, les samaritains,
les luthériens, les vaudois,
les païens, les mahométans,
les anabaptistes, les malthusiens,
les arméniens, les molinistes,
les calvinistes, les monophysites,
les pyrrhoniens, les péripatéticiens,
les pythagoriciens, les pharisiens,
les donatistes, les protestants,
les épicuriens, les puritains,
les gentils, les fourriéristes,
les juifs, les voltairiens,
les hussites, les rousseausistes.
les iconoclastes,

68. Les membres des ordres monastiques, soit de religieux, soit de religieuses, considérés isolément :

un bénédictin, un dominicain, une visitandine,
un camaldule, un feuillant, une carmélite,
un carme, un franciscain, un capucin,
un chartreux, un lazariste, un jésuite,
un cistercien, un minime, un assomptioniste,
un cluniste, un observantin, une picpucienne,
un cordelier, un oblat, un templier,
un mariste, un trappiste, un oratorien.

69. Les noms applicables aux dignitaires, aux prêtres ou aux ministres des différents cultes ou des différentes religions :

les aruspices, les cardinaux, les nadales,
les augures, les pontifes, les pythonisses,
les cabires, les féciaux, les saliens,
les corybantes, les flamines, les vestales,
les curètes, les hiérophantes, les popes,
les dadouques, les mages, les rabbins,
les druides, les marabouts, les misans,
les doyens, les ménades, les archimandrites,
les fabiens, les curés, les primats.
les évêques, les muezzins,

70. Les noms mythologiques des déesses et des dieux païens qui n’ont pas un sens propre, mais sont appliqués en général et désignent toute une catégorie : noms des divinités des bois, des airs, des eaux, de la terre, etc. :

les centaures, les astornes, les argonautes,
les danaïdes, les atlantides, les dryades,
les sirènes, les bacchantes, les faunes,
les sylphes, les naïades, les néréïdes,
les cyclopes, les dorides, les satyres,
les bucentaures, les tritons, les sylvains.

71. Les noms des fêtes païennes :

les saturnales, les chthonies, les dionysées,
les augustales, les dadées, les éleusinies,
les ambarvales, les bacchanales, les panathénées.
les néoménies, les lupercales,

72. Les noms d’hommes appliqués à leurs inventions, à leurs découvertes, à leurs produits, à leurs ouvrages :

un chassepot, un maxim, du clicquot,
un lebel, un phaéton, du rœderer,
une marinoni, un hennés, un barème.

73. Les noms de pays, de contrées, de provinces, de villes donnés aux produits qu’ils fournissent ou qu’ils fabriquent :

un cachemire, du champagne,
de l’alençon, du cognac,
de l’elbœuf, du chine,
des manchettes de malines, du japon,
du bordeaux, du maryland,
du vouvray, du sèvres.

Ces mêmes noms, devenus déterminatifs et précédés d’un mot indiquant la spécialité produite ou fabriquée, conservent la capitale :

un châle de Cachemire, du vin de Champagne[3],
du point d’Alençon, du Champagne[3] Clicquot,
du drap d’Elbœuf, un fusil Lebel,
du vin de Bordeaux, un canon Krupp.

74. Les noms de dieux païens, de peuples, d’hommes, auxquels s’est attachée l’idée représentative continuelle d’une vertu, d’un vice, d’un défaut ou d’une qualité, noms que l’on a dès lors généralisés et qu’un fréquent emploi fait considérer comme noms communs[4] :

un mentor, un amphitryon, un tartufe,
un adonis, un claude, un arabe,
un hercule, une mégère, un ostrogoth,
un sigisbée, un nicodème, un cosaque ;


mais dans les expressions :

c’est un Salomon, c’est une Sémiramis,
c’est un Titus, c’est un Racine,


on doit conserver la grande capitale, car ici l’on a plutôt en vue un individu ressemblant à Salomon, à Titus, à Sémiramis, à Racine, que l’idée attachée au nom ou représentée par le nom de ces grands hommes.

75. a) Dans l’antonomase (nom commun, ou périphrase, mis à la place d’un nom propre ou vice versa), quand on emploie un nom commun à la place du nom propre, le nom commun prend le bas de casse[5] :

l’aigle de Meaux pour Bossuet,
le cygne de Cambrai xx Fénelon,
l’aigle de Patmos xx saint Jean,
le prince des ténèbres xx Satan,
la vierge de Domrémy xx Jeanne d’Arc ;


toutefois on peut mettre la capitale au nom commun si celui-ci, à l’usage, est devenu presque nom propre et sert à qualifier un homme à l’exclusion de tout autre :

l’Ange de l’école ou saint Thomas d’Aquin,
l’Apôtre des gentils ou saint Paul.

En pratique, la règle énoncée au premier paragraphe n’est plus que très exceptionnellement appliquée. La plupart des auteurs et, a leur exemple, des correcteurs écrivent couramment, par analogie avec l’exception qui précède :

le Cygne de Cambrai,xxxxxxxxxxl’Aigle de Patmos,xxxxxxxxxxl’Aigle de Meaux ;


tout au plus, en raison de l’usage imposé par tous les écrivains religieux, l’habitude s’est-elle conservée de composer :

le prince des ténèbres,xxxxxxxxxxla vierge de Domrémy.xxxxxxxxxx

b) Si on emploie un nom propre comme nom commun, ce nom propre prend toujours la capitale et la marque du pluriel, le cas échéant :

Un Auguste aisément peut faire des Virgiles.

76. Les noms des jours et des mois (même ceux du calendrier révolutionnaire) :

lundi, janvier, vendémiaire,
mardi, février, frimaire,
mercredi, mars, messidor,
jeudi, avril, fructidor,
vendredi, mai, ventôse.

77. Les mots désignant les monuments publics ou particuliers, les édifices religieux, lorsque ces noms peuvent s’appliquer à tous les monuments ou édifices du même genre :

l’hôtel de ville de Paris, le palais des Tuileries,
l’arc de triomphe de l’Étoile, le parlement de Londres,
l’amirauté de Londres, le sénat de Rome.

Mais si l’un de ces mêmes mots, appliqué à un monument, sert à le désigner entre tous les autres, à le distinguer nommément, il devient nom propre et doit prendre la capitale :

l’Abbaye, nom d’une paroisse
xxxx de Paris,
la Bastille,
le Moulin-Rouge,
l’Abbaye, prison militaire, le Cirque, théâtre de Paris,
le Temple, le Gymnase,
l’Acropole d’Athènes, la Tour de Londres.
Ces noms ont, en quelque façon, changé de signification et sont devenus noms propres.

78. Lorsqu’un monument change de destination et qu’au lieu du nom propre qu’il portait on lui assigne, pour le désigner, un nom commun, ce dernier s’écrit avec une lettre bas de casse :

Le Capitole de Toulouse sera transformé en hôtel de ville ;
Le Louvre, en musée ;
Le Luxembourg, en sénat ;
Le Palais-Royal, en tribunat ;

La règle ne serait plus applicable si l’on disait :

Le Luxembourg est le lieu où siège le Sénat ;


par analogie avec la règle du deuxième alinéa du paragraphe 77 on composera :

Cet hôtel de ville s’appelle le Capitole,
Ce palais de justice se nomme les Tournelles,
Cet hôtel de ville s’appelle l’Hôtel de ville,
Ce musée se nomme le Musée.

79. Si, au lieu d’appliquer à un État, à un monument, à une ville, le nom qui leur est propre, on les désigne par une dénomination permettant de les reconnaître sans erreur possible, mais constituée toutefois de noms communs, ceux-ci s’écrivent avec une lettre bas de casse.
---- On appelle ainsi fréquemment :

Rome, la ville éternelle[6],
la Palestine, la terre sainte,
le Vatican, le palais des papes,
l’Amérique, le nouveau monde.

80. Les articles le, la, les, du, de la, des, devant un nom propre de ville s’écrivent avec un bas de casse (de même que devant les noms de rue) :

les Andelys, le Caire, le Havre,
l’Argentière, le Mans, rue du Helder.

Nombre d’administrations publiques ont une tendance marquée à écrire l’article simple le, la, les, avec une grande capitale initiale, sous le prétexte que cet article fait partie essentielle et intégrante du mot. Cet usage ne paraît pas recommandable, en raison des irrégularités nombreuses auxquelles on est entraîné lorsque la phrase exige devant le nom de la ville l’emploi de l’article contracté du, des, au, aux :

La ville du Mans remonte à l’époque…
La visite des curiosités des Andelys est une promenade…
En se rendant au Havre par la voie des airs…

81. Devant nombre de noms propres de personnes (par analogie avec l’usage qui existait au xviie siècle), quelques auteurs recommandent la lettre initiale bas de casse dans les articles le, la, les, du, des :

la Bruyère, la Feuillade, du Cerceau,
la Fontaine, le Tellier, du Cange.
la Vallière, du Guesclin,

Cependant la plupart des écrivains emploient de nos jours la grande capitale initiale, pour les articles le, la, les, et cet usage est devenu la règle :

le marquis de La Rochefoucauld,----------le duc de La Force.

a) On doit faire exception toutefois pour certains noms ou surnoms de peintres, de sculpteurs, de poètes, etc., particulièrement célèbres :

le Tasse, le Parmesan, l’Arioste,
l’Arétin, le Corrège, le Caravage,
le Titien, la Patti, la Malibran.

b) Les articles le, la, les, se composent encore avec une lettre bas de casse initiale, si le nom qui les suit est employé dans un sens péjoratif, c’est-à-dire avec une nuance de mépris ou de mauvaise renommée :

Le procès de la Brinvilliers et de la Voisin faillirent mettre en cause les personnages les plus haut placés…

c) Ces mêmes articles conservent la lettre initiale bas de casse, lorsqu’ils réunissent un nom propre de roi, de souverain ou de personnage célèbre à l’adjectif qualificatif constituant un surnom distinctif :

Guillaume le Taciturne, qui libéra les Pays-Bas du joug espagnol…
---- Charles le Bel, l’irréductible adversaire des Templiers, ne recula pas devant…

d) De manière générale, la préposition de, indiquant l’origine, l’appartenance, ou employée devant un nom propre comme signe de noblesse, se compose avec une lettre initiale bas de casse :

le duc de Montmorency, le duc de La Rochefoucauld,
la marquise de Sévigné, la princesse de Lamballe.

Cependant, si l’emploi de la lettre initiale bas de casse peut créer une confusion dans l’esprit du lecteur, il est fait exception à la règle et le mot de précédant un nom de personne s’écrit avec une grande capitale :

Parmi les vins les plus réputés d’Anjou, il faut mettre au premier rang ceux sortant des chais De Neuville et Cie [7].

82. Les mots Van, Van der, Van den, qui précèdent les noms flamands, prennent également la capitale :

Van Dyck,----------Van der Meulen,


à moins que le personnage désigné ne soit noble ; dans ce cas, van ne prend pas la capitale.

83. Les particules von, en allemand, don et dona en espagnol, et dom en portugais, appliquées aux personnes nobles, ne prennent pas la capitale.

Mon père, en vertu de sa charge, prit le titre de don.
---- Elle se faisait appeler dona, quoiqu’elle n’eût aucun droit à ce titre.

a) Lorsqu’ils font partie d’un titre d’ouvrage, ces mots prennent une grande capitale initiale :

En écrivant Don Alonzo, ou l’Espagne, Histoire contemporaine, M. de Salvandy, en 1824,…

b) Le mot dom, placé devant le nom d’un religieux bénédictin, salésien ou autre, prend la grande capitale initiale :

Le célèbre Dom Bosco, qui fut le fondateur…
---- Entre beaucoup d’autres, Dom Guéranger, de l’abbaye de Solesmes, est l’une des gloires…

  1. Toutes ces règles ne s’appliquent, cela va sans dire, qu’à la composition courante ; de nombreuses exceptions sont faites pour les ouvrages spéciaux. — Voir, sur ce même sujet, A. Tassis, Guide du Correcteur.
  2. Ce mot doit être entendu aussi bien dans sa signification grammaticale que dans un sens indéterminé et général applicable à l’article, à l’adjectif, au pronom, au verbe, au participe, à l’adverbe, à la préposition, à la conjonction et à l’interjection.
  3. a et b Nous appelons l’attention sur la différence d’orthographe de ce mot, par suite de ses divers emplois.
  4. Voir, sur ce même sujet, le paragraphe 20.
  5. Cette règle est celle de Tassis. Ainsi que le lecteur le verra quelques lignes plus bas, elle n’est plus que très rarement appliquée.
  6. Les correcteurs savent par expérience las entorses nombreuses données à cet exemple et au suivant et les irrégularités qui en résultent.
  7. La raison de cette exception à la règle est aisée à comprendre : si la préposition de est composée avec une lettre initiale bas de casse, le nom des propriétaires des chais se trouve être MM. Neuville et Cie ; si, au contraire, la préposition reçoit une grande Capitale, la raison sociale devient De Neuville et Cie.