Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 1/01/01

E. Arrault et cie (1p. 1-2).


CHAPITRE PREMIER

LE CORRECTEUR. — DÉFINITION



§ 1. — ORIGINE


Les premiers typographes furent, pour la plupart, des lettrés remarquables. L’hébreu, le grec étaient d’usage courant dans les imprimeries du xve et du xvie siècle ; maîtres imprimeurs et « clients » non seulement connaissent, mais parlent le latin à l’instar d’une langue maternelle.

Il ne faut donc point s’étonner de rencontrer, dès cette époque, dans la technique typographique, en plus grand nombre peut-être que dans celle de professions différentes, un chiffre élevé d’expressions et de termes tirés directement du latin et, en moindre quantité, des mots venus du grec.

Les mots correcteur et correction possèdent incontestablement une origine latine.

La correction (du latin correctio) est « l’action de corriger, de redresser, d’améliorer ».

Le correcteur (en latin corrector, nom que l’on rencontre à l’époque de Cicéron et de Virgile, mais qui sans doute était bien antérieur) était, chez les Romains, « celui qui corrige, qui redresse, qui réforme, qui améliore enfin ». — Dans le sens le plus large, dans le sens indéterminé, un correcteur est « une personne qui corrige ».

Les genres de correcteurs ont été, de par le monde, aussi nombreux que leurs attributions furent diverses. Suivant Larousse[1], le même nom de correcteur désignait, au temps de l’ancienne Rome, le magistrat provincial chargé de maintenir l’ordre et de surveiller les édifices[2], et l’esclave lettré qui chez le librarius revisait les manuscrits[3]. Dans l’ancien droit, l’officier de la Chambre des Comptes qui vérifiait les « mémoires » était appelé correcteur ; de même, le supérieur de certains ordres religieux, tels les Minimes. Correcteurs encore furent nommés les canonistes qui, vers le milieu du xvie siècle, dirigèrent la revision du décret de Gratien. Enfin, dans un ordre d’idées fort différent, au temps de Balzac, les correcteurs étaient « encore, au collège, un vivant et surtout un… cuisant « souvenir ».

De nos jours, peut-être parce que les verges dont ils se servaient, si elles corrigeaient parfois sévèrement, n’amendaient point toujours l’élève fautif, les correcteurs du collège sont devenus des répétiteurs ou des… « pions[4] ». L’officier correcteur est aujourd’hui contrôleur ou maître des comptes, cependant que le procureur a remplacé le correcteur religieux. Le magistrat provincial chargé de maintenir l’ordre est maintenant le préfet de police, le commissaire ou le… gendarme. Seul, le correcteur esclave qui, chez les libraires romains, vérifiait les manuscrits, a vu son nom et ses fonctions, illustrés par des hommes éminents, se transmettre jusqu’à nous.



  1. P. Larousse, Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, t. V, p. 181 (1869), au mot Correcteur.
  2. Ce magistrat était un personnage de l’ordre « sénatorial ». — R. Cagnat (Cours d’épigraphie latine, 3e éd., p. 102), indiquant la concordance des termes latins et grecs désignant ce fonctionnaire, lui donne le titre de ϰονρήϰτωρ.
  3. Voir chapitre ii, le Correcteur à travers les âges : § 1, les Manuscrits et les Correcteurs, p. 19.
  4. Balzac, dans son roman le Lys dans la vallée, emploie en ce sens, croyons-nous, le mot gâcheux.