Traduction de Claude-Étienne Savary.
LE CORAN,

traduit de l’arabe, accompagné de notes, précédé d’un abrégé de la vie de Mahomet, tiré des écrivains orientaux les plus estimés.

Première partie.
Réédition de 1821 (première édition en 1783).

Publié à Paris et Amsterdam par G. Dufour, Libraire.
◄  Chapitre IV Sourate 5 Chapitre VI  ►


CHAPITRE V.
La Table.

donné à Médine, composé de 120 versets.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


O croyans ! gardez vos engagemens. Nourrissez-vous de la chair de vos troupeaux ; mais ne mangez pas des animaux qu’ils vous est défendu de tuer à la chasse pendant le voyage de la Mecque. Dieu commande ce qu’il lui plait.

2O croyans ! ne profanez pas les lieux consacrés à Dieu, ni le mois haram, ni les victimes, ni leurs ornemens[1]. Respectez ceux qui font le pèlerinage, et qui cherchent à se procurer l’abondance et la bienveillance du Seigneur.

3Lorsque le pèlerinage sera accompli, la chasse vous est permise. Ne vous livrez point à la haine contre ceux qui vous auront interdit l’entrée du temple, de peur que vous ne deveniez prévaricateurs. Exhortez-vous à la justice et à la piété. Prenez garde de tomber dans le crime. Craignez le Seigneur. Ses châtimens sont terribles.

4Les animaux morts, le sang, la chair du porc, les animaux suffoqués, assommés, tués par quelque chute ou d’un coup de corne; ceux qui sont devenus la proie d’une bête féroce, à moins que vous n’ayez le temps de les saigner, ceux qu’on a immolés aux autels des idoles, et sur lesquels on a invoqué un autre nom que celui de Dieu ; tout cela vous est défendu. La distribution des parts dues au sort des flèches[2] vous est aussi interdite. Malheur aux infidèles qui abandonnent votre religion ! Ne les craignez point. Craignez-moi.

5Aujourd’hui j’ai mis le sceau à votre religion. Mes grâces sur vous sont accomplies. Il m’a plu de vous donner l’islamisme. Celui qui, cédant à la nécessité de la faim, sans avoir dessein de mal faire, transgressera les lois que nous avons prescrites, éprouvera l’indulgence divine.

6Ils te demanderont ce qui leur est permis. Réponds-leur : Tout ce qui n’est pas immonde. La proie que vous procureront les animaux dressés à la chasse, d’après la science que vous avez reçue de Dieu, vous est permise. Mangez-en, et invoquez sur elle le nom du Seigneur. Craignez-le parce qu’il est exact dans ses comptes.

7Aujourd’hui on vous a ouvert la source des biens. La nourriture des juifs vous est licite. La vôtre leur est permise. Vous pouvez épouser les filles libres des fidèles et des juifs, pourvu que vous les dotiez ; mais il vous est défendu de vivre avec elles dans la débauche, et de les avoir comme courtisanes. Celui qui trahira sa foi perdra le fruit de ses bonnes œuvres, et sera dans l’autre monde au nombre des réprouvés.

8O croyans ! avant de commencer la prière, lavez-vous le visage et les mains jusqu’au coude. Essuyez-vous la tête et les pieds jusqu’aux talons.

9Purifiez-vous après vous être approchés de vos épouses. Lorsque vous serez malades ou en voyage, et que vous aurez satisfait vos besoins naturels ou en commerce avec des femmes, frottez-vous le visage et les mains avec de la poussière si vous manquez d’eau. Dieu ne veut pas que vous trouviez son joug pesant. Il veut vous rendre purs, et accomplir sur vous ses grâces, afin que vous en soyez reconnaissans.

10Souvenez-vous donc des bienfaits du Seigneur. Gardez l’alliance qu’il contracta avec vous, quand vous dites : Nous avons entendu et nous avons obéi. Craignez le Très-Haut. Il sonde le fond des cœurs.

11O croyans ! soyez vrais dans les témoignages que vous prêterez à la face du ciel. Que la haine ne vous porte point à commettre une iniquité. La justice est la sœur de la piété. Craignez Dieu parce qu’il connaît vos actions.

12Dieu promet sa miséricorde, et une récompense éclatante à ceux qui joindront à la foi le mérite des bonnes œuvres.

13Les infidèles qui accusent notre doctrine de mensonge seront les victimes de l’enfer.

14O croyans ! souvenez-vous des bienfaits du Seigneur. Lorsque vos ennemis songeaient à tourner leurs armes contre vous, il arrêta leur bras. Craignez-le. Que les fidèles mettent en lui leur confiance.

15Dieu reçut l’alliance des enfans d’Israël. Il leur donna douze chefs, et leur dit : Je serai avec vous. Observez la prière; faites l’aumône; croyez en mes envoyés ; aidez-les ; employez vos richesses pour la employez vos richesses pour la défense de la religion sainte. J’expierai vos offenses ; je vous introduirai dans les jardins où coulent des fleuves. Celui qui, après ces avertissemens, refusera de croire, marchera dans le chemin de l’erreur.

16Ils violèrent leur pacte, et ils furent maudits. Nous avons endurci leurs cœurs. Ils corrompent les écritures sacrées. Ils en cachent une partie. Tu ne cesseras de manifester leur fraude. Presque tous en sont coupables ; mais aie pour eux de l’indulgence. Dieu aime les bienfaisans.

17Nous avons reçu l’alliance des chrétiens ; mais ils ont oublié une partie de nos commandemens. Nous avons semé entre eux la discorde et la haine. Elles ne s’éteindront qu’au jour de la résurrection. Bientôt Dieu leur montrera ce qu’ils ont fait.

18O vous qui reçûtes le livre de la loi ! notre envoyé vous a dévoilé beaucoup de passages que vous cachiez ; il est indulgent sur beaucoup d’autres. La lumière vous est descendue des cieux avec le Coran. Dieu s’en servira pour conduire dans le sentier du salut ceux qui suivront sa volonté. Il les fera passer des ténèbres à la lumière, et les conduira dans le droit chemin.

19Ceux qui disent que le Christ, fils de Marie, est Dieu, sont infidèles. Réponds-leur : Qui pourrait arrêter le bras du Tout-Puissant, s’il voulait perdre le Messie fils de Marie, sa mère, et tous les êtres créés.

20Dieu est le souverain des cieux, de la terre et de l’immensité de l’espace. Il tire à son gré les êtres du néant, parce que sa puissance est infinie.

21Nous sommes les enfans chéris de Dieu, disent les juifs et chrétiens. Réponds-leur : Pourquoi vous punit-il donc de vos crimes ? Vous êtes une portion des hommes, qu’il a créés. Il pardonne ou châtie à son gré. Les cieux, la terre, l’univers, composent son domaine. Il est le terme où tout doit aboutir.

22O vous qui reçûtes les Écritures ! notre apôtre va vous éclairer sur la cessation des prophètes. Vous ne direz plus : Ils ont cessé ces jours où les ministres du ciel venaient nous annoncer ses menaces et ses promesses. Un d’eux est au milieu de vous, parce que la puissance de Dieu est sans bornes.

23Lorsque Moïse dit aux Israëlites : Souvenez-vous des grâces que vous avez reçues de Dieu ; il vous a envoyé les prophètes ; il vous a donné des rois, et vous a accordé des faveurs qu’il n’a faites à aucune autre nation ;

24Entrez dans la Terre Sainte que Dieu vous a destinée ; ne retournez pas en arrière, de peur que vous ne marchiez à votre perte.

25Ce pays, répondirent les israëlites, est habité par des géans. Nous n’y entrerons point tant qu’ils l’occuperont. S’ils en sortent, nous en prendrons possession.

26Présentez-vous à la porte de la ville, dirent deux hommes craignant le Seigneur et favorisés de ses grâces, vous y pénétrerez et vous remporterez la victoire. Mettez votre confiance en Dieu, si vous êtes fidèles.

27Nous ne nous y présenterons point, dit le peuple à Moïse, tant que les géans l’habiteront. Va avec ton Dieu, et combattez. Nous demeurerons ici.

28Seigneur, s’écria Moïse, je suis seul avec mon Père : juge entre nous et les rebelles.

29Le Seigneur prononça ces mots : L’entrée de ce pays leur sera interdite pendant quarante ans. Ils erreront sur la terre. Cesse de t’alarmer pour des prévaricateurs.

30Raconte-leur l’histoire des fils d’Adam[3] avec vérité. Ils présentèrent leurs offrandes. L’une fut reçue, l’autre rejetée. Celui qui fut refusé dit à son frère : Je te mettrai à mort. Dieu, répondit le juste, ne reçoit des victimes que des hommes pieux.

31Si tu attentes à mes jours, je n’aurai point recours à la vengeance, parce que je crains le Dieu de l’univers.

32Tu retourneras chargé de mes iniquités et des tiennes, et tu habiteras le feu destiné aux pervers.

33Malgré ces menaces, la soif du sang prévalut dans le cœur de l’envieux. Il tua son frère, et fut au nombre des réprouvés.

34Dieu envoya un corbeau qui creusa la terre, et lui apprit la manière d’ensevelir le corps de son frère.

35Malheureux que je suis ! s’écria le meurtrier, ne puis-je, comme ce corbeau, creuser la terre, et cacher les tristes restes de mon frère ? Il se livra au repentir.

36C’est pourquoi nous avons donné ce précepte aux enfans d’Israël : celui qui tuera un homme sans en éprouver de violence sera coupable du sang de tout le genre humain ; et celui qui sauvera la vie à un homme, sera récompensé comme s’il l’avait sauvée à tout le genre humain.

37Nos envoyés ont paru au milieu d’eux. Ils ont opéré des miracles ; cependant la plupart ont été prévaricateurs.

38La récompense de ceux qui combattent contre Dieu et son prophète, et qui s’efforcent d’étendre la corruption sur la terre, sera la mort, le supplice de la croix. Vous leur couperez les pieds, les mains. Vous les bannirez de leur patrie. Telle sera l’ignominie dont ils seront couverts dans ce monde. Les tourmens seront leur partage dans l’autre.

39Sachez que ceux qui se repentiront, avant que vous les ayez domptés, éprouveront l’indulgence et la miséricorde du Seigneur.

40O croyans ! craignez Dieu. Efforcez-vous de mériter un accès auprès de lui. Combattez pour la religion et vous serez heureux.

41Quand les infidèles posséderaient deux fois autant de richesses que la terre en contient, ils les offriraient en vain pour se racheter des supplices au jour de la résurrection ; ils seraient refusés ; et les tourmens qui les attendent sont épouvantables.

42En vain s’efforceront-ils de s’arracher des flammes. Ils y demeureront ensevelis, et leurs souffrances seront éternelles.

43Coupez les mains des voleurs,[4] hommes ou femmes, en punition de leur crime. C’est la peine que Dieu a établie contre eux. Il est puissant et sage.

44Il fera grâce à celui qui touché de repentir se corrigera. La miséricorde est son partage.

45Ignores-tu que Dieu est le souverain des cieux et de la terre, qu’il punit et pardonne à son gré, parce que sa puissance est sans bornes ?

46O prophète ! ne t’afflige point de voir courir à l’infidélité ceux qui disent : Nous croyons tandis que leur cœur dément ce que leur bouche profère ; ni ceux qui, sectateurs du Judaïsme, ouvrent leurs oreilles au mensonge, et par respect humain, viennent aussi t’entendre. Ceux qui n’ont point encore écouté ta doctrine, corrompent le texte du Pentateuque, et disent : S’il vous lit l’écriture de cette manière, recevez-la. Défiez-vous-en si l’on y fait quelque changement. Qui préservera de l’erreur celui que Dieu veut égarer ? ceux dont il ne purifiera point le cœur, seront chargés d’opprobre dans ce monde, et souffriront dans l’autre des tourmens rigoureux.

47Ils aiment le mensonge. Les mets défendus sont leur nourriture. S’ils te prennent pour arbitre, prononce entre eux, ou fuis-les. Loin d’eux, leur méchanceté ne te nuira point ; mais si tu prends la balance, juge-les avec équité. Dieu aime ceux qui sont équitables.

48Comment te prendraient-ils pour arbitre ? Ils ont le Pentateuque où sont renfermés les préceptes du Seigneur ; mais ils flottent dans le doute, et ils ne croient point.

49Nous avons envoyé le Pentateuque pour diriger et éclairer les hommes. Les prophètes qui suivaient l’islamisme, s’en servirent pour juger les juifs. Les docteurs et les pontifes guidèrent par ses lois, le peuple confié à leur garde. Ils étaient ses témoins. O juifs ! ne craignez point les hommes. Craignez-moi. Ne vendez point ma doctrine pour un vil intérêt. Quiconque ne prendra pas pour règle de ses jugemens la vérité que Dieu a fait descendre du ciel, sera prévaricateur.

50Nous avons prescrit aux juifs la peine du talion. On rendra âme pour âme, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent, blessure pour blessure. Celui qui changera cette peine en aumône, aura un mérite aux yeux de Dieu. Quiconque transgressera, dans ses jugemens, les préceptes que nous vous avons donnés, sera coupable.

51Après les prophètes, nous avons envoyé Jésus fils de Marie, pour confirmer le Pentateuque. Nous lui avons donné l’Évangile, qui est le flambeau de la foi, et qui met le sceau à la vérité des anciennes écritures. Ce livre éclaire et instruit ceux qui craignent le Seigneur.

52Les chrétiens seront jugés d’après l’Évangile. Ceux qui les jugeront autrement seront prévaricateurs.

53Nous t’avons envoyé le livre véritable qui confirme les écritures qui l’ont précédé, et qui en rend témoignage. Juge entre les juifs et les chrétiens suivant les commandemens de Dieu. Ne suis pas leurs désirs, et ne t’écarte pas de la doctrine que tu as reçue. Nous avons donné à chacun de vous des lois pour se conduire.

54Dieu pouvait vous réunir tous sous une même religion. Il a voulu éprouver si vous seriez fidèles à ses divers commandemens. Efforcez-vous de faire le bien. Vous retournerez tous à lui, et il vous montrera en quoi vous aurez erré.

55Que la science que tu as reçue soit la règle de tes jugemens. N’écoute pas leurs désirs. Évite la séduction, et n’oublie rien de la doctrine de Dieu. S’ils s’écartent du vrai chemin, sache que le Tout-Puissant les punit pour quelque crime qu’ils ont commis. Le nombre des prévaricateurs est très-grand.

56Désirent-ils le jugement de l’ignorance ? Quel juge plus équitable que Dieu peuvent avoir les croyans ?

57O croyans ! ne formez point de liaisons avec les juifs et les chrétiens. Laissez-les s’unir ensemble. Celui qui les prendra pour amis deviendra semblable à eux, et Dieu n’est point le guide des pervers.

58Vous verrez ceux dont le cœur est corrompu s’unir pour repousser, diront-ils, les coups de la fortune ; mais il sera facile à Dieu de donner la victoire au prophète, et des ordres qui les feront repentir de leurs desseins.

59Sont-ce là ceux qui juraient, par le nom de Dieu, qu’ils étaient de notre parti, diront les fidèles ; leurs œuvres sont vaines, et ils périssent.

60O musulmans ! si vous abandonnez votre religion, Dieu appellera d’autres peuples. Il les aimera et ils l’aimeront. S’ils sont inférieurs aux croyans, ils seront supérieurs aux infidèles. Ils combattront pour la foi, et ne craindront point les reproches de celui qui blâme. Dieu fera cette faveur à qui il voudra. Il est sage et infini.

61Vous avez pour appui le bras du Très-Haut, les fidèles, ceux qui font la prière, l’aumône, et qui adorent le Seigneur.

62Ceux qui marchent sous la protection du Ciel, de son apôtre et des croyans, sont les milices du Seigneur. Ils remporteront la victoire.

63O croyans ! ne vous liez point avec les chrétiens, les juifs et les impies, qui font de votre culte l’objet de leurs railleries. Craignez Dieu, si vous êtes fidèles.

64Ne vous liez point avec ceux qui se moquent de la prière, à laquelle on les invite ; ils sont dans l’ignorance.

65Demande aux juifs : quel est le sujet de l’horreur que vous avez pour les fidèles ? Est-ce parce qu’ils croient en Dieu, aux anciennes écritures, ou parce que la plupart d’entre vous sont prévaricateurs ?

66Que vous peindrai-je de plus terrible que la vengeance que Dieu a exercée contre vous ? Il vous a maudits dans sa colère. Il vous a transformés en singes et en porcs, parce que vous avez brûlé de l’encens devant les idoles, et que vous êtes plongés dans les plus profondes ténèbres.

67Lorsqu’ils se sont présentés à vous, ils ont dit : Nous croyons. Ils sont entrés avec l’infidélité ; ils s’en sont retournés avec l’infidélité : mais Dieu connaît ce qu’ils recèlent.

68Combien d’entre eux se livrent à l’iniquité ? Combien en verrez-vous se nourrir des mets défendus ? Mais malheur à leurs œuvres !

69Si leurs docteurs et leurs pontifes n’arrêtaient l’impiété de leurs discours, s’ils ne les empêchaient de transgresser le précepte des alimens, malheur aux maux qu’ils commettraient !

70Les mains de Dieu sont liées, disent les juifs. Que leurs bras soient chargés de chaînes. Qu’ils soient maudits pour prix de leurs blasphèmes. Au contraire, les mains de Dieu sont ouvertes et prêtes à verser les dons sur ceux qu’il lui plaît. La grâce qu’il t’a accordée ne fera qu’accroître leurs erreurs et leur infidélité. Nous avons semé parmi eux des haines qui fermenteront jusqu’au jour de la résurrection. Le Tout-Puissant éteindra le feu de la guerre toutes les fois qu’ils l’allumeront contre toi. Ils seront errans sur la terre, et porteront avec eux la corruption ; mais le Seigneur hait les corrupteurs.

71S’ils avaient la foi et la crainte du Seigneur, nous effacerions leurs péchés ; nous les introduirions dans les jardins de délices. L’observation du Pentateuque, de l’Évangile et des préceptes divins, leur procurerait la jouissance de tous les biens. Il en est parmi eux qui marchent dans la bonne voie ; mais la plupart sont impies.

72O prophète ! dévoile les lois que Dieu t’a révélées, afin que ta mission soit accomplie. Le bras du Tout-Puissant te conservera contre les efforts des hommes, parce qu’il n’est point le guide des infidèles.

73Dis aux juifs et aux chrétiens : Vous n’êtes appuyés sur aucun fondement, tant que vous n’observerez pas le Pentateuque, l’Évangile et les commandemens de Dieu. Le livre que tu as reçu du ciel augmentera l’aveuglement de beaucoup d’entre eux ; mais ne t’alarme point sur le sort des infidèles.

74Les fidèles, les juifs, les sabéens et les chrétiens qui croiront en Dieu et au jour dernier, et qui auront pratiqué la vertu, seront exempts de la crainte et des tourmens.

75Nous reçûmes l’alliance des Israëlites, et nous leur envoyâmes des prophètes. Toutes les fois qu’ils leur annoncèrent des vérités, que rejetaient leurs cœurs corrompus, ils furent accusés de mensonge, ou injustement massacrés.

76Ils ont pensé que leurs crimes seraient impunis, et ils sont devenus aveugles et sourds. Le Seigneur leur a pardonné, et le plus grand nombre est retombé dans l’aveuglement ; mais l’Éternel est témoin de leurs actions.

77Ceux qui disent que le Messie fils de Marie est Dieu, profèrent un blasphème. N’a-t-il pas dit lui-même : O enfans d’Israël, adorez Dieu, mon seigneur et le vôtre ! Celui qui donne un égal au Très-Haut n’entrera point dans le jardin de délices. Sa demeure sera le feu. Les réprouvés n’auront plus de secours à attendre.

78Ceux qui soutiennent la trinité de Dieu sont blasphémateurs. Il n’y a qu’un seul Dieu. S’ils ne changent de croyance, un supplice douloureux sera le prix de leur impiété.

79Ne retourneront-ils point au Seigneur ? N’imploreront-ils point leur pardon ? Il est indulgent et miséricordieux.

80Le Messie fils de Marie n’est que le ministre du Très-Haut : d’autres envoyés l’ont précédé. Sa mère était juste. Ils vivaient et mangeaient ensemble. Vois comme nous leur donnons des preuves de l’unité de Dieu, et comment ensuite ils se livrent au mensonge.

81Dis-leur : Adorerez-vous une idole impuissante, qui ne saurait ni vous nuire ni vous protéger ; tandis que Dieu sait et entend tout ?

82Dis aux juifs et aux chrétiens : Ne passez point les bornes de la foi, pour suivre le mensonge. N’embrassez pas l’opinion de ceux qui étaient avant vous dans l’erreur, et qui ont entraîné la plupart des hommes dans leur aveuglement.

83Les juifs incrédules ont été maudits par la bouche de David et de Jésus fils de Marie. Rebelles et impies, ils ne cherchaient point à se détourner du crime. Malheur à leurs œuvres !

84Vous les voyez courir en foule dans le parti des infidèles. Malheur aux forfaits dont ils sont coupables ! Dieu, dans sa colère, les précipitera pour toujours dans l’horreur des tourmens.

85S’ils eussent cru en Dieu, au prophète, au Coran, ils n’auraient pas recherché leur alliance ; mais la plupart d’entre eux sont pervertis.

86Vous éprouverez que les juifs et les idolâtres sont les plus violens ennemis des fidèles, et parmi les chrétiens vous trouverez des hommes humains et attachés aux croyans, parce qu’ils ont des prêtres et des religieux voués à l’humilité.

87Lorsqu’ils entendent la lecture du Coran[5], vous les voyez pleurer de joie d’avoir connu la vérité. Seigneur, s’écrient-ils, nous croyons. Écris-nous au nombre de ceux qui rendent témoignage.

88Pourquoi ne croirions-nous pas en Dieu et à la vérité qu’il a manifestée ? Pourquoi ne désirerions-nous pas d’avoir une place parmi les justes ?

89Dieu a entendu leur voix ; il leur donnera pour habitation éternelle les jardins de délices qu’arrosent des fleuves. Telle sera la récompense des bienfaisans ; mais les infidèles, et ceux qui accuseront notre doctrine de mensonge, seront précipités dans l’enfer.

90O croyans ! ne défendez point l’usage des biens que Dieu vous a permis. Ne transgressez point ses commandemens : il hait les prévaricateurs.

91Nourrissez-vous des alimens licites que vous tenez de la libéralité divine. Craignez Dieu, si vous avez la foi.

92Il ne vous punira pas pour un serment inconsidéré ; mais si vous contractez un engagement réfléchi, son infraction vous coûtera la nourriture de dix pauvres, leur vêtement, ou la rançon d’un captif. Celui qui sera hors d’état d’accomplir cette peine jeûnera trois jours. Telle est la loi portée contre ceux qui manqueront à leurs sermens. Gardez vos pactes : c’est ainsi que Dieu vous manifeste ses préceptes, afin que vous lui en rendiez grâces.

93O croyans ! le vin[6], les jeux de hasard, les statues, et le sort des flèches, sont une abomination inventée par Satan. Abstenez-vous-en, de peur que vous ne deveniez pervers.

94Le démon se servirait du vin et du jeu pour allumer parmi vous le feu des dissensions, et vous détourner du souvenir de Dieu et de la prière. Voudriez-vous devenir prévaricateurs ? Obéissez à Dieu, à son apôtre, et craignez ; si vous êtes rebelles, sachez que le prophète n’est chargé que de vous annoncer la vérité.

95Les croyans qui auront pour eux le mérite des bonnes œuvres ne seront point coupables pour avoir mangé des alimens défendus, pourvu qu’ils conservent constamment la foi, la crainte du Seigneur et l’amour du bien, parce que le Seigneur aime ceux qui exercent la bienfaisance.

96O croyans ! la proie que vos lances vous procureront à la chasse sera pour vous une épreuve. Dieu saura celui qui le craint dans le secret. Le prévaricateur deviendra la victime des tourmens.

97O croyans ! ne tuez point d’animal à la chasse pendant le pèlerinage de la Mecque. Celui qui violera cette défense sera puni comme s’il avait tué un animal domestique ; deux hommes équitables d’entre vous le jugeront : il sera condamné à envoyer un présent au temple saint, à nourrir des pauvres, ou à subir un jeûne, afin qu’il sente la peine de sa faute. Dieu pardonne le passé, mais celui qui retombera éprouvera la vengeance céleste. Dieu est terrible dans ses châtimens.

98La pêche, avec ses avantages, vous est permise ; vous pouvez vous en servir pendant le saint voyage ; mais tout le temps qu’il durera, la chasse vous est ni de Ham ; des infidèles sans intelligence lui ont prêté ces mensonges.

104Lorsqu’on leur a dit : Embrassez la religion que Dieu a révélée à son apôtre, ils ont répondu : La croyance de nos pères nous suffit. Peu leur importe que leurs pères n’aient eu ni science ni lumières pour se conduire.

105O croyans ! le soin de vos âmes vous regarde ; l’erreur des autres ne vous nuira point si vous êtes éclairés ; vous paraîtrez tous devant le tribunal de Dieu, et il vous montrera vos œuvres.

106O croyans ! lorsqu’au lit de la mort vous ferez votre testament, appelez pour témoins deux hommes équitables d’entre vous. Si quelque accident mortel vous surprenait en voyage, vous pouvez vous servir d’étrangers. Vous les tiendrez sous votre garde, et, après avoir fait la prière, si vous doutez de leur foi, vous leur ferez prêter ce serment devant Dieu : Nous ne recevrons point d’argent pour témoigner, pas même d’un parent ; nous ne cacherons point notre témoignage, car nous serions criminels.

107S’il était évident que les deux témoins eussent prévariqué, on en choisirait deux autres parmi les parens du testateur. Ils jureront à la face du ciel que leur témoignage est véritable, et que s’ils sont parjures, ils seront au nombre des réprouvés.

108Ils prêteront témoignage en présence des premiers témoins, afin qu’ils puissent craindre d’être contredits. Craignez le Seigneur, écoutez sa voix ; il ne dirige point les pervers.

109Un jour Dieu rassemblera les prophètes, et leur demandera ce que les peuples ont répondu à leurs exhortations. Seigneur, diront les prophètes, la science n’est point notre partage ; toi seul connais les secrets.

110Dieu dira à Jésus, fils de Marie : Souviens-toi des grâces que j’ai répandues sur toi et sur celle qui t’a enfanté ; je t’ai fortifié dans l’esprit de sainteté afin que tu instruisisses les hommes depuis ton berceau jusqu’à la vieillesse.

111Je t’ai enseigné l’Écriture, la Sagesse, le Pentateuque, l’Évangile ; tu formas de boue la figure d’un oiseau, et ton souffle l’anima par ma permission ; tu guéris un aveugle de naissance et un lépreux par ma volonté ; tu fis sortir les morts de leurs tombeaux ; je détournai de toi les mains des juifs. Au milieu des miracles que tu fis éclater à leurs yeux, obstinés dans leur incrédulité, il s’écriaient : Tout cela n’est que prestige.

112J’inspirai aux apôtres de croire en moi et en Jésus mon envoyé, et ils dirent : Nous croyons, rends témoignage de notre foi.

113O Jésus, fils de Marie, dirent les apôtres : ton Dieu peut-il nous faire descendre des cieux une table préparée ? Craignez le Seigneur, répondit Jésus, si vous êtes fidèles.

114Nous désirons, ajoutent-ils, nous y asseoir, et y manger : alors nos cœurs seront tranquilles, nous saurons que tu nous a prêché la vérité, et nous rendrons témoignage.

115Jésus, fils de Marie, adressa au ciel cette prière : Seigneur, fais-nous descendre une table du ciel. Qu’elle soit une fête pour le premier et le dernier d’entre nous, et un signe de ta puissance. Nourris-nous ; tu est le plus libéral des dispensateurs.

116Le Seigneur exauça sa demande et dit : Celui qui, après cette merveille, sera incrédule, subira le supplice le plus terrible qu’éprouva jamais aucune créature.

117Dieu ayant demandé à Jésus, fils de Marie, s’il avait commandé aux hommes de l’adorer lui et sa mère comme des dieux ; Seigneur, répondit-il, leur aurais-je ordonné un sacrilège ? Si j’en étais coupable, ne le saurais-tu pas ? Tu connais ce qui est dans mon cœur, et j’ignore ce que voile ta majesté suprême. La connaissance des mystères n’appartient qu’au Très-Haut.

118Je ne leur ai fait entendre ma voix que pour leur annoncer tes commandemens. Je leur ai dit : Adorez Dieu, mon Seigneur et le vôtre. J’ai été témoin auprès d’eux, tant que j’ai resté sur la terre. Lorsque la mort est venue par ton ordre trancher le fil de mes jours, tu as été leur gardien. Tu es le témoin universel. Si tu les punis, ils sont tes serviteurs ; si tu leur pardonnes, tu es puissant et sage.

119Le Seigneur dit : Au jour du jugement, la justice sera utile à ceux qui l’auront pratiquée ; ils entreront dans les jardins où coulent des fleuves ; ils y demeureront éternellement. Dieu a mis en eux ses complaisances. Ils trouveront en lui leur bonheur. Ils jouiront de la souveraine béatitude.

120Dieu est le souverain des cieux et de la terre, et de tout ce qu’ils renferment. Rien ne saurait limiter sa puissance.


  1. Les victimes que l’on conduit à la Mecque pour y être immolées, sont ornées de feuillage, de fleurs et de banderolles.
  2. Les chefs du temple de la Mecque conservaient sept flèches sacrées sur lesquelles étaient gravés certains signes. Lorsqu’on allait les consulter, il les agitaient de leur souffle, et d’après leurs mouvemens, ils prononçaient des oracles. Gelaleddin.
  3. Ces fils sont Cabel et Habel. L’un offrit un belier, l’autre des fruits. Le feu du ciel consuma l’offrande d’Habel. Celle de son frère fut rejetée. Gelaleddin. Caïn est appelé Cabel par tous les auteurs arabes. Ce mot, qui veut dire le premier, est peut-être son nom propre. Le surnom de Caïn, qui signifie traître, lui aura été donné dans la suite. Il paraît de même qu’Habel n’est qu’un surnom. En effet, il rappelle le triste événement qui jeta la famille d’Adam dans le deuil, et signifie proprement, il a laissé par sa mort une mère dans les larmes.
  4. Autrefois on coupait la main à un homme qui avait volé quatre écus, ou une somme plus considérable. Pour un second larcin, il devait perdre le pied gauche, ensuite la main gauche, enfin le pied droit. Gelaleddin. Cette loi n’est guère en usage parmi les Turcs. La bastonnade est la peine ordinaire du vol. Souvent aussi on coupe la tête au voleur. Ce crime est bien rare dans les villes de Turquie ; mais le défaut de police le rend fréquent sur les grands chemins, et surtout dans le désert.
  5. Ce verset fut révélé à l’arrivée des ambassadeurs du roi d’Éthiopie. Mahomet leur ayant lu un chapitre du Coran, ils versèrent des larmes de joie, et se firent musulmans. Gelaleddin. Ces ambassadeurs étaient chrétiens avant d’embrasser l’islamisme.
  6. Gelaleddin pense que le prophète défend seulement l’excès du vin ; qu’il est permis d’en boire, pourvu qu’on ne s’enivre pas. Jahia et les autres commentateurs du Coran croient que la défense est absolue. Dieu détournera pendant quarante jours ses regards du mahométan qui aura bu du vin ; et s’il s’est enivré, le Seigneur ne recevra son repentir qu’après quarante jours. Si le coupable meurt pendant cet espace de temps, il sera traité comme les idolâtres, et abreuvé de poison. Mohammed, fils d’Abuhamid. La défense du vin est mieux observée en Égypte que dans les autres parties de l’empire ottoman. Partout ailleurs, les Turcs violent le précepte sans scrupule et sans crainte.