Traduction de Claude-Étienne Savary.
LE CORAN,

traduit de l’arabe, accompagné de notes, précédé d’un abrégé de la vie de Mahomet, tiré des écrivains orientaux les plus estimés.

Première partie.
Réédition de 1821 (première édition en 1783).

Publié à Paris et Amsterdam par G. Dufour, Libraire.
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CHAPITRE VI.
Les Troupeaux.

donné à La Mecque, composé de 165 versets.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


Louange à l’Éternel ! Il a créé le ciel et la terre ; il a formé les ténèbres et la lumière ; et l’impie lui donne des égaux.

2Il vous a créés de limon. Il a marqué le terme de vos jours, et vous doutez encore.

3Il est Dieu, dans les cieux et sur la terre. Il connaît vos secrets et ce que vous dévoilez. Il est le témoin de vos actions.

4Quelque évidens que soients les signes de sa puissance, ils les rejettent opiniâtrement.

5Ils ont nié la vérité qu’on leur prêchait. Bientôt ils seront châtiés de leurs mépris.

6Ignorez-vous combien de peuples nous avons fait disparaître de la face de la terre ? Nous leur avions donné un empire plus stable que le vôtre. Nous envoyions les nuages verser la pluie sur leurs campagnes. Nous y faisions couler des fleuves. Leurs crimes seuls ont causé leur ruine. Nous les avons remplacés par d’autres nations.

7Quand même nous t’aurions envoyé un livre écrit, les infidèles, en le touchant de leurs mains, se seraient écriés : C’est une imposture.

8Si un ange, disent-ils, ne vient pas accompagner le prophète, nous ne croirons point. Quand Dieu en ferait descendre un du ciel, ils resteraient incrédules. Leur perte est certaine : on n’attendra point leur repentir.

9Si nous faisions descendre un ange, ce serait sous la forme et les habits d’un homme.

10Mes ministres ont été le jouet des hommes avant toi ; mais ceux qui s’en sont moqués ont subi le châtiment dont ils se riaient.

11Dis-leur : Parcourez la terre, et voyez quel a été le sort de ceux qui accusèrent les prophètes de mensonge.

12Dis : A qui appartient ce qui est dans les cieux et sur la terre ? Réponds : A Dieu. Il a pris la miséricorde pour partage. Il vous rassemblera tous au jour de la résurrection ; vous ne pouvez en douter. Ceux qui perdent leur âme ne croiront point.

13Il possède tout ce que voile la nuit, tout ce que le jour éclaire. Il sait et entend tout.

14Dis-leur : Chercherai-je un autre protecteur que Dieu ? Il a formé les cieux et la terre. Il nourrit et il n’est point nourri. J’ai reçu l’ordre d’embrasser le premier l’islamisme, et de ne point donner d’égal au Très-Haut.

15Si je suis rebelle à sa voix, je dois craindre la peine du grand jour.

16Celui qui l’évitera en sera redevable à la miséricorde divine. Son bonheur sera assuré.

17Si Dieu vous envoie l’affliction, lui seul pourra vous en délivrer ; s’il vous est propice, sa puissance est sans bornes.

18II gouverne ses serviteurs. La sagesse et la science sont ses attributs.

19Est-il un témoignage plus fort ? Dieu est témoin entre moi et vous. Le Coran m’a été révélé pour votre instruction et celle de ceux à qui il parviendra. Direz-vous qu’il y a plusieurs Dieux ? Je ne proférerai jamais ce blasphème. Il n’y a qu’un Dieu, et je ne dépends point de ceux que vous lui associez.

20Ceux qui ont reçu les écritures connaissent le prophète comme ils connaissent leurs enfans ; mais ceux qui perdent leurs âmes ne croiront point en lui.

21Quoi de plus impie que d’accuser Dieu et sa doctrine de mensonge ? Le Seigneur ne fera point prospérer les pervers.

22Le jour où nous rassemblerons les humains, nous demanderons aux idolâtres : Où sont vos divinités ?

23Ils diront pour s’excuser : Nous jurons par le Très-Haut que nous n’avons point adoré d’idoles.

24Vois comme ils mentent contre eux-mêmes, et comme leurs dieux chimériques disparaissent.

25Quelques-uns d’eux écouteront la doctrine du Coran ; mais ils ne comprendront point. Nous avons couvert leurs yeux d’un voile et mis un poids dans leurs oreilles. La vue des plus éclatans prodiges ne les fera pas sortir de leur incrédulité, à moins qu’ils ne viennent s’éclairer auprès de toi. Le Coran, diront les infidèles, est un amas de fables de l’antiquité.

26En s’éloignant du prophète, ils en écartent les autres. Ils ne font de tort qu’à eux-mêmes, et ils ne le comprennent pas.

27Si tu les voyais à l’instant où ils descendront dans les flammes, tu les entendrais s’écrier : Plût à Dieu que nous pussions retourner sur la terre ! Nous ne blasphémerions plus contre la religion divine, et nous croirions en elle.

28Ils ont vu la vérité qu’ils célaient ; quand ils reviendraient sur la terre, ils retourneraient à l’erreur. Leurs cœurs sont livrés au mensonge.

29Il n’y a point d’autre vie que celle dont nous jouissons ; nous ne ressusciterons point ; tel fut leur langage.

30Lorsqu’ils paraîtront devant l’Éternel, il leur demandera : N’est-ce pas là une véritable résurrection ? Elle est véritable, répondront-ils : nous en jurons par ta majesté sainte. Goûtez, ajoutera le Très-Haut, la peine de votre incrédulité.

31Ceux qui niaient la résurrection ne sont plus. La mort les surprit tout à coup, et ils s’écrièrent : Malheur à nous, pour avoir oublié ce moment fatal ! Ils porteront le fardeau de leurs crimes[1] ; malheureux fardeau !

32La vie humaine n’est qu’un jeu frivole ; une vie plus précieuse sera le partage de ceux qui craignent le Seigneur. Ne le comprendrez-vous pas ?

33Nous savons que leurs discours t’affligent. Ils ne t’accusent pas d’imposture ; mais les impies nient la doctrine divine.

34Les prophètes qui t’ont précédé furent accusés de mensonge. Ils souffrirent patiemment l’injustice des hommes, jusqu’à ce que nous vînmes à leur secours ; car la parole de Dieu est infaillible. Tu sais leur histoire.

35Quelque pénible que te soit leur haine, trouveras-tu un chemin pour descendre au centre de la terre, ou une échelle pour monter aux cieux, afin de leur faire paraître des prodiges ? Si Dieu voulait, ne les appellerait-il pas tous au chemin du salut ? Ne sois donc pas au nombre des ignorans.

36Certainement il exaucera ceux qui auront écouté sa voix. Il ressuscitera les morts, et ils paraîtront devant lui.

37Nous se croirons point, disent-ils, à moins qu’un signe céleste n’atteste ta mission. Dis-leur : Dieu peut opérer des miracles, et la plupart l’ignorent.

38Les animaux qui couvrent la terre, les oiseaux qui traversent les airs, sont ses créatures comme vous. Tous sont écrits dans le livre. Ils reparaîtront devant lui.

39Ceux qui blasphèment contre votre doctrine, sourds et muets, errent dans les ténèbres. Dieu égare ou éclaire qui il lui plaît.

40Dis-leur : Si le supplice était prêt, si l’heure sonnait, invoqueriez-vous un autre que Dieu, si vous êtes véridiques ?

41Certainement vous l’invoqueriez ; et si c’était sa volonté, il vous délivrerait des peines qui vous feraient implorer sa clémence. Vous oubliriez vos idoles.

42Avant toi nous envoyâmes des prophètes pour avertir les peuples, et nous leur fîmes sentir des calamités afin qu’ils implorassent notre miséricorde.

43La vue de nos châtimens n’excita point leur repentir. Leurs cœurs s’endurcirent, et Satan leur fit trouver des charmes dans la rébellion.

44Mais tandis qu’oubliant nos avertissemens, ils consumaient dans les plaisirs les biens que nous leur avions dispensés, la vengeance divine les surprit tout à coup, et ils s’abandonnèrent au désespoir.

45Ils furent exterminés au milieu de leurs forfaits. Louange en soit rendue au souverain de l’univers !

46Dis-leur : Que vous en semble ? Si Dieu vous privait de l’ouïe et de la vue, s’il scellait vos cœurs, quel autre que lui pourrait vous en rendre l’usage ? Vois de combien de manières nous expliquons l’unité de Dieu ; et ils se refusent opiniâtrément à la lumière.

47Dis-leur : Que vous en semble ? Si les châtimens célestes tombaient sur vous à l’improviste, ou publiquement, les impies seuls n’en seraient-ils pas les victimes ?

48Nous n’envoyons des ministres que pour prêcher aux nations les récompenses et les peines futures. Ceux qui auront la foi et la vertu seront exempts de la crainte et des tourmens.

49Ceux qui blasphèment contre l’islamisme recevront la peine de leur impiété.

50Je ne vous dis pas que je possède les trésors célestes, que je connais les mystères, ni que je sois un ange. Je ne prêche que ce qui m’est révélé. L’aveugle et celui qui voit marchent-ils d’un pas égal ? Ne le comprenez-vous pas ?

51Prêche le Coran à ceux qui craignent. Annonce leur qu’ils seront rassemblés devant l’Éternel, qu’ils n’ont d’autre patron, d’autre protecteur que lui, afin qu’ils marchent avec précaution.

52Ne repousse point ceux qui invoquent le Seigneur le matin et le soir, et qui désirent d’attirer ses regards. Ce n’est point à toi à juger de leur intention ; ils ne doivent point juger de la tienne. Ce serait une injustice de les rebuter.

53Nous avons éprouvé les hommes les uns par les autres, afin qu’ils disent : Sont-ce là ceux sur qui le Seigneur a rassemblé ses grâces ? Ne connaît-il pas ceux qui sont reconnaissans ?

54Lorsque les croyans viendront à toi, dis-leur : La paix soit avec vous ; votre Seigneur a pris la miséricorde pour partage ; celui d’entre vous qui aura péché par ignorance, et qui, pénétré de repentir, se corrigera, éprouvera sa clémence.

55C’est ainsi que nous développons la doctrine du Coran, afin que le sentier des impies paraisse au grand jour.

56Le culte de vos idoles m’est interdit. En suivant vos désirs, je me plongerais dans l’erreur, et je cesserais d’être éclairé.

57La volonté de Dieu est ma loi. Vous y êtes rebelles. Il ne dépend pas de moi de hâter ce que vous demandez. A Dieu seul appartient de prononcer sur votre sort. Il jugera avec vérité. Il est le plus éclairé des juges.

58Dis-leur : S’il était en mon pouvoir de hâter son jugement, notre différent serait bientôt terminé. Dieu connaît les impies.

59Il tient en ses mains les clefs de l’avenir ; lui seul le connaît. Il sait ce qui est sur la terre et au fond des mers. Il ne tombe pas une feuille qu’il n’en ait connaissance. La terre ne renferme pas un grain qui ne soit écrit dans le livre de l’évidence.

60Vous lui devez le sommeil de la nuit et le réveil du matin. Il sait ce que vous faites pendant le jour. Il vous laisse accomplir la carrière de la vie. Vous reparaîtrez devant lui, et il vous montrera vos œuvres.

61Il domine sur ses serviteurs. Il vous donne pour gardiens des Anges chargés de terminer vos jours au moment prescrit. Il exécutent soigneusement l’ordre du ciel.

62Vous retournez ensuite devant le Dieu de vérité. N’est-ce pas à lui qu’il appartient de juger ? Il est le plus exact des juges.

63Qui vous délivre des tribulations de la terre et des mers, lorsque, l’invoquant en public, ou dans le secret de vos cœurs, vous vous écriez : Seigneur, si tu écartes de nous ces maux, nous en serons reconnaissans ?

64C’est Dieu qui vous en délivre. C’est sa bonté qui vous soulage de la peine qui vous oppresse ; et ensuite vous retournez à l’idolâtrie.

65Dis : Il peut entasser le malheur sur vos têtes, ouvrir des abîmes sur vos pas, semer la discorde parmi vous, faire éprouver aux uns la détresse des autres. Voyez quels tableaux variés nous vous offrons de la puissance divine, afin de vous dessiller les yeux.

66Ta propre nation accuse de mensonge le livre qui contient la vérité. Dis-leur : Je cesse d’être votre avocat. Chaque prédiction a son terme fixé. Vous verrez.....

67Fuyez ceux qui déchirent la religion, jusqu’à ce qu’ils changent de discours. Si le tentateur vous faisait oublier ce précepte, songez, après vous l’être rappelé, que vous ne devez pas vous asseoir avec les infidèles.

68Que ceux qui craignent le Seigneur n’aient pour eux que du mépris ; qu’ils ne se rappellent leur souvenir que pour les éviter.

69Éloigne-toi de ceux qui, aveuglés par les charmes de la vie, se jouent de la religion. Apprends que le coupable qui aura mérité la réprobation ne trouvera aucun protecteur contre Dieu. Quelque prix qu’il offre pour se racheter, il sera refusé. Victime de ses forfaits, il aura pour se désaltérer l’eau bouillante. Il expiera au milieu des tourmens son infidélité.

70Dis-leur : Invoquerons-nous des divinités qui ne sauraient nous servir ni nous nuire ? Retournerons-nous sur nos pas, après avoir été éclairés, semblables à ceux que Satan a séduits ? Ils avaient des compagnons qui les appelaient au chemin du salut. La religion du Seigneur est la véritable. Nous avons reçu l’ordre d’embrasser l’islamisme, c’est le culte du Dieu de l’univers.

71Faites la prière. Craignez Dieu. Vous serez tous rassemblés devant son tribunal.

72Architecte des cieux et de la terre, lorsqu’il veut donner l’existence aux êtres, il dit : Soyez, et ils sont.

73Sa parole est la vérité. Roi du jour[2] où la trompette sonnera, il connaît les choses secrètes et publiques, il possède la sagesse et la science.

74Abraham dit à son père Azar[3] : Rendrez-vous à des simulacres le culte qui n’est dû qu’à Dieu ? Vous êtes, vous et votre peuple, dans de profondes ténèbres.

75Nous montrâmes à Abraham le royaume des cieux et de la terre, afin de rendre sa foi inébranlable.

76Lorsque la nuit l’eut environné de ses ombres, il vit une étoile, et s’écria : Voilà mon Dieu ! L’étoile ayant disparu, il reprit : Je n’adorerai point des dieux qui disparaissent.

77Ayant vu la lune se lever, il dit : Voilà mon Dieu ! La lune s’étant couchée, il ajouta : Si le Seigneur ne m’eût éclairé, je serais dans l’erreur.

78Le soleil ayant paru dans l’orient, il s’écria : Celui-ci est mon Dieu ; il est plus grand que les autres. Le soleil ayant fini sa carrière, il continua : O mon peuple, je ne participe point au culte de vos divinités.

79J’ai levé mon front vers celui qui a formé les cieux et la terre. J’adore son unité. Ma main n’offrira point d’encens aux idoles.

80Le peuple ayant disputé avec lui, il dit : Me contesterez-vous l’unité de Dieu ? Il m’a éclairé. Je ne crains point ceux que vous lui associez. Le Dieu que je sers fait tout ce qu’il veut. Sa science embrasse l’univers. N’ouvrirez-vous point les yeux ?

81Comment craindrais-je ceux que vous avez égalés au Très-Haut ? Il ne vous l’a pas permis. Laquelle de nos religions est la véritable ? Le savez-vous ?

82Ceux qui croient, et qui ne revêtent point leur foi du manteau de l’erreur, possèdent la paix. Ils marchent dans la voie du salut.

83Telles sont les preuves de l’unité de Dieu, que nous suggérâmes à Abraham. Le Seigneur élève ceux qu’il lui plaît. Il est sage et savant.

84Nous lui donnâmes pour enfans Isaac et Jacob. Ils marchèrent au flambeau de la foi. Avant lui nous avions éclairé Noé. Parmi les descendans d’Abraham, nous favorisâmes de notre lumière, David, Salomon, Job, Joseph, Moïse et Aaron. C’est ainsi que nous récompensons la vertu.

85Zacharie, Jean, Jésus, Élie, furent au nombre des justes.

86Nous élevâmes au-dessus de leurs semblables, Ismaël, Élisée, Jonas et Loth.

87Nous guidâmes dans le sentier du salut ceux que nous élûmes, parmi leurs pères, leurs frères et leur postérité.

88Telle est la lumière de Dieu. Il s’en sert pour conduire ses serviteurs ; mais les idolâtres perdent le fruit de leurs œuvres.

89Tels furent ceux à qui nous donnâmes les écritures, la sagesse et le don de prophétie. Si leur postérité méprise ces bienfaits, nous les ferons passer à une nation plus reconnaissante.

90Tels furent ceux que Dieu éclaira. Suivez donc leur doctrine. Dis aux idolâtres : Je ne vous demande point de récompense pour le Coran. Il ne m’a été envoyé que pour l’instruction des humains.

91Les juifs ne rendent pas hommage à la vérité, lorsqu’ils soutiennent que Dieu n’a rien révélé aux hommes. Demande-leur : Qui a envoyé à Moyse le livre de la loi, où brille la vraie lumière ; ce livre que vous écrivez et dont vous savez soustraire une partie ? Réponds : C’est Dieu. Le Coran vous a appris ce que vous ignoriez, et ce qu’ignoraient vos pères. Laisse-les plongés dans le bourbier ténébreux où ils se débattent.

92Nous l’avons fait descendre du ciel, ce livre béni, pour confirmer les anciennes écritures, pour que tu le prêches à la Mecque et dans les villes voisines. Ceux qui ont la croyance de la vie future croyent en lui. Ils seront exacts observateurs de la prière.

93Quoi de plus impie, que de faire Dieu complice d’un mensonge ? Que de s’attribuer des révélations qu’on n’a point eues ; que de dire : Je ferai descendre un livre semblable à celui que Dieu a envoyé. Quel spectacle lorsque les pervers seront dans les angoisses de la mort, lorsque l’ange étendant son bras sur eux, prononcera ces mots : Rendez-moi vos âmes ! Aujourd’hui vous allez subir un supplice ignominieux, digne prix de vos blasphèmes, et de l’orgueil avec lequel vous méprisez le culte du Très-Haut.

94Vous revenez à nous dépouillés de tout, tels que nous vous créâmes. Vous laissez derrière vous les biens que nous vous avions départis. Ils ne paraissent point ces intercesseurs que vous égaliez au Tout-Puissant. Vos liens sont brisés. La protection que vous attendiez d’eux s’est évanouie.

95Dieu sépare le grain de l’épi et le noyau de la datte. Il fait sortir la vie de la mort, et la mort de la vie. Il est votre Seigneur. Comment pourrait-il vous tromper ?

96Il sépare l’aurore des ténèbres. Il a établi la nuit pour le repos. Le soleil et la lune marquent le cours du temps. Tel est l’ordre établi par celui qui est puissant et sage.

97C’est lui qui a placé les astres au firmament, pour vous conduire au milieu des ténèbres, sur la terre et les mers. Le sage voit dans tout l’Univers l’empreinte de sa puissance.

98C’est lui qui vous a formés d’un seul homme. C’est lui qui vous prépare un lieu de repos dans le sein de vos mères, et qui vous dispose dans les reins de vos pères. Le sage y reconnaît les effets de sa puissance.

99C’est lui qui fait descendre la pluie pour féconder les germes des plantes, qui couvre la terre de verdure, qui forme les grains rassemblés dans l’épi, qui fait croître les palmiers et leur fruit suspendu en grappes. Vous lui devez ces raisins, ces olives, ces grenades qui enrichissent vos jardins. Considérez la naissance et la maturité des fruits, et si vous avez la foi, vous y reconnaîtrez la puissance du Très-Haut.

100Ils ont égalé les génies à Dieu[4], et ils sont ses créatures. Ils lui ont attribué, dans leur ignorance, des enfans. Louange à Dieu ! Loin de lui ces blasphèmes !

101Il est le créateur des cieux et de la terre. Il n’a point de compagne ; comment aurait-il des enfans ? L’Univers est l’ouvrage de ses mains ; sa science en embrasse l’étendue.

102Il est votre Seigneur. Il n’y a point d’autre Dieu que lui. Tous les êtres lui doivent l’existence. Rendez hommage à sa puissance. Il conserve ses ouvrages.

103Il voit l’œil, et l’œil ne saurait l’apercevoir. Tout est plein de sa bonté et de sa science.

104Il vous a manifesté sa religion. Celui qui a ouvert les yeux aura pour partage la lumière. Celui qui les a fermés restera dans les ténèbres. Dieu ne m’a point confié le soin de vous garder.

105C’est ainsi que nous expliquons sa doctrine, afin qu’on rende témoignage de notre zèle, et que la religion soit dévoilée aux yeux des sages.

106Suis les inspirations du Seigneur. Il est le Dieu unique. Éloigne-toi des idolâtres.

107S’il eût voulu, ils n’auraient pas adoré de faux dieux. Tu ne seras ni leur gardien ni leur avocat.

108Ne traite point leurs idoles ignominieusement, de peur qu’ils ne s’en prennent à Dieu, dans leur ignorance. Nous montrons aux hommes leurs devoirs. Ils paraîtront devant l’Éternel qui leur présentera le tableau de leurs œuvres.

109Ils se sont engagés, par un serment solennel, à croire en Dieu, s’il opérait devant eux des miracles. Dis-leur : Les merveilles sont en sa puissance ; mais il n’en produit pas, parce qu’à leur vue vous resteriez dans l’incrédulité.

110Nous détournerons leurs yeux et leurs cœurs de la vérité. Ils n’ont pas cru au premier miracle. Nous les laisserons s’égarer dans la nuit de l’erreur.

111Quand nous eussions fait descendre les anges du ciel, quand les morts leur auraient parlé, quand nous eussions rassemblé devant eux tous les prodiges, ils n’auraient pas cru, si Dieu ne l’eût permis. La plupart d’entre eux ignore cette vérité.

112Nous avons donné, pour ennemi aux Prophètes, le tentateur des hommes et des génies. Il emploie des discours séduisans pour tromper. Fuis-le, et abhorre ses mensonges.

113Laisse ceux qui nient la vie future ouvrir leurs cœurs à la séduction, qu’ils aiment. Laisse-les gagner ainsi le prix dont ils sont dignes.

114Chercherai-je un autre juge que Dieu ? C’est lui qui a envoyé le Coran, où le mal et le bien sont pesés. Les juifs savent qu’il est véritablement descendu, du ciel ; garde-toi d’en douter.

115La parole de Dieu s’est accomplie avec vérité et avec justice. Rien ne peut changer les décrets de celui qui voit et entend.

116La plupart des hommes n’ont pour règle que l’opinion et le mensonge. Si tu les suis, ils t’écarteront du sentier de Dieu.

117Ton Dieu connaît ceux qui sont dans l’erreur, et ceux que la foi éclaire.

118Si vous croyez en sa doctrine, ne mangez que des animaux sur lesquels on aura invoqué son nom.

119Pourquoi ne suivriez-vous pas ce précepte ? Il vous a fait connaître les alimens qui vous sont défendus. La loi de la nécessité peut seule vous les rendre licites. La plupart des hommes s’égarent, séduits par leurs passions et aveuglés par l’ignorance : mais Dieu connaît les prévaricateurs.

120Évitez le crime en secret et en public. Le méchant recevra le prix de ses œuvres.

121Ne mangez point des animaux sur lesquels on n’aura pas invoqué le nom de Dieu : c’est un crime. Les démons inspireront à leurs adorateurs de combattre ce précepte. Si vous cédez à leurs instances, vous deviendrez idolâtres.

122Celui qui était mort, et à qui nous avons donné la vie et la lumière, pour se conduire parmi les hommes, sera-t-il semblable à celui qui est plongé dans des ténèbres, d’où il ne sortira point ? Le crime s’embellit aux yeux des pervers.

123Nous avons mis dans chaque ville des scélérats pour tromper ; mais ils ne trompent qu’eux-mêmes, et ils ne le savent pas.

124Après que les habitans de la Mecque ont été témoins d’un prodige, ils ont dit : Nous ne croirons point jusqu’à ce que nous ne voyons des merveilles semblables à celles qu’opérèrent les prophètes. Dieu sait où il doit diriger sa mission. Les coupables seront dévoués à l’opprobre et à la rigueur des tourmens, digne prix de leurs iniquités.

125Dieu dilatera le cœur de celui qu’il voudra éclairer. Il lui fera goûter les douceurs de l’islamisme. Celui qu’il égarera aura le cœur oppressé, semblable à l’homme qui s’efforcerait de s’élever dans les airs. L’abomination sera le partage des incrédules.

126Cette doctrine est celle de Dieu. Elle est la véritable. Nous l’avons démontrée à ceux qui sont intelligens.

127Ils habiteront le séjour de la paix que le Seigneur leur a préparé. Sa protection sera le prix de leurs œuvres.

128Au jour de l’assemblée universelle, nous dirons aux génies : Vous avez trop long-temps trompé les hommes. Seigneur, répondront leurs adorateurs, ils ont secouru beaucoup d’entre nous pendant la vie dont nous avons accompli le cours. Le Seigneur répliquera : Le feu sera votre demeure ; vous y resterez à ma volonté. Le Très-Haut est savant et sage.

129Nous établirons un ordre entre les coupables, suivant leurs actions.

130Une voix criera : O assemblée d’hommes et de génies ! n’avez-vous pas eu au milieu de vous les ministres du Seigneur ? Ne vous ont-ils pas raconté ses merveilles ? Ne vous ont-ils pas rappelé le souvenir du grand jour ? Les réprouvés répondront : Nous le confessons contre nous-mêmes. La vie du monde les avait séduits. Ils témoigneront qu’ils ont été infidèles.

131Dieu leur envoya les prophètes, parce qu’il ne punit les villes coupables qu’après avoir averti les habitans.

132Les récompenses seront proportionnées aux mérites. Dieu ne néglige point vos œuvres.

133Le Tout-Puissant est riche et miséricordieux. Il peut à son gré vous faire disparaître et produire à votre place des hommes nouveaux, de même qu’il vous a fait sortir des générations passées.

134Il accomplira ses promesses, et vous ne pourrez les anéantir.

135Dis à l’homme : Travaille suivant tes forces ; je proportionnerai mes bienfaits à ma puissance.

136Vous verrez quels seront ceux à qui le paradis sera ouvert. Les idolâtres ne jouiront point de la félicité.

137Ils ont donné à Dieu une portion de leurs moissons et de leurs troupeaux, et une autre à leurs divinités[5]. Ce qu’ils leur ont offert a été rejeté de Dieu ; et l’offrande qu’ils lui devaient, ils l’ont présentee à leurs idoles. Malheur à l’iniquité de leurs jugemens !

138Pour cimenter leur culte, et attirer leurs semblables dans l’abîme, ils se sont fait un mérite du massacre de leurs enfans. Si le Très-Haut eût voulu, il eût empêché cette barbarie. Fuis-les, eux et leurs blasphèmes.

139Ils ont dit : Ces troupeaux et ces moissons sont défendus. Personne ne pourra s’en nourrir sans notre permission. Ils se perdent dans de faux raisonnemens. Ils ont des animaux qu’ils défendent de charger ; d’autres qu’ils égorgent sans invoquer le nom de Dieu. Ils font Dieu complice de leurs mensonges. Ils les récompensera suivant leurs œuvres.

140Ils permettent aux hommes et interdisent aux femmes les intestins des animaux. Tous mangent de ceux qui sont morts. Dieu les récompensera suivant leurs œuvres. Il est savant et sage.

141L’abîme a englouti ceux qui, dans leur aveugle ignorance, immolaient leurs enfans, et qui, appuyés sur le mensonge, défendaient les alimens qu’il a permis. Ils se sont perdus, et n’ont point connu la lumière.

142C’est Dieu qui a produit les légumes et les arbres qui ornent vos jardins. C’est lui qui fait éclore les olives, les oranges, les fruits divers dont la forme et le goût sont variés à l’infini. Usez des dons qu’il vous a faits. Donnez les décimes aux jours de la moisson. Évitez l’excès. Il hait la prodigalité.

143Parmi vos animaux domestiques, les uns sont faits pour porter, les autres en sont incapables. Mangez de ceux dont la nourriture vous est permise, et n’écoutez pas les séductions du tentateur. Il est votre ennemi déclaré.

144Les idolâtres prétendent que Dieu a défendu huit couples d’animaux, deux couples de moutons, deux couples de chèvres. Demande-leur : Sont-ce les mâles ou les femelles qu’il a interdits, ou indifféremment ce qu’elles portent ? Répondez-moi, avec quelque fondement, si vous êtes véridiques.

145Ils ajoutent deux couples de chameaux et deux couples de bœufs. Demande-leur : Sont-ce les mâles ou les femelles qu’il a interdits, ou indifféremment ce qu’elles portent ? Étiez-vous témoins lorsque Dieu donna ce précepte ? Quoi de plus impie que de prêter un mensonge au Seigneur, afin d’égarer les ignorans ? Certainement il ne dirigera point les pervers.

146Dis-leur : La loi que Dieu m’a révélée au sujet des alimens, ne défend que les animaux morts, le sang et le porc : tout cela est immonde. Les animaux sur lesquels on a invoqué un autre nom que celui de Dieu, sont compris dans la défense. Celui qui, pressé par la nécessité et non par le désir de satisfaire son appétit, ou par l’envie de désobéir, aura transgressé le précepte, éprouvera la clémence du Seigneur.

147Pour les juifs, nous leur avons interdit tous les animaux qui n’ont pas la corne du pied fendue, et la graisse des bœufs et des moutons, excepté celle du dos, des entrailles, et celle qui est mêlée avec des os. Cette défense est la peine de leurs crimes. Nous sommes équitables.

148S’ils t’accusent d’imposture, dis-leur : Votre Dieu est plein de miséricorde ; mais il fera sentir sa vengeance aux scélérats.

149Si Dieu eût voulu, disent les idolâtres, ni nous ni nos pères n’aurions offert de l’encens aux idoles. On ne nous en a point fait la défense. Tel fut le langage de ceux qui les ont précédés, jusqu’au moment où nos fléaux fondirent sur eux. Réponds-leur : Si ce discours a quelque fondement, faites-nous le connaître. Ne prenez pas l’opinion pour guide, et ne mentez pas impudemment.

150Dis-leur : Le jugement du Seigneur sera le véritable ; s’il veut, il vous éclairera tous.

151Dis-leur : Appelez vos témoins, pour attester que Dieu vous a défendu les animaux que vous prohibez. S’ils prêtent ce témoignage, garde-toi de les imiter. Ne suis pas les désirs de ceux qui blasphèment contre l’islamisme, ni de ceux qui nient la vie future et qui offrent de l’encens aux idoles.

152Dis-leur : Venez entendre les commandemens du ciel. Ne donnez point d’égal à Dieu. Soyez bienfaisans envers vos proches. Ne tuez point vos enfans, par la crainte de la pauvreté. Nous vous donnerons de la nourriture pour vous et pour eux. Évitez le crime en public et en secret. Ne mettez point votre semblable à mort, excepté en justice. Le Seigneur vous en fait la défense expresse. Tels sont les préceptes que Dieu vous a donnés afin de vous rendre sages.

153Ne touchez point aux biens de l’orphelin, à moins que ce ne soit pour les faire fructifier, jusqu’à ce qu’il soit parvenu à l’âge fixé. Remplissez la mesure. Pesez avec équité. Nous n’exigerons de chacun que ce qu’il peut. Soyez vrais dans vos discours, dans vos sermens, fut-ce contre vous mêmes. Tels sont les préceptes du Seigneur. Gardez-en le souvenir.

154Tel est le chemin du salut. Il est droit. Ne suivez pas des sentiers detournés qui vous en écarteraient. Le Seigneur vous donne des lois afin que vous le craigniez.

155Nous apportâmes à Moïse les tables sacrées. Elles conduisent le juste à la perfection. Les juifs y trouvent la distinction de toutes choses, la lumière, la miséricorde et la croyance de la vie future.

156Croyez au Coran, ce livre béni que nous avons fait descendre des cieux. Craignez le Seigneur et vous éprouverez les effets de sa miséricorde.

157Vous ne direz plus : Deux peuples ont reçu avant nous les écritures, et nous en avons négligé l’étude.

158Vous ne direz plus : Si l’on nous eût envoyé un livre nous aurions été plus éclairés qu’eux. Vous avez reçu les oracles divins, la lumière et les grâces du ciel. Quoi de plus injuste maintenant que de blasphémer contre la religion sainte, et de s’en éloigner ? Nous réservons à ceux qui la rejettent un supplice digne de leur rébellion.

159Attendent-ils la venue des anges, l’apparition de Dieu ou les signes de ses vengeances ? Le jour où il les manifestera, la foi sera inutile à celui qui n’aura pas cru et fait le bien auparavant. Dis-leur : Attendez. Nous attendrons.

160N’embrasse point le parti de ceux qui, divisés dans leur croyance, ont formé différentes sectes. C’est à Dieu à juger de leurs débats et à leur montrer leurs actions.

161Les bonnes œuvres auront pour prix un bien dix fois aussi grand. Le mal aura le mal pour récompense. Personne ne sera trompé.

162Dis : Le Seigneur m’a conduit dans le droit chemin. Il m’a enseigné une religion sainte, le culte d’Abraham qui crut en l’unité de Dieu, et qui refusa de l’encens aux idoles.

163Dis-leur : Ma prière, ma foi, ma vie et ma mort sont voués à l’Éternel. Il est le souverain de l’univers. Il n’a point d’égal. Il m’a commandé cette croyance. Je suis le premier des croyans.

164Chercherai-je un autre Seigneur que celui qui gouverne le monde ? Chacun aura pour soi ses œuvres. Personne ne portera le fardeau d’autrui. Tous les hommes paraîtront devant le tribunal de Dieu. Il leur dira en quoi ils se sont écartés de ses commandemens.

165Il vous a établis sur la terre après les générations passées. Il élève les uns au dessus des autres ; ses faveurs sont une épreuve. Il est prompt à punir ; mais il est clément et miséricordieux.


  1. Lorsque l’infidèle sortira du tombeau, le mal qu’il aura fait pendant la vie s’offrira à ses yeux sous une forme horrible. A une figure hideuse, à un souffle empesté, ce monstre joindra l’outrage des discours. Épouvanté de son aspect : Quel est ton nom, lui demandera l’infidèle ? — Eh quoi, lui répondra le monstre, ma laideur t’effraie ! Reconnais ton ouvrage. Je suis le mal que tu as commis. Dans le monde je te portais ; tu vas me porter à ton tour. À ces mots, il montera sur ses épaules. Tous les êtres créés auront pour le coupable un aspect effrayant. Tous lui crieront : Anathème à l’ennemi de Dieu ! C’est toi que menaçait ce verset du Coran : ils porteront leur fardeau. Jahia.
  2. Dans ce jour, Asraphel se tiendra debout sur une montagne qui est près de Jérusalem. Il portera à la main une trompette qui s’étendra depuis Jérusalem jusqu’au mont Sinaï. Les âmes de tous les mortels y seront rassemblées. Au premier souffle de l’ange, elles en sortiront comme un essaim, et iront rejoindre leurs corps. Les hommes ressuscités se rendront où la voix du héraut céleste les appellera. Jahia. Cottada.
  3. Tareh était le vrai nom du père d’Abraham. Le surnom d’Azar lui fut donné à cause de son idolâtrie. Il vient d’iazar, ô toi qui es dans l’erreur. Jallia. Gelaleddin.
  4. Les génies sont, suivant les Arabes, des créatures qui tiennent le milieu entre les anges et les hommes, etc.
  5. Les habitans de la Mecque offraient une portion de leurs moissons et de leurs troupeaux à Dieu, une autre à leurs idoles. Geladed.