Le Baron de Saint-Castin, chef abénaquis/01

Éditions de l'Action canadienne-française (p. 9-25).


CHAPITRE I


DÉBUT DE L’AVENTURE


— I —


La famille de Saint-Castin. — Personnage de légende, Jean-Vincent d’Abbadie, deuxième baron de Saint-Castin1, l’est au point que ses origines restent embuées de mystère. Circonstance déjà faite pour intriguer l’imagination. L’histoire impitoyable a quand même restreint le champ où peut vagabonder la folle du logis.

Où et quand naquit-il ? On en est réduit aux conjectures, encore que ces conjectures soient plus que des probabilités. On n’a pas retrouvé son acte de baptême, parce que les registres de l’état civil pour le 17e siècle et une partie du 18e n’existent plus au village de Saint-Castin.

Le frère et la sœur de Jean-Vincent virent le jour à Escout, seigneurie acquise en 1591 par le grand-père, Jean-Pierre d’Abbadie, et résidence habituelle de la famille depuis lors. Le père de notre héros avait toutefois une prédilection pour Saint-Castin. Il avait obtenu l’érection de cette terre en baronnie et il y faisait de fréquents séjours avec les siens. Un de ses fils n’y pouvait-il naître ? Impossible d’expliquer autrement l’obscurité qui entoure la naissance de ce membre d’une famille dont on n’ignore pas grand chose.

Fixons cette naissance à l’année 1652. C’est la seule date possible, à moins de supposer un secret plus troublant. La mère de Jean-Vincent, Isabeau de Béarn-Bonasse, mourait de la peste le 17 novembre 1652, s’étant mariée en 1649 et ayant donné naissance à ses deux premiers enfants en 1650 et 1651.


S’il reste des incertitudes quant à la naissance de Jean-Vincent d’Abbadie, en revanche les historiens ont fait toute la lumière désirable sur la maison d’Abbadie de Maslasq dont il était issu.

Elle était illustre dans le Béarn, où sa noblesse est constatée officiellement dès le quatorzième siècle. La terre de Saint-Castin entrait dans la famille en 1581, par suite du mariage de Jean-Pierre d’Abbadie avec Bernardine de Luger, dame de Saint-Castin. Ces Luger établissaient leur généalogie jusqu’à Gaillardet de Luger qui, au 15e siècle, avait été chef de cuisine du comte de Foix. Nous retrouverons la famille de Foix.

Dix ans après son mariage, soit en 1591, devenu veuf, le même Jean-Pierre d’Abbadie ayant amassé une fortune considérable acquérait les seigneuries de Herrère, Escout et Escau, de puissante dame Corisande d’Andoins, comtesse de Guiche et de Louvigny, plutôt connue par le surnom de la belle Corisande que lui avait valu son intimité avec le bon roi Henri IV.

Ce grand seigneur trouvait difficilement le bonheur. Entré dans les ordres en 1598, dès l’année suivante il devenait évêque de Lescar. Son éloquence était considérable, si l’on en croit un de ses chanoines, « paîtrissant la manne de ses instructions avec tel assaisonnement, que les auditeurs n’en avoient jamais redondance, jamais avec disette, tous avec suffisance, contentement et utilité ».

Le petit-fils de cet illustre prélat, c’est-à-dire Jean-Jacques d’Abbadie, agrandit les domaines patrimoniaux, si bien qu’en 1654 il obtenait de Louis XIV l’érection en baronnie de la terre de Saint-Castin. Ce domaine, comme les autres de la même famille, était situé aux environs d’Oloron.

Jean-Jacques d’Abbadie épousa Isabeau de Béarn-Bonasse, dont il eut trois enfants : Jean-Jacques d’Abbadie, deuxième du nom, né en 1650, mort en 1674 sans postérité ; Marie, née en 1651 et mariée en 1669 à Jean de Labaig, avocat au parlement de Navarre, terrible accapareur qui jouera un rôle considérable dans la vie de notre héros ; enfin Jean-Vincent, le futur chef abénaquis.


La famille maternelle était de plus haut lignage. Elle constituait une branche de la maison de Foix-Grailly, régnante jusqu’à son alliance avec la famille d’Albret alors qu’Henri IV unit les deux couronnes.

La très vieille famille de Grailly, terre patronymique située sur les bords du lac de Genève, s’allia au 14e siècle à la maison de Foix par le mariage de Jean II de Grailly à Blanche de Foix, fille de Gaston 1er  et de Jeanne d’Artois ; puis par l’union d’Archambault de Grailly, captal de Buch, qui épousa Isabelle de Foix-Castelbon, sœur de Mathieu de Castelbon, comte de Foix et vicomte, de Béarn. Ce fut l’origine de la grande fortune des Grailly. Archambault s’empara, au nom de sa femme, des biens de son beau-frère, mort sans enfants. Il les transmit à son fils, Jean 1er , comte de Foix, vicomte souverain de Béarn, né vers 1382.

Jean 1er  fut un des plus grands seigneurs de son temps. La postérité se le rappela surtout à cause de sa devise : « J’ay belle dame ». Cette devise ne mentait pas. Jean de Foix eut trois unions légitimes et, en outre, trois fils naturels, Jean, Bernard et Pées de Béarn. Le deuxième, ancêtre de notre héros, fonda la branche illégitime de la maison de Foix, connue sous le nom de la vicomté de Béarn, auquel s’ajouta plus tard celui de Bonasse.

Bernard de Béarn, communément appelé le Bâtard de Béarn, fut illustre en son temps. Chevalier, sénéchal de Lannes et lieutenant général en la vicomté dont il portait le nom, Bernard fut un des plus terribles routiers du Midi. Assagi, il devint un précieux soutien de son frère Gaston IV comte de Foix, fils légitime celui-ci. Mais il restait ferrailleur impénitent, ainsi que le montre une savoureuse anecdote.

Une noble dame, prisonnière du comte de Saint-Paul, redoutable cavalier de ce bon vieux temps, fit publier par toute la chrétienté qu’elle épouserait son libérateur. Gaston de Foix avait défié le ravisseur, mais le roi de France, son suzerain, avait interdit le combat. Indépendant du roi, Bernard de Béarn décida de prendre la place de son frère dans une joute qui devait avoir lieu à Tournai. Afin de se montrer digne du comte de Foix, Bernard voulait se présenter accompagné de plusieurs gentilshommes, suivi de douze coursiers, sur un cheval caparaçonné d’or et d’argent. La prisonnière irait au-devant de lui et le conduirait sur le champ au moyen d’un fil de soie attaché aux rênes de son destrier. Enflammés par tant de chevalerie, les habitants de la bonne ville de Pamiers accordèrent cent florins à Bernard pour les frais de la rencontre. Par malheur, la chronique s’arrête là et nous ne saurons jamais ce qu’il advint du combat.

La descendance de ce vicomte de Béarn fut digne du fondateur de la lignée. Son fils, Jean de Béarn, époux d’une Grammont, fut décapité pour tentative d’empoisonnement sur la personne de Madeleine de France et de Catherine de Foix. Ce sombre seigneur laissait un fils, Roger, dit le baron de Béarn, qui acquit une grande renommée militaire et qui fut, au dire de Brantôme, « brave et brillant capitaine, grand entrepreneur et toujours à cheval, et fort importunant l’ennemi ». Il guerroya aux côtés de Gaston de Foix, de Bayard et de Montluc.

La famille compta un autre personnage fameux pendant les guerres de religion. En 1569, quand Charles IX de France voulut mettre la main sur le Béarn, au pouvoir de Jeanne d’Albret, il s’appuya surtout sur François de Béarn, appelé communément le capitaine Bonasse.

François de Béarn mena rudement la rude guerre de partisans. Montluc en fit l’un de ses principaux lieutenants. C’était un curieux homme. Du fond de sa tranchée devant Navarrenx, ayant aperçu Bertrand de Gabaston sur le rempart, il le salua très civilement et lui demanda de ses nouvelles ainsi que de sa famille. L’officier répondit non moins courtoisement, se disant fort marri de voir que les circonstances les séparaient de la sorte. Mais la conversation prit mauvaise tournure quand les deux partisans se reprochèrent l’un l’autre d’avoir introduit l’étranger dans la patrie. Et les deux hommes s’injurièrent homériquement du rampart à la tranchée.

À quelque temps de là, Bonasse, forcé d’évacuer Nay, déposa aux portes de la ville dix tonneaux de vin dans lesquels des apothicaires avaient mis des crapauds, ce qui était poison mortel, croyait-il. Il comptait que la troupe adversaire, altérée, se jetterait sur le vin et s’anéantirait elle-même. En se retirant, par surcroît de précaution, il saccagea tout sur son passage afin d’affamer l’ennemi. Il soutint victorieusement un siège à Lourdes, mais fut tué par les sicaires de Jeanne d’Albret dans Tarbes où il finit par se jeter avec ses bandes, et où Montluc lui avait donné commission de tenir « de par Dieu ou de par le Diable ».

Le fils de ce bon guerrier, Henri, n’eut d’autre distinction que d’être le père de Jacques de Béarn-Bonasse premier du nom, abbé d’Arette, et de Jean de Béarn-Bonasse dont la fille Jeanne épousa Henri d’Aramits, le mousquetaire à qui Alexandre Dumas conféra, sous le nom d’Aramis, une célébrité posthume auprès de laquelle pâlit celle des ancêtres de sa femme. Le héros de notre biographie était donc l’arrière-cousin de l’un des Trois Mousquetaires.

De Jacques 1er  de Béarn-Bonasse naquirent trois enfants, dont Isabeau qui devait être la mère de notre Saint-Castin 2.


— II —

Saint-Castin au Canada. — Si l’hérédité n’est pas un vain mot, Jean-Vincent d’Abbadie apportait en naissant les dispositions voulues pour se montrer à la hauteur des aventures qui se présenteraient sur son chemin. Il descendait d’une lignée de guerriers, de routiers, de casse-cou. Il naissait, de plus, dans le sauvage pays de Béarn, parmi les gaves, les montagnes et les vallées arides.

Il entrait dans l’armée à un âge plus que tendre. Cadet de famille, il avait intérêt à se caser de bonne heure. Peut-être exagérait-il. Dès 1665, ou même avant, il était enseigne au régiment de Carignan-Salières (compagnie de Chambly), avec lequel il vint cette année-là en Nouvelle-France. Jean-Vincent n’avait que treize ans !

Une telle précocité était exceptionnelle, mais non pas unique. On pourrait citer, à la même époque, de nombreux exemples d’officiers à peine sortis de nourrice. Dans une lettre du 14 mai 1688, le ministre se plaignait à Denonville que, parmi les jeunes gens envoyés au Canada pour servir dans les Gardes de la marine, il y en avait un de treize ans. Ils devaient, au contraire, avoir au moins 18 ans et être incontestablement nobles.

Telle est la première mention de Jean-Vincent dans les documents officiels. On ne sait rien de ses années antérieures.

Aussi bien ignore-t-on ce qu’il fit au Canada. Sans doute acquit-il cette connaissance des sauvages et de la vie dans les bois qui devait tellement lui servir plus tard.

Il n’y a rien à relever jusque-là. L’histoire de Saint-Castin débute vraiment à son arrivée en Acadie3.


— III —

L’arrivée en Acadie. — Quand Jean-Vincent d’Abbadie, second fils du premier baron de Saint-Castin, arrive dans l’Acadie, l’homme et l’occasion s’accordent.

À l’aurore de sa carrière, après un rapide apprentissage des armes, Jean-Vincent vient mettre sa jeune énergie au service d’un pays neuf. La colonie existe depuis des années nombreuses déjà, mais le progrès en a été entravé par des erreurs administratives et des difficultés de toutes sortes. L’occupation du pays par les Anglais, durant les quinze ou seize années précédentes, a tout bouleversé : il faut recommencer à neuf. Est-il circonstance plus favorable pour un jeune homme qui n’est enlisé dans aucune routine ?


M. de Grandfontaine obtient de Colbert, en juillet 1669, « le pouvoir du roi pour recevoir des Anglais le pays de l’Acadie et les forts qui en dépendent ».

Ayant levé une compagnie de 50 hommes, il s’embarque sans tarder. Battu par une furieuse tempête en haute mer, son bateau relâche sur des récifs à trois lieues du port, où il se brise. Les passagers se sauvent, mais il faut licencier les soldats. Cependant la compagnie de Grandfontaine, rentrée de Lisbonne à la Rochelle, reste en état de repartir, « en vue de prendre possession de l’Acadie et de la conserver ». Le 5 mars 1670, M. Colbert du Terron, commandant du port, communique au chevalier « les instructions de Sa Majesté pour aller commander en Acadie et solliciter des officiers britanniques la restitution du pays dans l’obéissance du roi ».

Les Anglais ont pris Pentagoët en pleine paix, mais le traité de Bréda, l’année précédente, a rendu ce fort à la France 4.


— IV —

Français et Anglais en Acadie. — Les conflits entre Anglais et Français avaient en Acadie une animosité plus grande qu’en Nouvelle-France. Ils étaient aussi plus dommageables aux Français. Les Bostonnais tenaient à ce pays d’Acadie à cause de la pêche, industrie si précieuse pour eux qu’ils suspendaient une morue en bois doré dans la salle de l’Assemblée législative du Massachusetts.

Comme dans toute guerre d’expansion commerciale, les Anglais avaient trouvé un prétexte apparemment légitime. Pour les besoins de la cause, ils avaient exhumé, de vieux grimoires, le récit de voyage du navigateur vénitien Jean Cabot, qui, envoyé par des marchands de Bristol, était sans doute venu dans les parages du Labrador et de Terre-Neuve, ne sachant pas trop où il se trouvait. Or, les pêcheurs basques et bretons, comme autrefois les vikings islandais, fréquentaient le Grand Banc depuis des siècles 5. Ils descendaient à terre, soit dans l’île de Terre-Neuve soit au Cap-Breton. Leurs droits étaient donc aussi sérieux que ceux de Cabot, et bien antérieurs. Le souvenir de Cabot fournissait néanmoins aux Anglais le prétexte rêvé. Ils en abusaient avec sans-gêne. À tout moment, même en temps de paix, ils lançaient des attaques contre la malheureuse Acadie, utilisant tantôt des troupes régulières, tantôt des forbans. La liste de ces attaques est édifiante.

Elle s’ouvre par le raid des Virginiens, en 1613. Ayant appris des Indiens l’existence de l’établissement français de Saint-Sauveur aux monts Déserts de Pentagoët, l’aventurier Samuel Argall se montre dans la rade avec un navire armé de quatorze canons et monté par une bande de soixante hommes. Il s’empare d’un petit navire, la Fleur-de-May, vole les lettres patentes de M. de la Saussaye, fondateur de la colonie ; pille et saccage l’habitation, massacre ou déporte les habitants. Quinze d’entre eux sont lancés en pleine mer sur une barque non pontée, puis sauvés contre toute attente par des pêcheurs malouins. Les autres sont amenés à Jamestown, où le gouverneur menace de les pendre, feignant de les considérer comme forbans, puisqu’ils n’ont plus leurs papiers volés par Argall. En octobre de la même année, mis en goût, Argall repart avec trois vaisseaux à destination de Saint-Sauveur, Sainte-Croix et Port-Royal. Ayant tout pillé ou brûlé, le triste sire s’enfuit quand paraissent des Français armés.

Ces actes de sauvage flibusterie perpétrés sans déclaration de guerre se renouvellent souvent dans ces parages par cette « gent maudite et abominable, pire que les loups, ennemis de Dieu et de la nature humaine », comme dit le bon Lescarbot.

En 1620, la France étant déchirée par les guerres civiles, Jacques 1er  d’Angleterre taille sans vergogne à la Plymouth Company un domaine s’étendant du 40e au 48e parallèle en Amérique : l’Acadie, le Canada et des pays inexplorés s’y trouvent englobés. L’année suivante, il crée, à l’intention de son favori, le médiocre poète sir William Alexander, une Nouvelle-Écosse qui s’étend « de Terre-Neuve au Massachusetts ». Ne réussissant pas à peupler sa colonie, Alexander imagine de créer l’ordre des baronnets de la Nouvelle-Écosse : quiconque y enverra six colons et versera 1 000 marks en or au Lord Lieutenant of Nova Scotia recevra un beau parchemin nobiliaire. Pour prendre possession du pays, sir William fonde, avec les frères anglo-normands Kirke et autres aventuriers, la compagnie des Marchands aventuriers du Canada. On est en 1625. Trois ans se passent. Nommé lieutenant-amiral d’une flotte dont Alexander est l’amiral titutaire, David Kirke prend dans le golfe Saint-Laurent, en pleine paix toujours, dix-huit navires de ravitaillement envoyés par la compagnie des Cent-Associés à Québec et Port-Royal. Ces deux villes tombent bientôt au pouvoir des Anglais et Alexander envoie son fils avec deux bateaux occuper Port-Royal. Le traité de Saint-Germain, en 1632, rend les deux villes à la France, mais Charles 1er  d’Angleterre, traître à la parole jurée, déclare, dans une lettre au conseil privé d’Écosse, qu’il entend garder tous ses « droits » sur l’Acadie.

L’état d’hostilité persiste entre la Nouvelle-Angleterre et l’Acadie. En 1643, aidés de Charles Latour, les Bostonnais saccagent encore Port-Royal. Mais arrivons-en au coup qui nous ramènera à notre histoire.


Au printemps de 1654, le Massachusetts prépare une expédition de quatre vaisseaux, montés par 500 hommes et commandés par le major Sedgewick, contre l’établissement hollandais de Manhattan. Mais Cromwell signe la paix avec la Hollande le 5 avril. Les Bostonnais ne veulent pas en être pour leurs frais. En pleine paix avec la France et « sans ordres », ils dirigent la petite escadre contre l’Acadie qui gêne toujours leur pêche et leur commerce. Peut-être grâce à la connivence de l’équivoque Charles Latour et du non moins traître Emmanuel Le Borgne, ils s’emparent des établissements de Pentagoët, de Jemseck, de Port-Royal et de La Hève. Il ne reste plus de français que l’habitation de Nicholas Denys au Cap-Breton, préservée de la catastrophe par son éloignement.

La France proteste par la voix de Mazarin, mais faiblement. Elle confie l’étude de la question à une commission peu pressée de se réunir.

S’ensuit une belle pagaïe. Cromwell nomme sir William Temple gouverneur de la Nouvelle-Écosse et Louis XIV désigne Le Borgne au poste de gouverneur de l’Acadie. Les Anglais semblent les maîtres de tout le pays. En réalité, ils ne « font rien pour l’amélioration des lieux », lit-on dans les relations des Jésuites. La pêche seule les intéresse. Les Français occupent le sol qu’ils cultivent. Ce que voyant, en 1658. Colbert défend aux habitants de quitter le pays. Ils s’éloignent des forts pour s’enfoncer dans les campagnes où ils poursuivent avec ténacité leur besogne d’accrochement, cependant que les deux hommes d’affaires, Le Borgne et Latour, se livrent à de mystérieuses tractations avec les gouvernements de Londres et de Paris.

Les gens de Boston tiennent à cette proie. Un de leurs marchands, Breedon, propose, dès 1659, de « déporter les Français de Port-Royal s’ils ne veulent pas se soumettre ». Le projet se réalisera au siècle suivant. Malgré l’opposition de la Nouvelle-Angleterre, le traité de Bréda, signé le 21 juillet 1667, rend l’Acadie à la France en échange de la moitié de l’île de Saint-Christophe, ainsi qu’il appert de l’article X de ce document :

« X. Le ci-devant nommé seigneur le Roi de la Grande-Bretagne, restituera aussi & rendra au ci-dessus nommé seigneur le Roi Très-chrétien, ou à ceux qui auront charge et mandement de sa part, scellé en bonne forme du grand Sceau de France, le pays appelé l’Acadie, situé dans l’Amérique septentrionale, dont le Roi Très-chrétien a autrefois joui ».


— V —


Reddition de Pentagoët. — Sans tarder, le délégué du roi de France, Morillon du Bourg, partait, muni d’un ordre de Sa Majesté britannique enjoignant de remettre entre ses mains les forts de l’Acadie. Morillon prenait possession de La Hève et de Port-Royal, où il installait le gouverneur français, Le Borgne de Bellisle. À Pentagoët, Temple se faisait tirer l’oreille. Le 21 novembre 1668, il écrivait aux lords du commerce que Morillon du Bourg, « député du Roi Très-chrétien », lui avait remis la lettre de Sa Majesté britannique. Mais, le 10 novembre, il en avait reçu une autre de Charles II lui demandant « de ne pas rendre le pays avant de nouvelles instructions », et il arguait que les ordres mentionnaient « une partie des colonies de la Nouvelle-Angleterre, savoir Pentagoët, qui appartient au Nouveau Plimouth ». L’arrivée de Morillon, au dire de Temple, « donna à nos magistrats (de Boston) de grands sujets d’alarme et de crainte d’un voisinage aussi redoutable, qui peut être d’une dangereuse conséquence pour le service et les sujets de Sa Majesté puisque les îles Caraïbes en tirent la plus grande partie de leurs provisions… L’Acadie n’est qu’une petite partie de la Nouvelle-Écosse ». Dans une lettre à Morillon du Bourg, Temple prétendait même que La Hève et Port-Royal « ne sont pas en Acadie ». Passant à l’action, il annonçait à Arlington son intention de réduire Port-Royal, afin de remettre les choses en l’état où elles étaient avant la venue de Morillon. Celui-ci étant parti pour Saint-Christophe, où il allait exécuter l’autre partie du traité, Temple dépêcha vers Port-Royal deux petits navires à lui, chargés d’hommes, de munitions et de provisions 6.

Au fond, Temple entendait surtout obtenir de l’Angleterre un dédommagement sérieux pour la perte du monopole de la pêche, qui lui rapportait 80 000 livres par an, et le remboursement de l’argent qu’il avait consacré à l’Acadie. Quand fut réglée cette question d’intérêt personnel, le gouverneur anglais de la « Nouvelle-Écosse » fut mis en demeure de signer l’acte de cession. Le 6 août 1669, Charles II lui en donnait l’ordre formel.

Le pauvre Temple, le cœur crevé, ne pouvait participer lui-même à la triste cérémonie. Le 7 juillet 1670, il écrivait de Boston au capitaine Richard Walker de remettre l’Acadie au chevalier de Grandfontaine, arrivé la veille de France et qui lui avait présenté la lettre signée le 6 août de l’année précédente par Charles II. Temple, se prétendant malade, refusait de se rendre en Acadie.

Le 5 août, Walker remettait officiellement Pentagoët et Grandfontaine rédigeait l’acte de reddition :

« Le cinquième jour d’août de l’an 1670, étant dans le fort de Pentagoët, dans le pays de l’Acadie, dont nous avons pris possession pour Sa Majesté Très-chrétienne, le 17e du mois dernier. Le capitaine Walker, représentant la personne de Thomas Temple, chevalier baronnet, accompagné d’Isaac Garner, Gentilhomme », demandait état et quittance du fort. Grandfontaine passait cet acte en présence « du sieur Jean Maillard, écrivain du Roi sur le vaisseau de Sadite Majesté, appelé le Saint-Sébastien, commandé par M. de la Clocheterie, et de Marchal, secrétaire » 7.

Le 27 août, Pierre de Joibert, lieutenant de Grandfontaine, se rendait avec Walker et Garner à Jemseck ; le 2 septembre, il recevait Port-Royal.

La France officielle avait repris possession de l’Acadie en bonne et due forme.

Elle y était revenue parce que les colons et les pêcheurs avaient poursuivi leur œuvre, malgré l’abandon de la mère-patrie. Dans un mémoire de 1664. Le Borgne de Bellisle, à qui le roi conservait le titre de commandant en dépit de l’occupation anglaise, avait écrit : À Port-Royal, il y a de 70 à 80 familles françaises établies depuis 50 ans « et quy ont bien près de quatre à cinq cens enfans nés natifs audit pays ».


— VI —


M. de Grandfontaine. — Grandfontaine fixa sa résidence à Pentagoët, où, plus près des Anglais, « il pouvait mieux soutenir les droits de Sa Majesté contre la domination britannique ».

Ce fort s’élevait dans le territoire le plus disputé par les deux couronnes. Les Français réclamaient les deux rives et même jusqu’à la rivière Kennébec. Mais les Anglais ne leur reconnaissaient des droits qu’à la rive gauche de la Pentagoët ou, tout au plus, jusqu’à la rivière Sainte-Croix.

Malgré son agrément naturel et sa richesse évidente, cette région n’était pas colonisée. Les Français s’établissaient plus loin. Quant aux Anglais, ils étaient tenus à distance par les escarmouches incessantes, les incursions de flibustiers, mais surtout par la présence des sauvages, ennemis implacables pour eux. Afin de surveiller les établissements français et de réduire les sauvages, ils finirent par créer, en deçà de la rivière Kennébec, le fort de Pemquid que Français et Anglais se prirent et reprirent jusqu’à la débâche finale du régime français. Nous verrons que le baron de Saint-Castin, ainsi que le note l’abbé Maurault dans son Histoire des Abénaquis, empêcha pendant trente ans l’établissement des Anglais dans ce territoire.

Grandfontaine inaugurait un nouveau régime. Jusque-là, le sort de l’Acadie était confié à de grands seigneurs féodaux, qui recevaient l’ensemble ou du moins une notable partie du territoire, à charge d’y installer des colons. Certains de ces seigneurs (Poutrincourt, Razilly, Aulnay) avaient accompli une œuvre admirable, se ruinant du reste à la tâche. C’est à eux qu’on doit la fondation de l’Acadie et l’existence d’une nationalité acadienne. Jamais la France officielle ne devait accomplir autant qu’eux.

À partir de Grandfontaine, l’Acadie releva de la cour, représentée par des gouverneurs. Le résultat fut lamentable.

Les gouverneurs n’étaient pas des incapables. Ils manquaient de ressources.

Grandfontaine s’en aperçut bien vite. Animé des meilleures intentions, il s’était mis à l’œuvre dès son arrivée. Une enquête minutieuse, qui comportait le recensement des habitants, lui apprit les lacunes à combler. Ensuite, rien. Privé des moyens nécessaires, il ne put réaliser les réformes qu’il envisageait. D’un autre côté, il souffrit tout de suite du mal qui devait toujours ronger la colonie, c’est-à-dire les dissensions, les jalousies et les haines mesquines au sein de l’état-major.

Les gouverneurs de l’Acadie étaient traités en parias ; leurs collègues de la Nouvelle-France accaparaient le peu que la France accordait à l’Amérique septentrionale. On les laissait dans la pénurie, ne leur accordant pour toute pitance que de 1 200 à 2 000 livres par an. Ceux qui avaient de la fortune personnelle se tiraient d’affaire ; quelques-uns se ruinèrent à ce jeu. Les autres se livraient au commerce, avec les Anglais au besoin. C’est justement ce dont on accusa M. de Grandfontaine. Sans doute avait-on raison, mais on oubliait que le malheureux serait mort de faim sans cela. Le 2 novembre 1670, Frontenac écrivait au ministre : « L’état misérable où M. le chevalier de Grandfontaine, gouverneur de l’Acadie et de Pentagoët, a mandé à M. Talon qu’il se trouvait avec sa garnison, nous a obligé de songer aux moyens de le secourir, en lui envoyant d’ici la barque la Suisse avec les provisions qu’on a pu ».

Il était non moins dénué de moyens de défense. En face des colonies anglaises, actives, fortes et bien déterminées à vaincre l’Acadie, il n’avait que quelques soldats. La population ne pouvait fournir l’appoint nécessaire. Le recensement de 1686 relevait en Acadie 885 habitants. La Nouvelle-Angleterre en comptait 75 000 !

Enfin, Grandfontaine ne s’entendait pas du tout avec son lieutenant. Dans une lettre du 2 novembre 1671, Talon racontait que ce dernier, brouillé avec le gouverneur de l’Acadie, était venu à Québec, du consentement de son supérieur, en vue d’exposer ses griefs. Talon avait décidé de le garder dans la capitale de la Nouvelle-France : l’aigreur était telle entre les deux hommes, écrivait-il, qu’ils se seraient portés à des extrémités. L’intendant se proposait de le ramener lui-même en Acadie, où il projetait de se rendre avant de passer en France. Comme ce projet ne se réalisait pas, Frontenac, afin de séparer les deux ennemis tout en les gardant en Acadie, expédia Marson « dans la rivière Saint-Jean au fort de Gemmesieq y commander à neuf hommes que M. le chevalier de Grandfontaine avait détachés de sa garnison ». Auparavant, le nouveau commandant de Jemseck se rendit à Boston réclamer un vaisseau piraté par les Anglais. En même temps, il avait mission d’offrir à Temple, dégoûté du gouvernement de Boston qui ne lui versait pas le dédommagement promis, de vivre en Acadie, y ramenant les familles françaises établies chez les Anglais 8.

Grandfontaine n’aspirait qu’à être relevé de ses fonctions. M. de Frontenac, qui ne l’aimait pas, y mit la main. Le 5 mai 1673, le gouverneur de l’Acadie recevait l’ordre de repasser en France « pour vaquer à ses affaires particulières ». Chambly devait le remplacer 9.


— VII —


Les voyages de M. de Saint-Castin. — Pendant ce temps, Saint-Castin remplissait ses fonctions d’officier subalterne, les plus efficacement utiles bien que les plus obscures. Il se tenait à l’écart des querelles, comme il devait le faire toute sa vie.

C’est Saint-Castin qui avait été chargé de rétablir le fort de la rivière Saint-Jean dont M. de Marson devenait commandant.

Il avait remis le fort en état et y avait installé les canons d’un autre établissement « qui était dans les terres à 25 lieues ».

En outre, notre homme avait reçu la mission de « tenter le chemin de Québec », c’est-à-dire de réaliser un projet dont Grandfontaine, non moins que Frontenac et Talon, sentait la nécessité. Il s’agissait d’établir des communications entre Pentagoët et Québec, par la voie de terre, seul moyen d’amener promptement des secours en Acadie, puisque la route maritime était trop longue. Talon, qui tenait particulièrement à ce plan, songeait à ouvrir une route, entre Québec et les colonies anglaises, passant par Pentagoët. Dans sa lettre du 2 novembre 1671, il annonçait qu’il avait envoyé, plus d’un mois auparavant « en deux temps et dans deux directions MM. de Saint-Lusson et de La Nauraye pour continuer l’ouverture du chemin d’icy à Pentagouët et au Port Royal ». Le 11 novembre, les émissaires revenaient, ayant constaté que la route ne couvrait que 60 lieues et concluant à la possibilité du projet. Talon projetait d’établir des relais, c’est-à-dire une vingtaine de postes de distance en distance « pour qu’on trouve entreposts, couvert et rafraîchissements » 10.

En outre, le 30 mars 1671, le roi annonçait à Grandfontaine que le sieur Patoulet partait de France pour aller étudier la situation de l’Acadie et les communications avec le Saint-Laurent.

Saint-Castin explorait de son côté. Mais auparavant, il s’était rendu à Port-Royal, dans une caiche que Grandfontaine avait achetée de Temple à cet effet, en vue d’y rétablir la paix troublée par Le Borgne et un cordelier brouillon dont le gouverneur avait fort à se plaindre. Notre Béarnais avait pour mission d’exposer à Québec, où il se rendait à travers bois, les griefs de Grandfontaine contre Marson.

Tous ces déplacements lui donnaient une connaissance du pays qui devait le servir admirablement, par la suite.


— VIII —


Les pirates à Pentagoët. — On fondait les plus grands espoirs sur M. de Chambly, successeur de Grandfontaine. On oubliait qu’un homme seul ne peut pas grand chose.

Les Anglais n’avaient pas abandonné leurs desseins sur l’Acadie. Constatant la faiblesse constante de la colonie française, tandis que leurs propres ressources en matériel et en hommes augmentaient sans cesse, ils recommencèrent leurs coups de main, malgré l’état de paix alors existant.

Chambly avait hospitalisé charitablement le Bostonnais John Rhoades, venu sans doute sous de fausses couleurs, puisqu’une chronique le dépeint comme « un Anglais déguisé ». Rhoades, ayant examiné la place à loisir, revint le 16 août 1674 avec le forban hollandais Aernauts à la tête de 110 boucaniers de Saint-Domingue, et de renforts embarqués à Boston. « C’était un corsaire de Carosole nommé Rivière et un Anglais nommé Rose (c’est notre Rhoades) qui étaient armateurs » 11. La complicité des Hollandais et des Bostonnais se révéla plus tard, quand Rhoades et Aernauts se brouillèrent et que la Hollande réclama des indemnités à la Nouvelle-Angleterre « pour l’avoir dépouillée des prises faites en deux forts français ».

Malgré son peu de ressources, Chambly soutint un siège d’une heure contre les assaillants débarqués dès l’arrivée. Ce qui ne l’empêcha pas d’être accusé de négligence par Colbert. Au bout de l’heure, « il reçut un coup de mousquet au travers du corps qui le mit hors de combat ». Son enseigne, Saint-Castin, « et le reste de sa garnison qui n’était composée avec les habitants que de trente hommes mal intentionnés et mal armés, se rendirent à discrétion ».

Les vainqueurs se conduisirent en bons forbans. Ils pillèrent le fort, enlevèrent le canon et s’acharnèrent sur Saint-Castin, « sy persécuté qu’on luy mit la mèche entre les doits pour l’attirer de leur party ». Les boucaniers envoyèrent un détachement au fort de Jemseck où commandait toujours Joibert de Marson 12.

Chambly et Marson prirent la route des prisons bostonnaises. Frontenac écrivit à Colbert :

« Comme je n’ai reçu cette nouvelle qu’à la fin de septembre par des sauvages que le sieur de Chambly m’envoie avec son enseigne pour me conjurer de donner ordre à sa rançon, et que ne restant plus qu’un mois de navigation j’estois dans l’impuissance de pouvoir envoyer à l’Acadie du secours, quand même j’aurois eu les choses nécessaires pour cela. Je me suis contenté d’envoyer quelques gens avec des canots pour essayer d’avoir des nouvelles de l’état où ils auront laissé le fort ».

Les émissaires expédiés par le gouverneur de la Nouvelle-France ramenèrent Mlle de Marson, abandonnée en Acadie et Frontenac paya de sa poche la rançon de Chambly ne voulant pas laisser un gouverneur de place aux mains de l’ennemi. Il protestait en même temps auprès de son collègue de Boston contre l’hospitalité accordée par ce dernier à des forbans en pleine paix. Il se disait convaincu que les Bostonnais s’étaient servis des boucaniers de Saint-Domingue et leur avaient procuré un pilote anglais, « supportant impatiemment notre voisinage, et la contrainte que cela leur donne pour leurs pêches et pour leur traite ».

Sorti de prison, Chambly fut confirmé dans son commandement, en 1676. Mais, s’il revint en Acadie (ce qui n’est pas sûr), il n’y fit qu’un bref séjour. L’Acadie était retombée pour plusieurs années dans l’anarchie. Du moins, la France l’oubliait. Mais l’influence française persistait, comme elle s’était toujours maintenue depuis les débuts des établissements, grâce à la ténacité de colons attachés à ce sol. Dans le secret se préparait l’une des forces les plus puissantes jamais mises au service de cette cause, c’est-à-dire le baron de Saint-Castin et sa tribu abénaquise.


— IX —


La mission de Saint-Castin. — Saint-Castin avait échappé aux forbans hollandais. Torturé par ces mécréants, il avait pu gagner les bois, où il avait retrouvé les sauvages amis. Avec eux, utilisant la route de terre déjà explorée, il était allé à Québec porter la nouvelle à Frontenac. Celui-ci le racontait au ministre dans le rapport cité plus haut.

Saint-Castin apportait à Frontenac une lettre dans laquelle Chambly annonçait que les pirates avaient fixé sa rançon à 1 000 castors. En conséquence, Frontenac confia à Saint-Castin une lettre de change qu’il priait celui-ci de faire parvenir à qui de droit. Saint-Castin en donnait quittance notariée au gouverneur de Québec 13. Le Mémoire des services rendus par les sieurs de Saint-Castin affirme que notre baron reçut une autre mission délicate : « Ledit sieur de Saint-Castin… eut le bonheur de se sauver et de se rendre à Québec pour y recevoir les ordres du Gouverneur afin d’engager les Abénaquis et autres nations qui sont dans tout le pays de l’Acadie de se mettre aux intérêts du Roy de France ».

Il n’existe pas d’autre texte authentique sur les motifs du départ de Saint-Castin pour les tribus abénaquises, si ce n’est l’acte notarié dont nous venons de parler.

Frontenac ne souffle mot des instructions qu’il avait ainsi données à Saint-Castin. Mais il avait l’habitude de garder le secret sur ses initiatives les plus hardies de peur que les brouillons de Versailles, si ignorants des choses de l’Amérique, ne missent des bâtons dans les roues. D’un autre côté, ce geste s’accordait avec sa politique, qui consistait à combattre l’influence anglaise chez les sauvages et à utiliser ceux-ci pour suppléer à l’insuffisance des moyens fournis par Versailles.


La mission que lui confiait Frontenac lançait Jean-Vincent d’Abbadie dans la carrière où il devait trouver la célébrité. Jusque-là cadet de famille, subalterne obscur dans l’armée, il allait devenir un meneur d’hommes et tenir dans ses mains les destinées de l’Acadie.