Leçons sur le calcul des fonctions/Leçon 21


LEÇON VINGT ET UNIÈME.

Des équations de condition par lesquelles on peut reconnaître si une fonction d’un ordre quelconque de plusieurs variables est une fonction dérivée exacte. Analogie de ces équations avec celles du problème des isopérimètres. Histoire de ce problème. Méthode des variations.

Toute fonction d’une seule variable peut toujours être regardée comme une dérivée exacte ; car, si elle n’a pas naturellement une fonction primitive, on peut toujours en trouver une par les séries, soit en résolvant la fonction donnée en série de puissances de la variable, et prenant ensuite la fonction primitive de chaque terme, soit en employant la série générale donnée dans la Leçon XII.

Il n’en est pas de même pour les fonctions de plus d’une variable ; et quoiqu’on puisse toujours s’assurer, par les règles de la dérivation des fonctions, si une fonction composée de différentes fonctions dérivées résulte d’une fonction primitive donnée, comme nous l’avons vu dans la Leçon XIX, il est souvent difficile de juger si elle est une dérivée exacte d’une fonction quelconque inconnue. Cet objet a occupé les géomètres presque dès la naissance du Calcul différentiel ; ils ont cherché des caractères généraux pour reconnaître si une fonction d’un ordre quelconque peut être la dérivée exacte d’une fonction de l’ordre immédiatement inférieur, ou même d’un ordre inférieur quelconque. Ce sont ces caractères qu’on connaît dans le Calcul différentiel, sous les noms de conditions d’intégrabilité, et qu’Euler et Condorcet ont réduits à des formules générales et élégantes, qui méritent d’être connues.

Pour trouver ces formules de la manière la plus simple, je commence par considérer une fonction de différentes variables et de leurs dérivées, dans laquelle une de ces variables et ses dérivées ne se trouvent partout qu’à la première dimension il est clair que la fonction sera de cette forme

étant des fonctions de et de leurs dérivées sans

Rien n’est plus facile que de trouver les conditions nécessaires pour qu’une fonction de cette forme soit une dérivée exacte, indépendamment d’aucune relation entre la variable et les autres.

En etfet, si l’on considère les fonctions dérivées du produit de deux quantités quelconques, et qu’on dénote, comme nous l’avons proposé à la fin de la Leçon II, par des traits appliqués aux parenthèses, les fonctions dérivées des quantités renfermées dans ces parenthèses, on a

donc

On a de la même manière

donc

On trouvera pareillement

et ainsi de suite.

Faisant ces substitutions dans l’expression de elle devient, en ordonnant les termes,

Comme tous les termes de cette formule, à l’exception de ceux de la première ligne qui se trouvent multipliés par sont déjà des fonctions dérivées exactes, il faudra, pour que la fonction soit une dérivée exacte, que les termes multipliés par savoir

forment ensemble une fonction dérivée exacte.

Or il est facile de se convaincre que cela est impossible tant qu’on n’établit aucune relation entre et les autres variables. Donc il faudra que ces termes disparaissent d’eux-mêmes de l’expression de ce qui donnera l’équation de condition

laquelle devra par conséquent être identique pour que la fonction puisse avoir en général une fonction primitive. Lorsque cette condition aura lieu, la fonction primitive de sera évidemment

En général, quel que soit le nombre des variables contenues dans la fonction si l’une d’elles ainsi que ses dérivées sont linéaires, on aura toujours, relativement à cette variable, la même équation de condition, pour que la fonction devienne une fonction dérivée exacte, indépendammentd’aucune relation entre ces variables.

Après avoir résolu le cas des fonctions linéaires par rapport à l’une des variables, nous allons réduire à ce cas très simple la recherche des équations de condition pour les fonctions d’une forme quelconque.

Supposons qu’une fonction de d’un ordre quelconque soit la fonction dérivée exacte de la fonction de l’ordre immédiatement inférieur, indépendamment d’aucune relation particulière entre et il est clair que, si dans ces deux fonctions on substitue à la fois à la place de et conséquemment à la place de en supposant une fonction indéterminée de ces fonctions continueront à être l’une la fonction dérivée exacte de l’autre, puisque cette dérivation ne dépend point de la valeur de Donc elles le seront encore si, après ces substitutions, on les développe suivant les puissances et les produits de

Dénotons par la totalité des termes du développement de où les quantités, ne se trouveront qu’à la première dimension ; par la totalité des termes où ces quantités formeront deux dimensions, etc.

Dénotons de même par la totalité des termes du développement de où les mêmes quantités se trouveront à la première dimension ; par la totalité des termes où ces quantités formeront deux dimensions, etc.

On aura pour le développement de et pour le développement de

Cette dernière série sera donc la fonction dérivée exacte de la première et il est facile de voir que chaque terme de l’une devra être la fonction dérivée de l’autre, tant que les quantités demeureront indéterminées car, ces quantités n’étant qu’à la première dimension dans la fonction de sa fonction primitive ne pourra contenir aussi que les premières dimensions des mêmes quantités ; par conséquent il n’y aura que le terme qui puisse être sa fonction primitive. Il en est de même des termes correspondants et où ces quantités montent à la seconde dimension ; et ainsi de suite.

Il faut donc d’abord que la fonction soit une dérivée exacte, indépendamment d’aucune relation entre et

Or, puisque est la partie du développement de qui ne contient que les premières dimensions de il est clair que cette fonction ne peut être que de la forme

les coefficients étant des fonctions de sans Ainsi tout se réduit à trouver les conditions nécessaires pour

qu’une fonction de cette forme soit, généralement parlant, une dérivée exacte.

On a donc ici le cas que nous venons de résoudre, et il est visible qu’en prenant la variable à la place de et conservant les autres dénominations, on aura l’équation de condition

laquelle, devant avoir lieu d’elle-même indépendamment d’aucune relation particulière entre et devra être entièrement identique.

Cette équation ayant lieu, on aura pour la fonction primitive de

C’est par conséquent la valeur de la fonction

Ayant ainsi la valeur du premier terme du développement de la fonction primitive on pourra en déduire les valeurs de tous les termes suivants par les principes exposés dans la Leçon XIX, en regardant les quantités comme autant de variables indépendantes car, si l’on représente la quantité par la fonction

la fonction

développée suivant les puissances et les produits des quantités deviendra

Je ne renferme ici entre les crochets, pour plus de simplicité, que les quantités par rapport auxquelles il faut prendre les fonctions dérivées indiquées par les accents.

Or, ayant trouvé ci-dessus la valeur de la comparaison des termes multibliés par donnera

Ayant ainsi les fonctions dérivées du premier ordre par rapport à chacune des quantités on en déduira, par les règles données, les fonctions dérivées du second ordre et des suivants, par rapport à chacune des mêmes quantités ; on aura par conséquent les valeurs des termes suivants du développement de Or on suppose

et

Ainsi on aura

Par conséquent la différence des deux fonctions

sera donnée au moins par les séries.

Représentons par

la fonction proposée dont on a supposé que ou

est la fonction primitive ; on aura pour la fonction primitive de donc la fonction primitive de sera donnée.

De ce que nous venons de démontrer, il suit :

1o Qu’une fonction quelconque de la forme ne peut avoir une fonction primitive, indépendamment d’aucune relation entre et à moins que l’équation de condition

trouvée ci-dessus, n’ait lieu d’elle-même ;

2o Que, toutes les fois que cette équation aura lieu, la fonction

aura nécessairement une fonction primitive, quelle que soit la valeur de

Faisons maintenant la fonction se réduira à et aura par conséquent toujours une fonction primitive, puisqu’elle ne contiendra plus qu’une variable. Donc aussi la fonction aura nécessairement une fonction primitive.

Or, ayant supposé que

sont les premiers termes du développement de la fonction proposée lorsqu’on y augmente de de de c’est-à-dire de la fonction il est visible qu’on aura, en conservant la notation adoptée,

de sorte que l’équation de condition deviendra

Cette formule est la même, à la notation près, que celle qu’Euler avait trouvée d’abord par une méthode indirecte, tirée de la considération de maximis et minimis, et que Condorcet a ensuite démontrée dans son Calcul intégral. Nous venons de prouver non seulement que la fonction proposée ne peut être une fonction dérivée exacte, à moins que l’équation de condition n’ait lieu, comme Euler et Condorcet l’avaient trouvée, mais encore que, si cette équation a lieu, la fonction sera nécessairement une dérivée exacte, ce qui restait, ce me semble, à démontrer ; car la démonstration qu’on en trouve dans le tome XV des Novi Commentarii de Pétersbourg est si compliquée, qu’il est difficile de juger de sa justesse et de sa généralité.

Si la fonction proposée contenait non seulement les variables avec les dérivées mais de plus une autre variable fonction indéterminée de avec ses dérivées on ferait, par rapport à cette dernière variable, des raisonnements et des opérations semblables à celles qu’on a faites relativement à la variable et l’on parviendraità une équation de condition pour entièrement analogue à celle qu’on a trouvée pour

Ainsi, pour qu’une fonction quelconque de la forme

soit une fonction dérivée exacte d’une fonction de l’ordre inférieur, indépendamment d’aucune relation particulière entre et on aura les deux équations de condition

Et réciproquement, ces deux équations ayant lieu d’elles-mêmes, on sera assuré que la fonction proposée est une dérivée exacte, quelles que soient les fonctions et

Il se présente ici, avant d’aller plus loin, une remarque importante à faire.

Lorsqu’on a cherché les conditions nécessaires pour qu’une fonction donnée de soit d’elle-même une fonction dérivée exacte, on a regardé comme une fonction de mais inconnue ; c’est pourquoi on a supposé que la fonction donnée ne contenait point les dérivées de la variable car, suivant les principes de la Leçon VII, lorsque est la variable principale dont les autres sont fonctions, on peut faire et par conséquent

Cependant si, pour plus de généralité, on veut regarder (ce qui est toujours permis et ce qui a lieu surtout dans les problèmes de Mécanique) les variables et comme fonctions d’une troisième variable alors toute fonction dérivée d’un ordre quelconque de deux variables devra contenir également les dérivées de ces deux variables ; et nous avons donné, dans la Leçon citée, les transformations nécessaires pour introduire les dérivées de dans une fonction où l’on a supposé Il faut seulement observer que, lorsque la fonction est censée être une fonction dérivée d’une autre fonction des mêmes variables, il faut de plus la multiplier par Car, si est une fonction de où l’on a fait laquelle doive être une fonction dérivée d’une autre fonction on aura par l’hypothèse et, pour détruire la supposition de il faudra substituer à la place des fonctions primes les valeurs à la place de la fonction seconde la quantité et ainsi des fonctions des ordres supérieurs, comme on l’a vu dans la Leçon VII ; ainsi l’on aura

Maintenant, si l’on considère une fonction quelconque de et qu’on demande les conditions nécessaires pour que cette fonction soit une fonction dérivée exacte ; en représentant cette fonction par

et faisant, pour abréger,

on aura, par ce qu’on a démontré plus haut, si les deux variables et sont regardées comme indépendantes, les deux équations et qui devront avoir lieu à la fois.

Mais, si doit être une fonction de alors en substituant pour et les dérivées de savoir : pour il faudra que la fonction proposée devienne simplement de la forme comme si l’on y faisait Ainsi, si l’on met dans cette fonction à la place de et qu’on développe, en ne tenant compte que des premières dimensions de elle deviendra

où l’on voit que les termes qui contiennent forment ensemble une fonction dérivée, dont la primitive est quelle que soit la valeur de

Je conclus de là que, si dans la fonction proposée, où est censé fonction de on substitue aussi à la place de et qu’on développe suivant les termes qui ne contiendront que la première dimension de et de ses dérivées devront former ensemble une fonction dérivée exacte, quelle que soit la valeur de Or, étant il deviendra, par la substitution de à la place de en ne tenant compte que de la première dimension de donc, si l’on fait, pour abréger, il faudra mettre à la place de tandis qu’on met à la place de

Par ces substitutions et ces développements, les termes de la fonction proposée, qui ne contiendront que les premières dimensions de se trouveront représentées par

et, par ce que nous avons démontré dans cette Leçon, pour que ces termes forment une dérivée exacte, il faudra que la quantité

soit elle-même une dérivée exacte.

Cette quantité est la même chose que donc, en mettant pour sa valeur elle devient et il est visible qu’elle ne peut être une dérivée exacte, indépendamment de la valeur de qui doit demeurer arbitraire ; donc il faudra que cette quantité s’évanouisse d’elle-même, et par conséquent qu’on ait l’équation identique Mais, étant on a en général Donc, substituant cette valeur de on aura nécessairement l’équation identique

Il suit de là que l’équation de condition qu’on aurait par la considération de la variable et de ses dérivées, sera identique avec l’équation de condition qui se rapporte à la variable car, faisant dans l’équation précédente, on a nécessairement

On prouvera de la même manière que, pour une fonction composée des trois variables et de leurs dérivées, on aurait l’équation identique

en supposant

De sorte que, dans ce cas, l’équation de condition serait comprise dans les deux équations et

Ainsi on pourra toujours, dans la question présente, se dispenser d’avoir égard aux dérivées de la variable principale et à l’équation de condition qui en résulterait.

Si l’on voulait que la fonction fût une dérivée exacte du second ordre, il faudrait de plus que la fonction primitive de c’est-à-dire la fonction fût elle-même une dérivée exacte. Or on a

en supposant, pour abréger,

et il est facile de trouver, par les mêmes procédés qu’on a employés pour la fonction que la condition nécessaire pour que la fonction soit considérée exacte, indépendamment de la valeur de est renfermée dans l’équation

laquelle, en remettant pour leurs valeurs, devient

Donc, pour qu’une fonction de la forme soit une fonction dérivée exacte du second ordre, c’est-à-dire une fonction dérivée d’une fonction dérivée, indépendamment d’aucune relation particulière entre et on aura, relativement à outre la première équation de condition, celle-ci :

Et l’on aurait une pareille équation relativement à si la fonction proposée contenait aussi

On trouverait de même, pour que la proposée fût une fonction dérivée du troisième ordre, cette troisième équation de condition, relativement à

et ainsi de suite.

Enfin si l’on suppose qu’on n’ait, pour la détermination d’une fonction qu’une équation d’un ordre quelconque entre et et les fonctions dérivées de et de et qu’on demande les conditions nécessaires pour que soit une fonction de indépendamment d’aucune relation entre et le problème pourra encore se résoudre par les mêmes principes et en suivant la même méthode.

Soit l’équation donnée, dans laquelle on suppose que est une fonction de si l’on met partout y+\omega à la place de et par conséquent à la place de la quantité étant supposée, comme ci-dessus, une fonction indéterminée de et qu’on développe suivant les puissances et les produits de la fonction deviendra, comme plus haut,

et l’on aura les équations particulières

Car, si l’on imagine-qu’on mette dans à la place de sa valeur en l’équation deviendra identique ; donc l’identité subsistera aussi après la substitution de pour et le développement suivant et, comme ces dernières quantités sont supposées indépendantes de et il est visible que chaque terme qui contient les mêmes dimensions de devra être identiquement nul dans l’équation développée

Représentons la fonction par

et dénotons par les différents termes du développement de la fonction dans lesquels les quantités forment ensemble une dimension, ou deux, etc. Nous aurons, suivant la notation adoptée,

Or il est visible que la fonction ne peut être que de la forme

étant des fonctions de De là, en prenant les fonctions dérivées relatives à on aura les valeurs de savoir :

Ces valeurs étant substituées dans l’expression de l’équation devra avoir lieu indépendamment des quantités qui doivent demeurer indéterminées ; donc, égalant à zéro les multiplicateurs de chacune de ces quantités, on aura les équations

d’où il faudra éliminer les quantités inconnues il restera nécessairement une ou plusieurs équations qui seront les équations de condition cherchées. Car il est facile de voir que le nombre de ces quantités ne doit jamais surpasser celui des quantités diminué du nombre des quantités puisque dans l’équation proposée la plus haute fonction dérivée de ne peut contenir de fonctions dérivées de plus hautes que celles qui se trouvent dans la même équation.

Supposons, par exemple, que l’équation soit de la forme

on fera ici simplement

et l’on aura les trois équations

La dernière donnera la seconde donnera et la première donnera, par la substitution de et de l’équation de condition nécessaire pour que la quantité dans l’équation proposée puisse être une fonction de indépendamment d’aucune relation entre et

On peut étendre la méthode de ce problème à un nombre quelconque de variables et d’équations.

Montrons maintenant, par quelques exemples, l’usage des équations de condition dont nous venons de donner la théorie, et d’abord ne considérons qu’une fonction du premier ordre de la forme l’équation de condition pour qu’elle soit une dérivée exacte sera

Pour que cette équation puisse être identique, il faut que le second terme ne contienne pas de fonctions dérivées de plus hautes que le premier terme or celui-ci ne peut contenir que la fonction donc il faudra que l’expression dont la fonction dérivée forme le second terme, ne contienne pas autrement il entrerait dans le second terme. Il suit de là que la fonction proposée ne peut être que de la forme

En la représentant par et prenant les dérivées relatives à et à on aura

Ainsi l’équation de condition sera mais

mais

donc l’équation se réduit à

comme nous l’avons trouvé, par une autre voie, dans la Leçon XIX.

La fonction proposée, en n’y faisant plus aurait eu la forme

et l’on aurait eu, relativement à l’équation de condition

laquelle devient

mais

donc

savoir

comme auparavant.

Supposons que la fonction proposée soit du second ordre et de la forme l’équation de condition pour qu’elle soit une dérivée exacte sera

Il est d’abord évident que, pour que cette équation puisse être identique, il faut que la valeur de ne contienne point autrement la valeur de contiendrait et, comme les termes précédents ne peuvent contenir que le terme contenante ne serait pas détruit.

La fonction proposée ne pourra donc être que de la forme

On aura ainsi, en la comparant à la forme générale

et l’équation de condition deviendra

Or

donc

Par cette substitution, l’équation de condition deviendra

Supposons, pour abréger,

la caractéristique dénotant une fonction connue de puisqu’en effet cette expression ne contient que les trois quantités on aura l’équation

mais

donc l’équation de condition se réduira à

Or il est visible que la quantité n’entre point dans les fonctions dérivées suivant et puisqu’elle n’entre point dans les fonctions primitives représentées par les caractéristiques et donc, pour que l’équation puisse être identique, il faudra que les termes multipliés par disparaissent ; par conséquent l’équation de condition se partagera en ces deux-ci :

qui devront avoir lieu séparément pour que la fonction proposée soit une dérivée exacte.

Supposons, pour donner un exemple particulier, que cette fonction soit

on aura ici

De là on tirera

Ainsi les deux équations de condition deviendront

qui se vérifient, comme l’on voit, d’elles-mêmes. En effet, la fonction proposée est la dérivée de

En général, il est facile de prouver que l’équation de condition

ne saurait être identique, à moins que la plus haute des fonctions dérivées qui entrera dans la fonction proposée n’y soit qu’à la première dimension, afin qu’elle puisse disparaître dans la fonction dérivée qu’on prendra relativement à cette même dérivée de D’où il suit que, si la fonction proposée est de l’ordre elle ne pourra être une fonction dérivée exacte, à moins qu’elle ne soit de la forme

ce qui s’accorde avec ce que nous avons vu dans la Leçon XIII.

Ensuite on peut aussi prouver que, de même que pour les fonctions du second ordre, l’équation de condition se décompose en deux, qui doivent avoir lieu à la fois ; pour les fonctions du troisième ordre, elle se décomposera en trois ; et, pour les fonctions du quatrième ordre, elle se décomposera en quatre ; et ainsi de suite.

Enfin, pour donner aussi un exemple d’une fonction dépendante, d’une équation, nous prendrons l’équation

et nous chercherons les conditions nécessaires pour que la fonction soit une fonction de et

En comparant cette équation à la forme générale

on aura

et de là on tirera ces valeurs

Comme la fonction ne contient point on aura

et la dernière des trois équations de condition trouvées ci-dessus pour le cas dont il s’agit donnera sur-le-champ ce qui réduira les deux premières à

La dernière donne

donc, substituant dans la première et changeant les signes, on aura

Mais

et la proposée donne

donc, faisant ces substitutions et effaçant ce qui se détruit, on aura cette équation de condition

qui est la même, en changeant en que celle que nous avons trouvé directement dans la Leçon XIX, pour que l’équation dérivée à trois variables puisse admettre une équation primitive entre ces variables.

Le problème que nous venons de résoudre, sur les équations de condition qui doivent avoir lieu pour qu’une fonction donnée de plusieurs variables et de leurs dérivées ait une fonction primitive indépendamment d’aucune relation entre ces variables, a une connexion intime avec un autre problème plus important, qui a exercé les géomètres pendant près d’un siècle. C’est le fameux problème des isopérimètres, qui, pris dans toute son extension, consiste à trouver les équations qui doivent avoir lieu entre les variables, pour que la fonction primitive inconnue d’une fonction donnée de ces variables et de leurs dérivées devienne un maximum ou un minimum.

Les mêmes formules d’équations résolvent les deux problèmes, mais avec cette différence que, pour le premier, les équations doivent être identiques et se vérifier d’elles-mêmes ; au lieu que, dans le dernier problème, elles deviennent les équations nécessaires entre les variables pour l’existence du maximum ou du minimum.

On verra la raison de cette identité des résultats par l’analyse que nous allons donner du problème des isopérimètres. Mais nous commencerons par une histoire succincte des différentes tentatives que les géomètres du dernier siècle ont faites pour parvenir à une solution générale de ce problème, et qui ont conduit par degrés à la méthode connue sous le nom de Calcul des variations.

Les questions de maximis et minimis n’ont pas été inconnues aux anciens géomètres ; car on a un livre entier d’Apollonius, qui traite presque uniquement des plus grandes et des plus petites lignes droites qui peuvent être menées de points donnés aux arcs des sections coniques.

La méthode d’Apollonius se réduit simplement à prouver que toute autre droite, menée du même point à la section conique, serait plus petite dans le cas du maximum, et plus grande dans le cas du minimum, que celle qu’il a déterminée ; et cette méthode a été suivie par tous ceux qui, après lui, ont cherché à résoudre, par la simple Géométrie, des problèmes relatifs aux maxima et aux minima.

Fermat est le premier, comme nous l’avons vu dans la Leçon XVIII, qui ait donné, pour la solution des problèmes de ce genre, une méthode directe et analytique, que l’algorithme du Calcul différentiel a ensuite simplifiée et généralisée ; elle se réduit, comme l’on sait, à égaler à zéro la différentielle ou la fonction prime de la fonction qui doit être un maximum ou un minimum, en regardant comme variable l’inconnue par rapport à laquelle la fonction donnée doit devenir la plus grande ou la plus petite ; et nous avons exposé ailleurs (Théorie des Fonctions) les principes et la marche de cette méthode considérée dans toute sa généralité[1].

On peut dire que c’est à la considération des courbes qu’on doit les principales méthodes de l’Analyse. La détermination des plus grandes et des plus petites ordonnées dans les lignes et dans les surfaces courbes avait donné naissance aux questions de maximis et minimis, dont nous venons de parler ; mais on s’éleva bientôt à des problèmes d’un genre nouveau et beaucoup plus difficile. Il s’agissait de trouver les courbes mêmes dans lesquelles des quantités dépendantes de toute l’étendue de la courbe cherchée, prise entre des limites données, fussent un maximum ou un minimum par rapport à toutes les autres courbes possibles ; comme, par exemple, la courbe qui renferme le plus grand espace suivant des conditions données, ou qui produit, par sa révolution, le plus grand solide entre des limites données, etc. ; mais c’est la Mécanique qui a fourni les premiers problèmes de ce nouveau genre. Newton a cherché le premier la courbe qui, en tournant autour de son axe, produit le solide qui, étant mû dans un fluide suivant la direction de son axe, éprouve la moindre résistance possible, et il a donné, sans démonstration, une proportion qui suffit pour construire la courbe par les tangentes, et qui en est comme l’équation différentielle.

Mais c’est proprement du fameux problème de la brachistochrone, ou ligne de la plus vite descente, proposé en 1693 par Jean Bernoulli, que date la découverte d’une analyse propre à ces sortes de recherches.

Suivant l’esprit du Calcul différentiel qui suppose les courbes formées d’une infinité de droites infiniment petites, on considère deux côtés contigus de la courbe cherchée, et l’on détermine leur position respective de manière que la quantité proposée devienne un maximum ou un minimum, en ne faisant varier que l’ordonnée qui répond à l’angle formé par ces deux côtés. De cette manière, le problème rentre dans l’ancien genre, et la difficulté ne consiste plus qu’à ramener le résultat de la solution à la forme différentielle. C’est ainsi qu’on a trouvé d’abord que la courbe de la plus vite descente doit être telle que le sinus de l’angle, qu’un de ses côtés quelconques infiniment petits fait avec la verticale, soit proportionnel à la vitesse, laquelle est comme la racine carrée de la hauteur d’où le corps est parti ; et cette proportion, réduite en équation différentielle, donne la cycloïde. On a trouvé de la même manière que le solide rond de la moindre résistance est formé par une courbe qui a la propriété énoncée par Newton dans le scolie de la Proposition XXXV de la seconde Partie de ses Principes. On a appliqué ensuite la même méthode à des problèmes plus compliqués, tels que celui des isopérimètres, où il s’agissait de trouver, entre toutes les courbes possibles qui ont le même périmètre ou la même longueur, celles qui, entre des limites-données, renfermaient les plus grands ou les plus petits espaces, ou, en faisant une révolution autour de leurs axes, produisaient les plus grandes ou les plus petites superficies, ou les plus grands ou les plus petits solides, ou enfin une courbe telle qu’en construisant sur son axe une seconde courbe dont les ordonnées soient des fonctions quelconques des ordonnées et des arcs de celle-là, l’aire de la seconde courbe forme un maximum où un minimum ; et les difficultés de ce problème, jointes à la célébrité que les recherches des deux frères Bernoulli, de Taylor et d’Euler lui acquirent, ont fait donner en général le nom d’isopérimètres à tous Les problèmes dans lesquels il s’agit de trouver des courbes qui jouissent de quelque propriété de maximum ou minimum, avec ou sans la condition de l’égalité des longueurs de la courbe.

Lorsqu’on veut avoir égard à cette condition, il ne suffit pas de faire varier une seule ordonnée, comme dans les problèmes où l’on demande un maximum où un minimum absolu ; il faut alors faire varier à la fois deux indéterminées, tant dans l’expression qui doit être un maximum ou minimum que dans celle qui doit demeurer constante, et égaler séparément à zéro les résultats de ces variations, ou les différentielles de ces deux expressions, comme dans les problèmes ordinaires de maximis et minimis, lorsqu’il y a quelque condition particulière à remplir entre les variables.

Jean Bernoulli, dans un Mémoire destiné à résoudre les problèmes sur les isopérimètres proposés par son frère Jacques, et qui se trouve dans le Recueil de l’Académie des Sciences de 1706, avait cru pouvoir satisfaire à la fois à la condition du maximum ou minimum et à celle de l’isopérimétrisme, en ne considérant que deux éléments ou côtés de la courbe, et en faisant varier à la fois l’abscisse et l’ordonnée qui répondent à l’angle de ces deux lignes droites, de manière que leur somme demeurât constante. En effet, si la question roulait sur des quantités finies, elle pourrait se résoudre de cette manière ; mais il arrive ici, par la nature des infiniment petits, que l’équation finale devient purement identique, et ne fait par conséquent rien connaitre. Jean Bernoulli parvint à un autre résultat, et erut avoir ainsi résolu les problèmes ; mais son analyse est erronée et pèche contre les principes du Calcul infinitésimal.

Jacques Bernoulli est le premier qui ait reconnu, dans ces sortes de questions, la nécessité de considérer trois côtés consécutifs de la courbe, et de faire varier à la fois les deux ordonnées consécutives qui répondent aux angles formés par ces côtés. C’est sur ce principe qu’il a fondé son Analyse du problème des isopérimètres, intitulée Analysis magni problematis isoperirnetrici, et publiée à Bâle en 1701 et dans les Actes de Leipzig de la même année ; et le même principe a servi de base ensuite aux solutions données par Taylor, dans son Methodus incrementorum ; par Jean Bernoulli, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de 1718 ; et par Euler dans les Tomes VI et VII des anciens Commentaires de Pétersbourg.

Par la considération d’une partie infiniment petite de la courbe regardée comme composée de deux ou trois lignes droites, les problèmes se réduisent à l’Analyse ordinaire ; et la difficulté ne consiste plus qu’à traduire les solutions en équations différentielles, par les substitutions des valeurs des ordonnées et des abscisses successives exprimées en différences, en ayant soin de ne conserver que les termes du même ordre, suivant la loi de l’homogénéitédes quantités infiniment petites. Mais les résultats obtenus de cette manière se présentent rarement sous une forme générale et applicable à tous les problèmes du même genre. De plus, il y a des cas où il ne suffit pas de considérer une portion infiniment petite de la courbe, parce que la propriété du maximum ou minimum peut avoir lieu dans la courbe entière, sans avoir lieu dans chacune de ses portions infiniment petites ; ce sont ceux où la fonction différentielle dont l’intégrale doit être un maximum ou un minimum contient elle-même une autre fonction intégrale, à moins que, par les conditions du problème, cette intégrale doive avoir une valeur constante : par exemple, lorsque la fonction dont l’intégrale doit être un maximum ou un minimum dépend non seulement des abscisses et des ordonnées et de leurs différences, mais encore de l’arc même de la courbe, lequel n’est donné, comme l’on sait, que par une expression intégrale ; dans ce cas, les solutions qu’on trouverait par la simple considération d’une portion infiniment petite de la courbe seraient inexactes, à moins que la longueur de la courbe ne fût supposée constante, comme dans les problèmes des isopérimètres.

À plus forte raison, il ne sera pas permis de n’avoir égard, dans le calcul, à une petite portion de la courbe, lorsque la fonction différentielle dépendra d’une quantité donnée, simplement par une équation différentielle non intégrable en général ; c’est pourquoi on doit regarder comme fausse la solution qu’Euler lui-même a donnée du problème de la brachistochrone dans un milieu résistant comme une fonction de la vitesse, dans le Tome VII des anciens Commentaires de Pétersboug, et dans le second Volume de sa Mécanique, et l’on peut s’en convaincre en la comparant à celle qu’on trouve dans son Ouvrage de 1744, intitulé Methodus inveniendi lineas curvas maximi minimique proprietate gaudentes (Art. 46).

C’est proprement dans ce dernier Ouvrage qu’Euler a donné une solution générale et complète du problème des isopérimètres. Pour trouver les conditions du maximum ou minimum, il se contente de faire varier une seule ordonnée de la courbe, et il en déduit la valeur différentielle de la formule, qui doit être un maximum ou un minimum, en substituant à la place des différentielles de l’ordonnée les différences successives des données consécutives, et à la place des expressions intégrales les sommes des éléments répondant à toute l’étendue de la courbe. Son calcul devient ainsi très long, surtout par les suites infinies qui s’y mêlent, lorsque la fonction proposée contient différentes intégrales, et dont il faut déterminer la somme pour parvenir à des résultats nets et précis ; et l’on ne peut trop admirer l’adresse avec laquelle l’auteur surmonte ces difficultés, et obtient, en dernière analyse, des formules simples, générales et élégantes. Son Ouvrage est d’ailleurs très précieux par le nombre et la beauté des exemples qu’il contient, et il n’y en a peut-être aucun qui puisse être plus utile à ceux qui désirent s’exercer sur le Calcul intégral.

Jusqu’alors on avait traité séparément, et par des procédés différentes les problèmes où il suffit de varier une ordonnée, et ceux qui demandent la variation de deux ou de plusieurs ordonnées consécutives.

Euler a remarqué le premier que tous les problèmes de ce genre pouvaient être rappelés à une même analyse, parce que l’uniformité qui doit régner dans les opérations relatives aux différents points d’une même courbe fait que, dès qu’on a trouvé le résultat de la variation d’une ordonnée, la même expression, rapportée à l’ordonnée qui suit immédiatement, donnera aussi le résultat de la variation de cette ordonnée, et ainsi des autres.

Cette remarque a conduit Euler à un beau théorème et de la plus grande utilité dans cette matière c’est que, pour trouver une courbe qui ne jouisse d’une propriété de maximum ou minimum que parmi toutes les courbes qui ont une ou plusieurs propriétés connues, il suffit d’ajouter à l’expression de la propriété qui doit être un maximum ou un minimum celles des autres propriétés connues, multipliées chacune par un coefficient constant et arbitraire, et chercher ensuite la courbe dans laquelle cette expression composée sera un maximum ou un minimum entre toutes les courbes possibles.

En effet, si l’on désigne, comme Euler, par ou simplement par l’incrément infiniment petit de l’ordonnée et par la valeur différentielle de la formule intégrale indéfinie qui doit être un maximum ou un minimum, on aura pour la valeur différentielle de la même formule, provenant de l’incrément de l’ordonnée suivante en supposant que soit ce que devient lorsque devient et que toutes les autres variables sont rapportées à l’ordonnée

Et l’on aurait de même pour la valeur différentielle de la même formule, provenant de l’incrément de l’ordonnée suivante est ce que devient lorsque devient et ainsi de suite.

Or, en regardant, suivant les principes du Calcul différentiel, les ordonnéesy, comme infiniment proches, on a

par conséquent on aura aussi

Ainsi, en faisant varier à la fois les deux ordonnées voisines et la valeur différentielle de sera

et, en faisant varier les trois ordonnées voisines sa valeur différentielle sera

et ainsi de suite.

Il en sera de même de toutes les autres formules semblables.

Donc, pour les courbes où la formule doit être un maximum ou un minimum absolu, on aura, en ne faisant varier qu’une ordonnée, l’équation laquelle donne

Pour les courbes où ne doit être qu’un maximum ou un minimum relatif parmi toutes les courbes qui ont une propriété commune exprimée par la formule si l’on représente par la valeur différentielle de due à l’incrément de on aura, en faisant varier deux ordonnées et égalant à zéro les valeurs différentielles des formules et les équations

lesquelles donnent celle-ci

dont l’intégrale est

étant une constante arbitraire.

Cette équation est, comme l’on voit, la même que celle qu’on trouverait pour le maximum ou minimum absolu de la formule en ne faisant varier qu’une seule ordonnée.

Si la même formule ne devait être un maximum ou un minimum que dans une des courbes dans lesquelles deux autres formules et conservent les mêmes valeurs, on aurait alors le cas où il faut faire varier trois ordonnées successives, et où il faudra égaler séparément à zéro les valeurs différentielles des trois formules dont il s’agit.

Ainsi, en dénotant par la valeur différentielle de provenant de l’incrément on aurait ces trois équations

savoir,

Éliminant deux des quantités la troisième s’évanouit d’elle-même, et l’on obtient une équation différentielle du second ordre entre les trois variables dont par conséquent l’intégrale complète renfermera trois constantes arbitraires. Mais, sans chercher cette équation différentielle, il est facile de s’assurer que l’équation

satisfait aux trois équations ci-dessus, quelles que soient les valeurs des coefficients pourvu qu’ils soient constants ; car, en multipliant la seconde équation par la troisième par et les ajoutant à la première, on aura une équation identique, en vertu de l’équation supposée et, comme cette équation contient deux constantes arbitraires et il s’ensuit qu’elle sera nécessairement l’intégrale complète de l’équation du second ordre dont il s’agit ; et l’on voit en même temps qu’elle n’est autre chose que celle qui donne le maximum ou minimum absolu de la formule

Au reste, je dois observer que, dans les premières solutions qui ont été données du problème des isopérimètres par les Bernoulli, Taylor et Euler lui-même, la valeur différentielle de la formule qui doit être un maximum ou un minimum parmi toutes les courbes isopérimètres, n’est pas de la forme

lorsque la fonction contient l’arc de la courbe, ce qui est contraire à la théorie d’Euler, qu’on vient d’exposer.

Par exemple, dans la solution de Taylor, qui est une des plus simples, si l’on y substitue les dénominations précédentes, qu’on suppose

et qu’on fasse, pour abréger, on a cette valeur différentielle

provenant des variations et des ordonnées et dans les trois éléments qui sont les seuls que Taylor considère.

Mais je remarque que cette valeur n’est pas la valeur différentielle complète de la formule intégrale car, par les formules exactes de l’ouvrage cité d’Euler, la seule variation de l’ordonnée dans la formule donne la valeur différentielle

est la valeur de correspondante à une abscisse donnée pour laquelle doit être un maximum ou un minimum. De sorte que, pour les deux variations simultanées et la vraie valeur différentielle sera

On voit d’abord par-là que la valeur différentielle de Taylor donnerait une solution fausse, si on voulait l’employer à trouver la courbe dans laquelle serait un maximum ou un minimum entre toutes les courbes possibles, dans lequel cas il suffit d’avoir égard à la variation d’une seule ordonnée ; car, en égalant à zéro cette valeur différentielle, et supposant nul, on aurait l’équation

tandis que la solution d’Euler donnerait

qui est la véritable équation du problème.

Dans le cas des isopérimètres, il arrive néanmoins que les deux solutions s’accordent ; car alors la propriété commune des courbes est l’arc c’est-à-dire la formule ou en faisant ainsi on a de plus la formule

dont la valeur différentielle doit être nulle, en même temps que celle de

Or, par la construction et l’analyse de Taylor, on a pour cette formule la valeur différentielle

et, par les formules de l’Ouvrage d’Euler, on a de même pour la valeur différentielle due à la seule variation de sorte que, pour les deux variations et on aura également

Ainsi, suivant Taylor, on doit avoir, dans ce cas, les deux équations

lesquelles donnent, par l’élimination de et celle-ci :

savoir, en substituant pour pour pour et pour et effaçant ce qui se détruit,

Mais les trois derniers termes sont du troisième ordre, tandis que les premiers ne sont que du second ; ainsi, en rejetant les trois derniers comme infiniment petits vis-à-vis des autres, on a simplement l’équation du second ordre

comme Taylor le trouve.

Suivant Euler, les deux équations seraien

Mais

et

à cause de

Donc, en observant que la première équation devient

laquelle, en vertu de’la seconde, se réduit à celle-ci :

qui est la même que celle de Taylor. Ainsi, comme les deux autres équations s’accordent aussi, le résultat doit être nécessairement le même.

En effet, suivant le théorème d’Euler, en ne considérant que la seule variation on a tout de suite l’équation

étant une constante arbitraire.

Cette équation est l’intégrale première de celle de Taylor ; car, si on la réduit à la forme

qu’on la différentie après l’avoir divisée par et qu’on fasse ensuite disparaître les dénominateurs, on trouvera l’équation de Taylor.

On pourrait faire des remarques semblables sur les solutions de Bernoulli et sur celles d’Euler, dans les tomes VI et VIII des Anciens Commentaires de Pétersbourg. Mais, dans l’état actuel de l’Analyse, on peut regarder ces discussions comme inutiles, parce qu’elles regardent des méthodes oubliées, comme ayant fait place à d’autres plus simples et plus générales. Cependant elles peuvent avoir encore quelque intérêt pour ceux qui aiment à suivre pas à pas les progrès de l’Analyse, et à voir comment les méthodes simples et générales naissent des questions particulières et des procédés indirects et compliqués.

L’Ouvrage d’Euler, que nous avons cité, n’aurait rien laissé à désirer sur les problèmes relatifs aux courbes qui jouissent de quelque propriété de maximum ou minimum, s’il avait pour base une analyse plus conforme à l’esprit du Calcul différentiel. Mais la décomposition que l’auteur y fait des différentielles et des intégrales dans leurs éléments primitifs détruit le mécani\sine de ce calcul, et lui fait perdre ses principaux avantages, la simplicité et la généralité de son algorithme.

Il restait donc a trouver la manière de plier le Calcul différentiel à ce genre de problèmes qui sont essentiellement de son ressort, et de les résoudre sans s’écarter de la marche simple et uniforme de ce Calcul. Cet objet a été rempli par la méthode des variations, publiée dans le tome des Mémoires de l’Académie de Turin[2]. Comme cette méthode est exposée dans la plupart des Traités de Calcul différentiel qui ont paru depuis, nous nous contenterons d’en donner ici les principes.

Elle consiste à faire varier les dans la formule intégrale en et qui doit être un maximum ou un minimum, par des différentiations ordinaires, mais relatives à une autre caractéristique différente de la caractéristique ordinaire et à déterminer la valeur différentielle de la formule par rapport à cette nouvelle caractéristique, en transposant le signe après les signes et lorsqu’il se trouve placé avant, et en faisant ensuite disparaître par des intégrations par parties les différentielles de sous les signes

Soit la formule qui doive être un maximum ou un minimum entre des limites données, la quantité étant une fonction donnée de En supposant constant, on aura pour la valeur différentielle qui doit être nulle dans le maximum ou minimum ; donc

équation qui se transforme tout de suite en

Supposons qu’en différentiant à la manière ordinaire, mais suivant la caractéristique et ne faisant varier que les on ait

on aura l’équation

Or se transforme d’abord en et ensuite, en intégrant par parties, en

De même se transforme d’abord en ensuite en et ainsi des autres.

Donc, en ajoutant une constante quelconque à ces intégrations, l’équation deviendra

Comme toutes les différentielles de ont disparu de dessous le signe cette partie n’est plus susceptible d’aucune réduction. Ainsi, pour vérifier l’équation indépendamment des variations il faudra d’abord égaler à zéro le coefficient des sous le signe, ce qui donnera l’équation

laquelle devra avoir lieu indéfiniment pour toutes les valeurs de et comprises entre les limites données.

Cette équation est, en d’autres termes, celle qu’Euler a trouvée le premier pour le maximum ou le minimum de la formule intégrale Euler fait et il suppose fonction de telle qu’on ait par la différentiation

Il fait ensuite varier l’ordonnée de la ligne infiniment petite et, en regardant la formule comme l’aire d’une nouvelle courbe dont serait l’ordonnée, il trouve pour la valeur différentielle de cette aire, la formule

d’où il tire l’équation

qui coïncide avec la précédente.

Notre méthode donne de plus l’équation déterminée

laquelle doit avoir lieu dans les deux limites entre lesquelles la formule doit être un maximum ou un minimum.

Désignons par les valeurs de à la première limite où est par exemple égal à et par leurs valeurs à l’autre limite où serait égal à on aura ainsi les deux équations

La première donnera la valeur de la constante laquelle étant substituée dans la seconde, donne

équation qui reste encore à vérifier pour la solution complète du problème.

Si les valeurs de et ainsi que celles de sont censées données, leurs variations seront nulles, et tous les termes de l’équation s’en iront d’eux-mêmes ; c’est le cas de l’Analyse d’Euler.

Si toutes ces valeurs ou seulement quelques-unes sont indéterminées, ou s’il y a entre elles des relations données par la nature du problème, alors, après avoir effacé les variations qui doivent être nulles et réduit les autres au plus petit nombre possible, il faudra faire disparaître les variations restantes en égalant leurs coefficients à zéro ce qui donnera autant d’équations auxquelles on satisfera par le moyen des constantes arbitraires que les différentes intégrations introduiront dans l’équation du problème. [Voir là-dessus le deuxième et le quatrième Volume des Mémoires de Turin[3], et les différents Ouvrages de Calcul intégral où cette théorie est exposée.]


Séparateur

  1. Œuvres de Lagrange, t. IX.
  2. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 335, et t. II, p. 37.
  3. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 335, et t. II, p. 37.