Les éditions du Bien public ; Les Trois-Rivières (p. 39-47).

g — Les desservants

En voici la liste, où l’on n’omet que les remplaçants occasionnels, dont les noms apparaissent à divers actes : MM. Boudreault, Labadye, Gaillard, Ecuier, Harper…

1o  M. Jacques-Maxime Chefdeville de la Garenne, dessert quatorze ans, la Pointe-du-Lac, à deux reprises pendant qu’il est curé de Louiseville, puis d’Yamachiche : de 1742 à 1754 ; et de 1763 à 1769. C’est un Canadien, né à Québec en 1714. Dieu lui pardonne ses fautes d’orthographe !

2o  Divers Pères Récollets font les offices en 1744, puis de 1757 à 1760 : les frères Denys Baron, Siméon Dupont,…

3o  M. Louis-Michel Guay, né à Lévis en 1722, curé de Louiseville, dessert aussi la Pointe-du-Lac de 1754 à 1757, puis s’en va curé à Ste-Anne-de-la-Pérade.

4o  Le R.P. Dominique Pétrimoulx, récollet, né à Québec en 1735, curé de Louiseville de 1758 à 1786, nous dessert en 1760-63, puis Bécancour, deux ans, ce qui l’astreint à des courses pas commodes.

5o  M. Pierre Maugue-Garaut de Saint-Onge, né à Montréal en 1721, curé aux Trois-Rivières, grand-vicaire et aumônier des Ursulines, de 1764 à 1789, dessert en plus, d’abord le Cap, puis la Pointe-du-Lac de 1769 à 1786. L’excessive rareté des prêtres dans cet immense diocèse de Québec qui allait d’Halifax à Winnipeg et au golfe du Mexique, obligeait chacun à prendre la besogne de trois ou quatre. Il fallait construire des églises un peu partout, courir loin aux malades privés de médecins, préparer à la première communion des enfants qui ne savaient pas lire et qui n’apprenaient le catéchisme que par oreille ; courir des distances folles, en calèche, en berlot ou à cheval, conseiller les gens sur bien des affaires temporelles, ne rien recevoir en retour et faire des ingrats…

Vieux saints prêtres pionniers de chez nous, si braves dans la misère, et amassant un trésor de vigueur pour notre catholicisme, sel des paroisses, sel du pays, rudes et tenaces curés, bourrus et paternels, un peu soldats, un peu prophètes, portant le rabat de France sur la symbolique soutane d’étoffe du pays, vous avez tout sauvé pour la patrie terrestre en même temps que pour l’autre, au point que tout notre spiritualisme se tient et que Mgr Bourget a parlé avec actions de grâces du « religieux patriotisme » des Canadiens français.

6o  M. Jacques-Philippe Serrand, né à Québec en 1758, desservant et curé de la Pointe-du-Lac, de 1786 à 1788. Il part alors pour St-Paul de Joliette, puis Berthier.

7o  M. Joseph Gagnon, né à Québec en 1763, nous arrive jeune prêtre, en 1788 pour jusqu’en 1797, alors qu’il gagne l’île d’Orléans, où il meurt en 1840. C’est M. Gagnon qui organisa la vie, créa l’esprit paroissial. À ce moment quarante-cinq prêtres de France, exilés pour n’avoir pas voulu prêter le serment schismatique à la révolution, viennent exercer le ministère au pays et sont d’un grand secours aux missions acadiennes et dans nos paroisses. La Pointe-du-Lac bénéficie de trois de ces excellents prêtres, Nicolet en reçoit davantage, et l’on a la « Petite France », très douce aux anciens et au souvenir.

En ce temps-là, les gens du fief Gatineau veulent se donner à la Pointe du Lac. L’église du Grand-Machiche, où ils allaient, brûlée par la foudre en 1780, se reconstruit au Petit-Machiche, deux milles plus loin, au milieu d’une chicane qu’on imagine. En 1787, le seigneur Coffin, tout protestant qu’il est, demande à Mgr Hubert de réunir son fief Gatineau à la Pointe-du-Lac, beaucoup plus proche. Monseigneur hésite : les esprits sont trop aigris. Coffin s’en prend au curé Gagnon, qu’il accuse de toutes sortes de choses, et Monseigneur écrit au capitaine de milice André Guay, (futur grand-père de Mgr Cooke, et de tous nos Guay actuels) que si on lui rend le séjour impossible, la paroisse se passera de curé.

À M. Augustin Rivard, du fief Gatineau, Monseigneur fait l’historique du cas : Gatineau appartient à Yamachiche depuis la délimitation de 1721 ; une sentence de la cour d’appel, du 5 novembre 1787, réserve à la Législature de changer ou de diviser les districts des paroisses ; si donc l’autorité civile trouve bon de remanier ces limites, il ne s’y opposera pas. Mais, cinq ans plus tard, en 1796, Monseigneur Hubert fait observer à Thomas Coffin, devenu député, qu’il ne s’objecte pas à ce que la
L’église actuelle et le presbytère (ancien Manoir de Tonnancour).
Rivière-aux-Loutres (Rivière-aux-Glaises) soit réunie à la Pointe-du-Lac ; il croit cependant, que la Législature s’arroge un pouvoir qui ne lui appartient pas, en DÉCRÉTANT elle-même, cette réunion. D’après la jurisprudence française, toujours respectée ici, le démembrement des cures est du ressort de l’autorité épiscopale, à qui le pouvoir civil n’a qu’à laisser toute liberté. La proposition de M. Coffin fut battue par 14 contre 4. Le changement ne se fera que plus tard.

Entre temps, en 1791, M. Coffin, évidemment poussé par son épouse Marie-Marguerite de Tonnancour, donne à la paroisse les titres de propriété de l’église, du presbytère et d’une terre de soixante arpents dont son beau-père avait déjà donné l’usage, sans les titres. M. Gagnon, à qui Monseigneur Hubert avait recommandé d’agir avec prudence en tout cela, avec ce Coffin protestant : « Il faut savoir se prêter aux circonstances, retenir ou céder, plier ou se raidir, avancer ou reculer suivant l’occasion » — M. Gagnon en reçut les félicitations de Monseigneur : il fait si bien à la Pointe-du-Lac qu’on ne saurait le changer de poste.

8o  M. Urbain Orfroy, né en 1766 à La Flèche, près d’Angers, arrive à Québec en 1796 et Mgr Hubert l’envoie curé chez nous huit ans. Il fait la classe à quelques enfants et pousse son meilleur élève, Thomas Cooke, au Séminaire de Nicolet, où un autre prêtre de France, l’abbé Raimbault, ouvrait le premier cours.

Après deux années dans Montmagny, M. Orfroy devient curé aux Trois-Rivières jusqu’en 1819, alors qu’il prend la cure de St-Vallier jusqu’à sa mort, en 1846.

9o  M. Jacques-Joseph-Ladislas de Calonne, né en 1742, fils du premier président au parlement de Douai, frère du ministre des finances de Louis XVI, étudie le Droit, puis entre au Séminaire de Paris. Fuyant la révolution, il arrive en 1799, chez les Acadiens de l’île du Prince-Edouard, et en 1807, à la Pointe-du-Lac et aux Ursulines des Trois-Rivières, où il se retire en 1817 et meurt en 1822. Orateur remarquable, grand, courtois comme un prince, figure de noble et de saint authentique. Il jeûne tous les jours, ne mange que du pain et des légumes, ne boit que de l’eau et de la tisane de salsepareille. Il donne aux pauvres sa dîme et tous ses revenus. En 1815-16, disette générale et grande misère chez le peuple : « le blé se vend quatre piastres, et le reste est en proportion ; » Les indigents ont vite fait de dévorer la dîme, et M. de Calonne achète du blé, le fait moudre et le donne. Un marguillier abuse de sa bonne foi, et surfait les prix. M. le curé l’accroche avant la messe : « Comment avez-vous pu dérober le patrimoine des pauvres ! » et il lui frotte les oreilles pour tout de bon… Mais voilà que durant l’Asperges le remords opère : le curé va s’agenouiller en face du banc-d’œuvre et demande pardon au marguillier, tellement saisi qu’il ne pouvait pas dire son oui. Tout le monde pleurait.

Il est facile de comprendre que les têtes fortes et les Gros-Jeans plus fins que leur curé ne lui firent pas les misères qui avaient parfois contristé ses devanciers, car il faut bien savoir que la propagande révolutionnaire nous était venue des États-Unis en 1776, puis de France après 1789, et qu’elle trouvait ici, dans les raideurs des fonctionnaires anglais et dans la dureté de certains seigneurs, des sources très favorables de mécontentements. M. de Calonne, trop grand esprit et trop cultivé pour s’effrayer de rien, regretta un moment son optimisme : « En vérité, c’est plus violent qu’on ne pense communément, écrit-il à Mgr Plessis en 1810.Ce sont tous les principes français. On a répandu des écrits dans ma paroisse et ce n’est rien ; mais on en a endoctriné quelques-uns qui sont complètement pervertis. Il y en a un entre autres qui a tenu les propos les plus incendiaires, jusqu’à parler de révolte… Heureusement que le nombre est infiniment petit »… Imaginez donc, à la Pointe-du-Lac !

Le curé ne séjournait au presbytère que par intervalles. Il faut savoir que les Ursulines avaient alors cinq communautés en une : le monastère, le noviciat, le pensionnat, l’externat et, jusqu’en 1886, l’hôpital, le seul hôpital de la région ; et que le manque de prêtres obligeait l’évêque de Québec de surcharger les mêmes. Comme la piété catholique n’était pas alors éveillée à la messe sur semaine et à la communion quotidienne, le vieux curé trouvait que les paroissiens n’en souffraient pas ; mais lui devait faire jusqu’à vingt-quatre lieues le même jour, en calèche, en traîne, parfois à cheval. Le dimanche, il fallait biner, — comme font encore beaucoup de curés de l’Ouest et des États-Unis, — célébrer la messe au couvent à sept heures, puis cahoter à jeun, neuf bons milles, pour desservir nos campagnards vers onze heures : « l’office ne finit qu’à une heure ; cela devient fort incommode pour ceux qui sont éloignés. J’ai à peine une demi-heure pour faire le catéchisme ; les vêpres commencent trop tard, ce qui en empêche beaucoup d’y venir. ».

Les chemins d’automne et de fonte des neiges n’adoucissent pas la corvée. Un jour d’orage épouvantable, un coup de tonnerre effraie le cheval, qui se cabre : le rustaud de cocher s’oublie et lance un juron étoffé. Le saint et digne M. de Calonne lui fait la morale, refuse de s’asseoir avec lui, descend de voiture et marche dans la boue jusqu’à la Pointe-du-Lac. Le sacreur n’était pas parlant le lendemain.

À soixante-quatorze ans, M. de Calonne résigne sa cure, pour ne s’occuper que du couvent-hôpital et d’un fardeau de consultations au parloir ; il meurt en 1822, revêtu d’un cilice et d’une ceinture de fer. Sa lettre de démission renferme deux détails sur le progrès de la paroisse : « Un désagrément que je viens d’éprouver m’ôte tout courage. Je n’avais qu’un cabaret dans ma paroisse, où je maintenais le bon ordre. — Tout d’un coup, lorsque j’y pensais le moins, on m’en donne quatre… — (il y en avait bien onze à la Baie du Febvre !) — Cela me désole. Ma paroisse est devenue plus considérable : je compte entre cinq cents et six cents communiants ».

Grâce à la concession de nouveaux rangs par la seigneuresse Montour, le nombre de familles s’était accru.

10o  M. René-Pierre-Joyer, né à Tours en 1764, curé de Caraquet de 1798 à 1806, de Saint-Sulpice de 1806 à 1815, est à la Pointe-du-Lac de 1817 à 1829, alors qu’il devient aumônier des Ursulines. Celles-ci ont conservé, outre un bon souvenir de M. Joyer, sa correspondance avec Mademoiselle de la Valtrie, octogénaire, où la part faite à l’âme est si grande qu’on y découvre fort peu de données sur la vie d’alors. Il profite des occasions pour envoyer ses lettres : ça coûtait huit sous par enveloppe de Québec à Montréal, et 1,12 $ pour Londres, ce qui veut dire qu’on n’écrivait pas souvent en France. Une très grande politesse : « Oserai-je vous prier de présenter mes respects à Madame de la Naudière… J’ai l’honneur d’être, Mademoiselle, avec une reconnaissance respectueuse, votre très humble et très obéissant serviteur et frère »… Même fidélité aux imparfaits du subjonctif : « Le curé désirait que je restasse… Je serais bien aise que vous priassiez M. Joliet (M. Barthélemy Joliette, fondateur de L’Industrie, alors notaire à Notre-Dame du Portage (L’Assomption)…

M. Joyer s’était réjoui d’être nommé curé chez nous : « Je n’y vivrai pas en grand seigneur, mais j’y vivrai plus tranquille ; je m’approcherai par là davantage de la pauvreté du Maître, et je serai proche voisin du saint Père de Colonne auprès de qui il y a tant à gagner ».

Il se voiture jusqu’à Berthier, jusqu’à Lavaltrie, derrière sa jument qui lui a bien coûté 105 $, qui bute et qui fait semblant de mourir au beau milieu d’un voyage… À ce prix-là nos gens préféraient dompter le bœuf ! Vrai cheval du colon, il mange des feuilles et de la paille, et puis on le mange !

11o  Avec M. Olivier Larue, nous tombons dans l’histoire moderne, presque dans le contemporain : il a baptisé nos pères ou nos oncles ; les récits de famille l’ont mentionné, il est de notre siècle de la paroisse, puisqu’il ne partira qu’en 1836.

Né à la Pointe-aux-Trembles de Québec, en 1798, vicaire à Yamachiche de 1826 à 1829, il est notre curé sept ans jusqu’à 1836, alors qu’il traverse à Gentilly, puis à Princeville, d’où il se retire et meurt à Québec en 1855. C’est de son temps que Mgr Bernard-Claude Panet érige définitivement la Pointe-du-Lac en cure et paroisse le 20 septembre 1832, en lui donnant un territoire d’environ quatre milles et demi de front sur environ six milles de profondeur, ce qui comprenait le fief de Tonnancour et deux rangs du fief Gatineau. Une opposition, conduite par Horatio Montour, fils de la seigneuresse, aurait voulu englober aussi toute la Banlieue, en faisant valoir une ordonnance du 3 mars 1722 et une décision épiscopale de 1772 qui l’adjoignent à la mission de la Pointe-du-Lac. Mais Monseigneur répond qu’une paroisse n’est pas une mission ; que les fiefs de la Banlieue ne font partie d’aucune paroisse régulière, et que, de temps immémorial, elle est desservie des Trois-Rivières. Le bon sens l’emporte sur les bouts de papier.

12o  M. Louis-Antoine Proulx, né à Québec en 1810, nous arrive curé à vingt-six ans, pour quatre années. En 1840, il descend à la Rivière-du-Loup (en bas), se dévoue en 1847 aux Irlandais malades du typhus à la Grosse-Île, devient curé de St-Vallier, de 1854 à 1880, et meurt retiré à Québec en 1896.

13o  M. Michel Lemieux le remplace. Né en 1811 à Saint-Joseph de Lévis, vicaire à Yamachiche de 1835 à 1839, curé chez nous un an (1840-41) avant de diriger les séminaristes à Nicolet, puis la paroisse de Beaumont, et de finir ses jours à l’hôpital-général de Québec, où il est aumônier, de 1848 à 1874.

14o  M. Didier Paradis, né en 1810 à Saint-André de Kamouraska, après cinq années de vicariat dans sa paroisse natale, à St-Gervais et à St-Roch-des-Aulnaies, remonte le fleuve jusqu’à notre Pointe, où il bâtira, un peu de ses mains, la deuxième église, où il restera de 1841 à 1859, alors qu’il passera vingt ans à la Baie-du-Febvre, d’où il se retire pour mourir à Nicolet en 1885. Le bon vieillard resta si attaché à ses paroissiens, que dans des scènes d’une touchante démence, il se croyait en visite de paroisse : il entrait dans chacune des chambres de sa retraite comme dans des familles distinctes, avec tout le cérémonial usité dans les visites des familles.

Nos plus-de-quatre-vingts-ans ont été baptisés par lui, quelques-uns même se rappellent sa figure, sa bonté, son horreur du libéralisme doctrinaire, son amour du Pape, pour qui il enrôlera neuf zouaves, rien qu’à la Baie. — Dur à lui-même, M. Paradis avait économisé, en quarante ans, $20,000, qu’il légua aux œuvres d’éducation, sans laisser un traître sou à sa famille. Dieu soit béni !

15o  M. Arthur-Huhert Lassiseraie a baptisé et préparé à la Première Communion nos plus-de-soixante-ans puisqu’il ne partira qu’en 1871 pour Saint-François-du-Lac, où il décède en 1894. Né aux Trois-Rivières en 1828, vicaire à Yamachiche, deuxième curé de St-Paulin, de 1856 à 1859, il laisse chez nos vieillards un souvenir bien net. Le nom original de sa famille était Lefebvre ; à cause d’une touffe de cerisiers qui distinguait la maison, naquit le surnom de Lacerisaie ; la théorie du moindre effort explique l’adoucissement de la prononciation en Lassisseraie. Pierre Lefebvre, percheron, établi aux Trois-Rivières en 1650, fut l’ancêtre des Lefebvre dits Senneville, Claude, Lafond, Descôteaux, Lassisseraie, Beaulac, Labaie, Désilets, Denoncourt, de vingt autres souches et de quelques Lefebvre ! Sans compter certains américanisés qui se nomment Bean

16o  M. Charles-Olivier-Arthur Sicard de Carufel, né à Maskinongé en 1836, vicaire à Ste-Anne-de-la-Pérade, puis à St-Justin et premier curé de Blandford, nous dessert de 1871 à 1876, alors qu’il va au secours des compatriotes des États-Unis, jusqu’à sa mort en 1887.

17o  M. François-Xavier Desaulniers , né à Saint-Léon en 1838, vicaire chez lui, curé des colons de Kingsey de 1865 à 1876, de la Pointe-du-Lac de 1876 à 1898, meurt curé de Saint-Maurice en 1902. Avec lui nous entrons tout droit dans la génération présente, et nous revoyons tous cette figure très bonne, trop bonne, du curé qui n’exigeait rien et qui donnait tout, qui soignait les corps en même temps que les âmes, (il avait étudié la médecine), qui aima la terre au point de se ruiner à des expériences dans le mauvais sol de la Baie-des-Mines, qui s’intéressa à la création du premier Cercle agricole et de la première beurrerie, installée à l’ancien moulin seigneurial des Tonnancour, alors propriété de M. Olivier Duplessis, en attendant de passer à M. Thomas Garceau et aux Frères de La Mennais. La ponctualité et la comptabilité n’étaient pas son fort, mais c’était un homme de Dieu et des pauvres. Il n’aimait pas la danse, ni les aigrettes et les plumes sur les chapeaux, ni les frisettes, ni les tailles de guêpe, ni les tours de voitures, ni les grosses manches de robe : une couple de sermons par année servaient un abatage aux toilettes surchargées. Oh, le saint homme ! ce qu’il rugirait en voyant les simplifications d’aujourd’hui !…

18o  M. Joseph Caron le remplace, administrateur habile qui répare le presbytère, donne une voûte romane et de la peinture à l’intérieur de l’église sans trop aggraver la dette. Né à Louiseville en 1855, professeur et directeur au Séminaire de St-Hyacinthe de 1880 à 1891, curé de Régina (Sask.) de 1891 à 1894, aumônier de l’hôpital des Trois-Rivières de 1894 à 1898, alors qu’il nous arrive pour jusqu’à sa mort, le 30 décembre 1911. M. Caron descendait de ce vaillant Michel Caron, venu de St-Roch-des-Aulnaies, en 1783, avec ses dix fils, la tuque bleue sur la tête et les souliers sauvages aux pieds, acheter un lopin de 800 arpents de la seigneuresse Wilkinson et défricher tout un rang, le Village des Caron, à Yamachiche.

Quelle magnifique descendance envahit notre région, du seul fait d’une décision courageuse de ce robuste ancêtre, — alors que d’autres ont anglicisé toute une postérité en décidant d’émigrer.

Un peu de malaise régnait chez nous à l’arrivée de M. Caron : tout se dissipa dès le premier sermon. M. Caron, très cultivé, doué d’une voix prenante en chaire — et surprenante en chant, — gagna son monde par ses récits de voyage en Terre-Sainte donnés à la prière du Carême : la sacristie débordait ; des gens quittaient la cabane à sucre pour n’en pas manquer un. Le très vivant catéchisme du dimanche, entre la messe et les vêpres, retenait ou ramenait à l’église la moitié de la paroisse. M. Caron sortait du sanctuaire, parcourait les allées, interrogeait de tous les coins, celui-ci, puis un autre, un autre, qui serrait de plus en plus la réponse, ou lançait une étourderie à faire rougir la parenté : « C’est intéressant comme les courses sur la glace ! » disaient des vieux, qui n’avaient jamais tant su leur religion !

M. Caron commença une Bibliothèque paroissiale, et il dressa une table des registres paroissiaux, véritable généalogie des familles, qu’il ne s’est pas donné le panache de publier.

19o  M. J.-Edmond Poisson, né à St-Médard en 1870, ordonné en 1894, vicaire à St-Stanislas, à Champlain et à St-Didace ; curé de St-Joseph de Mékinac en 1897, puis de St-Jean-des-Piles en 1900, est chez nous depuis 1912. Sans froisser la modestie d’un vivant, disons que M. Poisson, ardent ami de l’agriculture et de ses paroissiens, a poussé la petite industrie de la mise en conserves des légumes et des fruits, qu’il a fondé en 1913 une bienfaisante Caisse populaire de 289 sociétaires, qu’il a poussé de tout temps à l’Achat chez nous, qu’il a à cœur l’embellissement matériel et cultuel de sa paroisse. En dépit d’une santé agaçante, la science économique de M. Poisson a débordé nos limites : on l’a nommé inspecteur officiel des Caisses populaires de toute la province.