Les éditions du Bien public ; Les Trois-Rivières (p. 36-38).

b — La fabrique

Le 27 mai 1749, Mgr de Ponthriand, en cours de visite, signe ce billet de son secrétaire Sarault : « Permettons et exhortons les habitants de la Pointe-du-Lac de défricher la terre que doit donner M. Tonnancour pour le missionnaire, afin que nous puissions dans quelque temps y en placer un. »

Les Tonnancour étaient des gens d’église et des donateurs généreux. Déjà René avait donné aux Ursulines deux de ses filles, aux Frères Charron le terrain où fut l’ancien évêché, aujourd’hui le Jardin de l’Enfance, et quantité de décorations à l’église paroissiale, incendiée en 1908. Sachant bien que leurs censitaires ne vivent pas seulement de pain, ils leur bâtissent une chapelle comme ils leur ont bâti un moulin. Le seigneur aime bien y prier, mais conduire aussi, un peu comme chez lui. Cela ressort d’une lettre de 1784 aux marguilliers, où Mgr Briand refuse à M. de Tonnancour le droit de patronage qu’il sollicite : si naguère il a eu la permission de bâtir à ses frais une chapelle, il ne peut certes pas en faire une église paroissiale sans le consentement de l’évêque. On n’est pas père de l’église comme ça !

Entre temps il a donné à la Fabrique verbalement, et Coffin cédera par écrit en 1791, le manoir et une terre en face, quatre arpents par quatre, bornage de Pierre Marcouillier, arpenteur juré : « depuis Joseph Comeau à la ligne d’Amable Plouf laquelle j’ai poursuivie jusqu’à la crête du coteau, et icelui coteau j’ai poursuivi jusqu’à un ancien four à chaux et au domaine. » En reconnaissance, la dame seigneuresse (puisque Coffin est protestant), jouira du Banc seigneurial et des droits honorifiques qui y sont attribués et annexés, plus un sou de cens, plus la jouissance gratuite de deux autres bancs dans la nef, mais ceux-ci à titre de donatrice, non de seigneuresse. Il sera bien entendu que le curé sera maître chez lui, non le seigneur. Mgr Hubert félicite M. Gagnon de ces arrangements.

Le Manoir

Ce manoir-presbytère bâti en 1736, et pour des siècles, a 43 pieds par 36 ; les vieux murs de deux pieds et trois quarts d’épaisseur forment encore le premier étage. En 1792, une requête demande la permission de réparer : Mgr Hubert répond qu’elle n’est pas bien rédigée, qu’on devra en préparer une nouvelle. On divise le manoir en trois grandes pièces : la salle des habitants, le logis du bedeau, au centre, et celui du curé, bien modeste palais. La dîme, surtout du blé, loge au grenier, pas pour longtemps : les nécessiteux fourmillent. En effet, quand il s’agit d’acquitter la répartition volontaire, pour les frais de réparations, à savoir, « une planche, un clou et un sou par arpent de terre », on demande deux ans pour recueillir cela !… Pour en finir avec ce premier manoir, il demeure à peu près tel quel jusqu’en 1898, alors que l’on refait l’intérieur, les galeries et l’allonge. En 1914, il reçoit un autre étage, une autre teinte et il perd son allure antique. Les ouvriers qui démolirent des bouts de murs pour rediviser la cave proclamèrent que les ancêtres savaient bâtir.

En 1805, c’est le tour de l’église. « La majorité des habitants » demande à Mgr Denaut « qu’il lui plaise… leur permettre de faire faire un nouveau clocher, de réparer ce qui est gâté de la charpente par la pluie entrée dans le clocher, de garantir le presbytère du froid et de le rendre logeable et convenable pour la résidence de messire le curé. » Les noms des signataires ? — Orfroy, prêtre, J.-B. Laviolette, Étienne Martin, Jean-Marie Lemerise, Joseph Como, Nicolas Montour, Ths Cooke, Michel Guay, Antoine Rouette, J.-B. Baudet, Michel Robitaille. Suivent les croix de cinquante-cinq autres. Témoins : Augustin Rivard-Dufrêne et François Levasseur. Pour copie, J.-J. Lartigue.

M. le grand-vicaire Noiseux, chargé d’y voir, s’adjoint six paroissiens et « Michel Robitaille, maître-charpentier et expert (déjà !) dans les réparations » : On a « trouvé qu’un clocher en neuf est absolument nécessaire, et que les chevrons de l’église sous l’ancien clocher sont pourris, et qu’il faut ôter le bois vicié et en remettre du neuf. » Et comme les habitants demandent que le nouveau clocher soit couvert en fer-blanc, il a estimé cette réparation à 1,800 livres ancien cours (360 $.) Au presbytère, l’expert a estimé qu’il faut abattre le mur de la devanture jusqu’aux solives de la cave, étant tout fracassé et fendu ; des croisées neuves, du plancher neuf, des cloisons lattées et un perron neuf. L’expert a estimé le tout à 2,500 livres (500 $.)

Comme dette de fabrique ce ne sera pas ruineux, mais l’argent sonnant ne jaillissait pas des terres de sable, où le peu qui poussait se vendait peu.

L’église sera remplacée en 1844 par une plus grande, qui brûlera en 1882, qu’on rebâtira dans les mêmes murs, plus hauts de cinq pieds ; la voûte romane ne s’arrondit qu’en 1898 et les décorations, peintures de Monty, orgue de Casavant, installation du chauffage central, du gaz, puis de l’électricité ne compléteront l’ameublement de la maison de Dieu que sous le curé actuel, M. Poisson. On est fier de l’église, dont le clocher d’argent ponctue la rue du village, domine le carrefour en courbe du manoir, du moulin et du village, s’aperçoit de loin et ne paraît vraiment pas mal !