Publications de l’Amitié par le Livre (p. 141-155).

VIII
« UNE INVASION DE XÉNOBIES »

La science a révélé et mis au service de l’homme, sur une échelle gigantesque, des forces qui n’étaient avant elle que des phénomènes fugaces ou inaperçus, cachés ou inutilisables ; et à mesure qu’elle progresse, d’un élan toujours plus accéléré, nous devons nous attendre à voir surgir des nouveautés plus étrangères à nos notions antérieures. On peut dire sans paradoxe que les manifestations de la science sont d’autant plus hautes qu’elles contrarient davantage l’ordre de choses naturel.

De ce même point de vue, l’invasion cryptogamique dont quelques points de Paris subissent actuellement les inconvénients provisoires, doit être considérée comme liée aux plus récents progrès de la science. On peut prédire à coup sûr que celle-ci saura vite endiguer les manifestations turbulentes du « lichen » et en tirer tôt ou tard des applications utiles comme elle l’a fait jusqu’ici de toutes ses conquêtes.

Toutes les personnes douées de la moindre curiosité spéculative apprendront avec un légitime intérêt que cette prolifération de végétaux inconnus n’est pas un accident fortuit, un lusus naturæ, mais bien l’un des résultats de la première expédition astronautique qui ait vaincu la pesanteur et franchi les limites de l’atmosphère terrestre.

Presque tous les articles qui ont été écrits sur le raid de Mlle Aurore Lescure se sont étendus complaisamment sur les pépites d’or « lunaire » recueillies par la jeune astronaute ; mais aucun n’a jugé digne d’être signalée la récolte de poussières météoritiques effectués par elle dans le vide des espaces interplanétaires.

Or, pour la science, ces pépites sont un fait négligeable. Depuis plusieurs années déjà, nous connaissons de façon sûre, par le spectroscope, la présence de gisements d’or sur notre satellite ; et cela ne nous apprendra rien de plus, d’en posséder sur terre des échantillons réels, voire même des kilos et des tonnes. La spéculation seule y trouvera son compte… au début du moins, avant que la surabondance du métal jaune en ait fait s’effondrer les cours.

Pour la science, le seul résultat de l’expédition qui compte — mais résultat d’une importance primordiale — est la démonstration tangible que l’existence des cosmozoaires n’est pas seulement une hypothèse, mais une réalité grandiose. Le raid de Mlle Lescure apporte une solution définitive à l’un des plus angoissants problèmes de la cosmogonie : celui de l’apparition de la vie sur notre globe.

Rappelons brièvement l’historique de cette théorie.

Dès 1821, le premier, un Français, le comte de Monlivault, eut l’idée que des fragments d’astres, des projections des volcans lunaires chargées de germes auraient pu rencontrer la terre et la peupler.

En 1865, un savant allemand, le Dr E. Richter, donna corps à cette hypothèse, imagina que notre monde était en perpétuelle communication avec les astres par l’intermédiaire des pierres tombées du ciel, les bolides ou météorites. Comme, souvent, ces bolides contiennent des substances charbonneuses qui paraissent provenir de la décomposition d’organismes extra-terrestres, Richter pensait que ces pierres célestes pouvaient parfois contenir des germes sains et saufs. Ces germes, mis en liberté lors de l’éclatement des pierres, après le choc provoqué par leur chute, auraient ensemencé la terre.

La même théorie fut défendue quelques années plus tard par l’illustre savant lord Kelvin. Le physiologiste Preyer, le physicien Helmholtz se laissèrent gagner à ses idées. Ils appelèrent cette conception l’hypothèse des cosmozoaires, nom qui est resté.

De nos jours, le botaniste Van Tieghem et le géologue Stanislas Meunier sont de chauds partisans de cette hypothèse, à laquelle le savant suédois Arrhénius a donné une forme nouvelle en supposant que les germes sidéraux, les cosmozoaires, ne sont pas inclus dans les bolides, mais circulent dans les espaces, à l’état nu, sous forme de poussière météoritique, véhiculés par la pression de la lumière… Le Dr Paul Becquerel, en revanche, nie que ces germes puissent résister à l’action destructive des radiations ultra-violettes.

L’apparition du lichen nous apporte la preuve irréfutable qu’il existe bien, épars dans l’espace infini, des germes susceptibles de donner naissance à une création vitale, sur un astre, dans des conditions déterminées.

Mais alors, dira-t-on, si ces germes existent, pourquoi notre Terre n’est-elle pas ensemencée à chaque instant ? Pourquoi la prolifération de ces végétaux cosmiques, que j’appellerai « Xénobies » (du grec : Xénos, étranger… étranger à la Terre ; et Bios, vie) n’a-t-elle pas eu lieu avant aujourd’hui ?

Parce que l’atmosphère, toute gazeuse qu’elle est, oppose à ces germes une barrière infranchissable et joue à l’égard de la Terre le rôle d’un écran protecteur qui la préserve contre l’intrusion d’autres types de vie dont les germes sont disséminés dans l’espace… Parce que les cosmozoaires que la Terre rencontre dans sa course à travers l’infini n’arrivent pas jusqu’à sa surface : ils sont arrêtés par l’atmosphère, dont le frottement les « craque » comme des allumettes et les volatilise ; ce sont les étoiles filantes.

Tout se passe comme si la création qui s’est implantée sur notre globe (la « biosphère », disent les cosmologues, c’est-à-dire l’ensemble du monde vivant, animal et végétal) avait été mise en vase clos dès l’origine pour y évoluer selon ses destinées propres. Isolement que l’on peut interpréter au choix, comme une sage précaution du Créateur, ou comme un concours de circonstances naturelles et favorables.

Car il se peut, il apparaît très probable, que les cosmozoaires flottant dans l’espace ne soient pas de nature identique dans les divers cantons de l’infini.

Sans aller jusqu’à dire que les propriétés essentielles de la matière, telles que la gravitation, varient selon les zones de l’espace, des savants nombreux, invoquant la « courbure de l’espace » einsteinienne et le fait, entre autres, scientifiquement établi en 1927 par M. Gheury de Bray, que la vitesse de la lumière diminue, mettent en doute que les lois naturelles soient valables, telles que nous les connaissons sur terre, dans le cosmos tout entier. Il est probable que les lois régissant la vie sur les divers systèmes stellaires sont diverses ; que la vie se manifeste sous des formes et avec des modalités entièrement imprévues de nous, par exemple sur les planètes circulant autour de Sirius. Les cosmozoaires qui les ont ensemencées lors de leur création peuvent donner des organismes d’une formule chimique où la série du carbone qui règne chez nous serait remplacée, mettons, par des composés du Silicium ou encore de l’Azote, comme Turpin l’a suggéré.

En admettant, avec la magnifique théorie dualiste de M. Belot, que la Terre ait pris naissance par ondes pulsatoires lors de la pénétration du « protosoleil » dans la Nébuleuse galactique, elle aura capté et mis à l’abri au bout de peu de temps sous la cloche de son atmosphère les germes vitaux récoltés dans ce canton lointain de l’univers.

Depuis lors, durant les millions de siècles qui nous séparent de ces débuts de la vie sur notre planète, les autres germes vivants, les nouveaux cosmozoaires que la Terre rencontre dans sa course sont pour nous comme s’ils n’existaient pas. Tout au plus pourrait-on admettre que la barrière de l’atmosphère a été forcée, à un moment quelconque du passé, par un bolide, dont une anfractuosité aurait renfermé et protégé de la flambée quelques cosmozoaires ?… C’est possible, à la rigueur ; mais la nouvelle création dut être éphémère, car il ne reste pas trace de pareil événement dans les couches géologiques.

À qui objecterait qu’il y a ainsi une trop grande multitude de germes perdus, un gaspillage de billions et de trillions de cosmozoaires, pour quelques-uns qui abordent sur un astre prêt à les recevoir, nous répondrons que la nature, dans son exubérance infinie, n’a pas de ces calculs utilitaires et mesquins. La loi du moindre effort est une invention anthropomorphique. Même sous nos yeux, dans le monde des choses terrestres, la nature répand avec une prodigalité sans mesure les germes : œufs, graines et spores, dont l’infinie majorité sont détruits, annihilés sans aucun profit pour la vie. Une morue, un hareng femelle, pondent plus d’un million d’œufs chacun ; une mère-termite, des centaines de mille ; et que l’on songe encore aux graines ailées des ormes, aux spores des champignons…

Mais combien de vetos de la nature, en apparences inéluctables, la science n’a-t-elle point déjà transgressés ? La fusée M. G. 17 a enfreint cette interdiction et, par l’ingéniosité de son pilote qui a su les récolter, a ramené intacte sur terre une provision de germes météoritiques.

Toutefois, si la science n’était à nouveau intervienne après leur arrivée au sol terrestre, les cosmozoaires captés par Mlle Lescure ne se seraient pas développés dans les présentes conditions naturelles. Tout comme une graine terrestre exige une température et un degré d’humidité et de lumière déterminés, ces cosmozoaires ont besoin pour éclore de radiations qui n’existent dans la lumière des soleils que pendant leur jeunesse ardente ; ils étaient destinés à une planète recevant de son astre central des torrents de rayons X et des champs d’induction électromagnétique plus ou moins intenses. Depuis des millions de siècles la Terre ni le Soleil ne répondent plus à cette définition. Mais n’est-ce pas le propre de la science de rompre le cours apparent des conditions naturelles ? La civilisation scientifique a rendu possible la reconstitution artificielle, en divers points, de ces conditions. Les torrents de rayons X sont déversés à volonté par les ampoules des radiologues ; des champs d’induction électromagnétique plus ou moins intenses règnent autour des ampoules d’éclairage, aux abords des fils conducteurs, des accumulateurs, des dynamos, etc., à condition, bien entendu, que les appareils fonctionnent et que le courant passe.

De mes expériences, poursuivies activement depuis quarante-huit heures (et dont j’épargne au public le détail, réservé pour ma communication à l’Académie), il résulte que la naissance et l’évolution de cette création cosmique s’opèrent en deux temps bien distincts :

1o Sous l’ampoule à rayons X, les germes météoritiques, tirés de leur inertie multiséculaire, se mettent à germer et donnent un premier tissu rudimentaire, presque uniquement composé de spores reproductrices que j’appellerai spores B. C’est là le relais primordial, le coup de pouce déclencheur des créations, le moment privilégié du Fiat Vita ! que doivent rencontrer les cosmozoaires (ces cosmozoaires-ci, du moins) pour se propager sur un astre.

2o Cette mise en train effectuée, les rayons X deviennent inutiles. Du tissu initial produit sous leur influence, sont nées les spores B, qui se dispersent, et auxquelles il suffit de rencontrer un champ électromagnétique pour germer à leur tour et produire le lichen, la Xénobie, dont l’évolution continue indéfiniment, par générations successives.

Mais cette évolution qui se poursuit dans les champs électromagnétiques présente un caractère exceptionnel, que la science n’a plus guère l’occasion d’observer dans notre vieux biocosme ou l’élan vital est amorti, presque à bout de course : l’effervescence, la hâte en quelque sorte frénétique de cette création à l’état naissant, qui se rue à la conquête de formes nouvelles.

S’agit-il là de l’allure propre à cette création… de l’allure à laquelle les xénobies se reproduiraient, à l’origine de leur évolution, sur une planète vierge qu’ils viendraient d’ensemencer ? C’est fort possible, mais nous n’avons aucun moyen de le vérifier. En tout cas, leur « temps », le rythme qui préside à leur développement, n’a rien de commun avec celui de la vie connue de nous. C’est le temps accéléré, affolé, d’une création à ses débuts de conquête. Les heures, pour elle, équivalent à des siècles, à des millénaires pour les espèces terrestres. En quelques heures, les générations successives de la xénobie évoluent tout autant que les grandes espèces animales ou végétales de notre création ont évolué au cours d’une période géologique entière. Le meilleur point de comparaison que nous puissions trouver pour donner une idée de cette cadence frénétique, il faut l’aller chercher dans le monde des micro-organismes, bacilles et protozoaires restés semblables à ce qu’ils étaient aux origines, et dont les générations se succèdent aujourd’hui encore avec une rapidité fantastique, sans commune mesure avec l’ordre de durée qui mesure le développement et la reproduction des animaux supérieurs, les mammifères et l’homme. Certains bacilles, par exemple, se reproduisent au bout d’une heure, et compensent leur petitesse par cette rapidité de multiplication. À raison d’une génération à l’heure : deux descendants pour chaque individu, et ainsi de suite, F. Kohn a calculé qu’une de ces bactéries, dans un milieu favorable, peut donner plusieurs millions d’individus par jour ; et si ces individus échappaient tous aux causes de destruction, la progression géométrique se continuant, la descendance totale atteindrait, en 4 jours et demi : 1036 individus un undécillion… 1 suivi de 36 zéros !, autrement dit, le volume de toutes les eaux contenues dans les océans du globe.

Cela, c’est le calcul, mais dans l’ordre des faits mêmes, les exemples de ces explosions brusques de vie, de ces « ondes de vie », selon l’expression des vieux naturalistes, ne sont pas entièrement disparues du monde actuel, même chez des organismes notablement supérieurs aux bactéries. Parfois, en quelques heures, sur des points privilégiés de la terre, on voit naître et foisonner des myriades d’algues, d’insectes, d’araignées, de petits vertébrés. Ainsi les « éphémères », à certains soirs d’été, couvrent de leurs cadavres sur plusieurs centimètres d’épaisseur les berges des rivières. On peut encore citer les « pluies » de grenouilles, les « nuées » de sauterelles.

En 1889, le naturaliste Dr G. Carruthers, a observé en mer Rouge une migration de sauterelles, écloses en l’espace de quelques heures, qui ont défilé toute la journée du 25 novembre ; soit une nuée de 2,4 × 1013 (240 trillions) d’individus, de 5.967 kilomètres carrés et du poids de 4,10 × 107 (41 millions) de tonnes, chiffre du même ordre que tout le cuivre, le zinc et le plomb extraits au cours du XIXe siècle entier : 4,47 × 107.

Eh bien ! la matière vivante née des cosmozoaires en expérience, la Xénobie, est en permanence, depuis que nous l’observons, à ce stade de suractivité. Et même, au lieu de décroître, de s’atténuer, celle-ci suit une courbe toujours ascendante d’heure en heure. C’est une création nouvelle, affolée par l’impulsion initiale qui a opéré l’amorçage de son règne, qui cherche sa voie, dans toute la fougue d’un déchaînement génétique. De même, la création terrestre a passé en revue des milliers d’espèces, pour aboutir à ces types qui furent à tour de rôle les rois de la planète : ammonites, dinosauriens, mammifères ; mais ici la recherche se produit à l’accéléré, en quelques heures plusieurs espèces nouvelles sont « inventées » et essayées par la Xénobie en marche vers la procréation des formes supérieures et peut-être vers l’équivalent de cette réussite suprême qu’est, dans la création terrestre, l’Homme.

Car mes expériences m’ont permis de constater un fait qui échappe encore au public : malgré l’identité apparente des spores reproductrices, les générations de la Xénobie sont polymorphes et protéiformes. Le lichen né sur une lampe électrique n’est pas le même que sur les fils conducteurs ; il est autre sur une boîte d’accumulateurs, autre encore sur une magnéto. L’intensité des champs électriques, beaucoup plus que son voltage, paraît influer sur la différenciation. J’ai déjà catalogué jusqu’ici 82 espèces bien distinctes réparties en 7 genres ; et malgré la rapidité croissante de la reproduction à l’état libre, je crois avoir anticipé, en laboratoire, de plusieurs dizaines de générations sur la succession normale ; j’ai constaté certaines formes géantes à développement ultra-rapide, et d’autres, corrosives pour le cuivre et l’aluminium, qui dévorent littéralement les fils conducteurs sur lesquels elles se fixent.

Je ne puis m’étendre, dans un simple article de vulgarisation, sur la composition morphologique et chimique des tissus de la Xénobie. Il suffira de savoir que, pas plus chez les végétaux que chez les animaux la Xénobie n’a d’analogue dans le monde organique connu jusqu’ici. Sa formule chimique fondamentale est du type : AzO7 Ar2 (Azote, Oxygène, Argon). Elle se forme donc aux dépens exclusifs de l’atmosphère. Sous l’influence des ondes électromagnétiques la Xénobie assimile directement les gaz de l’air, pour en construire sa substance, à peu près comme la chlorophylle de nos plantes à feuilles vertes assimile l’anhydride carbonique, sous l’influence de la lumière solaire. Certaines espèces se constituent en outre un squelette résistant, par l’adjonction de Si (Silicium), Cu (Cuivre), Fe (Fer), Al (Aluminium), etc., empruntés à leur support : le verre de l’ampoule, le fil conducteur… Un aliment indispensable de la Xénobie est l’électricité. En dehors de tout champ d’induction, le lichen, affamé, cesse de croître, puis dépérit ; sa désassimilation n’est plus compensée par sa nutrition, et il se résorbe lentement, volatilisé en une trentaine d’heures, sans résidu, sauf dans les variétés à squelette.

Quant aux spores reproductrices, c’est-à-dire les grains microscopiques de cette poudre impalpable que projettent les vésicules du lichen et qui vont le propager au loin, il est remarquable qu’elles ont des propriétés toutes différentes de celles des cosmozoaires initiaux.

Les cosmozoaires, ou germes météoritiques, sont destinés à conserver la vie potentielle, à être le réceptacle de la création future, durant son transfert à travers l’infini. Aussi sont-ils pratiquement immortels et indestructibles. Ni le froid et le vide des espaces, ni les rayons ultra-violets ne les altèrent ; il faut pour les tuer une température de plus de 300 degrés.

À l’inverse, les spores reproductrices, nées sur terre, soit du magna initial, soit du lichen, ont pour rôle d’opérer une transmission immédiate de la vie, et ne possèdent qu’une faible résistance. Une température supérieure à 120° ou inférieure à 0°, des traces de chlore, de brome ou d’iode, suffisent à les faire périr, et il se peut qu’elles ne conservent que durant peu de jours leur pouvoir germinateur. Manque de résistance, empressons-nous de le dire, qui facilitera la lutte contre l’expansion du lichen.

Il faut bien le reconnaître, un nouveau type de vie a pris position sur la terre et s’efforce, de toute sa jeune énergie, à conquérir sa place sur notre globe. Mais que le lecteur, peut-être alarmé devant les premiers résultats de l’invasion, se rassure. La lutte est inégale, entre cette végétation lichénoïde, rudimentaire, purement organique, et l’activité intelligente de l’homme. La science, qui a conquis les cosmozoaires, saura se rendre maîtresse des Xénobies. À l’extrême rigueur, si l’on ne réussissait pas à entraver leur développement et si celui-ci devenait une gêne réelle pour la civilisation avant la première gelée qui nous débarrassera de cette création nouvelle, il suffira de l’affamer en coupant le courant et suspendant pour quelques jours la distribution et la production de l’énergie électrique dans les zones contaminées.

Mais je n’ai pas à traiter ce sujet d’utilité publique. Mon rôle de vulgarisateur se borne pour cette fois à projeter la lumière de la science sur les faits étranges et singuliers qui ont déconcerté les Parisiens, et à leur faire entrevoir de quelle utilité pourra devenir cette importation sur terre de la Xénobie, que je persiste à nommer une conquête.

La radio-activité légère dont sont douées les spores du lichen (ce à quoi elles doivent les propriétés urticantes qui les ont fait assimiler à du poil à gratter), et d’autres phénomènes du même ordre que j’ai observées chez quelques-unes des espèces les plus évoluées, autorisent les plus beaux espoirs. L’étude de ces faits nouveaux nous aidera vraisemblablement d’ici peu à résoudre le problème crucial dont la science attend la solution : provoquer à volonté la dissociation atomique. Et cette découverte, formidable par ses conséquences, grâce à laquelle on réaliserait sans peine ce qui n’est encore qu’une utopie : « cent chevaux-vapeur dans un boitier de montre », compenserait et bien au-delà, les quelques inconvénients passagers dont les Parisiens vont avoir à souffrir, ces jours-ci, dans les commodités de l’existence liées au bon fonctionnement des appareillages électriques. Une fois encore, et plus magnifiquement que jamais, la science aura joué son rôle, qui est de rompre le cours apparent des lois naturelles, en usant d’elles contre elles-mêmes, pour les plier finalement à ses fins, à l’utilité de l’homme et au plus grand bien de la civilisation.