La Cité de Dieu (Augustin)/Livre XI/Chapitre VIII

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 228).
CHAPITRE VIII.
CE QU’IL FAUT ENTENDRE PAR LE REPOS DE DIEU APRÈS L’ŒUVRE DES SIX JOURS.

Quand l’Ecriture dit que Dieu se reposa le septième jour et le sanctifia[1], il ne faut pas entendre cela d’une manière puérile, comme si Dieu s’était lassé à force de travail ; Dieu a parlé et l’univers a été fait[2], et cette parole n’est pas sensible et passagère, mais intelligible et éternelle. Le repos de Dieu, c’est le repos de ceux qui se reposent en lui, comme la joie d’une maison, c’est la joie de ceux qui se réjouissent dans la maison, bien que ce ne soit pas la maison même qui cause leur joie. Combien donc sera-t-il plus raisonnable d’appeler cette maison joyeuse, si par sa beauté elle inspire de la joie à ceux qui l’habitent ? En sorte qu’on l’appelle joyeuse, non-seulement par cette façon de parler qui substitue le contenant au contenu (comme quand on dit que les théâtres applaudissent, que les prés mugissent, parce que les hommes applaudissent sur les théâtres et que les bœufs mugissent dans les prés), mais encore par cette figure qui exprime l’effet par la cause, comme quand on dit qu’une lettre est joyeuse, pour marquer la joie qu’elle donne à ceux qui la lisent. Ainsi, lorsque le prophète dit que Dieu s’est reposé, il marque fort bien le repos de ceux qui se reposent en Dieu et dont Dieu même fait le repos ; et cette parole regarde aussi les hommes pour qui les saintes Ecritures ont été composées ; elle leur promet un repos éternel à la suite des bonnes œuvres que Dieu opère en eux et par eux, s’ils s’approchent d’abord de lui par la foi. C’est ce qui a été pareillement figuré par le repos du sabbat que la loi prescrivait à l’ancien peuple de Dieu, et dont je me propose de parler ailleurs plus au long[3].

  1. Gen. II, 2 et 3.
  2. Gen. i, 3.
  3. Sur le sens symbolique du repos de Dieu, voyez le De Gen. ad litt., n. 15 et seq.