La Cité de Dieu (Augustin)/Livre I/Chapitre VII

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 5).
CHAPITRE VII.
LES CRUAUTÉS QUI ONT ACCOMPAGNÉ LA PRISE DE ROME DOIVENT ÊTRE ATTRIBUÉES AUX USAGES DE LA GUERRE, TANDIS QUE LA CLÉMENCE DONT LES BARBARES ONT FAIT PREUVE VIENT DE LA PUISSANCE DU NOM DU CHRIST.

Ainsi donc, toutes les calamités qui ont frappé Rome dans cette récente catastrophe, dévastation, meurtre, pillage, incendie, violences, tout doit être imputé aux terribles coutumes de la guerre ; mais ce qui est nouveau, c’est que des barbares se soient adoucis au point de choisir les plus grandes églises pour préserver un plus grand nombre de malheureux, d’ordonner qu’on n’y tuât personne, qu’on n’en fît sortir personne, d’y conduire même plusieurs prisonniers pour les arracher à la mort et à l’esclavage ; et voilà ce qui ne peut être attribué qu’au nom du Christ et à l’influence de la religion nouvelle. Qui ne voit pas une chose si évidente est aveugle ; qui la voit et n’en loue pas Dieu est ingrat ; qui s’oppose à ces louanges est insensé. Loin de moi l’idée qu’aucun homme sage puisse faire honneur de cette clémence aux barbares. Celui qui a jeté l’épouvante dans ces âmes farouches et inhumaines, qui les a contenues, qui les a miraculeusement adoucies, est celui-là même qui a dit, dès longtemps, par la bouche du Prophète : « Je visiterai avec ma verge leurs iniquités, et leurs péchés avec mes fléaux ; mais je ne leur retirerai point ma miséricorde[1] ».

  1. Psal. lxxxviii, 33, 34.