Librairie Guillaumin & Cie (p. 20-22).

CHAPITRE VII

Quels impôts sont à remplacer de suite !




Pour éviter de faire ce qu’on appelle un saut dans l’inconnu, ce qui arriverait si on substituait tout-à-coup à tous les autres impôts l’impôt général sur le revenu, on pourrait remplacer seulement par cette nouvelle méthode plusieurs de nos impôts actuels, par exemple les suivants qui figurent au budget de 1904 pour les sommes ci-après indiquées :


Impôts fonciers sur les bâtiments
87.413.000 fr.
Impôts fonciers sur les terres
104.769.000
Personnelles, mobilières
96.169.000
Patentes
136.664.000
Vins, cidres, poirés, bières
84.889.000
Transports, chemins de fer
64.290.000
Allumettes
32.579.000
Sucres
178.622.000
Sel de douanes et hors du rayon des douanes
33.484.000

xxxxxxxxxxxxxxxTotal
817.869.000 fr.


On obtiendra l’équivalent de cette somme par l’impôt sur le revenu, en partant de ce principe que les revenus au-dessous de 400 francs par an doivent être, en tout état de cause, exempts d’impôt. En sorte que toute cette nombreuse partie de la population qui a moins de 400 francs de revenu, et qui pourtant paie sous la forme des impôts indirects, ou même de certains impôts directs sur les bâtiments, les terres, la mobilière, la patente, les boissons, les allumettes, le sucre, le sel, une somme considérable d’impôts, en serait définitivement affranchie. Nous aurions, comme en Prusse, en Suisse, en Italie, au moins la moitié de la population exempte de toute contribution aux charges publiques, ce qui, à la longue, et après un certain temps, mettrait la plupart de ces citoyens en état de n’être plus à la charge de la société sous forme de secours, d’hospitalisation, de bienfaisance, etc., et les élèverait à un état moral que la misère actuelle les empêche d’atteindre.

À partir de 400 francs de revenu, exempt de toute contribution, l’impôt serait de 4 % jusqu’à 2.000, en sorte que le citoyen ayant 500 francs de revenu paierait 4 francs ; 600, 8 francs ; 2.400 francs, 80 francs (aujourd’hui il paie au moins 240 francs) ; ayant 4.400 francs, il paierait pour 4.000 (au lieu de 400 au moins qu’il paie aujourd’hui) savoir :


Et Sur 2.000 
80
Et sur 2.000 à 5 % 
100

xxxxxxxxTotal 
180


À partir de 4.000 francs l’impôt, subirait une légère progression et serait fixé à 6 % jusqu’à 10.000, en sorte que le rentier ayant 10.400 de revenu paierait :


Sur 4.000 
180
Sur 6.000 à 5 % 
360

xxxxxxxxSoit 
540
De 10.000 à 20.000, le taux de l’impôt serait de 7 % en sorte que le possesseur de 15.400 de rente paierait 931 francs. De 20 à 40.000, il paierait 8 %, de 40.000 à 200.000 francs, 10 %. De 200.000 à 1 million, 20 % ; de 1 million à 4 millions, 25 % ; de 4 millions à 40 millions, 50 % en profitant dans chaque catégorie de la dégression favorable à la catégorie précédente, ainsi que l’indique l’un des tableaux suivants. Au-dessus de 40 millions de revenus, l’État prendrait tout l’excédent par cette raison bien simple, d’abord, que ce sur plus du revenu est plutôt nuisible à celui qui le touche ; en second lieu, qu’il est impossible que ce revenu soit produit, autrement que par le travail social tout entier, c’est-à-dire par le travail de la collectivité qui ne ferait ainsi que rentrer dans ses fonds. On peut même soutenir avec raison qu’aucun travail humain, même le plus utile, le plus intelligent ne peut donner droit à un million par an. C’est l’habitude, la tradition qui ont façonné notre entendement à l’idée opposée. La balance de la justice n’y est pas.

En fixant à 400 francs le revenu exempt d’impôts, j’ai pris le cas le plus simple pour mieux établir des calculs. Dans la pratique, à l’exemple de ce qui se passe en Suisse surtout, il y aura lieu d’exempter aussi de tout impôt cette autre part de revenu nécessaire au père de famille et qui est fixée de 200 à 400 francs par enfant mineur de 18 ans, et à 300 ou 400 francs par an par personne, infirme, vieillard à la charge du contribuable.