L’Encyclopédie/1re édition/OPISTHOTONOS

OPISTHOTONOS, s. m. (Médéc.) On a conservé en françois & en latin ce mot grec, qui suivant son étymologie, signifie une espece de convulsion qui porte & plie toutes les parties du corps en arriere. Il est formé de ὄπισθεν qui veut dire en arriere, & τόνος, ton, tension, spasme. Dans ce cas, la tête se renverse, s’approche des vertebres du dos, par la contraction spasmodique des extenseurs de la tête : savoir, du splenius, du complexus, des grand & petit droits postérieurs & du petit oblique, des deux côtés agissans ensemble ; l’action des muscles d’un seul côté tireroit la tête de ce même côté : quelquefois il n’y a dans l’opisthotonos que cette extension forcée de la tête ; d’autres fois la convulsion est plus générale, & occupe les transversaux épineux, les inter-épineux du cou, le long dorsal, le demi-épineux & le sacro-lombaire. Alors l’effet est plus grand ; le cou & le dos sont courbés en arriere, & y font une espece d’arc : dans cet état, l’action de presque tous les visceres du bas ventre est gênée, interrompue ou beaucoup dérangée ; la respiration souffre beaucoup, & se fait très-difficilement ; la déglutition est totalement empêchée : cet état si violent est souvent accompagné de vives douleurs : il est bien évident qu’il est trop opposé à l’état naturel du corps pour pouvoir subsister long-tems ; il est plus ou moins dangereux suivant le degré, l’intensité & la durée de la convulsion. Le péril varie aussi suivant les causes qui l’ont produite : elles sont les mêmes que celles des autres especes de convulsions. Voyez-en le détail aux articles Convulsion, Spasme. Un paroxisme épileptique peut être déterminé de cette façon. Voyez Epilepsie. Alors le danger est moins pressant. L’opisthotonos peut aussi être l’effet de quelque poison pris intérieurement, d’une blessure, sur-tout faite avec des fleches ou autres armes empoisonnées ; & alors il est plus dangereux : il est mortel lorsqu’il survient à des malades foibles, épuisés par une longue maladie ou par des évacuations trop abondantes. Voyez Convulsion ; voyez aussi à cet article le traitement qu’il convient d’employer. En général, les anti-spasmodiques, anti-hystériques, les préparations de pavot doivent être données sur le champ. Les saignées peuvent convenir dans quelques cas particuliers & rares : elles seroient indifférentes ou nuisibles dans le cas de poison, & absolument pernicieuses, lorsque l’on a sujet d’accuser la foiblesse & l’épuisement ; des frictions, des embrocations, des especes de douches avec de l’huile bien chaude fournissent un remede dont Galien a constaté l’efficacité par l’heureuse expérience qu’il en a faite sur lui-même dans un cas semblable ; enfin le cautere actuel appliqué à la plante des piés, ne doit pas être oublié, quand les autres remedes ont été sans effet : souvent il emporte des maladies qui avoient résisté au fer & aux médicamens. Suivant ce précepte du grand Hippocrate qu’on a taxé de fausseté, parce qu’on n’a pas su en faire l’application. Quæ medicamenta non sanant, ea ferrum sanat ; quæ ferrum non sanat, ea ignis sanat ; quæ verò ignis non sanat, ea censere oportet insanabilia. sectione VIII. aphor. vj. Il seroit très-aisé de donner une théorie satisfaisante de l’action de ce remede dans la maladie dont il s’agit, mais non est hîc locus. Voyez Cautere, Feu. Il suffit de remarquer qu’on emploie à la Chine, dans les Indes & au Japon, la Moxe, qu’on applique aux piés, un anneau rouge ; qu’on fait des piquures avec des aiguilles, acupuncturæ ; & que ces remedes plus ou moins analogues au cautere actuel, y font des effets surprenans dans les maladies convulsives.