L’Encyclopédie/1re édition/SPASMODIQUES

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SPASMODIQUES ou convulsives, maladies, (Médecine.) en partant des principes que nous avons exposés à l’article précédent Spasme, toutes les maladies mériteroient cette qualification, parce que toutes dépendent d’un spasme plus ou moins général ; mais nous avons remarqué qu’il y en avoit où cet état n’étoit que secondaire produit par un vice humoral, & que dans d’autres le spasme étoit essentiel ; ce sont celles que nous avons plus particulierement appellées spasmodiques, & auxquelles on a souvent donné le nom de maladies nerveuses. Voyez ce mot. Dans celles-ci le spasme beaucoup plus considérable, se manifeste pour l’ordinaire par des symptomes extérieurs plus appropriés ; tels sont les convulsions, les frissons, les tremblemens, les hoquets, les nausées, les douleurs vagues, les défaillances fréquentes, les lassitudes, les vents, &c. Tous ces symptomes varient, suivant l’espece de maladie qu’ils accompagnent, & se réunissent en plus ou moins grand nombre ; on connoît que ces maladies sont purement spasmodiques ou nerveuses, par l’absence des signes qui caractérisent les affections humorales, & le genre mixte qui résulte de la combinaison de ces deux especes est marqué par le mélange de leurs phénomenes.

Les maladies qui sont en général reconnues pour spasmodiques sont l’épilepsie, l’hypocondriacité, l’hystéricité, les attaques de convulsion, l’asthme convulsif, les palpitations de cœur, le hoquet, l’opistotone & l’emprostotone, l’incube, les mouvemens convulsifs, le priapisme, le ténesme, quelques especes de colique, & surtout la collique vulgairement appellée de plomb ou des peintres, le ris sardonique, l’éclampsie ou épilepsie des enfans, l’hieranosos, le chorea sancti viti, le beriberri, maladie indienne, la toux, l’éternument, le bâillement ; & plusieurs auteurs y rangent aussi les affections arthritiques, la migraine, les fievres intermittentes & généralement toutes les maladies périodiques ; on pourroit augmenter encore cette liste par l’énumération des maladies des différentes parties qui peuvent être spasmodiques ; il n’est pas possible de déterminer parmi ces maladies celles qui sont strictement spasmodiques, d’avec celles qui sont mixtes, parce que les mêmes maladies peuvent varier dans différens sujets au point de mériter d’être rangées tantôt dans une classe & tantôt dans une autre.

Il n’est pas possible, par la même raison, de donner un pronostic général qui puisse convenir à toutes ces maladies, parce que les unes sont très-dangereuses, comme l’épilepsie, les attaques de convulsion, &c. les autres n’entraînent à leur suite aucune espece de danger, comme la plûpart des fievres intermittentes ; nous renvoyons le lecteur aux articles particuliers de chaque maladie que nous n’avons fait que nommer ; nous n’entrons pas non plus dans aucun détail sur le traitement qui convient à chaque maladie, il doit varier non-seulement selon les maladies, mais selon les différentes causes auxquelles elles doivent être attribuées ; il faut attaquer le vice humoral dans celles où le spasme apparent en est le produit, dans les autres il faut avoir recours aux nervins, roborans, toniques, anti-spasmodiques : de ce nombre sont les préparations d’opium, les odeurs fétides, le sel sédatif, les amers & surtout le quinquina ; les calmans, anodins, narcotiques ne doivent être employés que pour calmer la violence des accidens ; les stomachiques amers, les martiaux sont très-efficaces pour détruire la cause de la maladie, pour donner le ton aux vaisseaux, fortifier les nerfs, & les rendre moins mobiles ; mais dans leur administration, il faut bien prendre garde qu’il n’y ait aucun vice humoral, ils seroient alors funestes en arrêtant des mouvemens spasmodiques souvent salutaires ; les plaisirs, la dissipation, les promenades en voiture ou à cheval, ou même à pié, les spectacles, les concerts aident très efficacement à leurs effets sans qu’il en résulte le moindre inconvenient.

Spasmodiques, mouvemens, & Spasme, (Séméiot.) outre les maladies dont les spasmes, convulsions, ou mouvemens spasmodiques sont les symptomes essentiels & caractéristiques, il y en a où ces symptomes ne sont que des accidens plus ou moins graves, qui en varient, & pour l’ordinaire augmentent le danger. Sans entrer dans aucune discussion théorique, nous allons extraire des ouvrages du grand Hippocrate, & de quelques autres médecins observateurs, les faits & les axiomes au sujet des signes qu’on peut tirer du spasme & des mouvemens spasmodiques, ou convulsifs. Le spasme doit être ici regardé comme exactement synonyme à convulsion : nous nous servirons indifféremment de l’un & l’autre mot.

Les convulsions qui surviennent à l’effet d’un émétique, à une superpurgation, à la passion iliaque, à un flux immodéré des regles, ou des hémorrhoïdes, à une hémorragie considérable, à une blessure, à des veilles excessives, à un délire continuel, &c. sont, suivant les observations d’Hippocrate, de Waldschmid, de Baglivi, &c. presque toujours mortelles.

Dans les fievres aiguës avec beaucoup d’ardeur, les distensions spasmodiques sont d’un mauvais augure. Hippoc. aphor. 13. lib. VII. Il en est de même des spasmes qu’accompagnent les douleurs vives dans les entrailles, aphor. 66. lib. IV. les mouvemens convulsifs des mains ou des piés survenus dans le cours d’une fievre aiguë, indiquent de la malignité, coac. prænot. cap. j. n°. 44. ils annoncent une mort prochaine au phrénétique qui en est attaqué, ibid. cap. ij. n°. 16. Les mouvemens spasmodiques sont, suivant l’observation de Riviere, moins dangereux au commencement d’une maladie, que lorsqu’elle est parvenue à l’état fixe ; moins dangereux aussi dans les enfans que dans les adultes, & dans les femmes que dans les hommes. Hippocrate a remarqué qu’elles y étoient beaucoup plus sujettes.

Il y a moins à craindre de la fievre qui survient aux convulsions, que des convulsions qui surviennent à la fievre, Hippoc. aphor. 26. lib. II. il arrive même souvent que la fievre dissipe toutes les affections spasmodiques, aphor. 57. lib. IV. cependant lorsque les convulsions arrivent dans le cours de la fievre, & qu’elles disparoissent le même jour, elles font cesser la fievre le même jour ou le lendemain, ou le sur-lendemain ; mais si elles durent plus d’un jour, elles deviennent un mauvais signe, coac. prænot. lj. n°. 230. Les mouvemens convulsifs sont les avant-coureurs de plusieurs maladies ; & Sydenham a remarqué que les petites véroles qui en étoient précédées dans les enfans, étoient ordinairement bénignes & discretes ; les tensions spasmodiques du dos sont, suivant Waldschimid, familieres aux malades attaqués de la petite vérole, de la rougeole, & des fievres pétéchiales.

Les interruptions de voix convulsives qui s’observent dans quelques fievres, annoncent la folie, & un danger pressant, Hippocr. coac. prænot. cap. jx. n°. 4. la distorsion spasmodique du nez, des sourcils, des yeux, ou des levres, est un signe mortel dans les malades déja affoiblis, id. ibid. cap. j. n°. 74. le testicule droit refroidi, & dans un état convulsif, fournit le même présage, aphor. 2. lib. VIII.

On doit s’attendre qu’il surviendra des convulsions ou mouvemens spasmodiques 1°. lorsque dans un ulcere situé aux parties postérieures du corps, les humeurs viennent à disparoître, aphor. 65. lib. V. 2°. Après des veilles opiniâtres, aphor. 18. lib. VII. 3°. Lorsque dans le courant d’une maladie les yeux s’obscurciront avec défaillance, coac. prænot. ij. n°. 135. 4°. Lorsque les délires sont violens & variés, ou joints avec une affection soporeuse, sur-tout si un frisson occupe alors le cou & le dos ou même tout le corps, dans ces circonstances les urines que le malade rend contiennent beaucoup de pellicules, ou sont membraneuses, ὑμϐρυώδεες. 5°. Dans les maladies longues, s’il paroît sans raison apparente quelque tumeur contre nature dans le bas-ventre, coac. prænot. cap. ij. n°. 8-11. 6°. Lorsque dans les fievres l’haleine est desagréable, aphor. 68. lib. IV. 7°. Lorsqu’un ivrogne devient tout-à-coup muet, il meurt bientôt après dans les convulsions, à-moins que la fievre ne soit excitée, ou qu’il ne recouvre la parole au moment que l’accès d’ivrognerie est dissipé, ou que le vin est cuvé, aphor. 5. lib. V. 8°. A la suite des douleurs de tête aiguës, & des pesanteurs avec engourdissement, coac. prænot. jv. n°. 12. 9°. Les femmes qui sont attaquées de suffocation de matrice sont très sujettes aux convulsions. Dorcas en fournit un exemple, coac. prænot. cap. xxjv. n°. 44. Elles sont plus rares & plus dangereuses dans les hommes qui ont passé l’âge de sept ans, cap. xjv. n°. 11. 10°. Les convulsions sont annoncées chez certains malades inquiets, tremblans, par des petits abscès aux oreilles, auxquels se joint une mauvaise disposition des premieres, voyez n°. 7.

Les malades attaqués de mouvemens spasmodiques dont les yeux ont beaucoup d’éclat, sont hors d’eux-mêmes, & risquent d’être long tems malades, cap. xjv. n°. 5. la taciturnité pendant les convulsions, est d’un mauvais augure, si elle dure long tems ; si elle se dissipe bien-tôt, elle indique la paralysie de la langue, du bras ou du côté droit, n°. 13. Ceux qui sont attaqués de mouvemens convulsifs meurent en quatre jours, s’ils passent ce tems ils reviennent en santé, aphor. 5. lib. VI. La fievre aiguë qui survient aux spasmes les fait cesser ; si elle existoit auparavant, son redoublement produit cet effet ; le sommeil, le cours de ventre & une excrétion abondante d’urine vitrée parviennent au même but ; mais les convulsions soudaines sont terminées par la fievre & le devoiement, coac. prænot. cap. xjv. n°. 12. Quelquefois les douches d’eau froide font disparoître les spasmes, sur-tout dans des jeunes gens robustes, & jouissant d’ailleurs d’une bonne santé, aphor. 21 & 25. lib. V. Plus souvent la chaleur ramollit la peau, calme les douleurs & adoucit les convulsions, ibid. aphor. 22. Galien a prouvé par l’heureuse expérience qu’il a faite sur lui-même, que rien n’est si efficace dans pareil cas que de répandre sur la partie attaquée de mouvemens spasmodiques, de l’huile douce bien chaude. Dans les femmes l’éruption des regles resout sur le champ les spasmes ; il arrive quelquefois que ces mouvemens spasmodiques leur sont d’un grand secours, lorsqu’étant enceintes, elles sont incommodées de douleurs de tête gravatives, avec un penchant insurmontable au sommeil, coac. prænot. cap. xxjv. n°. 21 & 24.

Le frisson, le vomissement, le hoquet, l’éternument, &c. étant des especes de mouvemens spasmodiques, fournissent aussi différens signes qu’on doit trouver détaillés à leurs articles particuliers ; nous n’ajouterons qu’un mot par rapport à l’éternument, pour suppléer ce qui manque à cet article. L’éternument survenant au hoquet, le fait céder tout-de-suite Hipp. aphor. 13. liv. VI. Il est très-avantageux aux femmes attaquées de vapeurs, & à celles qui ne peuvent accoucher, aphor. 35. lib. V. & si propre à chasser l’arriere-faix, qu’Hippocrate conseille, dans ces circonstances, de donner un sternutatoire, ibid. aphor. 49. L’éternument est mauvais dans toutes les affections de la poitrine, soit qu’il les accompagne ou qu’il les précede ; du reste il n’est point défavorable dans les autres maladies. coac. prænot. cap. xvj. n°. 24. Riviere rapporte, d’après Forestus, une observation singuliere sur l’éternument, il assure que si un homme malade eternue une seule fois, il succombera sûrement à la violence de sa maladie, & en rechappera s’il éternue deux fois ; le contraire arrive à la femme, un éternument lui annonce ou prépare une convalescence prochaine, & sa mort est assurée après deux éternumens. Le fait assurément mérite bien d’être vérifié plus d’une fois, en attendant, fides sit penes autorem. (m)