L’Encyclopédie/1re édition/OEILLET

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ŒILLET, caryophillus, s. m. (Botan.) genre de plante dont la fleur est composée de plusieurs pétales disposés en rond, qui sortent d’un calice cylindrique, membraneux & écailleux à son origine. Le pistil sort de ce calice, & devient dans la suite un fruit cylindrique qui s’ouvre par la pointe, & qui est enveloppé par le calice. Ce fruit renferme des semences plates, feuilletées, & attachées à un placenta. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Personne n’ignore combien ce genre de plante est étendu : M. de Tournefort en distingue quatre-vingt-neuf especes, qui different par la grandeur, la couleur & le nombre des pétales, toutes variétés qui viennent de la différente culture ; ainsi dans la diversité qu’on voit de ces agréables fleurs, il suffira de ne décrire ici que l’œillet commun de nos jardins, & celui de la Chine.

L’œillet commun de nos jardins est le caryophillus major de C. B. P. 107. & de Tournefort, J. R. 330. Sa racine est simple, fibreuse ; ses tiges sont nombreuses, lisses, cylindriques, hautes d’une coudée, genouillées, noueuses, branchues. Ses feuilles sortent de chaque nœud deux-à-deux ; elles sont étroites comme celles du chien-dent, dures, pointues à leur extrémité, d’une couleur bleue ou de verd de mer.

Ses fleurs naissent au sommet des tiges, composées de plusieurs pétales de différentes couleurs, d’écarlate, de chair-blanche, noirâtre ou panachée, placées en rond, au nombre de cinq, de six ou davantage, légerement dentelées, d’une odeur douce de clou-de-gérofle ; ayant à leur milieu des étamines garnies de sommets blancs, & un pistil qui se termine par deux ou trois filamens recourbés ; ces filamens sortent d’un calice cylindrique, membraneux, écailleux vers le bas, dentelé dans le haut : le pistil se change en un fruit cylindrique qui s’ouvre par le sommet, enveloppé dans le calice, rempli de petites graines plates & comme feuillées, ridées, noires quand elles sont mûres, & attachées à un placenta.

L’œillet de la Chine, caryophillus sinensis, supinus, leviori folio, flore vario, est décrit par Tournefort dans les mém. de l’acd. des Sciences, année 1701. Sa racine est grosse au collet comme le petit doigt, dure, ligneuse, d’un blanc sale tirant sur le jaunâtre dans les especes dont les fleurs n’ont pas les couleurs foncées ; mais rougeâtre comme celle de l’oseille dans les piés qui portent les fleurs rouges ou mêlées de purpurin.

Les tiges naissent en foule, longues d’un pié & demi ou deux, cassantes, garnies à chaque nœud de feuilles opposées deux-à-deux, semblables par leur figure & par leur couleur à celles du giroflier jaune : ces tiges se divisent vers le haut en plusieurs brins chargés de fleurs sur les extrémités.

La même graine produit plusieurs variétés par rapport aux couleurs & au nombre des feuilles : il y a des piés dont les fleurs sont à-demi-doubles ; mais il y a beaucoup d’apparence qu’elles deviendront doubles par la suite.

Les premieres fleurs sont à cinq pétales blanc-de-lait, colorées de verdâtre en-dessous, crenelées & comme dentées.

Le calice est un tuyau découpé en cinq pointes, accompagné à sa naissance d’une autre espece de calice, formé de cinq ou six feuilles comme posées par écailles & très pointues ; le pistil est enfermé dans le fond de ce calice : il est surmonté par deux filets blancs & crochus par le bout, accompagné de dix étamines blanches, déliées, chargées chacune d’un sommet cendré.

Lorsque la fleur est passée, le pistil fait crever le calice, & devient un fruit cylindrique qui s’ouvre en cinq pointes, & laisse voir plusieurs graines noires, plates, presqu’ovales, pointues, minces & comme feuilletées sur les bords, & attachées à un placenta blanc & cylindrique. La racine n’est pas tout-à-fait sans acreté : les fleurs n’ont presque pas d’odeur ; elles varient étrangement.

On éleve les œillets dans les jardins à cause de leur beauté & de leur douce odeur. On les multiplie plus souvent par les marcottes que l’on sépare des piés, que par la graine ; car les fleurs qui naissent sur les piés élevés de graine, deviennent sauvages, & donnent des fleurs-plus petites, mais odorantes & simples, quoique la graine ait été tirée d’œillet à fleur double.

On prépare dans les boutiques un sirop d’œillet, une conserve, du vinaigre & une eau distillée odorante. Le sirop est de grand usage dans les juleps & les potions. Les fleurs d’œillet macérées dans le vinaigre lui donnent la couleur rouge, une odeur suave & une saveur agréable. (D. J.)

Œillet, (Jardin.) cette fleur délicieuse par son odeur & ses belles couleurs, fait un des objets de la passion des fleuristes : ils vous indiqueront dans plusieurs traités exprès, la maniere d’élever de beaux œillets, les pots pour les planter, la terre qui leur est nécessaire, la façon de les marcotter, celle de les œilletonner & de les empoter, le tems de les mettre dans la serre, celui de les en sortir, leur arrosement, leur culture à mesure qu’ils poussent leurs dards, la maniere d’en ôter les boutons superflus, celle de les aider à fleurir, le lieu qui leur est propre quand ils sont en fleurs, l’art de les soutenir, leur graine & leurs maladies. C’est assez dans cet ouvrage de se borner à quelques remarques particulieres que j’emprunterai de Bradley & de Miller.

Ils ont trouvé qu’on pouvoit assez commodément diviser tout le genre des œillets en cinq classes, qu’ils distinguent par les noms d’œillets piquetés, de dames-peintes, (painted ladies), de bizarres, d’étincelans & de flambés.

Les œillets piquetés ont toujours le fond blanc, & sont tachetés ou imprimés, comme disent les fleuristes, de rouge ou de pourpre. Les dames-peintes ont les pétales colorés en-dessus de rouge ou de pourpre, & tout-à fait blancs en dessous. Les bizarres sont rayés & diversifiés de quatre couleurs. Les étincelans ne sont que de deux couleurs, mais toujours par rayes. Enfin les flambés ont un fond rouge, toujours rayé de noir, ou de couleur bien brune. Il seroit inutile & même impossible d’indiquer les variétés de chacune de ces classes, puisque la graine en produit sans cesse de nouvelles en tout-pays.

Mais de quelque classe & de quelque genre que soit un œillet, sa valeur est proportionnée à l’assemblage de certaines qualités qu’il doit avoir pour être réputé beau. 1°. La tige de cette fleur doit être forte, & capable de supporter tout le poids de la fleur sans tomber : 2°. les pétales ou feuilles de la fleur doivent être longues, larges, épaisses, fermes, & cependant faciles à se déployer ; 3°. la cosse du milieu de la fleur ne doit pas trop s’elever au dessus de l’autre partie de la fleur : 4°. les couleurs doivent être brillantes, & marquées également sur toutes les parties de la fleur : 5°. l’œillet doit être rempli de feuilles qui le rendent, après son épanouissement, haut dans le milieu, & bien rond dans sa circonférence.

Il y a des œillets qui ont dix, douze, jusqu’à quatorze pouces de tour, & qui sont en même tems garnis de beaucoup de feuilles ; c’est aussi ce qui constitue leur beauté. L’œillet est beaucoup plus beau quand il pomme en forme de houpe, que lorsqu’il est plat. Plus il est net, plus il est beau ; plus sa fleur est mêlée également de panaches & de couleurs, plus elle est estimée. Quand le panache est bien tranché & point imbibé, c’est toujours le mieux. Les pieces de panaches bien empotées, qui s’étendent depuis leur racine jusqu’à l’extrémité des feuilles de l’œillet, sont les plus recherchées : mais on tolere quelques légeres imperfections dans la plûpart de ces fleurs, en faveur de plusieurs beautés.

Les fleuristes font aussi dépendre les qualités de ces fleurs de la forme de leurs cosses : l’espece de celles qui fleurissent sans se crever, est appellée fleur à cosses longues ; l’espece dont les pétales ne peuvent pas se contenir dans les bornes du calice, est nommée fleur à cosses rondes. Il y a telles fleurs des dernieres especes qui ont plus de quatre pouces. Il est difficile d’avoir des œillets de la grosseur qu’on désire, sans qu’ils crevent. On peut laisser beaucoup de boutons & plusieurs dards sur les plus gros pour qu’ils ne crevent pas si aisément ; mais ils en viennent un peu moins larges.

Ces fleurs ne sont pas d’une certaine hauteur fixe, les unes fleurissant à deux piés, & d’autres à quatre piés de haut : ils fleurissent plus ou moins tôt, suivant les différentes saisons où on les a semés. Cependant le fort de leurs fleurs est en général vers le milieu de Juin ; & c’est alors que les fleuristes en rassemblent beaucoup pour étaler leurs variétés, & donner des noms à leurs especes nouvelles.

Les fleurs doubles portent rarement de la graine, ou parce que les parties mâles ne sont pas parfaites chez elles, ou parce que la multitude des pétales les empêche de faire leurs fonctions, ou par d’autres raisons qui nous sont inconnues. Quoi qu’il en soit, les fleuristes curieux plantent de toutes les bonnes especes de leurs œillets carnés doubles au milieu des carreaux sur une ligne ; ils mettent de chaque côté au moins deux rangées des especes simples de couleurs choisies, & entre elles quelques piés d’œillets de la Chine, qui possedent les différentes variétés de couleurs extraordinaires.

L’œillet de la Chine est à fleur simple ou double : la premiere sorte est nommée par les Botanistes caryophillus sinensis, supinus, leucoii folio, flore vario ; en anglois the variable china-pink : la seconde sorte est appellée caryophillus sinensis, supinus, leucoii folio, flore pleno ; en anglois, the double china-pink.

Il y a une si grande variété de couleurs différentes dans les œillets de la Chine, qu’on en voit à peine deux exactement semblables dans un très-grand parterre ; & comme leurs couleurs sont en même tems de la derniere beauté, il faut avoir soin de n’employer les graines que des plus beaux ; car ils sont fort sujets à dégénerer. Les graines de l’espece double produiront de nouveau quantité de fleurs doubles, au lieu que les graines de l’espece simple ne donnent presque jamais de fleurs doubles On ne multiplie l’une & l’autre especes que de graines, & Miller vous enseignera mieux que personne la maniere d’y réussir.

Je n’ajoute qu’un mot sur les marcottes d’œillet. Quand on les leve en automne, au lieu du printems, & qu’on les transporte dans des pots ou des plate-bandes ou elles doivent fleurir, on est plus assuré qu’elles produiront des fleurs plus fortes, & de meilleure heure, & outre cela les marcottes seront bientôt en état d’être marcottées elles-mêmes. Mais soit qu’on transplante les œillets en automne ou au printems, il faut les tenir à l’ombre, les garantir du soleil pendant une quinzaine après les avoir plantés, & préparer toujours pour l’hiver des endroits propres à les abriter en cas qu’il survienne de fortes gelées. (D. J.)

Œillet, (Pharmac. & Mat. méd.) ce n’est que la fleur de cette plante qui est en usage en Médecine, & même seulement dans les préparations officinales.

La plus usitée est le sirop simple d’œillet, appellé communément dans les pharmacopées latines de tunica.

Ce sirop se prépare par infusion & par la dissolution du sucre au bain marie sans cuite. Voyez Sirop. On choisit pour le préparer les œillets rouges semi-doubles que l’on cultive exprès à Paris, qui ont beaucoup plus d’odeur que tous les autres, & qui donnent une belle couleur au sirop ; car la partie colorante de ces fleurs est soluble par l’eau. On ne prend exactement que les pétales. On peut, si l’on veut, augmenter le parfum de ce sirop en y faisant infuser pendant la préparation deux ou trois clous de gerofle entiers sur huit ou dix livres de sirop. L’odeur de ces œillets est si exactement analogue à celle du gerofle, qu’on pourroit employer des clous de gerofle seuls à la place des œillets, sans que personne pût reconnoître cette substitution par le fond du parfum. Aussi est-ce avec le gerofle qu’on prépare le ratafiat, connu sous le nom de ratafiat d’œillet, qu’on colore avec la cochenille, avec les fleurs de pavot rouge, les roses de Provins, &c. On prépare aussi avec l’œillet une eau distillée, une conserve & un vinaigre.

Tous ces remedes, & sur-tout le premier, sont regardés comme céphaliques, cordiaux & alexipharmaques. Ils sont spécialement recommandés dans les fievres malignes & pestilentielles pris intérieurement. Le vinaigre qui se prépare en faisant infuser les pétales de ces fleurs dans du fort vinaigre pendant une quinzaine de jours, est aussi célébré comme très utile en tems de peste, si on le flaire habituellement. (b)

Œillet d’Inde, tagetes, genre de plante à fleur radiée, dont le disque est composé de plusieurs fleurons découpés de différentes façons, selon les diverses especes ; la couronne de cette fleur est formée de demi-fleurons placés sur des embryons, & soutenus par un calice qui est d’une seule feuille & alongé en forme de tuyau. Les embryons deviennent dans la suite des semences anguleuses, qui ont une sorte de tête formée de petites feuilles. Ces semences sont attachées à un placenta. Il y a quelques especes de ce genre, dont les fleurs sont composées de demi-fleurons fistuleux. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Œillet de mer, (Hist. nat.) petit madrepore qui a une sorte de pédicule, & qui est évasé par l’extrémité supérieure, & épanoui, pour ainsi dire, comme un œillet. C’est pourquoi on l’a appellé œillet de mer. Voyez Madrépore. (I)

Œillet d’étai, (Marine.) c’est une grande boucle qu’on fait au bout de l’étai vers le haut. C’est par-dedans cette boucle que passe le même étai après avoir fait le tour du mât.

Œillets de la tournevire, ce sont des boucles que l’on fait à chacun des bouts de la tournevire, pour les joindre l’un à l’autre avec un quarantenier. (Z)

Œillet, terme de Tailleur & de Couturiere ; petit trou entouré de soie, de fil, de cordonnet, qu’on fait à divers ouvrages de soie, de laine, ou de toile. (D. J.)

Œillets, (Emaill.) ce sont de petits trous ou bouillons qui se forment sur l’émail en se parfondant.