L’Encyclopédie/1re édition/MOLE
MOLE, lune de mer, mole boust, (Pl. XIII. fig. 6.) poisson de mer qui grogne comme un cochon quand on le pêche. Il a quatre, cinq ou six coudées de longueur ; il est large & de figure ovale ; il a la bouche petite & les dents larges. La partie antérieure du corps un peu pointue, & la postérieure large & arrondie. Il est couvert d’une peau rude & luisante comme de l’argent ; les ouïes ont leur ouverture située au centre du corps. Ce poisson a deux nageoires arrondies, courtes & larges, & deux autres plus longues & plus étroites près de la queue, dont l’une se trouve contre l’autre, & l’autre sur le dos ; la queue est faite en croissant ; on tire de la mole beaucoup de graisse, qui ne sert qu’à brûler, parce qu’elle a une mauvaise odeur, ainsi que sa chair, qui devient comme de la colle quand elle est cuite. Ce poisson est lumineux pendant la nuit. Rondelet, Hist. des poiss. part. premiere, liv. XV. ch. iv. Voyez Poisson.
Mole, s. f. en Anatomie, est une masse charnue, dure & informe, qui s’engendre quelquefois dans la matrice des femmes, au-lieu d’un fœtus ; on l’appelle aussi fausse conception. Voyez Conception.
Les Latins ont donné à cette masse le nom de mola, c’est-à-dire meule, parce qu’elle a en quelque sorte la forme & la dureté d’une meule.
La mole est un embryon manqué, qui seroit devenu un enfant, si la conception n’avoit pas été troublée par quelque empêchement. Quoiqu’elle n’ait proprement ni os, ni visceres, &c. souvent néanmoins ses traits n’y sont pas tellement effacés, qu’elle ne conserve quelques vestiges d’un enfant. On y a quelquefois apperçu une main, d’autre fois un pié ; mais le plus souvent un arriere-faix. Il y a rarement plus d’une mole à la fois. Sennert observe néanmoins qu’il s’en est trouvé deux, trois, ou même davantage. Il ajoute que, quoique les moles viennent ordinairement seules ; on en a cependant vû venir avec un fœtus, quelquefois avant, & quelquefois après. Voyez Conception.
La mole se distingue d’un embryon, en ce qu’elle n’a pas de placenta, par où elle reçoit de la mere sa nourriture ; & qu’au-lieu de cela elle est attachée immédiatement à la matrice, & en reçoit sa nourriture. Voyez Fœtus.
Elle a une espece de vie végétative, & grossit toujours jusqu’à l’accouchement. Il y en a eu qui ont demeuré deux ou trois ans dans la matrice.
On croit que la mole est causée par un défaut, ou une mauvaise disposition de l’œuf de la femme, ou par un vice de la semence de l’homme, laquelle n’a pas la force de pénétrer suffisamment l’œuf pour l’ouvrir & le dilater. On peut aussi expliquer cette production informe, en supposant qu’un œuf est tombé dans la matrice, sans être impregné de la semence du mâle. Dans tous ces cas, l’œuf continuant de croître, & manquant néanmoins de quelque chose de nécessaire pour l’organiser & en former un embryon, devient une masse informe. Voyez Embryon.
Les auteurs ne conviennent pas si les femmes peuvent porter des moles sans avoir eu de commerce avec les hommes. Quelques-uns disent que certaines moles viennent d’un sang menstruel, retenu, coagulé & durci, à travers lequel le sang & les esprits se sont ouvert des passages, &c. Voyez Menstrues.
La mole se distingue d’une véritable conception, en ce qu’elle a un mouvement de palpitation & de tremblement ; qu’elle roule d’un côté à l’autre ; & que le ventre est enflé également partout. Les mamelles se gonflent comme dans une grossesse naturelle ; l’humeur qui s’y produit n’est pas de vrai lait, mais une humeur crue, provenant des menstrues supprimées.
Pour faire sortir de la matrice une mole, on emploie les saignées, & les purgations violentes, & à la fin les forts emmenagogues. Si tout cela est inutile, il faut avoir recours à l’opération manuelle. Chambers.
Lamz Weerde, médecin de Cologne, a donné, en 1686, un traité fort savant sur les moles, sous ce titre historia naturalis molarum uteri. Il rapporte le sentiment de ceux qui soutiennent que les filles sages ne sont point exposées à cette maladie. & de ceux qui admettent l’affirmative. Il les concilie en distinguant deux especes de moles : l’une de génération, l’autre de nutrition. En général il regarde les moles comme des conceptions manquées. Son ouvrage est rempli des faits curieux & instructifs. M. Levret a traité des moles sous la dénomination de fausse grossesse. Le commerce avec les hommes est toujours la cause occasionnelle des moles. Les signes de la fausse grossesse sont assez semblables à ceux qui annoncent la vraie : l’une & l’autre produisent également des nausées, des vomissemens, des appétits dépravés, & du dégoût pour les alimens qu’on mangeoit habituellement & avec plaisir. Les mammelles deviennent douloureuses, les regles se suppriment ; mais tous ces signes sont équivoques, puisque les filles les plus sages peuvent les éprouver par le dérangement de leurs regles.
Voici des signes plus caractéristiques. Les progrès de la tuméfaction du ventre sont plus rapides dans le commencement d’une fausse grossesse que dans la vraie ; la région de la matrice est douloureuse ; la femme vraiment grosse ne ressent rien. Dans le premier mois d’une bonne grossesse on touche aisement le col de la matrice, il est alongé comme une poire par sa pointe : dans la fausse grossesse au contraire on a de la peine à trouver l’orifice qui est racourci, & comme tendu, & appliqué sur un balon. Dans la bonne & vraie grossesse, le ventre n’augmente que peu-à-peu ; & vers la fin du terme seulement, l’augmentation est beaucoup plus prompte qu’auparavant ; puisque l’enfant du septieme au neuvieme mois, croît presque du double. Au contraire dans la fausse grossesse les progrès de l’augmentation du volume du ventre, qui sont considérables & rapides dans le commencement, deviennent très-lents vers la fin. Les mammelles qui se gonflent vers la fin d’une bonne grossesse, se flétrissent au même terme dans la mauvaise. Quand on examine une femme grosse d’enfant, couchée sur le dos, & que dans cette situation on la fait tousser ou se moucher, son ventre s’éleve antérieurement comme en boule ; ce que l’on ne remarque pas au ventre d’une femme qui n’a qu’une fausse grossesse.
La cure de la fausse grossesse, bien reconnue par les signes qui la caractérisent, consiste à délivrer la femme du corps étranger formé dans sa matrice. Il n’y a pas de moyen plus efficace que le bain. L’expérience en a montré l’utilité, quoique plusieurs auteurs de réputation l’aient proscrit comme dangereux.
Il se forme quelquefois dans le fond ou sur les parties intérieures de la matrice des engorgemens qui dégénerent en tumeurs, lesquelles venant à franchir l’orifice de la matrice, croissent dans le vagin ; c’est ce que Lamzwerde appelle mole de nutrition. Ces tumeurs sont sarcomateuses, & ont été appellées dans ces derniers temps polypes uterins. Voyez Polype.
L’auteur des pensées sur l’interprétation de la nature parle des moles de la façon suivante. « Ce corps singulier s’engendre dans la femme, & selon quelques-uns, sans le concours de l’homme. De quelque maniere que le mystere de la génération s’accomplisse, il est certain que les deux sexes y cooperent. La mole ne seroit-elle point cet assemblage ou de tous les élemens qui émanent de la femme dans la production de l’homme, ou de tous les élémens qui émanent de l’homme dans ses différentes approches de la femme ? Ces élémens, qui sont tranquilles dans l’homme, répandus & retenus dans certaines femmes d’un tempérament ardent, d’une imagination forte, ne pourroient-ils pas s’y échauffer, s’y exalter & y prendre de l’activité ? Ces élémens qui sont tranquilles dans la femme, ne pourroient-ils pas y être mis en action, soit par une présence seche & stérile, & des mouvemens inféconds, & purement voluptueux de l’homme, soit par la violence & la contrainte des desirs provoqués de la femme, sortir de leurs réservoirs, se porter dans la matrice, s’y arrêter, & s’y combiner d’eux-mêmes ? La mole ne seroit-elle point le résultat de cette combinaison solitaire ou des élémens émanés de la femme, ou des élémens fournis par l’homme ? Mais si la mole est le résultat d’une combinaison, telle qu’on la suppose, cette combinaison aura ses loix aussi invariables que celles de la génération. Il nous manque l’anatomie des moles, faites d’après ces principes ; elle nous découvriroit peut-être des moles distinguées par quelques vestiges relatifs à la différence des sexes, &c. » Voyez les pensées sur l’interprétation de la nature. (Y)
Mole, s. m. (Arch.) ouvrage massif construit de grosses pierres qu’on construit dans la mer, au moyen des bâtardeaux qui s’étendent ou en droite ligne, ou en arc devant un port ; il sert à le fermer pour y mettre des vaisseaux à couvert de l’impétuosité des vagues, ou pour en empêcher l’entrée aux vaisseaux étrangers. C’est ainsi qu’on dit le mole du havre de Messine, &c. On se sert quelquefois du mot de mole pour signifier le port même. Voyez Havre.
Mole, c’étoit chez les Romains une espece de mausolée, bâti en maniere de tour ronde sur une base quarrée, isolé avec colonnes en son pourtour, & couvert d’un dome. Voyez Dome, Mausolée.
Le mole de l’empereur Adrien, aujourd’hui le château Saint-Ange, étoit le plus grand & le plus superbe ; il étoit couronné d’une pomme de pin de cuivre dans laquelle étoit une urne d’or, qui contenoit les cendres de l’empereur.
Antoine Labaco donne un plan & une élévation du mole d’Adrien, dans son livre d’architecture.
Mole, (Menuiserie.) il se dit d’un morceau de bois dans lequel on a fait une rainure avec un bouvet, pour voir si les languettes des planches se rapportent à cette rainure qui est semblable à celle des autres planches, & dans lesquelles elles doivent entrer, lorsqu’on voudra tout assembler.