L’Encyclopédie/1re édition/MARRUBE

MARRUBE, marrubium, s. m. (Bot.) genre de plante à fleur monopétale labiée : la levre supérieure est relevée & fendue en deux parties & l’inférieure en trois ; le pistil sort du calice, & tient à la partie postérieure de la fleur comme un clou ; il est accompagné de quatre embryons qui deviennent autant de semences arrondies & contenues dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

On vient de lire les caracteres du marrube, mais il faut ajouter que de toutes les plantes qui portent ce nom chez les Botanistes, il y en a deux principalement connues en Médecine, le marrube blanc & le marrube noir, & que ces deux plantes ne sont point du même genre.

Le marrube blanc, en latin marrubium album, vulgare, C. B. P. 230 J. R. H. 102, en anglois the common White hore-hound, est la principale espece du genre ici caractérisé.

Sa racine est simple, ligneuse, garnie de plusieurs fibres ; ses tiges sont nombreuses, hautes d’un pié & plus, velues, quarrées, branchues, garnies de feuilles, opposées deux à deux à chaque nœud, arrondies, blanchâtres, crenelées à leur bord, ridées, portées sur des queues assez longues.

Les fleurs naissent en grand nombre autour de chaque nœud, disposées par anneaux sans pédicule, ou sur des pédicules très-courts : leur calice est velu, cannelé, & chaque cannelure se termine par une petite pointe. Ces fleurs sont très-petites, blanchâtres, d’une seule piece en gueule, dont la levre supérieure est redressée & a deux cornes, & l’inférieure est partagée en trois.

Le pistil qui s’éleve du calice est attaché à la partie postérieure de la fleur en maniere de clou, & comme accompagné de quatre embryons. Ces embryons, quand la fleur est tombée, se changent en autant de graines oblongues, cachées dans une capsule qui servoit de calice ; les anneaux des fleurs sortent des aisselles des feuilles, quoiqu’ils paroissent environner la tige.

Toute cette plante a une odeur forte & desagréable. Elle vient naturellement, & est très-commune dans les grands chemins, sur les bords des champs, dans des terres incultes, & sur les décombres : elle est toute d’usage. On la regarde comme apéritive & propre à dissoudre puissamment les humeurs visqueuses. C’est un des principaux remedes dans l’asthme humoral & dans les maladies chroniques qui viennent d’un mucilage épais, glutineux & tenace. (D. J.)

Marrube aquatique, lycopus, (Botan.) genre de plante à fleur monopétale, labiée & à-peu-près en forme de cloche, car on distingue à peine la levre supérieure des parties qui composent la levre inférieure ; de sorte que cette fleur paroît au premier coup d’œil partagée en quatre parties. Il s’éleve du calice un pistil attaché à la partie postérieure de la fleur, comme un clou ; ce pistil est accompagné de quatre sortes d’embryons qui deviennent dans la suite autant de semences arrondies, renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Marrube noir, (Botan.) ou marrube puant, marrubium nigrum, J. B. 3. 318. ballote, J. R. H. 185. genre de plante, caractérisée au mot Ballote.

Sa racine est ligneuse, fibrée. Il en sort plusieurs tiges, hautes d’une ou deux coudées, velues, couvertes d’un duvet court, quarrées, creuses, branchues, rougeâtres, garnies de feuilles, opposées deux à deux sur chaque nœud, semblables à celles de la mélisse ou plutôt de l’ortie rouge, plus arrondies & plus noires, cotonneuses, molles, ridées.

Ses fleurs naissent par anneaux sur les tiges, & plusieurs en nombre sur un pédicule commun, qui sort de l’aisselle des feuilles. Elles sont d’une seule piece, en gueule ; la levre supérieure est creusée en cueilleron, & l’inférieure est partagée en trois parties, dont celle du milieu est plus grande, en forme de cœur, de couleur pourpre-pâle, rayée de lignes de couleur plus foncée.

Les calices sont cannelés, oblongs, partagés en cinq segmens aigus. Il sort de chaque calice un pistil attaché à la partie postérieure de la fleur en maniere de clou, & comme accompagnée de quatre embryons, qui se changent ensuite en autant de petites graines, longues, noirâtres quand elles sont mures, cachées dans une capsule en forme de tuyau, à cinq angles découpées en cinq pointes égales, & qui servoit de calice à la fleur.

Cette plante a l’odeur de l’ortie-puante, elle naît sur les décombres, le long des chemins & des haies : elle est toute d’usage extérieurement pour résoudre & déterger. On la prend rarement à l’intérieur, à cause de son odeur fétide & de sa saveur désagréable. (D. J.)

Marrube noir ou Ballote, (Mat. med.) les feuilles de marrube noir, pilées seules ou avec du miel, passent pour guérir les ulceres sordides, les gales, les dartres malignes, & les croutes suppurées de la tête des enfans. Ce remede est fort peu usité, quoiqu’on puisse raisonnablement croire aux vertus que nous venons de rapporter.

Cette plante n’est d’aucun usage pour l’intérieur, à cause de son odeur puante & de son gout désagréable ; on pourroit cependant en tirer peut-être quelque secours dans les maladies hystériques & hypocondriaques, contre lesquelles J. Rai la recommande. (b)

Marrube blanc, (Mat. med.) les feuilles & les sommités fleuries de marrube blanc qui ont une odeur aromatique très-agréable, & un goût un peu amer, sont les parties de cette plante qui sont d’usage en Médecine. Elles possédent véritablement les vertus généralement observées dans les plantes aromatiques légerement ameres, c’est-à-dire, qu’elles sont apéritives, incisives, diurétiques, diaphorétiques, stomachiques, utérines, béchiques, &c.

Le marrube blanc a été particulierement recommandé contre la rétention des vuidanges & des regles, pour faciliter la sortie du fœtus ou de l’arriere-faix, comme excellent dans l’asthme, & même dans l’hydropisie. Plusieurs auteurs graves sont surtout favorables aux vertus de cette plante, contre la jaunisse & le skirrhe du foie, & ils appuient leur sentiment sur des observations.

Plusieurs autres célebrent aussi cette plante, comme utile dans les coliques néphrétiques & dans le calcul : Forestus prétend au contraire, avoir observé qu’elle nuisoit plutôt qu’elle n’étoit utile dans les maladies des reins, & qu’il falloit par consequent s’en abstenir, lorsque ces organes étoient affectés. Dioscoride avoit déja fait cette remarque.

Il faut peu compter, dit Juncker, sur les éloges qu’on a donnés au marrube blanc, dans le traitement de la goutte, de la phithisie & de la morsure des animaux enragés.

On l’ordonne en infusion dans du vin blanc ou dans de l’eau, à la dose d’une poignée sur une pinte de liqueur que l’on donne par verrées. On peut faire prendre aussi les feuilles séchées & réduites en poudre à la dose d’un gros, dans de l’eau ou dans du vin.

L’eau distillée de marrube blanc possede les qualités les plus communes des eaux distillées aromatiques ; voyez Eaux distillées ; ses qualités particulieres, si elle en a, sont peu connues.

On prépare avec le marrube blanc un syrop simple par la distillation, voyez Sirop ; cette préparation contient toutes les parties vraiement médicamenteuses de la plante, & en possede par conséquent toutes les vertus. On trouve dans quelques pharmacopées modernes, un syrop simple de marrube de Prassio, mis au rang de ceux qui doivent être préparés par l’infusion des feuilles séches des plantes dans leurs propres eaux distillées, in propriis aquis, & par la cuite ordinaire qui dissipe dans l’opération particuliere dont nous parlons, la moitié de la liqueur employée ; des pareilles préparations sont des monstres dans l’art, des productions ridicules de l’ignorance la plus inconséquente. Voyez Sirop.

Le marrube blanc entre dans plusieurs compositions officinales de la pharmacopée de Paris : savoir, le syrop d’armoise, l’eau générale, l’orviétan ordinaire, l’hiere de coloquinte, le mondificatif d’ache & la thériaque. (b)

Tournefort & Boerhaave, comptent six especes de ce genre de plante, ainsi nommée, parce que ses feuilles ont quelque rapport avec celles du marrube, mais aucune des especes ne demande de description particuliere ; on en cultive rarement dans les jardins de botanique, & seulement pour la varieté & la couleur bleue de leurs fleurs, qui naissent en guirlande épaisse. Les Anglois appellent cette plante the bastard hore-hound. (D. J.)