L’Encyclopédie/1re édition/JARRETIERE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 462-463).
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JARRETIERE, s. f. lien avec lequel on attache ses bas.

L’ordre de la jarretiere, c’est un ordre militaire institué par Edouard III. en 1350, sous le titre des suprèmes chevaliers de l’ordre le plus noble de la jartiere. Voyez Ordre.

Cet ordre est composé de vingt-six chevaliers ou compagnons, tous pairs, ou princes, dont le roi d’Angleterre est ou le chef, ou le grand-maître.

Ils portent à la jambe gauche une jarretiere garnie de perles & de pierres précieuses, avec cette devise, honni soit qui mal y pense. Voyez Devise.

Cet ordre de chevalerie forme un corps ou une société qui a son grand & son petit sceau, & pour officiers un prélat, un chancelier, un greffier, un roi d’armes & un huissier. Voyez Prélat, Chancelier, &c.

Il entretient de plus un doyen & douze chanoines, des soûchanoines, des porte-verges, & vingt-six pensionnaires ou pauvres chevaliers. Voyez Chanoines, &c.

L’ordre de la jarretiere est sous la protection de saint Georges de Cappadoce, qui est le patron tutélaire d’Angleterre. Voyez Georges.

L’assemblée ou chapitre des chevaliers se tient au château de Windsor dans la chapelle de saint Georges, dont on y voit le tableau peint par Rubens, sous le regne de Charles I. & dans la chambre du chapitre que le fondateur a fait construire pour cet effet.

Leurs habits de cérémonie sont la jarretiere enrichie d’or & de pierres précieuses, avec une boucle d’or qu’ils doivent porter tous les jours ; aux fêtes & aux solennités, ils ont un surtout, un manteau, un grand bonnet de velours, un collier de GGG, composé de roses émaillées, &c. Voyez Manteau, Collier, &c.

Quand ils ne portent pas leurs robes, ils doivent avoir une étoile d’argent au côté gauche, & communément ils portent le portrait de saint Georges émaillé d’or & entouré de diamans au bout d’un cordon bleu placé en baudrier qui part de l’épaule gauche. Ces chevaliers ne doivent point paroître en public sans la jarretiere, sous peine de six sols huit deniers qu’ils sont obligés de payer au greffier de l’ordre.

Il paroît que l’ordre de la jarretiere est de tous les ordres séculiers le plus ancien & le plus illustre qu’il y ait au monde. Il a été institué 50 ans avant l’ordre de saint Michel de France, 83 ans avant celui de la toison d’or, 190 ans avant celui de saint André, & 209 ans avant celui de l’éléphant. Voyez Toison d’or, Chardon, ou l’ordre du Chardon, ou de Saint André, en Ecosse, Eléphant, &c.

Depuis son institution, il y a eu huit empereurs & vingt-sept ou vingt-huit rois étrangers, outre un très-grand nombre de princes souverains étrangers qui ont été de cet ordre en qualité de chevaliers compagnons.

Les auteurs varient sur son origine : on raconte communément qu’il fut institué en l’honneur d’une jarretiere de la comtesse de Salisbury, qu’elle avoit laissé tomber en dansant, & que le roi Edouard ramassa : mais les antiquaires d’Angleterre les plus estimés traitent ce récit d’historiette & de fable.

Cambden, Fern, &c. disent qu’il fut institué à l’occasion de la victoire que les Anglois remporterent sur les François à la bataille de Crécy : selon quelques historiens, Edouard fit déployer sa jarretiere comme le signal du combat, & pour conserver la mémoire d’une journée si heureuse, il institua un ordre dont il voulut qu’une jarretiere fût le principal ornement, & le symbole de l’union indissoluble des chevaliers. Mais cette origine s’accorde mal avec ce qu’on va lire ci-dessous.

Le pere Papebroke, dans ses analectes sur saint Georges, au troisieme tome des actes des Saints publiés par les Bollandistes, nous a donné une dissertation sur l’ordre de la jarretiere. Il observe que cet ordre n’est pas moins connu sous le nom de saint Georges que sous celui de la jarretiere ; & quoiqu’il n’ait été institué que par le roi Edouard III. néanmoins avant lui, Richard I. s’en étoit proposé l’institution du tems de son expédition à la terre-sainte (si l’on en croit un auteur qui a écrit sous le regne d’Henri VIII.) ; cependant Papebroke ajoute qu’il ne voit pas sur quoi cet auteur fonde son opinion, & que malgré presque tous les écrivains qui fixent l’époque de cette institution en 1350, il aime mieux la rapporter avec Froissard, à l’an 1344 ; ce qui s’accorde beaucoup mieux avec l’histoire de ce prince, dans laquelle on voit qu’il convoqua une assemblée extraordinaire de chevaliers cette même année 1344.

Si par cette assemblée extraordinaire de chevaliers, il faut entendre les chevaliers de la jarretiere, il s’ensuivra que cet ordre subsistoit dès l’an 1344 ; par conséquent l’origine que lui ont donné Cambden, Fern & d’autres, est une pure supposition, car il est constant que la bataille de Créci ne fut donnée qu’en 1346 le 26 d’Août. Comment donc Edouard auroit-il pû instituer un ordre de chevalerie en mémoire d’un événement qui n’étoit encore que dans la classe des choses possibles ? ou s’il a retardé jusqu’en 1350 à l’instituer en mémoire de la victoire de Créci, il faut avouer qu’il s’écartoit fort de l’usage commun de ces sortes d’établissemens, qui suivent toujours immédiatement les grands événemens qui y donnent lieu. Ne seroit-il pas permis de conjecturer que les écrivains anglois ont voulu par-là sauver la gloire d’Edouard, & tourner du côté de l’honneur une action qui n’eut pour principe que la galanterie. Ce prince fut un héros, & nous le fit bien sentir ; mais comme beaucoup d’autres héros, il eut ses foiblesses. En tout cas, si la jarretiere de la comtesse de Salisbury est une fable, la jarretiere déployée à la bataille de Créci pour signal du combat, est une nouvelle historique.

En 1551 Edouard VI. fit quelques changemens au cérémonial de cet ordre. Ce prince le composa en latin, & l’on en conserve encore aujourd’hui l’original écrit de sa main ; il y ordonna que l’ordre ne seroit plus appellé l’ordre de saint Georges, mais celui de la jarretiere ; & au lieu du portrait de saint Georges suspendu ou attaché au collier, il y substitua l’image d’un cavalier portant un livre sur la pointe de son épée, le mot protectio gravé sur l’épée, & verbum Dei gravé sur le livre, & dans la main gauche une boucle sur laquelle est gravé le mot fides. Larrey.

On trouvera une histoire plus détaillée de l’ordre de la jarretiere dans Cambden, Dawson, Heland, Polydore Virgil, Heylin, Legar, Glover & Favyn.

Erhard, Cellius & le prince d’Orange, ajoute Papebroke, ont donné des descriptions des cérémonies usitées à l’installation ou à la réception des chevaliers. Un moine de Citeaux, nommé Mendocius Valetus, a composé un traité intitulé la jarretiere, ou speculum anglicanum, qui a été imprimé depuis sous le titre de cathéchisme de l’ordre de la jarretiere, où il explique toutes les allégories réelles ou prétendues de ces cérémonies avec leur sens moral.

Jarretieres, (Littérature.) en Italie comme en Grece les femmes galantes se piquoient d’avoir des jarretieres fort riches ; c’étoit même un ornement des filles les plus sages, parce que comme leurs jambes étoient découvertes dans les danses publiques, les jarretieres servoient à les faire paroître, & à en relever la beauté. Nos usages n’exigent pas ce genre de luxe ; c’est pourquoi les jarretieres de nos dames ne sont pas si magnifiques que celles des dames greques & romaines. (D. J.)