L’Encyclopédie/1re édition/INTERDIT

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 815-818).

INTERDIT, s. m. (Jurisprud.) chez les Romains étoit une ordonnance du préteur, qui enjoignoit, ou défendoit de faire quelque chose en matiere de possession, afin de rétablir par provision ce qui y avoit été interverti par quelque voie de fait, & d’empêcher les deux contendans d’en venir aux mains, en attendant que l’on statuât définitivement sur leurs prétentions respectives.

Il y avoit plusieurs divisions des interdits ; la premiere, des interdits prohibitoires, restitutoires & exhibitoires.

Les prohibitoires étoient ceux par lesquels le préteur défendoit de faire quelque chose ; tels étoient les interdits appellés quod vi, aut clam, aut precario, c’est-à dire ceux qui étoient donnés contre toute usurpation violente, toute possession clandestine ou précaire : tel étoit aussi l’interdit, ne in sacro vel publico loco ædificetur ; & celui ne quid fiat in flumine publico quo pejus navigetur.

Les interdits restitutoires sont ceux par lesquels le préteur ordonnoit de rendre ou retablir quelque chose, comme la possession enlevée.

Par les interdits exhibitoires, il ordonnoit d’exhiber quelque chose, comme de représenter un fils de famille, ou un esclave à celui qui le reclamoit, de communiquer le testament à tous ceux qui y étoient intéressés.

On divisoit encore les interdits en trois classes ; les uns adipiscendæ possessiones, les autres retinendæ, les autres recuperandæ.

Les premiers s’accordoient à ceux qui n’avoient pas encore eu la possession, & il y en avoit trois de cette espece ; savoir, l’interdit quorum bonorum, l’interdit quod legatorum & l’interdit appellé salvianum.

L’interdit quorum bonorum, étoit celui qu’on accordoit à l’héritier ou successeur, pour prendre la possession corporelle des choses héréditaires au lieu & place de celui qui les possédoit, comme héritier ou successeur, quoiqu’il ne le fût pas.

L’interdit quod legatorum, se donnoit à l’héritier ou successeur, contre les légataires qui s’étoient emparés prématurément des choses à eux léguées, afin que cet héritier ou possesseur les ayant répétées, fût en état d’exercer la falcidie par rétention, plutôt que par vindication.

On appelloit interdictum salvianum celui que le préteur accordoit au propriétaire d’un fond, pour se mettre en possession des choses que le fermier lui avoit obligées pour les fermages

Les interdits retinendæ possessionis étoient ceux où chacun des contendans prétendoit avoir la possession de la chose, & vouloit la garder pendant la contestation sur la propriété : ceux ci étoient de deux sortes ; savoir, l’interdit uti possidetur qui avoit lieu pour les meubles, & qui s’accordoit à celui qui avoit la possession au tems que l’interdit étoit demandé, & l’interdit uti ubi pour les immeubles, à l’égard desquels on donnoit la possession à celui qui avoit possédé pendant la plus grande partie de l’année. Il y en avoit un troisieme conçu en ces termes, quod ne vis fiat ei qui in possessionem missus est.

Il n’y avoit qu’un seul interdit recuperandæ possessionis, qu’on appelloit undè vi, par lequel celui qui avoit été dépouillé de la possession d’un fonds, demandoit d’y être réintégré.

La derniere division des interdits étoit en simples & doubles ; les simples étoient ceux où l’un des deux contendans étoit demandeur, & l’autre défendeur, tels que les interdits restitutoires & exhibitoires. Les interdits doubles étoient ceux où chacun étoit demandeur & défendeur ; comme quand tous deux se disoient avoir la possession.

Chaque interdit avoit sa dénomination particuliere, selon la matiere dont il s’agissoit. Voyez le titre des interdits au code, au digeste, & aux institutes, & la Jurisprudence de M. Terrasson, pag. 326 & 327.

Dans notre usage on a supprimé toutes les formules des interdits, & nous n’en connoissons que deux ; savoir, celui retinendæ possessionis, & celui recuperandæ possessionis. Le premier est connu sous le nom de complainte, l’autre sous le nom de réintégrande, l’une & l’autre n’ont lieu que pour les immeubles. Voyez Complainte & Réintégrande. (A)

Interdit, (Jurisprud.) est aussi une censure ecclésiastique ; & une excommunication générale que le pape prononce contre tout un état, ou contre un diocese, une ville ou autre lieu, & quelquefois contre une seule église ou chapelle ; chaque évêque peut aussi en prononcer dans son diocèse.

L’effet de l’interdit est d’empêcher que le service divin ne soit célébré dans le lieu qui est interdit ; qu’on n’y administre les sacremens, & qu’on accorde aux défunts la sépulture ecclésiastique.

Ces sortes d’interdits sont appellés réels ou locaux, pour les distinguer des interdits personnels, qui ne lient qu’une seule personne, soit ecclésiastique ou laïque.

L’objet de ces sortes d’interdits n’étoit, dans son origine, que de punir ceux qui avoient causé quelque scandale public, & de les ramener à leur devoir en les obligeant de demander la levée de l’interdit ; mais dans la suite ces interdits furent aussi quelquefois employés abusivement pour des affaires temporelles, & ordinairement pour des intérêts personnels à celui qui prononçoit l’interdit.

Les dix premiers siecles de l’église nous offrent peu d’exemples d’interdits généraux.

On trouve néanmoins dans les lettres de saint Basile quelques exemples de censures générales dès le iv. siecle. Une de ces lettres est contre un ravisseur ; le saint prélat y ordonne de faire rendre la fille à ses parens, d’exclure le ravisseur des prieres, & le déclarer excommunié avec ses complices, & toute sa maison pendant trois ans ; il ordonne aussi d’exclure des prieres tout le peuple de la bourgade qui a reçu la personne ravie.

Auxilius jeune évêque excommunia la famille entiere de Clacicien ; mais saint Augustin desapprouve cette conduite, & saint Léon a établi les mêmes maximes que saint Augustin dans une de ses lettres aux évêques de la province de Vienne.

Ces interdits généraux étoient toujours en quelque sorte personnels, parce qu’on supposoit que tous ceux contre lesquels ils étoient prononcés étoient complices du crime.

Les premiers interdits locaux se trouvent dans l’église de France. Prétextat évêque de Rouen ayant été assassiné dans sa propre église en 586, Leudovalde évêque de Bayeux, alors la premiere église de cette province, mit toutes les églises de Rouen en interdit, défendant d’y célébrer le service divin jusqu’à ce que l’on eût trouvé l’auteur du crime.

Le concile de Tolede tenu en 683, défendit de mettre les églises en interdit pour des ressentimens particuliers, celui de Nicée tenu en 787, défendit pareillement aux évêques d’interdire quelqu’un par passion, ou de fermer une église & interdire l’office, exerçant sa colere sur des choses insensibles. Le concile fixe même deux cas seulement où l’interdit local peut être prononcé ; encore n’est-ce qu’autant que toute la ville ou communauté est coupable ou complice du crime. La pragmatique-sanction tit. 20, & le concordat tit. 15, portent la même chose.

Celui de Ravennes tenu en 1314, défendit d’en prononcer pour des causes purement pécuniaires. Les peres du concile de Basle sect. xx. ordonnerent que l’interdit ne pourroit être jetté contre une ville que pour une faute notable de cette ville ou de ses gouverneurs, & non pour la faute d’une personne particuliere.

Quelquefois l’interdit étoit qualifié d’excommunication ; ce fut ainsi qu’Hincmar évêque de Laon excommunia en 870 toute une paroisse de son diocèse ; ce que l’on peut regarder comme un interdit.

Il en est de même de l’excommunication qu’Alcuin évêque de Limoges prononça, au rapport d’Ademar, contre les églises & monasteres de son diocèse ; il appelle cette excommunication une nouvelle observance ; ce qui fait connoître que l’interdit n’étoit pas une ancienne pratique.

Le concile de Limoges tenu en 1031 fait mention qu’Oldéric abbé de saint Martial de Limoges, proposa aux peres du concile un nouveau remede, qui étoit d’excommunier ceux qui n’acquiesceroient pas à la paix de l’église ; de ne les point inhumer après leur mort ; de défendre le service divin & l’administration des sacremens, à la réserve du baptême pour les enfans, & du viatique pour les moribonds, & de laisser les autels sans ornemens ; c’est ainsi en effet que l’on en usa dans les lieux qui furent mis en interdit.

Les interdits très-communs dans l’onzieme siecle, principalement sous Grégoire VII. ont fait croire à quelques auteurs que ce pape étoit l’inventeur de cette espece de censure. Il ordonna que les portes des églises seroient fermées par les religieux, & qu’ils ne sonneroient point leurs cloches : Yves de Chartres en fait mention dans plusieurs de ses épitres.

Plusieurs évêques, à l’imitation de Grégoire VII. prononcerent de pareils interdits en différentes occasions contre des villes & des communautés de leur diocese.

Vers l’an 1120, Calixte II. défendit le service divin dans les terres des croisés qui n’accompliroient pas leurs vœux, permettant seulement le baptême aux enfans, & la confession aux moribonds.

Il y eut un grand trouble en France en 1141, à l’occasion du siege de Bourges ; le roi ayant refusé de consentir à l’élection de Pierre de la Châtre, que le pape Innocent II. avoit fait élire à la place de l’archevêque Alberic mort l’année précédente, le pape mit toute la France en interdit.

Eugene III. vers l’an 1150, défendit la célébration du service divin dans les églises de certaines religieuses déréglées.

Adrien IV. n’épargna pas la ville même de Rome. Le cardinal Gerard y ayant été attaqué & blessé par quelques séditieux excités par Arnaud de Bresse, qui se maintenoit toujours dans cette ville sous la protection des nouveaux sénateurs, le pape mit la ville en interdit, & obligea les senateurs à chasser Arnaud & ses sectateurs.

Les interdits prononcés par Alexandre III. ne furent pas moins rigoureux que ceux de ses prédécesseurs. Il défendit aux prélats d’Angleterre vers l’an 1169. l’office divin & l’administration des sacremens, hors le baptême aux enfans, & la confession aux mourans ; le roi d’Angleterre rendit une ordonnance portant, que si on trouvoit dans son royaume quelqu’un chargé de lettres du pape ou de l’archevêque portant interdit, il seroit puni comme traître.

Le royaume d’Angleterre fut encore mis en interdit en 1208. par Innocent III. parce que le roi Jean avoit fait chasser les moines de Cantorbery, & s’étoit emparé des biens de l’archevéché.

Le concile d’York tenu en 1195, laissa à la discrétion des évêques d’user des interdits comme ils jugeroient à propos, de peur que les interdits généraux & de longue durée ne donnassent occasion aux Albigeois qui étoient répandus dans plusieurs endroits de la province, de séduire les gens simples.

Sous Innocent III. en 1198, Rainier moine de Citeaux, envoyé par le pape pour rompre le mariage d’Alphonse roi de Léon, qui avoit épousé la fille d’Alphonse roi de Castille son cousin, prononça une excommunication contre ce prince, & mit son royaume en interdit.

Un de ceux qui firent le plus d’impression, fut celui que le même Innocent III. lança en 1200 contre la France. Pierre de Capoue étoit chargé d’obliger Philippe-Auguste de quitter Agnès & de reprendre Ingerburge ; & n’y ayant pas réussi, il publia le 15 Janvier la sentence d’interdit sur tout le royaume, qui avoit été prononcée parle pape. Le roi en fut si courroucé qu’il chassa les évêques & tous les autres ecclésiastiques de leurs demeures, & confisqua leurs biens ; Cet interdit fut observé avec une extrème rigueur.

La chronique anglicane (dans le P. Martene, tom. V. pag. 868.) dit que tout acte de christianisme, hormis le baptême des enfans, fut interdit en France ; les églises fermées, les chrétiens en étoient chassés comme des chiens, plus d’office divin ni de sacrifice de la messe ; plus de sépultures ecclésiastiques pour les défunts ; les cadavres abandonnés au hasard, répandoient la plus affreuse infection, & pénétroient d’horreur ceux qui leur survivoient ; il en naquit un schisme entre les évêques.

La chronique de Tours fait la même description ; elle y ajoute seulement un trait remarquable, confirmé par M. Fleury, liv. lxxvj. n. 40, qui est que le saint viatique étoit excepté, comme le baptême, de cette privation des choses saintes, quoiqu’on refusât d’ailleurs la sépulture après la mort : Nulla celebrabantur in ecclesiâ sacramenta vel divina officia, præter viaticum & baptisma.

Les choses demeurerent pendant neuf mois dans cette situation, excepté qu’au bout de quelque tems Innocent III. permit les prédications pendant l’interdit, & le sacrement de confirmation ; il permit même de donner l’eucharistie aux croisés & aux étrangers dans les lieux interdits, & d’y célébrer l’office de l’église à deux ou trois, sans chant. On modéra encore dans la suite la grande sévérité des interdits, par rapport au scandale qu’ils causoient dans l’église ; Grégoire IX. vers l’an 1230 permit de dire une messe basse une fois la semaine, sans sonner, les portes de l’église fermées ; Boniface VIII. en 1300 permit la confession pendant l’interdit, & ordonna que l’on célébreroit tous les jours une messe, & que l’on diroit l’office, mais sans chant, les portes de l’église étant fermées, & sans sonner, à la réserve des jours solemnels de Noël, Pâques, la Pentecôte & de l’Assomption de N. D. que l’office divin seroit chanté les portes ouvertes, & les cloches sonnantes.

L’archevêque de Strigonie, auquel le pape avoit donné commission de réformer plusieurs désordres qui régnoient en Hongrie, n’ayant pu y parvenir, avoit mis en 1232 ce royaume en interdit. Pour le faire lever, le roi André donna l’année suivante une charte, par laquelle il s’engageoit de ne plus souffrir à l’avenir que les Juifs & les Sarrasins occupassent aucune charge publique en ses états, ni qu’ils eussent des esclaves chrétiens ; il promit aussi de ne contrevenir en rien aux privileges des clercs, & de ne lever aucune collecte sur eux, même de consulter le pape touchant les impositions sur ses autres sujets : l’interdit ne fut levé qu’à ces conditions ; mais la charte fut si mal exécutée, que le pape en fit des plaintes dès l’année suivante.

La croisade que l’on prêchoit en 1248 contre l’empereur Frédéric, ayant occasionné un soulevement du peuple à Ratisbonne, l’évêque exécutant les ordres du pape, les excommunia & mit la ville en interdit.

Après le massacre des Vêpres siciliennes en 1282, Martin IV. mit le royaume d’Arragon en interdit, & prononça par sentence la déposition de Pierre, roi d’Arragon ; cette sentence ne fut point exécutée, & les ecclésiastiques de tous les ordres n’observerent point l’interdit ; le pape n’en fut que plus animé contre le roi, & fit prêcher la croisade contre lui.

Il y eut en 1289 un concordat entre Denis, roi de Portugal, & le clergé de son royaume ; leurs différends duroient depuis long-tems, & le royaume étoit en interdit depuis le pontificat de Grégoire X.

Les Vénitiens en essuyerent aussi un en 1309 pour s’être emparés de Ferrare que l’Eglise romaine prétendoit être de son domaine ; ils ne laisserent pas de garder leur conquête.

Les Florentins en userent de même en 1478, lorsque Sixte IV. jetta un interdit sur la ville de Florence pour l’assassinat des Médicis : cet interdit ne fut pas observé ; les Florentins obligerent les prêtres à célébrer la messe & le service malgré la défense du pape.

Lorsqu’on avoit fait quelque accord au pape ou à l’évêque qui avoit prononcé l’interdit, alors il le levoit par un acte solemnel, comme fit Jean XXII. par une bulle du 21 Juin de ladite année, par laquelle il leva les censures qui étoient jettées depuis quatre ans sur la province de Magdebourg, à cause du meurtre de Burchard, archevêque de cette ville.

Ce qui est de singulier, c’est que les souverains eux-mêmes prioient quelquefois les évêques de prononcer un interdit sur les terres de leurs vassaux, s’ils n’exécutoient pas les conventions qui avoient été faites avec eux, comme fit Charles V. alors régent du royaume, par des lettres du mois de Février 1356, confirmatives de celles de Guy, comte de Nevers, & de Mathilde sa femme, en faveur des bourgeois de Nevers ; à la fin de ces lettres Charles V. prie les archevêques de Lyon, de Bourges & de Sens, & les évêques d’Autun, de Langres, d’Auxerre & de Nevers, de prononcer une excommunication contre le comte de Nevers, & un interdit sur ses terres, s’il n’exécute pas l’accord qu’il avoit fait avec ses habitans.

On trouve dans le recueil des ordonnances de la troisieme race plusieurs lettres semblables du roi Jean, qui autorisoient les évêques à mettre en interdit les lieux dont le seigneur tenteroit d’enfreindre les privileges.

Les interdits les plus mémorables qui furent prononcés dans le xvj. siecle, furent celui que Jules II. mit sur la France en 1512, à cause que le roi avoit donné des lettres patentes pour l’acceptation du concile de Pise ; l’autre fut celui que Sixte V. mit sur l’Angleterre en 1588, pour obliger les Anglois de rentrer dans la communion romaine ; mais il n’y en eut point de plus éclatant que celui que Paul V. prononça le 17 Avril 1606 contre l’état de Venise pour quelques lois qui lui parurent contraires à la liberté des ecclésiastiques. Mézeray rapporte que cette bulle fulminante fut envoyée à tous les évêques des terres de la seigneurie pour la publier, mais que le nombre de ceux qui obéirent fut le plus petit ; que le sénat y avoit donné si bon ordre, que ce grand coup de foudre ne mit le feu nulle part ; que le service divin se fit toujours dans l’église à portes ouvertes, & que l’administration des sacremens continua à l’ordinaire ; que tous les anciens ordres religieux n’en branlerent pas, mais que presque tous les nouveaux sortirent des terres de la seigneurie, particulierement les Capucins & les Jésuites, qui étoient tous deux fort attachés au saint pere. Ce différend fut terminé en 1607 par l’entremise d’Henri IV. & des cardinaux de Joyeuse & du Perron ; le cardinal de Joyeuse alla à Venise lever l’excommunication.

Il y eut encore deux interdits qui firent beaucoup de bruit en France ; l’un fut mit sur la ville de Bordeaux en 1633 par l’archevêque, à l’occasion d’un différend qui s’éleva entre lui & le duc d’Epernon ; l’autre fut prononcé en 1634 par l’évêque d’Amiens contre les habitans de la ville de Montreuil pour des excès qu’ils avoient commis sur lui dans l’église même, pour empêcher qu’il ne donnât à une autre paroisse une portion des reliques de S. Vulfi ; cette affaire dura jusqu’en Septembre 1635 que le prélat rendit une sentence d’absolution à certaines charges & conditions, laquelle fut publiée & exécutée le 28 Septembre de ladite année.

L’interdit doit être prononcé avec les mêmes formes que l’excommunication, par écrit, nommément, avec expression de la cause & après trois monitions. La peine de ceux qui violent l’interdit, est de tomber dans l’excommunication : mais en finissant cet article, il y a deux observations essentielles à faire ; l’une est que comme l’interdit a toujours des suites très-fâcheuses, parce qu’il donne occasion au libertinage & à l’impiété, on le met présentement très-peu en usage, & même en France les parlemens n’en souffriroient pas la publication, & MM. les procureurs généraux ne manqueroient pas d’en interjetter appel comme d’abus, aussi-tôt qu’ils en auroient connoissance. Nos libertés, disoit M. Talon, portant la parole le 4 Juin 1674, dans la cause concernant l’exemption du chapitre de saint Agnan d’Orléans, ne souffrent point que le pape se réserve le pouvoir de prononcer l’interdit ; le moyen que l’on a trouvé en France pour empêcher l’usage de ces sortes d’interdits, est qu’ils ne peuvent être exécutés sans l’autorité du roi.

L’autre observation est que suivant nos mêmes libertés, les officiers du roi ne peuvent être excommuniés ni interdits par le pape, ni par les évêques, pour les fonctions de leurs charges.

Les preuves de ces deux observations sont consignées dans les registres du parlement & dans les mémoires du clergé.

On ne doit pas confondre l’interdit avec la simple cessation à divinis, laquelle ne contient aucune censure, & qui a lieu quand une église, un cimetiere ou autre lieu saint est pollué par quelque crime. Voyez cap. ij. extr. de sponsalib. cap. xliij. extr. de sentent. excomm. cap. ij. extr. de remiss. & pœnit. cap. lvij. extr. de sent. excom. cap. alma mater eodem in 6° & extravagante 2 eodem ; Guymier sur la pragmatique sanction ; les lois ecclésiastiques de d’Héricourt, chap. des peines canoniques ; Fleury invit. au droit ecclésiast. tom. II. chap. xxj. & au mot Absolution, Censure, Excommunication.

Interdit, (Jurispr.) signifie aussi celui qui est suspendu de quelque fonction ; on interdit un homme pour cause de démence ou de prodigalité ; il faut en ce cas un avis de parens & une sentence du juge qui prononce l’interdiction & nomme un curateur à l’interdit. L’effet de ce jugement est que l’interdit est dépouillé de l’administration de ses biens, il ne peut les vendre, engager, ni hypothéquer, ni en disposer, soit entrvifs ou par testament, ni contracter aucune obligation jusqu’à ce que l’interdiction soit levée ; il y a chez les Notaires un tableau des interdits avec lesquels on ne doit pas contracter.

Lorsqu’un officier public a prévariqué, on l’interdit de ses fonctions, soit pour un tems ou pour toujours, selon que le délit est plus ou moins grave.

Le decret de prise de corps & celui d’ajournement personnel, emportent de plein droit interdiction de toute fonction publique.

L’interdiction de lieu chez les Romains revenoit à ce que nous appellons exil, bannissement.

Celle que l’on appelloit aquâ & igne, étoit une peine que l’on prononçoit contre ceux qui avoient commis quelque violence publique. l. qui dolo, ff. ad leg. jul. de vi publ. Le bannissement a succédé à cette peine. (A)