L’Encyclopédie/1re édition/EPICYCLOIDE

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EPICYCLOIDE, s. f. en Géométrie, ligne courbe qui est engendrée par la révolution d’un point de la circonférence d’un cercle, lequel se meut en tournant sur la partie convexe ou concave d’un autre cercle.

Chaque point de la circonférence d’un cercle qui avance en droite ligne sur un plan, tandis qu’il tourne en même tems sur son centre, décrit une cycloïde (voyez Cycloïde) ; & si le cercle générateur, au lieu de se mouvoir sur une ligne droite, se meut sur la circonférence d’un autre cercle, ou égal ou inégal à lui, la courbe que décrira chacun des points de sa circonférence s’appelle épicycloïde.

Par exemple, si une roue de carrosse rouloit sur la circonférence d’une autre roue, la courbe que décriroit un des clous de cette roue seroit une épicycloïde.

Si le mouvement progressif du cercle roulant est plus grand que son mouvement circulaire, l’épicycloïde est nommée allongée, & accourcie s’il est plus petit.

Si le cercle générateur se meut sur la convexité de la circonférence, l’épicycloïde est nommée supérieure & extérieure ; & s’il se meut sur sa concavité, on la nomme épicycloïde inférieure ou intérieure ; on appelle base de l’épicycloïde la partie de cercle sur laquelle se meut le cercle générateur, tandis qu’il fait un tour entier. Ainsi dans les Planches de Géométrie, fig. 58. DB est la base de l’épicycloïde, V son sommet, VB son axe, DPV la moitié de l’épicycloïde extérieure produite par la révolution du demi-cercle VLB, qu’on appelle cercle générateur, sur le côté convexe de la base DB.

On trouvera dans les Transact. philosoph. n. 18. & dans les infiniment petits de M. de l’Hopital, les démonstrations des principales propriétés de l’épicycloïde, sur-tout ce qui concerne les tangentes de ces courbes, leurs rectifications & leurs quadratures. M. Nicole a aussi donné sur la rectification des épicycloïdes allongées & accourcies un excellent mémoire dans le vol. de l’académie de 1708.

Le volume de 1732 de la même académie renferme plusieurs écrits de M M. Bernoulli, de Maupertuis, Nicole, & Clairaut, sur une autre espece d’épicycloïdes appellées épicycloïdes sphériques. Ces épicycloïdes sont encore engendrées par le point de la circonférence d’un cercle qui roule sur un autre cercle ; mais avec cette différence que dans les épicycloïdes ordinaires le cercle roulant est dans le même plan que le cercle sur lequel il roule ; au lieu que dans celle-ci le plan du cercle roulant fait un angle constant avec le plan de l’autre cercle. Les épicycloïdes sphériques ont plusieurs belles propriétés que l’on peut voir dans les mémoires dont nous venons de parler, & dont le détail seroit au-dessus de la portée du plus grand nombre de nos lecteurs.

Nous nous contenterons de donner ici en peu de mots une théorie des épicycloïdes simples ou ordinaires. Cette théorie contiendra le germe de tous les problèmes qu’on peut se proposer sur les épicycloïdes, & facilitera le moyen d’étendre ces problèmes à des épicycloïdes plus composées.

Je suppose d’abord que 1 soit le rayon du cercle roulant ou générateur, & que l’épicycloïde soit extérieure. Soit x l’arc qui a roulé, r le rayon de l’autre cercle, il est évident qu’en prenant dans ce second cercle un arc =x, & tirant ensuite la corde de l’arc x dans le cercle générateur, on aura un des points de l’épicycloïde. Or les angles formés par deux arcs égaux dans différens cercles, sont entr’eux en raison inverse des rayons de ces cercles. Voyez Angle, Degré, Mesure, &c. Donc il ne s’agit que de diviser un angle en raison de r à 1, pour avoir un point de l’épicycloïde.

Donc si r est à 1 en raison de nombre à nombre, l’épicycloïde sera une courbe géométrique, puisqu’on peut toûjours diviser un angle géométriquement en raison de nombre à nombre. V. Trisection, &c.

Considérons à présent les deux cercles comme deux polygones réguliers d’une infinité de côtés chacun, mais dont les côtés soient égaux, en sorte que ces polygones ne soient point semblables : il est visible, 1°. que l’angle de contingence du cercle générateur sera dx ; que l’angle de contingence de l’autre sera (voyez Polygone & Courbe) : 2°. que pendant le roulement où l’application d’un côté infiniment petit du cercle générateur sur le côté correspondant de l’autre, une des extrémités de la corde de l’arc x pourra être regardée comme fixe, & que l’autre décrira un arc de cercle qui sera le petit côté de l’épicycloïde : 3°. que la tangente de l’épicycloide (voyez Tangente) sera par conséquent perpendiculaire à la corde de l’arc x dans le cercle générateur : 4°. que le petit côté de l’épicycloïde sera  ; donc l’arc total de l’épicycloïde sera voyez Sinus : 5°. que l’élément de l’aire de l’épicycloïde sera égal au petit triangle scalene, dont dx est la base & cord. x un des côtés, plus au triangle isoscele qui a cord. x pour côté, & pour base . Cela se voit à l’œil par la seule inspection d’une figure. Or le premier de ces élémens est l’élément du cercle, & le second est . Voyez Sinus. Donc l’aire de l’épicycloïde est égale à l’aire du cercle, plus à l’intégrale de la quantité précédente ; intégrale aisée à trouver ; voyez Sinus, Intégral, & le traité de M. de Bougainville le jeune. 6°. L’angle que font ensemble deux côtés consécutifs de l’épicycloïde, se trouvera aisément, & toûjours par la seule inspection d’une figure fort simple ; car cet angle est égal, 1°. à  ; 2°. à deux angles à la base d’un triangle isoscele, dont l’angle du sommet est , c’est-à-dire  : donc l’angle de contingence est . Or le rayon osculateur est égal au côté de la courbe divisé par l’angle de contingence. Voyez Osculateur & Développée. Donc le rayon osculateur est égal à .

Si on fait r négative dans les calculs précédens, on aura les propriétés de l’épicycloïde intérieure.

Si dans les mêmes calculs on fait r= à l’infini, on aura les propriétés de la cycloïde ordinaire.

On peut encore considérer d’une autre maniere toutes les épicycloïdes ordinaires, allongées, accourcies, sphériques, &c. Au lieu de faire rouler le cercle générateur, il n’y a qu’à supposer que le centre de ce cercle décrive une ligne quelconque, & qu’en même tems un point mobile se meuve sur la circonférence de ce cercle. Par le principe de la composition des mouvemens, on aura facilement les élémens de l’épicycloïde ; l’épicycloïde sera simple ou ordinaire, c’est-à-dire ni allongée ni accourcie, si l’arc décrit par le centre, pendant que le point mobile décrit la circonférence, est à cette circonférence comme r+1 est à r. Voyez Roue d’Aristote.

Nous n’en dirons pas davantage sur cet article. Il nous suffit d’avoir mis ici en quelques lignes tout le traité des épicycloïdes d’une maniere assez nouvelle à plusieurs égards, & fourni aux commençans, & peut-être à des géometres plus avancés, une occasion de s’exercer.

Sur l’usage des épicycloïdes en Méchanique, voyez Dent.

M. de Maupertuis, dans les mémoires de l’acad. de 1727, a examiné les figures rectilignes formées par le roulement d’un polygone régulier sur une ligne droite, & il en a déduit d’une maniere élégante les dimensions de la cycloïde. Pour généraliser sa théorie, supposons que le roulement du polygone se fasse à l’extérieur sur un autre polygone régulier, dont les côtés soient égaux à ceux du polygone roulant, il est aisé de voir par tout ce qui a été dit ci-dessus, 1°. que la figure rectiligne formée ainsi sera égale à l’aire du polygone roulant, plus à un triangle isoscele qui auroit 1 pour côté, & pour angle au sommet la somme des angles extérieurs des deux polygones, ce triangle étant multiplié par la moitié de la somme des quarrés des cordes du polygone roulant : or on a dans le liv. X. des sections coniques de M. de l’Hopital, une méthode fort simple pour trouver la somme de ces quarrés. 2°. Le contour de la figure sera égal à la corde de la somme des angles extérieurs, multipliée par la somme des cordes du polygone roulant : or on a dans le même ouvrage & au même endroit la méthode de trouver la somme des cordes d’un polygone. 3°. L’angle extérieur formé par deux côtés rectilignes consécutifs de l’épicycloïde, est égal à la moitié de l’angle au centre du polygone roulant, plus à l’angle extérieur de l’autre polygone.

Enfin il est visible que cette méthode peut s’étendre très-aisément à la recherche des propriétés de toute épicycloïde formée par le roulement d’une courbe quelconque sur une autre quelconque. (O)