L’Encyclopédie/1re édition/DOT
DOT, s. f. (Jurisp.) Ce terme se prend en plusieurs sens différens ; on entend communément par-là, ce qu’une femme apporte en mariage ; quelquefois au contraire dot signifie ce que le mari donne à sa femme en faveur de mariage. On appelle aussi dot, ce que les peres, meres & autres ascendans donnent à leurs enfans, soit mâles ou femelles, en faveur de mariage ; ce que l’on donne pour la fondation & entretien des églises, chapitres, séminaires, monasteres, communautés, hôpitaux & autres établissemens de charité ; & ce que l’on donne à un monastere pour l’entrée en religion. Nous expliquerons séparément ce qui concerne chacune de ces différentes sortes de dots, en commençant par celle des femmes. (A)
Dot de la femme, signifie ordinairement ce qu’elle apporte à son mari pour lui aider à soûtenir les charges du mariage. Ce terme est aussi quelquefois pris pour une donation à cause de noces, que lui fait son mari, ou pour le doüaire qu’il lui constitue.
C’étoit la coûtume chez les Hébreux, que les hommes qui se marioient, étoient obligés de constituer une dot aux filles qu’ils épousoient, ou à leurs peres : c’est ce que l’on voit en plusieurs endroits de le Genese, entr’autres ch. xxjx v. 18. ch. xxxj. v. 15 & 16. & ch. xxxjv. v. 12.
On y voit que Jacob servit quatorze ans Laban, pour obtenir Lia & Rachel ses filles.
Sichem demandant en mariage Dina fille de Jacob, promet à ses parens de lui donner tout ce qu’ils demanderont pour elle : Inveni gratiam, dit-il, coram vobis, & quæcumque statueritis dabo. Augete dotem & munera postulate, & libenter tribuam quod petieritis ; tantùm date mihi puellam hanc uxorem. Ce n’étoit pas une augmentation de dot que Sichem demandoit aux parens par ces mots, augete dotem ; il entendoit au contraire parler de la donation ou doüaire qu’il étoit dans l’intention de faire à sa future, & laissoit les parens de Dina maîtres d’augmenter cette donation, que l’on qualifioit de dot, parce qu’en effet elle en tenoit lieu à la femme.
David donna cent prépuces de Philistins à Saül, pour la dot de Michol sa fille, Saül lui ayant fait dire qu’il ne vouloit point d’autre dot. Reg. ch. xviij.
C’est encore une loi observée chez les Juifs, que le mari doit doter sa femme, & non pas exiger d’elle une dot.
Lycurgue roi des Lacédémoniens, établit la même loi dans son royaume ; les peuples de Thrace en usoient de même, au rapport d’Hérodote, & c’étoit aussi la coûtume chez tous les peuples du Nord. Frothon roi de Danemarck, en fit une loi dans ses états.
Cette loi ou coûtume avoit deux objets ; l’un de faire ensorte que toutes les filles fussent pourvûes, & qu’il n’en restât point, comme il arrive présentement, faute de biens ; l’autre étoit que les maris fussent plus libres dans le choix de leurs femmes, & de mieux contenir celles-ci dans leur devoir : car on a toûjours remarqué que le mari qui reçoit une grande dot de sa femme, semble par-là perdre une partie de sa liberté & de son autorité, & qu’il a communément beaucoup plus de peine à contenir sa femme dans une sage modération, lorsqu’elle a du goût pour le faste : ita istæ solent quæ viros subvenire sibi postulant, dote fretæ feroces, dit Plaute in Mænech.
La quotité de la dot que le mari étoit ainsi obligé de donner à sa femme, étoit différente, selon les pays : chez les Goths c’étoit la dixieme partie des biens du mari ; chez les Lombards la quatrieme ; en Sicile c’étoit la troisieme.
Il n’étoit pas non plus d’usage chez les Germains, que la femme apportât une dot à son mari, c’étoit au contraire le mari qui dotoit sa femme ; elle lui faisoit seulement un leger présent de noces, lequel, pour se conformer au goût belliqueux de cette nation, consistoit seulement en quelques armes, un cheval, &c. c’est ce que rapporte Tacite en parlant des mœurs des Germains de son tems : dotem non uxor marito, sed uxori maritus offert. Intersunt parences & propinqui, ac munera probant ; munera non ad delicias muliebres quæsita, nec quibus nova nupta comatur, sed bovem & frænatum equum, cum frameâ gladioque.
Présentement en Allemagne l’usage est changé ; les femmes y apportent des dots à leurs maris, mais ces dots sont ordinairement fort modiques, surtout pour les filles de qualité. Par exemple, les princesses de la maison électorale de Saxe ont seulement 30000 écus ; celles des autres branches de la même maison, 20000 florins ; les princesses des maisons de Brunswic & de Bade, 15000 florins, & une somme pour les habits, les bijoux & l’équipage.
Chez les Romains l’usage fut toûjours de recevoir des dots des femmes ; & en considération de leur dot ils leur faisoient un avantage réciproque & proportionné, connu sous le nom de donation à cause de noces.
Cette même jurisprudence fut observée chez les Grecs, depuis la translation de l’empire à Constantinople, comme il paroît par ce que dit Harmenopule de l’hypobolon des Grecs, qui étoit une espece de donation à cause de noces, que l’on régloit à proportion de la dot, & dont le morghengeba des Allemands paroît avoir tiré son origine.
César en ses commentaires parlant des mœurs des Gaulois, & de ce qui s’observoit de son tems chez eux entre mari & femme pour leurs conventions matrimoniales, fait mention que la femme apportoit en dot à son mari une somme d’argent ; que le mari de sa part prenoit sur ses biens une somme égale à la dot ; que le tout étoit mis en commun ; que l’on en conservoit les profits, & que le tout appartenoit au survivant des conjoints : quantas pecunias ab uxoribus dotis nomine acceperunt, tantas ex his bonis æstimatione factâ cum dotibus communicant ; hujus omnis pecuniæ conjunctim ratio habetur, fructusque servantur ; uter eorum vitâ superavit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit.
Lorsque les Francs eurent fait la conquête des Gaules, ils laisserent aux Gaulois la liberté de vivre suivant leurs anciennes coûtumes ; pour eux ils retinrent celles des Germains dont ils tiroient leur origine : ils étoient donc dans l’usage d’acheter leurs femmes, tant veuves que filles, & le prix étoit pour les parens, & à leur défaut au roi, suivant le titre 46 de la loi salique. Les femmes donnoient à leurs maris quelques armes, mais elles ne leur donnoient ni terres ni argent ; c’étoient au contraire les maris qui les dotoient. Tel fut l’usage observé entre les Francs sous la premiere & la seconde race de nos rois. Cette coûtume s’observoit encore vers le xe siecle, comme il paroît par un cartulaire de l’abbaye de S. Pierre-en-Vallée, lequel, au dire de M. le La boureut, a bien sept cents ans d’antiquité. On y trouve une donation faite à ce couvent par Hildegarde comtesse d’Amiens, veuve de Valeran comte de Vexin ; elle donne à cette abbaye un aleu qu’elle avoit reçu en se mariant de son seigneur, suivant l’usage de la loi salique, qui oblige, dit-elle, les maris de doter leurs femmes.
On trouve dans Marculphe, Sirmond & autres auteurs, plusieurs formules anciennes de ces constitutions de dots faites par le mari à sa femme ; cela s’appelloit libellus dotis. C’est de cette dot constituée par le mari, que le doüaire tire son origine ; aussi plusieurs de nos coûtumes ne le qualifient point autrement que de dot : c’est pourquoi nous renvoyons au mot Douaire ce qui a rapport à ce genre de dot, & nous ne parlerons plus ici que de celle que la femme apporte à son mari.
Cette espece de dot avoit toûjours été usitée chez les Romains, ainsi qu’on l’a déjà annoncé ; mais suivant le droit du digeste, & suivant les lois de plusieurs empereurs, la dot & les instrumens dotaux n’étoient point de l’essence du mariage ; on en trouve la preuve dans la loi 4. ff. de pignoribus ; l. 31. in princip. ff. de donat. & l. 9. 13 & 22. cod. de nupt. Ulpien dit néanmoins sur la loi 11. ff. de pactis, qu’il est indigne qu’une femme soit mariée sans dot.
Mais en l’année 458, selon Contius, ou en 460, suivant Halvander, Majorien par sa novelle de sanctimonialibus & viduis, déclara nuls les mariages qui seroient contractés sans dot. Son objet fut de pourvoir à la subsistance & éducation des enfans : il ordonna que la femme apporteroit en dot autant que son mari lui donneroit de sa part ; que ceux qui se marieroient sans dot, encourroient tous deux une note d’infamie, & que les enfans qui naîtroient de ces mariages, ne seroient pas légitimes.
L’empereur Justinien ordonna que cette loi de Majorien n’auroit lieu que pour certaines personnes marquées dans ses novelles 11. chap. jv. & 74. ch. jv.
Les papes ordonnerent aussi que les femmes seroient dotées, comme il paroît par une épître attribuée faussement à Evariste, can. consanguin. caus. 4. quæst. 3. §. 1.
L’église gallicane qui se régloit anciennement par le code théodosien, & par les novelles qui sont imprimées avec ce code, suivit la loi de Majorien, & ordonna, comme les papes, que toutes les femmes seroient dotées : nullum sine dote fiat conjugium, dit un concile d’Arles en 524 : juxta possibilitatem fiat dos ; Gratian. 30. quæst. 5. can. nullum.
La dot ayant été ainsi requise en France dans les mariages, les prêtres ne donnoient point la bénédiction nuptiale à ceux qui se présentoient, sans être auparavant certains que la femme fût dotée ; & comme c’étoient alors les maris qui dotoient leurs femmes, on les obligea de le faire suivant l’avis des amis communs, & du prêtre qui devoit donner la bénédiction nuptiale : & afin de donner à la constitution de dot une plus grande publicité, elle se faisoit à la porte de l’église ; mais ceci convient encore plûtot au doüaire qu’à la dot proprement dite.
Dans l’usage présent la dot n’est point de l’essence du mariage ; mais comme la femme apporte ordinairement quelque chose en dot à son mari, on a établi beaucoup de regles sur cette matiere.
Les priviléges de la dot sont beaucoup plus étendus dans les pays de droit écrit, que dans les pays coûtumiers : dans ceux-ci tout ce qu’une femme apporte en mariage, ou qui lui échet pendant le cours d’icelui, compose sa dot, sans aucune distinction ; au lieu que dans les pays de droit écrit la dot peut à la vérité comprendre tous les biens présens & à venir, mais elle peut aussi ne comprendre qu’une partie des biens présens ou à venir, & il n’y a de biens dotaux que ceux qui sont constitués à ce titre ; les autres forment ce qu’on appelle des biens paraphernaux, dont la femme demeure la maîtresse.
Les femmes avoient encore à Rome un troisieme genre de biens qu’on appelloit res receptitiæ, comme le remarquent Ulpien & Aulu-Gelle ; c’étoient les choses que la femme apportoit pour son usage particulier. Ces biens n’étoient ni dotaux ni paraphernaux ; mais cette troisieme espece de biens est inconnue parmi nous, même en pays de droit écrit.
Dans les pays où l’usage est que la femme apporte une dot à son mari, usage qui est à-présent devenu presque général, on a fait quelques réglemens pour modérer la quotité de ces dots.
Démosthenes écrit que Solon avoit déjà pris cette précaution à Athenes.
Les Romains avoient aussi fixé les dots, du moins pour certaines personnes, comme pour les filles des décurions ; & suivant la novelle 22, la dot la plus forte ne pouvoit exceder 100 liv. d’or : c’est pourquoi Cujas prétend que quand les lois parlent d’une grande dot, on doit entendre une somme égale à celle dont parle la novelle 22 ; mais Accurse estime avec plus de raison, que cela dépend de la qualité des personnes.
Il y a eu aussi en France quelques réglemens pour les dots, même pour celles des filles de France.
Anciennement nos rois demandoient à leurs sujets des dons ou subsides pour les doter.
Dans la suite on leur donnoit des terres en apanage, de même qu’aux enfans mâles ; mais Charles V. par des lettres du mois d’Octobre 1374, ordonna que sa fille Marie se contenteroit des 100 mille francs qu’il lui avoit donnés en mariage, avec tels estoremens & garnisons, comme il appartient à une fille de France, & pour tout droit de partage ou apanage ; qu’Isabelle son autre fille auroit pour tout droit de partage ou apanage, 60 mille francs, avec les estoremens & garnisons convenables à une fille de roi ; & que s’il avoit d’autres filles, leur mariage seroit réglé de même : & depuis ce tems on ne leur donne plus d’apanage ; ou si on leur donne quelquefois des terres, ce n’est qu’en payement de leurs deniers dotaux, & non à titre d’apanage, mais seulement par forme d’engagement toûjours sujet au rachat.
Les dots étoient encore plus modiques dans le siecle précedent. Marguerite de Provence qui épousa S. Louis en 1234, n’eut que 20 mille livres en dot ; toute la dépense du mariage coûta 2500 liv. Cela paroît bien modique ; mais il faut juger de cela eu égard au tems, & au prix que l’argent avoit alors.
Par rapport aux dots des particuliers, je ne trouve que deux réglemens.
Le premier est une ordonnance de François I. donnée à Château-Briand le 8 Juin 1532, laquelle, art. 2, en réglant le train des financiers, veut qu’ils ne donnent à leurs filles dons & mariage excedans la dixieme partie de leurs biens ; ayant toutefois égard au nombre de leurs fils & filles, pour les hausser & diminuer, au jugement & advis de leurs parens, sur peine d’amende arbitraire. Si ce réglement eût été exécuté, c’étoit une maniere indirecte de faire donner aux financiers une déclaration du montant de leurs biens.
L’autre réglement est l’ordonnance de Roussillon, du mois de Janvier 1563, laquelle, art. 17, dit que les peres ou meres, ayeuls ou ayeules, en mariant leurs filles, ne pourront leur donner en dot plus de 10000 l. tournois, à peine contre les contrevenans de 3000 livres d’amende. Cet article excepte néanmoins ce qui seroit avenu aux filles par succession ou donation d’autres que de leurs ascendans.
Mais cet article n’est pas non plus observé. Dans le siecle dernier Hortense Mancini duchesse de Mazarin, avoit eu en dot vingt millions, somme plus considérable que toutes les dots des reines de l’Europe ensemble.
Dans les pays de droit écrit, le pere est obligé de doter sa fille selon ses facultés, soit qu’elle soit encore en sa puissance ou émancipée ; & si après la mort du mari il a retiré la dot en vertu de quelque clause du contrat de mariage, ou par droit de puissance paternelle, il est obligé de la redoter une seconde fois en la remariant, à moins que la dot n’eût été perdue par la faute de la femme.
Lorsque le pere dote sa fille, on présume que c’est du bien du pere, & non de celui que la fille peut avoir d’ailleurs.
La dot ainsi constituée par le pere s’appelle profectice, à cause qu’elle vient de lui, à la différence de la dot adventice, qui est celle qui provient d’ailleurs que des biens du pere.
La fille mariée décédant sans enfans, la dot profectice retourne au pere par droit de reversion, quand même il auroit émancipé sa fille ; mais la dot adventice n’est pas sujette à cette reversion.
Si le pere est hors d’état de doter sa fille, l’ayeul est tenu de le faire pour lui, & à leur défaut le bisayeul paternel ; & ces ascendans ont, comme le pere, le droit de retour.
Mais les autres parens ou étrangers qui peuvent doter celle qui se marie, n’ont pas le droit de retour ou reversion.
Les lois disent que la cause de la dot est perpétuelle, c’est-à-dire que la dot est donnée au mari, pour en joüir par lui tant que le mariage durera.
L’action qui appartient au mari pour demander le payement de la dot à ceux qui l’ont constituée, dure trente ans, comme toutes les autres actions personnelles ; mais si ayant donné quittance de la dot, quoiqu’il ne l’ait pas reçue, il est dix ans sans opposer l’exception, non numeratæ dotis, il n’y est plus ensuite recevable ; il en est aussi responsable envers sa femme, lorsqu’il a négligé pendant dix ans d’en demander le payement.
Les revenus de la dot appartiennent au mari, & sont destinés à lui aider à soûtenir les charges du mariage, telles que l’entretien des deux conjoints, celui de leurs enfans, & autres dépenses que le mari juge convenables.
Le mari a seul l’administration de la dot, & sa femme ne peut la lui ôter ; il peut agir seul en justice pour la conservation & le recouvrement de la dot contre ceux qui en sont débiteurs ou détempteurs, ce qui n’empêche pas que la femme ne demeure ordinairement propriétaire des biens par elle apportés en dot.
La femme peut cependant aussi, suivant notre usage, agir en justice pour ses biens dotaux, soit lorsqu’elle est séparée de biens d’avec son mari, ou lorsqu’elle est autorisée à cet effet par lui, ou à son refus par justice.
Lorsque la dot consiste en deniers, ou autres choses mobiliaires qui ont été estimées par le contrat, le mari en devient propriétaire ; c’est-à-dire qu’au lieu de choses qu’il a reçues en nature, il devient débiteur envers sa femme ou ses héritiers du prix de l’estimation.
Il en est de même en pays de droit écrit des immeubles apportés en dot par la femme, lorsqu’ils ont été estimés par le contrat ; car cette estimation forme une véritable vente au profit du mari, & la dot consiste dans le prix convenu, tellement que si les choses ainsi estimées viennent à périr ou à se détériorer, la perte tombe sur le mari comme en étant devenu propriétaire.
Au contraire en pays coûtumier l’estimation de l’immeuble dotal n’en rend pas le mari propriétaire ; il ne peut en disposer sans le consentement de sa femme, & doit le rendre en nature après la dissolution du mariage.
La loi Julia, ff. de fundo dotali, défend aussi au mari d’aliéner la dot sans le consentement de sa femme, & de l’hypothéquer même avec son consentement ; mais présentement dans les pays de droit écrit du ressort du parlement de Paris, les femmes peuvent, suivant la déclaration de 1664, s’obliger pour leurs maris, & à cet effet aliéner & hypothéquer leur dot ; ce qui a été ainsi permis pour la facilité du commerce de ces provinces.
Dans les autres pays de droit écrit, la dot ne peut être aliénée sans nécessité, comme pour la subsistance de la famille ; il faut aussi en ce cas plusieurs formalités, telle qu’un avis de parens & une permission du juge.
Après la dissolution du mariage, le mari ou ses héritiers sont obligés de rendre la dot à la femme & à son pere conjointement, lorsque c’est lui qui a doté sa fille. Si le pere dotateur est décédé, ou que la dot ait été constituée par un étranger, elle doit être rendue à la femme ou à ses héritiers.
Quand la dot consiste en immeubles, elle doit être rendue aussi-tôt après la dissolution du mariage ; lorsqu’elle consiste en argent, le mari ou ses héritiers avoient par l’ancien droit trois ans pour la payer en trois payemens égaux, annuâ, bimâ, trimâ die : par le nouveau droit, elle doit être rendue au bout de l’an, sans intérêt pour cette année ; mais les héritiers du mari doivent pendant cette année nourrir & entretenir la femme selon sa condition.
Il n’est pas permis en pays de droit écrit de stipuler, même par contrat de mariage, des termes plus longs pour la restitution de la dot, à moins que ce ne soit du consentement du pere dotateur, & que la fille soit dans la suite héritiere de son pere. Un étranger qui dote la femme, peut aussi mettre à sa libéralité telles conditions que bon lui semble.
Le mari ou ses héritiers peuvent retenir sur la dot la portion que le mari en a gagnée à titre de survie, soit aux termes du contrat de mariage, ou en vertu de la coûtume ou usage du pays, lequel gain s’appelle en quelques endroits contre-augment, parce qu’il est opposé à l’augment de dot.
On doit aussi laisser au mari une portion de la dot, lorsqu’il n’a pas dequoi vivre d’ailleurs.
La loi assiduis, au code qui potiores, donne à la femme une hypotheque tacite sur les biens de son mari pour la répétition de sa dot, par préférence à tous autres créanciers hypothécaires, même antérieurs au mariage. Mais cette préférence sur les créanciers antérieurs n’a lieu qu’au parlement de Toulouse ; & elle n’est accordée qu’à la femme & à ses enfans, & non aux autres héritiers ; il faut aussi que la quittance de dot porte numération des deniers ; & les créanciers antérieurs sont préférés à la femme, lorsqu’ils lui ont fait signifier leurs créances avant le mariage.
Dans les autres pays de droit écrit, la femme a seulement hypotheque du jour du contrat, ou s’il n’y en a point, du jour de la célébration.
Pour ce qui est des meubles du mari, la femme y est préférée pour sa dot à tous autres créanciers.
A défaut de biens libres, la dot se répete sur les biens substitués, soit en directe ou en collatérale.
En pays coûtumier, la mere est obligée aussi-bien que le pere, de doter sa fille : si le pere dote seul, cela se prend sur la communauté ; ainsi la mere y contribue.
Tous les biens que la femme apporte en mariage, sont censés dotaux, & le mari en a la joüissance, soit qu’il y ait communauté, ou non, à moins qu’il n’y ait dans le contrat clause de séparation de biens.
Pour empêcher que la dot mobiliaire ne tombe toute en la communauté, on en stipule ordinairement une partie propre à la femme ; les différentes gradations de ces sortes de stipulations, & leur effet, seront expliqués au mot Propres.
Les intérêts de la dot courent de plein droit tant contre le pere, & autres qui l’ont constituée, que contre le mari, lorsqu’il est dans le cas de la rendre.
La femme autorisée de son mari peut vendre, hypothéquer, même donner entre-vifs ses biens dotaux, sauf son action pour le remploi ou pour l’indemnité.
La restitution de la dot doit être faite aussi-tôt après la dissolution du mariage, & les intérêts courent de ce jour-là.
L’hypotheque de la femme pour la restitution de sa dot & pour ses remplois & indemnités, qui en sont une suite, a lieu du jour du contrat ; & s’il n’y en a point, du jour de la célébration : elle n’a aucune préférence sur les meubles de son mari.
On peut voir sur la dot les titres du digeste, soluto matrimonio quemadmodùm dos petatur, de jure dotium, de pactis dotalibus, de fundo dotali, pro dote, de collatione dotis, de impensis in res dotales factis ; & au code de dotis promissione, de dote cautâ & non numeratâ, de inofficiosis dotibus, de rei uxoriæ actione, &c. Il y a aussi plusieurs novelles qui en traitent, notamment les novelles 18, 61, 91, 97, 100, 117.
Plusieurs auteurs ont fait des traités exprès sur la dot, tels que Jacobus Brunus, Baldus novellus, Joannes Campegius, Vincent de Palcotis, Constantin, Rogerius, Anton. Guibert, & plusieurs autres. (A)
Dot du mari, est ce que le mari apporte de sa part en mariage, ou plûtôt ce qui lui est donné en faveur de mariage par ses pere & mere, ou autres personnes. Il est peu parlé de la dot du mari dans les livres de Droit, parce que la femme n’étant point chargée de la dot de son mari, il n’y avoit pas lieu de prendre pour lui les mêmes précautions que les lois ont prises en faveur de la femme pour sa dot. Celle du mari ne passe qu’après celle de la femme.
En pays coûtumier, les propres du mari qui font partie de sa dot, se reprennent sur la communauté après ceux de la femme. Voyez Communauté & Propres. (A)
Dot ou Dotation religieuse, (Jurispr.) est ce que l’on donne à un monastere pour y faire profession.
La discipline ecclésiastique a varié plusieurs fois par rapport à ces sortes de conventions, & l’on distingue à cet égard trois tems différens.
Le premier dans lequel il étoit absolument défendu de rien exiger, & seulement permis de recevoir ce qui étoit offert volontairement.
C’est ce qui résulte du canon 19 du second concile de Nicée tenu en 789, qui défend la simonie pour la réception dans les monasteres, sous peine de déposition contre l’abbé, & pour l’abbêsse d’être tirée du monastere & mise dans un autre. Mais ce même canon ajoûte que ce que les parens donnent pour dot, ou que le religieux apporte de ses propres biens, demeurera au monastere, soit que le moine y reste ou qu’il en sorte, à moins que ce ne fût par la faute du supérieur.
Le chapitre veniens 19 extr. de simon. tiré du canon 5 du concile de Tours tenu en 1163, défend toute convention pour l’entrée en religion, sous peine de suspense & de restitution de la somme à un autre monastere du même ordre, où l’on doit transférer celui qui a donné l’argent, supposé qu’il l’ait fait de bonne foi, & non pour acheter l’entrée en religion, autrement il doit être transféré dans un monastere plus rigide. Le chapitre xxx. cod. permet de prendre les sommes offertes volontairement. Le troisieme concile général de Latran tenu sous Alexandre III. en 1179, ordonna que celui dont on auroit exigé quelque chose pour sa réception dans un monastere, ne seroit point promû aux ordres sacrés, & que le supérieur qui l’auroit reçû seroit suspendu pour un tems de ses fonctions.
L’usage d’exiger des dots s’étant aussi introduit dans les monasteres de filles, sous prétexte que le monastere étoit pauvre.
Le chapitre xl. extrà de simoniâ, tiré du concile général de Latran 3e tenu en 1215, défend aussi d’exiger des dots à l’avenir, & ordonne que si quelque religieuse contrevient à cette loi, on chassera du monastere celle qui aura été reçue & celle qui l’aura reçue, sans espérance d’y être rétablies, & qu’elles seront renfermées dans un couvent plus austere pour y faire pénitence toute leur vie.
Le concile ajoûte que ce decret sera aussi observé par les moines, & autres réguliers, & que les évêques le feront publier tous les ans dans leurs diocèses, à ce que l’on n’en ignore.
Le chap. xlj. du même concile veut que les évêques qui exigeront des présens pour l’entrée en religion, comme quelques-uns étoient dans l’usage de le faire, seront obligés de rendre le double au profit du monastere.
L’extravagante commune, sanè in vineâ Domini, traite de pactions simoniaques les sommes même les plus legeres que l’on auroit données, soit sous prétexte de repas, ou autrement ; elle défend de rien exiger directement ni indirectement, & permet seulement de recevoir, ce qui sera offert librement.
Enfin le concile de Trente, sess. 25. chap. iij. défend de donner au monastere des biens du novice, sous peine d’anathème contre ceux qui donnent ou qui reçoivent, sous quelque prétexte que ce soit, pendant le tems du noviciat, excepté ce qui est nécessaire pour la nourriture & entretien du novice.
Dans le second tems, il étoit toûjours défendu aux novices de disposer de leurs biens au profit du monastere, comme il est dit par l’art. 19 de l’ordonnance d’Orléans ; & par l’art. 28 de l’ordonnance de Blois, on permit seulement aux monasteres de stipuler des pensions modiques.
Le concile de Sens tenu en 1528, auquel présidoit le cardinal Duprat alors archevêque de Sens, donna lieu à cette nouvelle discipline ; il ordonne, can. 28, que dans les monasteres de filles on n’en reçoive qu’autant que la maison en peut nourrir commodément, & défend de rien exiger de celles qui seront ainsi reçues, sous quelque prétexte que ce soit ; mais si quelque personne se présente pour être reçue dans ces monasteres, outre le nombre compétent, le concile permet de la recevoir, pourvû qu’elle apporte avec elle une pension suffisante pour sa nourriture ; il ne veut pas néanmoins qu’elle puisse succéder à une des religieuses numéraires, mais qu’en cas de décès de celles-ci, elles soient remplacées par d’autres pauvres filles.
Le concile de Tours tenu en 1583, tit. xvij. permet pareillement de recevoir des religieuses surnuméraires avec des pensions.
La faculté de Paris avoit déjà décidé en 1471, que ces pensions ne pouvoient être reçues que quand le monastere étoit pauvre, & qu’il étoit mieux de ne recevoir aucune religieuse surnuméraire. Denis le Chartreux, de simon. lib. II. tit. j. n’excepte aussi de la regle que les monasteres pauvres.
Au second concile de Milan en 1573, S. Charles Borromée consentit à cette exception en faveur d’un grand nombre de filles de son diocèse, qui voulant faire profession, ne trouvoient point de places vacantes ; mais il ordonna que l’évêque fixeroit la pension. Cette facilité augmenta beaucoup le nombre des religieuses & les biens des monasteres.
Les parlemens tinrent aussi la main à ce que l’on n’exigeât pas des sommes excessives. Celui de Paris, par arrêt du 11 Janvier 1635, défendit à toutes supérieures de couvent de filles de prendre ou souffrir être prise aucune somme de deniers d’entrée pour la réception ou profession d’aucune religieuse, mais seulement une pension viagere modérée : ce qui ne pourroit pour les plus riches excéder la somme de 500 liv. tournois, à peine de nullité & de restitution desdites sommes.
Il intervint même un arrêt de réglement le 4 Avril 1667, qui réitéra les défenses faites à toutes religieuses d’exiger ni de prendre aucune somme de deniers, ni présent, bienfait temporel ou pension viagere, sous prétexte de fondation, ou quelque autre que ce fût, pour la réception des novices à l’habit ou profession, à peine de restitution du double au profit des hôpitaux ; mais on ne voit pas que cet arrêt ait été ponctuellement exécuté.
Le parlement de Dijon ne reçut en 1626 les religieuses de Châlons-sur-Saone, qu’à la charge que les filles joüissant d’un bien de 12000 liv. & au-dessus, ne pourroient en donner que 3000 liv. & que celles qui ne joüiroient que d’un bien au-dessous de 12000 liv. ne pourroient en donner le quart ; & encore à la charge que quand le monastere auroit 4000 liv. de rente, elles ne pourroient plus recevoir de pension viagere.
Le parlement d’Aix, par un arrêt du 3 Août 1646, déclara nulle une clause, portant qu’en cas de décès de la novice sans avoir fait profession, la dot ou partie d’icelle seroit acquise au couvent.
Le troisieme tems ou époque que l’on distingue dans cette matiere, & qui forme le dernier état, est celui qui a suivi la déclaration du roi, du 28 Avril 1693 ; sur quoi il est important d’observer que l’éditeur du commentaire de M. Dupuy, sur les libertés de l’église Gallicane, t. II. édit. de 1715, a rapporté une autre prétendue déclaration aussi datée du mois d’Avril 1693, & qu’il suppose avoir été enregistrée le 24 du même mois. Cette prétendue déclaration permet à toutes les communautés de filles, dans les villes où il y a parlement, de prendre des dots : mais c’est par erreur que l’éditeur a donné pour une loi formée, ce qui n’étoit qu’un simple projet, lequel fut réformé & mis en l’état où l’on voit la véritable déclaration du 28 Avril 1693 ; & la prétendue déclaration & enregistrement du 24 Avril, ont été supprimés par arrêt rendu en la grand-chambre le… Mai 1746, au rapport de M. Severt, sur les conclusions de M. le procureur général.
La déclaration du 28 Avril 1693, registrée le 7 Mai suivant, qui est la véritable, ordonne d’abord que les saints decrets, ordonnances, & réglemens, concernant la réception des personnes qui entrent dans les monasteres pour y embrasser la profession religieuse, seront exécutés ; en conséquence défend à tous supérieurs & supérieures d’exiger aucune chose directement ou indirectement, en vûe de la réception, prise d’habit, ou de la profession. Mais le roi admet quatre exceptions.
1°. Il permet aux Carmelites, Filles de Sainte-Marie, Ursulines, & autres qui ne sont point fondées, & qui sont établies depuis l’an 1600, en vertu de lettres patentes bien & dûement enregistrées aux cours de parlement, de recevoir des pensions viageres pour la subsistance des personnes qui y prennent l’habit & y font profession ; il est dit qu’il en sera passé acte devant notaires avec les peres, meres, tuteurs, ou curateurs ; que les pensions ne pourront sous quelque prétexte que ce soit, excéder 500 liv. par an à Paris & dans les autres villes où il y a parlement, & 350 liv. dans les autres villes & lieux du royaume ; que pour sûreté de ces pensions, on pourra assigner des fonds particuliers dont les revenus ne seront pas saisissables, jusqu’à concurrence de ces pensions, pour dettes créées depuis leur constitution.
2°. La déclaration permet aussi à ces monasteres de recevoir pour les meubles, habits, & autres choses absolument nécessaires pour l’entrée des religieuses, jusqu’à la somme de 2000 liv. une fois payée, dans les villes où il y a parlement, & 1200 l. dans les autres villes & lieux, dont il sera passé acte devant notaire.
3°. Au cas que les parens & héritiers des personnes qui entrent dans les monasteres ne soient pas en disposition d’assûrer une pension viagere, les supérieurs peuvent recevoir une somme d’argent ou des immeubles, pourvû que la somme ou valeur des biens n’excede pas 8000 liv. dans les villes où il y a parlement, & ailleurs celle de 6000 liv. que si on donne une partie de la pension, & le surplus en argent ou en fonds, le tout sera reglé sur la même proportion ; que les biens ainsi donnés, seront estimés préalablement par experts nommés d’office par les principaux juges des lieux, lesquels promettront de recevoir ces biens, & qu’il sera passé acte de la délivrance devant notaire.
4°. Il est permis aux autres monasteres, même aux abbayes & prieurés qui ont des revenus par leurs fondations, & qui prétendront ne pouvoir entretenir le nombre de religieuses qui y sont, de représenter aux archevêques & évêques des états de leurs revenus ou de leurs charges, sur lesquels ils donneront les avis qu’ils jugeront à-propos touchant les monasteres de cette qualité, où ils estimeront que l’on pourra permettre de recevoir des pensions, des sommes d’argent, & des immeubles de la valeur ci-dessus exprimée, & sur le nombre des religieuses qui y seront reçûes à l’avenir, au-delà de celui qu’ils croyent que ces monasteres peuvent entretenir de leurs revenus, pour sur ces avis des archevêques & évêques, être pourvû ainsi qu’il appartiendra.
La déclaration de 1693 porte encore que les pensions promises avant ou depuis l’année 1667, auront lieu, à moins qu’elles ne fussent excessives, auquel cas elles seroient réduites aux termes de cette déclaration.
Pour obvier aux fraudes que l’on pourroit commettre dans la vûe d’éluder cette loi, le roi défend aux femmes veuves & filles qui s’engagent dans les communautés séculieres, dans lesquelles l’on conserve sous l’autorité de la supérieure la joüissance & la propriété de ses biens, d’y donner plus de 3000 l. en fonds, outre des pensions viageres, telles qu’elles sont ci-dessus expliquées.
Il est aussi défendu aux pere, mere, & à toutes autres personnes, de donner directement ni indirectement aux monasteres & communautés, aucune chose autre que ce qui est permis par cette déclaration, en considération des personnes qui font profession & s’engagent, à peine de 3000 liv. d’aumône contre les donateurs ; & à l’égard des monasteres, ils perdront les choses à eux données, ou la valeur, si elles ne sont plus en nature : le tout applicable aux hôpitaux des lieux.
Enfin le Roi déclare qu’il n’entend pas comprendre dans cette prohibition les dotations qui seroient faites aux monasteres, pour une rétribution juste & proportionnée des prieres qui y pourroient être fondées, quand même les fondateurs y auroient des parens, à quelque degré que ce puisse être.
Cette déclaration a lieu contre les communautés d’hommes, de même que contre les communautés de filles.
Elle n’est pas observée à la rigueur au grand-conseil à l’égard des religieuses d’ancienne fondation ; on y juge qu’elles peuvent recevoir pour dot religieuse des sommes modiques.
Il nous reste encore quelques observations à faire sur cette matiere.
La premiere, que les parens qui héritent des biens d’une fille qui se fait religieuse, doivent contribuer à proportion de l’émolument au payement de sa dot, soit en pension, ou en une somme à une fois payer, ou en fonds ; parce que c’est une charge réelle qui affecte toute la succession.
La seconde observation est qu’un couvent qui a renvoyé une religieuse, ou qui ne la veut plus recevoir, ne peut retenir sa dot.
La troisieme est qu’en cas de translation dans un ordre plus austere, sa dot la suit, sur-tout si cela a été ainsi stipulé.
La quatrieme est que la dot doit être rendue au religieux ou religieuse qui a été relevé de ses vœux. Voyez les lois ecclés. de M. d’Héricourt, tit. des vœux solennels ; le recueil de jurispr. can. de M. Lacombe ; & aux mots Religieux, Profession, Simonie, Vœux. (A)